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Florence Lévy-Paoloni (Traducteur)
EAN : 9782384820313
Philippe Rey (24/08/2023)
3.74/5   433 notes
Résumé :
1970. Une explosion a lieu dans un sous-sol, à New York, causée par une bombe artisanale. Parmi les apprentis terroristes décédés : la mère de Joan, six ans. Dans l'espoir fou de mener une vie ordinaire, la grand-mère de la fillette précipite leur départ, loin du drame, et lui fait changer de prénom : Joan s'appellera désormais Amelia.
À l'âge adulte, devenue épouse, mère et artiste talentueuse, Amelia vit une seconde tragédie qui la pousse à fuir de nouveau... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (85) Voir plus Ajouter une critique
3,74

sur 433 notes
J'ai lu presque tous les livres de Joyce Maynard, et jusqu'à présent je n'en avais pas noté un seul à moins de quatre étoiles. Vous comprenez donc que j'attendais beaucoup de cette lecture, et cela restera une demie déception pour moi.

Joan, renommée Amelia, perd sa mère à six ans dans une explosion, lors de la préparation d'une bombe. Elle sera élevée par sa grand-mère et trouvera momentanément le bonheur auprès de Lenny avec qui elle aura un fils. Après un drame, elle fuit son passé dans un endroit inconnu, au bord d'un lac au pied d'un volcan. Et c'est l'histoire de sa nouvelle vie que l'autrice nous raconte. Une vie de reconstruction, une vie où elle va peu à peu retrouver la paix à défaut du bonheur, une vie où elle rencontrera à la fois la bonté et la trahison.

J'ai aimé retrouver l'écriture de Joyce Maynard, que j'apprécie. J'ai aimé le voyage dans une nature luxuriante, où il fait bon vivre globalement, même si tout n'est pas rose et si quelques mauvaises surprises attendent l'héroïne. J'ai aimé le début qui explique la vie d'Amélia avant de quitter les États-Unis. J'ai aimé la fin qui accélère presque brutalement le rythme du livre, rythme qui, il faut bien le dire, était un peu trop lent à mon gout. J'ai regretté que quasiment la moitié du livre soit faite de petits chapitres mettant en scènes des personnages extérieurs à l'histoire principale, j'avais hâte de retrouver celle-ci et de savoir ce qui allait arriver à Amélia. J'espérais quelques rebondissements, qui sont venus mais m'ont cependant laissée sur ma faim.

Je n'ai retrouvé dans ce livre ni la tension que l'autrice avait su instaurer dans certains de ses livres, ni le torrent d'émotions de certains autres.
Son héroïne m'a semblé bien pâlichonne à côté d'autres, et je l'ai trouvée très spectatrice de sa vie.
J'ai quand même passé un bon moment, l'écriture est très fluide, les chapitres courts et le livre se lit donc rapidement. A ceux qui n'ont jamais lu l'autrice, je ne conseillerais pas celui-ci. Cela serait vraiment dommage. Elle vaut mieux que cela.

Merci à toutes mes compères de cette lecture commune: Bidule62, BiblioJoy, Sevlipp, misslaure et iris29, dans l'ensemble plus enthousiastes que moi.
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Roman de " grande classe " , superbe , qui m'a entraîné au bout du monde avec une femme qui , accablée de douleur , a su trouver le chemin de la résilience et parvenir enfin à se libérer d'entraves qu'elle pensait devoir supporter à vie .
Evidemment , l'auteure , c'est Joyce Meynard et si je vous dis que j'ai adoré tous les romans qu'il m'a été donné de lire d'elle , vous comprendrez que , peut -être , je ne suis pas parfaitement objectif .Je ne suis qu'un lecteur qui donne son opinion , pas un critique littéraire , donc j'assume .
C'est un trés beau roman dont le cadre principal se trouve prés d'un lac et d'un volcan , cadre sublime s'il en est , parsemé de fleurs et de plantes magnifiques et miraculeuses ....Quant à l'odeur , elle jaillit à chaque page ...
Dans l'hôtel , puisque c'est d'un hôtel qu'il s'agit ,vont évoluer principalement des femmes , de magnifiques personnes qui , chacune à leur place , sauront faire face avec courage et abnégation à des évènements pas toujours sympathiques , douloureux , même. Quant aux hommes , ils sont bien là aussi mais .....ma modestie me pousse à ne rien vous en dire , vous verrez par vous mêmes . Allez , venez à " l'hôtel aux oiseaux " , faites vous guider depuis l'embarcadére par un jeune du village , posez vos valises en haut de l'escalier en pierres et rencontrez tous ces gens qui vont se succéder parmi vous pour échapper au monde , pour se ressourcer , comme on dit .Tous ne vont pas vous émouvoir , mais tous sauront vous toucher...
Ce livre est un pavé ( 520 pages ) dont on tourne les pages avec gourmandise , curiosité , envie , un roman où la force des caractères se forge dans une ambiance majestueuse dont il convient toutefois souvent de se méfier . " Amélia vous attend au paradis et , pendant un temps , c'est la sérénité qui vous étreindra jusqu'à .....
Allez , bonne lecture , l'Eden se présente à vous . Ah mince , j'oubliais .Demain , boulot ? Lundi , en plus ? Je vous plains . Amis retraités , nous , on continue !
A trés bientôt .
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Ayant proposé ce livre en “Lecture commune ” pour un challenge, je fus bien embêtée lorsque , arrivée aux environ de la page 100, je trouvais ce roman barbant.
Seule, je l'aurai abandonné, mais intriguée par les avis entousiastes de mes co-lectrices, j'ai persévéré. Et petit à petit, la musique a pris, mais ce fut laborieux...

Un jour, Joan ( 6 ans) a été amenée chez sa grand-mère, sa mère n'est jamais venue la chercher. On a droit à un peu l'histoire de sa mère...
Acte 2, on est en 1970 : Joan devient Amelia, parce que sa mère a péri dans l'explosion d'une bombe artisanale, dans la maison qu'elle habitait avec ses “amis-aspirants terroristes ”. La grand-mère de Joan, de peur qu'elles ne soient poursuivies, assaillies par les journalistes, stigmatisées et détestées de la population, jugea judicieux de déménager vite fait, et prendre une autre identité.
Acte 3, Amelia subit une perte immense, et pour se reconstruire, fuit à l'autre bout du monde, en Amérique Centrale. Elle trouve refuge à l'hôtel des oiseaux.

S'en suit un défilé de clients, habitants du cru, touristes, que Joyce Menard nous décrit aussi longuement que la vie d'Amelia, si bien que parfois , on ne sait plus de qui on suit l'histoire. On ne sait plus s'il s'agit d'un portrait de femme, de destin brisé et reconstruit, ou si c'est une fresque avec moults vies esquissées, car l'autrice reste toujours à la surface des choses. Un peu superficielle parfois, un peu ennuyeuse aussi, Joyce Maynard finit pourtant par retomber sur ses pattes et nous livrer dans un bouquet final, la suite de la vie des personnages principaux du début. Il suffit juste d'être patient...
Et patiente, je ne l'ai pas été au début, mais c'est si long, à se mettre en place , si pleins de détails inutiles...
Joan/Amelia subit tant de malheurs...
Et en même temps, comme pour contrebalancer , certaines personnages sont si (anormalement) généreux avec elle, lui donnant de l'argent, des biens, la faisant passer avant leur famille, leurs amis. Qui fait ça ?
J'ai été “prise” dés qu'Amelia rénove l'hôtel, s'occupe du jardin . Les couleurs, le côté luxuriant de la nature, le nom des fleurs, m'ont progressivement charmés me permettant d'échapper à l'automne français.
Le chemin fut long, mais au final, mon esprit ne gardera que l'essentiel . C'est l'histoire de Joan/Amelia qui malgré un mauvais départ dans la vie, réussit à se reconstruire grace à la beauté du monde et une effusion de couleurs.


Beaucoup de longueurs, beaucoup (beaucoup) d'ennui, beaucoup trop de personnages de passage, mais aussi : de jolis moments et une couverture sublime ...
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Quand on me propose une LC, j'ai du mal à dire non. Mais en plus si le livre choisi est le dernier de Joyce Maynard, là je saute sur l'occasion !
J'ai aimé "les règles d'usage" et "où vivaient les gens heureux" et je me suis régalée avec cet "hôtel des oiseaux". Peut-être pas autant qu'avec "où vivaient les gens heureux" qui a été un véritable coup de coeur. Mais quand même j'ai passé un bon moment dans cet hôtel situé en Amérique centrale entre lac et volcan.
.
Le début m'a intriguée, début où on suit aux Etats-Unis une jeune femme qui cache sa véritable identité. Qui finalement va fuir le pire deuil imaginable vers l'Amérique centrale. Elle va découvrir cet hôtel, sa gérante, une femme hors du commun.
J'ai été moins emballée par le milieu du livre, j'ai craint un catalogue de visiteurs.... Mais assez rapidement j'ai de nouveau été prise par ce roman. Car tout s'explique au fur et à mesure. J'aime l'écriture de cette romancière, j'aime les pavés où l'auteur(e) prend le temps de poser ses personnages, de planter son décor (ah ce volcan, qu'est-ce qu'il m'a tentée !), là j'étais gâtée !
Je l'avoue, faire un séjour dans cet hôtel me plairait beaucoup ! Il est clair que l'auteure a puisé dans sa vie pour partie guatemaltèque pour décrire ce village, ses habitants, ses coutumes, sa pauvreté.... et ses bonheurs simples.
.
Définitivement j'associerai ce livre à cette LC sympa et à la tempête Ciaran. Bah oui je suis partie en vacances en Bretagne (quelle belle région !) avec ce livre et j'ai découvert la tempête made in Breizh !
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Sur la page du copyright se trouve un texte en italique, sorte d'avertissement, ou plutôt de précaution, qui nous prévient : le pays d'Amérique centrale qui nous est présenté là, incluant la faune et les habitants, est entièrement sorti de l'imagination de l'auteur. Une protection contre toute accusation d'appropriation culturelle, peut-être ? Dans un prologue qui ne dit pas son nom, la narratrice (adulte) est sur le point de se suicider. le lecteur sait qu'elle vient de vivre un terrible drame sans comprendre encore lequel. le premier chapitre nous ramène dans le passé, en 1970. La narratrice n'a pas tout à fait 7 ans. Elle est chez sa grand-mère quand elle apprend à la télévision que sa mère est morte dans l'explosion d'une bombe. le lendemain, la grand-mère décide de leur déménagement et impose à la petite fille un changement de nom : dorénavant, elle ne s'appellera plus Joan mais Amelia.
***
Comme souvent chez Joyce Maynard, on est plongé dans une situation dramatique dont on voit les conséquences, mais dont on ne connaît pas les causes, ce qui donne un début de récit enlevé qui éveille inévitablement la curiosité du lecteur. Jeune adulte, Amélia vivra sous nos yeux un effroyable drame qui la poussera presque au suicide et qui lui fera quitter les États-Unis pour un pays magnifique d'Amérique centrale. Elle s'installera dans un hôtel pour le moins original, avec une extraordinaire propriétaire, L'Hôtel des oiseaux. Des circonstances particulières amèneront Amélia à y rester. C'est après que j'ai décroché, même si je n'étais plus passionnée depuis le chapitre 20 à peu près (il y en a 101 !). On voit défiler beaucoup de personnages, touristes du monde entier, artisans et commerçants locaux ou installés dans le pays depuis longtemps, certains ne faisant l'objet que d'une anecdote, d'autres suscitant de longs développements. On s'y perd un peu, on ne voit pas toujours où l'autrice veut nous emmener et, s'il y a de magnifiques passages, certains sonnent faux à mon avis. L'ensemble est très décousu et inégal. Mon intérêt s'est réveillé dans la dernière partie malgré un final bien improbable et une évidente et parfois pesante volonté que l'avenir soit plein d'espoir. Ce n'est pas un mauvais roman, mais j'aime tant Joyce Maynard que c'est une vraie déception…
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critiques presse (6)
LeJournaldeQuebec
22 janvier 2024
Écrivaine virtuose, Joyce Maynard partage avec passion cette histoire remplie de surprises. Elle présente une femme qui ne se laisse pas démolir par les aléas du destin et qui, malgré les embûches, décide de survivre.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Culturebox
12 décembre 2023
"L'hôtel des Oiseaux" chante la puissance et la beauté du monde, et les hasards de la vie.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Bibliobs
04 octobre 2023
La romancière de « Long Week-End » revient avec « l’Hôtel des oiseaux », un récit à l’écriture simple et efficace.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Culturebox
20 septembre 2023
"L'hôtel des Oiseaux" est un roman aux multiples chemins de traverses, qui chante la puissance et la beauté du monde, et les hasards de la vie.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
08 septembre 2023
Des histoires en cascade, racontées avec une grande fraîcheur, dans un style simple, direct et peu psychologisant – saisissantes vignettes, réunies en un grand torrent de vie dans ce roman qui, à chaque page, compose une ode à l’inattendu.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
05 septembre 2023
Jamais la romancière n’avait écrit de façon aussi envoûtante, avec des personnages aussi hauts en couleur.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Le pays où se déroule cette histoire, s’il évoque par certains aspects différents lieux d’Amérique centrale, est une invention de l’autrice. C’est également le cas du lac, du volcan, de l’hôtel, des habitants du village, de l’herbe magique, des lucioles qui n’apparaissent qu’une fois par an, une nuit seulement. De nombreuses espèces d’oiseaux décrites dans ces pages n’existent pas réellement. Cette histoire peut être qualifiée de chimère ou simplement de rêve. La partie sur le pouvoir de l’amour – et la capacité de ceux qui en vivent les effets à accomplir l’impossible – est réelle et authentique.

« Une chose sur les temps difficiles
J’avais vingt-sept ans quand j’ai décidé de sauter du Golden Gate Bridge. L’après-midi j’avais une vie merveilleuse et, une demi-heure plus tard, je ne voulais plus que mourir.
J’ai pris un taxi. Je suis arrivée près du pont juste après le coucher du soleil. Il se dressait dans le brouillard avec cette magnifique teinte rouge que j’adorais, quand je m’intéressais encore à la couleur des choses et des ponts, lorsque je les traversais. À l’époque où je m’intéressais à tant de choses qui me semblaient à présent dénuées de sens.
Avant de quitter pour la dernière fois mon appartement, j’avais fourré un billet de cent dollars dans ma poche. Je l’ai donné au chauffeur. Attendre la monnaie était inutile.
Il y avait des touristes, bien sûr. Des voitures circulant dans les deux sens. Des parents avec leurs enfants dans des poussettes. J’avais été comme eux.
Un bateau passait sous le pont. De là où je me trouvais, me préparant à sauter, je l’ai regardé s’engager entre les piles. Des hommes lavaient le pont du bateau. Plus rien n’avait de sens.
J’avais vaguement conscience qu’un homme âgé m’observait. Peut-être chercherait-il à m’arrêter. J’ai attendu qu’il s’en aille, ce qui s’est produit quelques minutes plus tard.
Sauf que j’étais incapable de faire le dernier pas, de monter sur le garde-fou, de passer par-dessus.
Lenny avait dit, un jour que le chèque de notre loyer avait été rejeté, la semaine où Arlo avait été renvoyé du jardin d’enfants parce qu’il avait des poux, que j’avais attrapé une mononucléose et qu’une canalisation avait éclaté dans l’appartement, détruisant une pile de dessins sur lesquels je travaillais depuis six mois : « Une chose sur les temps difficiles : quand on a atteint le fond, on ne peut que remonter. »
Debout sur le pont, tandis que je contemplais l’eau sombre et ses remous, je crois que j’ai compris autre chose. Même si ce que je vivais était affreux, une petite partie de moi ne pouvait pas abandonner le monde. Pleurer un deuil immense, comme je le faisais, devait servir d’une certaine façon à me rappeler que la vie était précieuse. Même la mienne. Même alors.
Je me suis éloignée du garde-fou.
Je ne pouvais pas le faire. Mais je ne pouvais pas non plus rentrer chez moi. Je n’avais plus de chez-moi.
C’est ainsi que je me suis retrouvée à l’hôtel des Oiseaux.

1
1970
À partir d’aujourd’hui, tu t’appelles Amelia
Nous avons entendu l’information à la télévision, deux semaines avant mon septième anniversaire. Ma mère était morte. Le lendemain matin, ma grand-mère m’annonça qu’il nous fallait changer mon nom.
J’étais assise à la table de la cuisine – Formica jaune parsemé d’éclats en forme de diamants, éternel paquet de Marlboro Light de ma grand-mère, mes crayons de couleur disposés dans leur boîte en fer. Le téléphone n’arrêtait pas de sonner, mais ma grand-mère ne décrochait pas.
« Ils peuvent tous aller au diable », maugréait-elle. Elle avait l’air en colère, mais pas contre moi.
Bizarre, les souvenirs. Je m’accrochais à mon crayon. Tout juste taillé. Bleu. Le téléphone sonnait sans arrêt. J’ai fait le geste de décrocher, mais Grammy m’a dit non.
« Les gens vont nous poursuivre. Ils auront tout un tas d’opinions. Il vaut mieux qu’ils ne fassent pas le rapport », m’expliqua ma grand-mère en prenant une cigarette.
Opinions sur quoi ? Rapport ? Quels gens ?
« On ne peut laisser personne découvrir qui nous sommes. Tu ne peux plus t’appeler Joan », décréta Grammy.
À vrai dire, j’avais toujours voulu un autre prénom que celui que ma mère m’avait donné, celui de sa chanteuse préférée. (Baez, pas Joni Mitchell. Même si elle les adorait toutes les deux.) Je lui demandais souvent de m’appeler autrement. (Liesl, comme l’une des enfants de La Mélodie du bonheur. Skipper, comme la petite sœur de Barbie. Tabitha, comme dans Ma sorcière bien-aimée.)
« Je peux m’appeler Pamela ? » demandai-je.
C’était le prénom d’une fille de l’école qui avait des cheveux magnifiques. J’adorais sa queue-de-cheval.
Grammy répondit que ça ne marchait pas comme ça. Elle avait déjà choisi mon nouveau prénom. Amelia.
Alice, une amie de Grammy au club de bridge, avait une petite-fille de mon âge. Je ne l’avais vue qu’une seule fois. Amelia. Elle était morte quelque temps auparavant. (D’un cancer, j’imagine, mais on ne prononçait pas ce mot à l’époque.) Après quoi, Alice avait cessé de venir au club de bridge.
Ma grand-mère raconta quelque chose que je ne compris pas au sujet d’un papier nécessaire avec mon nom dessus pour aller à l’école et prouver que j’existais.
« J’existe.
– C’est trop compliqué à expliquer », dit-elle. Il fallait qu’on déménage tout de suite. J’irais dans une autre école. On ne me laisserait pas entrer au cours préparatoire sans les papiers. Elle savait comment s’y prendre. Elle l’avait vu dans un épisode de Columbo.
L’après-midi même, nous sommes allées en bus jusqu’à un immeuble où ma grand-mère a rempli plein de papiers. J’étais assise par terre et je dessinais. Quand nous sommes parties, nous avions mon nouveau certificat de naissance. « C’est officiel. Maintenant, tu es Amelia », m’apprit-elle.
J’avais aussi un nouvel anniversaire, le même que celui d’Amelia qui était morte. Il me manquait maintenant deux mois avant mes sept ans. Ce n’était que l’un des nombreux événements qui se produisirent les jours suivants et qui me perturbèrent. « Ne pose pas autant de questions », répétait Grammy.

Ma grand-mère changea aussi de nom. Esther devint Renata. Pour moi elle était toujours Grammy, alors c’était facile. Il me fallut un certain temps pour me rappeler que j’étais Amelia et pas Joan. J’étais en train d’apprendre les majuscules. Je maîtrisais bien le « J », mais je devais tout recommencer avec le « A ».
Un carton arriva avec, à l’intérieur, des vinyles. Je les reconnus tout de suite : ceux de ma mère. L’écriture sur le carton était la sienne.
Quelques jours plus tard, les déménageurs vinrent. Ma grand-mère avait emballé toutes nos possessions, peu nombreuses en fait. Quand ils eurent emporté le dernier carton – ma poupée Tiny Tears, quelques livres, ma collection d’animaux en porcelaine, le ukulélé que ma mère m’avait offert pour mes six ans et dont je ne savais pas jouer, mes crayons de couleur –, je regardai par la fenêtre les hommes charger le camion. Personne n’avait dit où nous allions. On partait, voilà tout.
« Tu vois cet homme avec l’appareil photo ? demanda ma grand-mère en le montrant du doigt. Voilà pourquoi nous devons partir. On ne nous laissera plus jamais tranquilles. »
Qui ?
Les paparazzi. « Ceux-là mêmes qui ont rendu la vie impossible à Jackie Kennedy, au point qu’elle a été obligée d’épouser ce vieux bonhomme affreux avec son yacht. »
Je ne comprenais rien du tout. Le week-end suivant, nous défaisions les cartons dans notre nouvelle maison, un appartement avec une seule chambre à Poughkeepsie, dans l’État de New York, où vivait mon oncle Mack, le frère de Grammy. Il l’appelait toujours Esther, mais comme il ne m’avait vue que deux fois, ça ne lui a pas été difficile de m’appeler Amelia. Le premier soir, il nous commanda des plats à emporter chinois. Je lui tendis le petit papier plié dans mon biscuit.
« Une tasse est utile quand elle est vide », lut-il.
Il y avait une ombrelle en papier sur la table. Ouverte fermée, ouverte fermée.

Grammy trouva du travail dans un magasin de tissu. Comme ma mère ne s’était jamais occupée de me faire entrer à l’école maternelle, l’année précédente, elle m’inscrivit au cours préparatoire à l’école élémentaire Clara Barton. Par la suite, je n’ai posé qu’une seule fois des questions sur ma mère. J’avais l’impression que je n’étais pas censée parler d’elle et je ne le faisais pas.
Il n’y avait pas eu d’obsèques. Personne ne vint nous dire combien ils étaient navrés de ce qui était arrivé. Si Grammy possédait des photos de ma mère, elle les gardait dans un endroit qui m’était inconnu. En l’absence d’une image d’elle, j’en dessinai une que je glissai sous mon oreiller. Joues roses, yeux bleus, bouche en bouton de rose. Longs cheveux bouclés comme une princesse.
Quand, à l’école, les enfants me demandaient pourquoi je vivais avec ma grand-mère et pourquoi ma mère n’était jamais là, je répondais qu’elle était une chanteuse célèbre, mais que je n’avais pas le droit de dire laquelle. Elle était en tournée avec son groupe et répétait pour un spectacle au Hootenanny.
« Ça ne passe plus à la télé, dit un certain Richie qui fichait toujours la pagaille.
– Je voulais dire The Johnny Cash Show. Je les confonds toujours. »
Au bout d’un moment, il y eut moins de questions, mais de temps en temps un enfant demandait encore quand elle allait rentrer, si j’allais partir à Hollywood et si je pouvais leur donner un autographe.
Je répondais qu’elle s’était cassé la main. La main gauche, mais elle était gauchère. Je trouvais que cela rendait le mensonge plus convaincant.
« Je parie que ta mère n’est pas vraiment célèbre. Je parie qu’elle est bête, comme la grand-mère dans Beverly Hillbillies, dit Richie.
– Ma mère est très belle », assurai-je. Ça au moins, c’était vrai.

Les cheveux noirs et brillants de ma mère lui arrivaient à la taille et j’adorais les brosser. Elle avait de longs doigts élégants (mais des ongles sales) et elle était si mince que quand nous étion
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Une chose qui concernait Leila. Même si elle était morte depuis sept ans, elle hantait encore ce terrain et ses bâtiments. Durant le court laps de temps pendant lequel je l'avais connue, j'avais non seulement compris sa passion, mais j’en étais venue à la partager. J’éprouvais l'obligation d'entretenir ce qu'elle avait créé. Un jardin est une chose vivante. Il faut s'en occuper tous les jours.
« Rien n’est immuable. Ni les jardins ni les histoires d’amour. Ni la joie ni le chagrin. Les animaux meurent. Les enfants grandissent. Il faut apprendre à accepter les changements quand ils se produisent. S'en réjouir si c’est possible. Voir ce qu'ils apportent de nouveau à la vie », m'avait dit Leila un jour que nous nous promenions dans les allées de la propriété et que nous nous arrêtions le temps d'examiner certaines de ses plantes préférées. p. 368
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La voyageuse ne resta qu'une nuit à l'hôtel et ne fit pas de commentaire durant sa visite, sauf qu'elle m'informa d'un problème d'eau chaude à la douche, et me dit avoir trouvé une araignée sur le miroir de la salle de bains et un iguane dans le lavabo.
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Nous avancions sur un chemin caillouteux. J'ai réalisé qu'à peine quelques jours plus tôt je voulais mettre fin à mes jours, mais qu'à présent l'idée de me tordre la cheville m'inquiétait.
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J'irai dans une autre école. On ne me laisserait pas entrer au cours préparatoire sans les papiers. Elle savait comment s'y prendre. Elle l'avait vu dans un épisode de Columbo
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Vidéo de Joyce Maynard
Troisième épisode de Dans les pages avec la romancière américaine Joyce Maynard. Elle est venue nous parler des livres qu'elle aime, de Gabriel Garcia Marquez, du Petit Prince et de musique.
Bon épisode !
"L'hôtel des oiseaux" est publié aux éditions Philippe Rey, Arthur Scanu à la réalisation
#librairie #joycemaynard #danslespages #millepages #books @editionsphilipperey1918
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