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EAN : 9782359251241
250 pages
Les Empêcheurs de penser en rond (01/09/2022)
4.31/5   43 notes
Résumé :
Après avoir travaillé en Alaska avec le peuple Gwich'in, Nastassja Martin a franchi le détroit de Béring pour entamer une recherche comparative au Kamtchatka.

Pendant l'époque soviétique, les Even, peuple nomade d'éleveurs de rennes, ont été sédentarisés dans des fermes collectives. Après la chute du régime, beaucoup ont continué d'être les bergers des rennes qui ne leur appartenaient plus, les troupeaux étant aux mains d'entreprises privées. Depuis ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Prolégomènes : Lire Nastassja Martin est une vraie expérience . Ce n'est ni "Tintin au Congo" , ni "La panthère des neiges". Pas de simplifications, pas d'aphorismes. A l'Est des Rêves est donc une lecture exigeante , le propos est pur et dur comme la riviére Icha , lorsqu'elle est gelée. La première de couverture, magnifique, montre le volcan Itchinski et son reflet dans un lac de toundra. C'est le "terrain" de l'anthropologue. Si vous avez lu Croire aux fauves et que vous vous attendez à croiser des ours dans cette histoire, vous risquez d'être décu !!! Croire aux fauves serait plutôt le Spin off de A l'Est des rêves , même s'il a été publié avant. Ceci étant dit , zou, vous êtes prêts à embarquer ...

Il faut d'abord aller au Kamtchatka ,ce qui n'est pas une mince affaire, le Kamchatka, c'est la Russie, un pays en guerre, comme vous le savez sûrement... Après c'est tout un bazar pour rejoindre le camps de base d'Icha : 4X4 , motoneige, puis bateau . le voyage est long pour rejoindre les Even qui en 1989 sont repartis en forêt pour tenter ( je dis bien "tenter", car c'est compliqué ) de recréer un mode de vie autonome fondé sur la chasse, la pêche, la cueillette.
Nastassja ou plutôt Nastia, comme on l'appelle là-bas, va vivre, manger, dormir , chasser , pêcher avec sa famille autochtone. le plus souvent au pied du volcan, au bord de la rivière mais parfois ailleurs : dans la famille de Daria ( qui est le personnage-clé du livre ) et donc dans d'autres campements voir en appart à Esso ( qui est la ville la plus proche, la plus touristique aussi, la plus "folklorisée".
Nastia va apprendre à" rêver vraiment" et c'est là un des enjeux majeurs du livre.
L'autre enjeu est celui de l'alternative écologique au désastre systémique du monde, grâce un mode de vie spécifique . Mais je ne veux pas spolier!!!
Nastassja, elle, s'adosse à un corpus théorique impressionnant . Élève de Philippe Descola , elle connait son Lévi-Strauss par coeur, cite abondamment Durkheim et se frotte à Freud , Jung, Foucault etc...La bibliographie de fin de livre n'est pas là que pour le fun !
Elle fait aussi référence à toute une nouvelle génération d'anthropologues jeunes et plutôt sympas : son pote Stépanoff bien sur ( son collègue de terrain pour le moins ), mais aussi Baptiste Morizot, Vinciane Despret etc...
Bien sur elle parle aussi de Bruno Latour disparu récemment et de Gaia, son concept-ressource.

Du coup le livre alterne scènes de la vie quotidienne et hypothèses théoriques de très très haute volée. Parfois même tout cela s'entrecroise, en particulier lorsqu'elle évoque les différentes formes de chamanisme des peuples autochtones du grand Nord ( sibériens, américains etc...)
C'est souvent lumineux et poétique mais c'est aussi profondément mélancolique.
N.Martin ne se ment pas et ne ment à personne . Une scène de braconnage est particulièrement effroyable!!

Incidemment on apprend qu'elle a eu une petite fille, mais c'est à peu prés tout : ici on ne parle pas d'intime. On ne sait rien de sa vie affective et c'est tout de même un peu frustrant....
On parle peu d'émotions . La parole est performative . Parler c'est faire. Donc chutttt...
Alors un petit conseil pour aborder sereinement ce livre essentiel . Tranquillou, vous passez une petite heure sur Youtube à visionner sa première conf d'après publication, à La Manufacture d'idée 2022.

Un livre majeur, important , à lire absolument avant la fin du monde pour mieux comprendre ce qui fait famille, ce qui fait peuple, par delà Nature et Culture.Mais aussi pour réapprendre de sa sensorialité .
Et ,qui sait, pour une nuit peut-être , apprendre à rêver . A rêver pour de vrai.
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« Winter is coming... »

Cette sentence emblématique de la série « Games of thrones » convient parfaitement pour amorcer cette chronique sur cet essai de Nastassja Martin « A l'Est des rêves », auteure notamment du saisissant « Croire aux fauves » dont j'ai précédemment rédigé une chronique.

Dans « Games of thrones », la « Garde de la nuit » veille à l'extrême Nord de Westeros. Elle est aux avant- postes pour affronter le péril mortel du froid et des créatures d'outre tombe.
Les royaumes et leurs souverains sont dans l'ignorance ou le déni de la nuit « sombre et pleine de terreur » qui progresse inexorablement.

L'anthropologue, avec « A l'Est des rêves » continue de retranscrire ses investigations de terrain dans le grand Nord. Elle a parallèlement étudié les populations des deux côtés du détroit de Bering les Gwich'in en Alaska et les Even au Kamtchatka russe.

Ces populations sont aux avants-postes du dérèglement climatique, comme le sont les Indiens d'Amazonie. Ces hommes et ces femmes subissent violemment la catastrophe dans leur quotidien de (sur)vie, tandis que pour nos gouvernants politiques et économiques, le dérèglement climatique n'est qu'un élément de langage parmi d'autres. On s'agite d'une COP à l'autre à coups de textes légaux et réglementaires, morts nés et en toute hypothèse ils ne traitent qu'une partie des problèmes.

Avec ces circulaires, l'air ne circule pas plus propre.

De plus, les Even ont du affronter l'effondrement depuis 1989 du pouvoir politique de l'ex-URSS.
Ces territoires offrent par conséquent une matière première in vivo, d'un intérêt tragique mais inspirant, de l'adaptation et de la détresse des hommes dans des situations d'effondrement.


Les bouleversements sont déjà à l'oeuvre dans le grand Nord, l'Arctique ne joue plus son rôle de régulateur thermique, la fonte du permafrost provoque l'effondrement des berges La taïga brûle, la faune se raréfie, le permafrost se disloque…

Les Even ne peuvent revenir au mode de vie pré-soviétique, les rennes ne sont plus avec eux. Beaucoup se lancent peu ou prou dans le braconnage pour satisfaire la demande des riches des villes en Russie et ailleurs. Des filières quasi industrielles fonctionnent en toute impunité, leurs responsables ont les ressources pour corrompre, contrairement à ceux qui pratiquent un braconnage de survie.

Face au dérèglement climatique, l'auteure rappelle que le débat en définitive est binaire.
Deux camps s'affrontent. Pour les uns la catastrophe, intimement liée à notre modèle économique, est inévitable et déjà en cours (collapsologie), pour les autres, il faut faire confiance à la géo-ingénierie qui va sauver la Terre.

Cette géo-ingéniérie est un leurre ; elle peut être séduisante a priori et fonctionner en laboratoire, mais en application industrielle c'est une toute autre histoire ; surtout il y a des dommages collatéraux imprévisibles et irréversibles. La technologie EPR n'est toujours pas techniquement et économiquement maîtrisée et dans le scénario le plus rose elle ne serait opérationnelle que trop tard eu égard au calendrier de l'urgence climatique.
Et contrairement à ce que les nucléaristes martèlent dans une mortelle propagande, la filière nucléaire est sale, très sale, dangereuse, très dangereuse.
En particulier, on met sous le tapis les montagnes de déchets ultimes à forte toxicité en espérant (??) que nos enfants, petits enfants trouveront une solution et qu'entre temps aucun « accident » majeur et/ou folie humaine ne mettent le feu à ces déchets hautement inflammables.
Certains scientifiques font des propositions pour « refroidir la terre » comme le plan Paul Crutzen qui consisterait à infecter l'atmosphère (pardon injecter...) avec du souffre…
En somme, se rapprocher des effets d'une méga éruption volcanique qui voile le soleil. Qui peut savoir ce que deviendrait la photosynthèse dans ces conditions ?

On retrouve l'éternelle prétention de l'homme à se croire maître de l'univers, comme si c'était lui (ou un Dieu à son service) qui avait créé l'air, l'eau, le feu, la terre.
Sans remonter aux textes bibliques canoniques, la philosophie occidentale regorge de cette croyance en la domination de l'homme à contrôler les éléments. Ainsi pour Descartes dans son ouvrage fondateur :
« nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » (Discours de la méthode 1637 ed Garnier Flammarion p. 84)

Nastassja Martin a identifié une troisième voie au Kamtchaka : l'animisme. Ses travaux se sont d'abord inscrits dans ceux de Philippe Descola puis de Charles Stepanoff avec lequel elle a initié sa première campagne au Kamtchatka.

C'est lors d'une de ses campagnes suivantes en solo que le 25 août 2015 elle a du affronter cet ours. A cet égard il n'est pas neutre de relever que la fille de l'anthropologue s'appelle Ayla,...difficile de ne pas procéder au rapprochement avec l'héroïne de la saga culte préhistorique de Jean Marie Auel « Les enfants de la Terre » où Ayla encore enfant est « choisie » par un ours des cavernes qui la marque profondément de ses griffes en épargnant l'enfant.

Le constat de l'anthropologue est que l'animisme est une réponse à la crise écologique. On rappellera que l'animisme est la croyance que l'homme partage avec tous les êtres vivants (animaux et végétaux) et éléments de la Nature (minéraux, nuages, rivières….) une âme. Dans certaines conditions, notamment lors de rêves, les âmes communiquent.
Ce sont les corps qui séparent les âmes. Il importe de recréer une fluidité dans cette communication, en particulier les animaux précédent les humains, ils anticipent les changements (p. 163), les catastrophes qui sont à l'oeuvre sont en lien avec la rupture opérée avec les êtres et éléments qui.nous entourent et avec lesquels nous sommes en définitive intiment liés.

Au regard de la pensée dominante occidentale, au contraire, ce sont les apparences corporelles qui nous rapprochent sur une base biologique, etc e qui nous différencie ce sont nos âmes. C'est le naturalisme qui s'oppose à l'animisme..

« Nous venons d'une humanité qui commence tout juste à reconnaître péniblement qu'on puisse s'adresser aux animaux et aux plantes, mais qui conçoit difficilement qu'on puisse vraiment parler à une rivière, au feu, au ciel. » (p. 275)

Pourtant, les consciences ne sont plus autant sédimentarisées.
Ainsi la question, impensable il y a peu, de l'octroi de la personnalité juridique à un cours d'eau, à une montagne ….a été introduite dans le débat public.

Sur un plan plus philosophique, cela questionne naturellement sur la sacro-sainte distinction entre Nature et Culture, existe t-il une pensée indépendante de l'homme, antérieure (p. 246 et 247)  ? N'en déplaise à des professeurs de philosophie académiques type Luc Ferry, ces interrogations n'ont rien d'azimutées.

L'animisme et son terroir du Grand Nord ne sont naturellement pas exportables en l'état à nos sociétés occidentales.
Toutefois, cette étude de Nastassja Martin confirme s'il en était besoin, combien une mutation spirituelle est nécessaire
« En remplaçant le sacré par la raison et la science il (le monde moderne) a perdu tout sens des limites et par là même, c'est le sens qu'il a sacrifié. (…) La science, en tout cas ne peut plus échapper à sa responsabilité (…) les scientifiques préfèrent de beaucoup s'abriter derrière le mythe de la neutralité de la science » (« La marque du sacré » Jean-Pierre Dupuy p. 104, 115 et 116 et du même auteur notamment « Retour de Tchernobyl Journal d'un homme en colère »)

Cette mutation doit se matérialiser dans un changement radical de notre « modèle » économique (Entre autres, Hervé Kempf « Comment les riches détruisent notre planète », « Le libéralisme contre le capitalisme » de Valérie Charolles)

Ces révolutions culturelles doivent intervenir pour lutter contre nos démons et permettre de réagir face au dérèglement climatique.

En conclusion, formellement, la lecture de ce livre est un peu déconcertante. le propos n'est pas linéaire, alternant des séquences de terrain, d'autres plus théoriques. Mais pour autant, pas besoin d'être docteur es anthropologie pour suivre l'auteure.
Mais sur le fond, un livre très intéressant, stimulant.
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De cet essai anthropologique parfois très pointu, je garde ce côté onirique de la nature qui a donné le titre au livre. Au Kamtchatka, ceux qui sont retournés en forêt quand l'Union Soviétique s'est dissoute, ont retrouvé la relation que leur peuple entretenait avec la nature, de manière pourtant très discrète pour le profane.
Certains, comme Daria, chantent pour la rivière, mais surtout, ils écoutent ce que leurs rêves leur disent dès que la nature y joue un rôle. L'intérêt est très pragmatique: chasser, pêcher au bon endroit, éviter l'ours, être informé du changement prochain de saison.
J'ai pris plaisir à retrouver Daria et sa famille, que je venais de quitter dans le beau récit Croire aux Fauves. J'ai mieux compris l'enjeu que tenait le rêve et la symbolique dans celui-ci grâce à cet essai.
Au delà de ça, j'ai trouvé très intéressant la perspective de Nastassja Martin envers son domaine, l'anthropologie, bien que sur ce point je me suis souvent sentie très ignorante, et donc perdue. Elle met clairement en relation la manière dont vit cette population et l'histoire récente de la Russie / URSS.
On est loin du chercheur occidental paternaliste à la recherche d'exotisme, la relation que l'auteure entretient avec cette population est horizontale et son regard parfois presque naïf lorsqu'elle interroge Daria sur sa relation aux éléments naturels.
Cet essai est une vraie ouverture sur le monde.
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On s'attend naïvement des études ethnographiques qu'elles nous plongent dans le passé immémorial de sociétés immuables, surtout s'il s'agit des peuples nomades et chamaniques du Grand Nord. Ici, c'est le contraire. Deux terrains sont explorés comparativement : les Gwich'in d'Alaska et surtout les Even du Kamtchatka. Victimes de manières différentes de la colonisation, de la sédentarisation, de la folklorisation de leur culture, spoliées et ghettoïsées, les deux communautés autochtones ont subi de plein fouet l'assaut de la grande Histoire, surtout les Orientaux. Après que l'Union soviétique a collectivisé leurs élevages de rennes, les a sédentarisés dans les kolkhozes, sa chute a nouvellement privé les Even de leurs troupeaux passés aux mains d'entreprises privées, et la disparition de l'État social a considérablement aggravé leur quotidien. S'y ajoutent à présent les fléaux de l'extractivisme, du braconnage et surtout du réchauffement climatique avec dérèglements des écosystèmes conséquents. La modernité dans toute sa fureur. Comment réagissent ces peuplades qui se trouvent au seuil de l'extinction ? Eh bien, par un retour à la forêt et, dans la mesure du possible, à leur mode de vie ancestral fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette. Pour s'orienter dans leur milieu aux conditions extrêmes, ils ont tenté de renouer les fils de leur savoir atavique, fait d'un dialogue esquissé avec les êtres, les animaux et les éléments ; mais les chamanes ont disparu, leurs gestes ont été oubliés, leurs rites ont été vidés de toute substance, et le besoin est là de biens qui ne sont accessibles que par l'économie monétisée : l'essence et les pièces de rechange pour les moteurs, le sucre, la farine, le tabac, l'alcool... de ce fait, en pleine contradiction avec leurs croyances et leurs valeurs, la mort dans l'âme et la culpabilité aux aguets, les jeunes eux-mêmes se livrent au braconnage, à la surexploitation des ressources halieutiques et de la faune sauvage, sans être à l'abri de la fraude des anciens colons, concitoyens plus rusés qu'eux, « businessmen » sans états d'âme. Avec la disparition de la dernière génération des anciens, s'estompent la mémoire collective ainsi que l'abondance des moyens de subsistance dans un milieu de plus en plus dégradés : restent cependant les mythes – qui sont savamment étudiés par l'autrice – l'élan vers l'autonomie et peut-être quelques instruments cognitifs de résistance « pas seulement cosmologiques mais politiques », « par-delà les formes » désormais perdues (p. 275). de plus, ces collectivités en sursis sont peut-être là pour témoigner à l'anthropologue et à nous tous un système sémantique des rapports au cosmos, fondé sur les rêves performatifs, sur une « pragmatique animiste » très peu dogmatique, et sur un mode d'interactions avec les écosystèmes qui sont assurément plus durables et moins délirants que les nôtres (qui mêlent de façon variable la collapsologie à l'entêtement techno-positiviste)...
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Après avoir séjourné deux ans parmi les Gwich'in d'Alaska (expérience qu'elle relate dans Les Ames sauvages), l'anthropologue Nastassja Martin est allée au Kamtchatka pour vérifier l'intuition que, de l'autre côté du détroit de Béring, les communautés autochtones avaient probablement subi les mêmes effets pervers de la colonisation.

Au Kamtchatka, Nastaja Martin a partagé l'existence quotidienne d'une famille even qui a fait le choix de retourner vivre en forêt après la chute de l'Union soviétique. Vivant de la pêche, de la chasse et de la cueillette, ils ont tenté de retrouver une forme de vie proche de celle que leurs parents ont connue avant la création des kolkhozes et la fin du nomadisme, tout en profitant des conforts de la modernité : bateau à moteur, farine, sucre… Ces éléments nécessaires à leur survie les placent dans une situation ambiguë : vendre suffisamment de peaux de zibeline et de caviar pour subvenir à leurs besoins essentiels au dépend de leurs relations aux êtres vivants ancrées dans leurs traditions ancestrales. Cette approche animiste de leur environnement n'est plus médiatisée par les chamanes qui ont disparu avec le communisme. Elle réapparaît par l'appropriation des rêves qui permettent la communication avec les autres vivants.

Ce livre questionne également les différentes approches anthropologiques et aborde la question des mythes. Il nous révèle d'autres façons de penser et d'être au monde que nous, occidentaux, en majorité urbains, avons oublié en faisant de la nature un objet d'exploitation, ce qui se traduit par une surexploitation des ressources avec les conséquences sur la biodiversité et le climat dont nous commençons à prendre conscience. Cette surexploitation, les collectifs autochtones en subissent de plein fouet les effets à travers le changement climatique. Constat pessimiste qui s'achève sur une note d'espoir : à l'Est naissent les rêves et ils nous annoncent que d'autres modes de vie sont possibles.
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critiques presse (5)
Actualitte
02 mars 2023
Février 2022. A proximité de Fort Yukon. Là où le fleuve éponyme atteint son point le plus septentrional avant de repartir se jeter dans le Pacifique Nord, au Sud du Détroit de Béring, à près de 1000 kilomètres de là, vers l’ouest.
Lire la critique sur le site : Actualitte
OuestFrance
03 janvier 2023
Après Croire aux fauves, l'anthropologue du Grand Nord subjugue à nouveau avec ce récit édifiant, fruit de son expérience auprès d'un collectif autonome du Kamchatka, où se confrontent cosmologie autochtone et réalité politique délétère.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
LaLibreBelgique
29 décembre 2022
Lors de l'effondrement soviétique, certains Even du Kamtchatka ont posé un choix inattendu, riche d'enseignements.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LePoint
29 décembre 2022
Par de longues discussions et observations, l'anthropologue déchiffre les manières d'être au monde des membres de cette famille, tant dans sa substance matérielle face à un environnement modifié par le réchauffement climatique que dans son rapport animiste aux éléments et aux relations entre les éléments (rêves performatifs sur les chasses et les pêches, dialogue avec les rivières).
Lire la critique sur le site : LePoint
Bibliobs
22 août 2022
Dans « A l’est des rêves », l’anthropologue Nastassja Martin raconte comment une minorité autochtone de la Russie orientale a choisi de retourner vivre dans la forêt. Pour répondre à des crises qui sont aussi les nôtres.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
6. « Qu'est-ce que tu fais ici à la fin ? Pourquoi tu ne vis pas à Manach', à Drakoon ou à Tvaïan avec les autres, plutôt que de rester tout seul ici ? Appa a détourné le regard de la rivière, ce beau regard enfoui derrière des rides millénaires, et l'a posé sur moi. J'attends, a-t-il dit. Tu attends quoi ? J'attends la fin. La tienne ? La nôtre, à tous. Tu sais ce qu'ils font à la mine ? a-t-il encore dit. Oui, je sais. Eh bien alors tu as déjà compris. J'attends la catastrophe, parce que quand elle viendra, je veux pouvoir la regarder bien en face, droit dans les yeux. Je serai là où tout commencera, et où tout finira. En attendant, je rêve. » (p. 269)
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Ce livre témoigne d’une folie intellectuelle et d’un voyage impossible dont j’ai conçu le désir un jour d’hiver comme tant d’autres à Fort Yukon. Ce livre est une réponse. Une réponse à Dacho, à son père et à moi-même, aux âmes sauvages que j’ai écrites et qui n’étaient qu’un début, le début d’autre chose auquel je ne m’attendais pas.

Préface, p. 13-14
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2. « Ces exemples montrent qu'en situation de crise, telle que celle impliquée par le réchauffement climatique et par l'exploitation à outrance des ressources naturelles dans le cas de l'Alaska, les modalités d'être dans lesquelles on a tenté d'ordonner les habitants d'un territoire particulier implosent. Ce que j'appelle provisoirement, sur les traces de Philippe Descola, une pragmatique animiste, resurgit au moment où l'on s'y attendait le moins, parce qu'elle se trouve plus à même de répondre à la destruction des formes stabilisées par et dans le processus colonial. Le renouveau des pratiques de chasse et pêche, doublé des histoires mythiques qui refont surface, s'avérant plus pertinent pour comprendre l'hybridation des êtres et leur fuite hors des cadres d'espèces les confinant dans certaines habitudes et dispositions, en sont les signes majeurs. » (pp. 73-74)
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1. « Les danses, les chants, les performances masquées, c'est-à-dire tous les éléments composant les pratiques rituelles destinées aux autres qu'humains, avec lesquels on se mettait en devoir d'ouvrir la possibilité d'un dialogue, doivent être vidés de leurs relations – qui leur conféraient une raison d'être – pour se convertir en formes pures, dès lors assignables au domaine de la représentation "artistique" desdits rituels. En somme, le fond des pratiques (les relations interspécifiques nouées dans et par les rituels) doit être hypothéqué au profit de la forme (donner à voir un rituel dissocié des effets qu'il devait produire sur le monde). » (p. 57)
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P 57 - Les danses, les chants, les performances masquées, c'est-à-dire tous les éléments composant les pratiques rituelles destinées aux autres qu'humains, avec lesquels on se mettait en devoir d'ouvrir la possibilité d'un dialogue, doivent être vidés de leurs relations – qui leur conféraient une raison d'être – pour se convertir en formes pures, dès lors assignables au domaine de la représentation "artistique" desdits rituels. En somme, le fond des pratiques (les relations interspécifiques nouées dans et par les rituels) doit être hypothéqué au profit de la forme (donner à voir un rituel dissocié des effets qu'il devait produire sur le monde). Ces politiques soviétiques visent à entériner une césure dont on longe encore l’abîme à l’heure actuelle : le « culturel » doit être disjoint du « social » pour devenir une simple forme d’expression, et non plus une manière particulière d’organiser les relations au monde. Le « social » dépendra d’une gestion l’État (le fond) et les cultures, appréhendées sur un mode uniquement représentationnel (la forme), demeureront, dans leur diversité colorée inoffensive, l’apanage des autochtones.
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Vidéo de Nastassja Martin
Festival L'Histoire à venir 2023 Il était une fois le progrès  -- Rencontre avec Nastassja Martin autour de À l'est des rêves : réponses Even aux crises systémiques publié aux éditions Les empêcheurs de penser en rond. En compagnie d'Adeline Grand-Clément -- Découvrez le livre À l'est des rêves (https://www.ombres-blanches.fr/product/49103/nastassja-martin-a-l-est-des-reves-reponses-even-aux-crises-systemiques) -- 25/05/2023 -  Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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