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EAN : 9782864323662
101 pages
Verdier (01/10/2002)
4.16/5   65 notes
Résumé :
" Le roi, on le sait, a deux corps : un corps éternel, dynastique, que le texte intronise et sacre, et qu'on appelle arbitrairement Shakespeare, Joyce, Beckett, ou Bruno, Dante, Vico, Joyce, Beckett, mais qui est le même corps immortel vêtu de défroques provisoires ; et il a un autre corps mortel, fonctionnel, relatif, la défroque, qui va à la charogne, qui s'appelle et s'appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Il est très difficile de trouver le bon angle pour parler de ce livre tant l'angle choisi par Pierre Michon est surprenant, décontenançant. de même, la nombre d'étoiles devient plus un obstacle qu'une indication sur le niveau, l'intérêt, le souffle et autres critères habituellement utilisés pour évoquer un livre.
Michon convoque ses pères en littérature afin de narrer sa transformation de Fils en Père; les chapitres évoquant le poème "Booz endormi" de Victor Hugo sont, à ce titre, d'une simplicité puissante et bouleversante.
L'effet général est assez troublant, mais en refermant ce court livre, l'on se dit qu'avec le style de Pierre Michon, la littérature peut - plus que survivre à la concurrence du cinéma ou des séries, par ses possibilités de mise en abyme et de tentatives conceptuelles intelligentes et intelligibles - sur-vivre, c'est-à-dire dépasser l'empreinte émotionnelle qu'elle peut laisser d'ordinaire sur le lecteur pour lui ouvrir un autre champ d'exploration.
A lire pour les amateurs de littérature.
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« A Louise Colet, en février 1852 : "Voilà pourquoi j'aime l'art. On y assouvit tout, on y fait tout, on est à la fois son roi et son peuple, actif et passif, victime et prêtre." On est la prose de Dieu et sa dérision, la perfection et son effondrement, le livre et le contrelivre, le baiseur et le baisé, la vache et le merlin. Nul ne viendra vous prendre par derrière. On est abstrait et intangible comme la prose absolue. On est de bois. »

Pour Pierre Michon, l'écriture est sacralisée, le texte dédié au plus haut. Cinq chapitres-portraits forment le corps de ce livre, autour de deux photographies de Beckett et Faulkner, autour de Flaubert, d'Hugo et d'un auteur arabe du XIVème siècle.
« Corps du roi » nous élève dans l'essentiel, dans le ciel, le feuillage et la sève de la littérature. « le feuillage c'est le livre, le corps est de bois. »

Centre de gravité du livre, le chapitre intitulé « L'oiseau » commente la phrase parfaite d'un auteur arabe aujourd'hui inconnu de nom et de visage, Muhamad Ibn Manglî, phrase sur le mouvement du faucon gerfaut écrite en 1370 dans un traité de chasse.
« Je ne verrai jamais le visage qui fut Ibn Manglî. Je verrai le gerfaut. »

Autour d'un cliché de 1931, Pierre Michon trace un portrait mythologique de William Faulkner, figure énorme et futile comme le sont les éléphants et les grandes baleines. Ce que Faulkner regardait sur ce cliché, et qu'il regarde toujours, c'est la pesanteur de la guerre qu'il prétendait avoir vécu, la filiation, le poids de l'aïeul pesant comme un éléphant, le poids du Sud vaincu, le Sublime atteint par Faulkner, un grand rhéteur, lui-même devenu éléphant.

La cinquième séquence de ce livre, dédiée à Victor Hugo, est bouleversante, entremêlant la lecture de Booz endormi et des épisodes autobiographiques de la vie de l'auteur, la mort de sa mère, la naissance d'un enfant, la rencontre brève avec une femme et la mort d'un critique littéraire.

Un livre né de la boue et de la grandeur, enfant de ce monstre humain qu'est l'écrivain, à la fois grotesque et sublime, écrasé par la filiation des grands hommes et brièvement ressuscité par l'écriture.
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Dans cette mise en abyme de la littérature, Pierre Michon avec son style finement ciselé, mène une très belle réflexion sur la littérature et les grands auteurs qui l'ont marqué. En cinq chapitres, il dresse cinq portraits atypiques de Samuel Beckett, de Gustave Flaubert, de Muhamad Ibn Mangli, auteur arabe du XIIIème siècle, de William Faulkner et enfin de Victor Hugo et notamment de son Booz endormi. Dans ce dernier chapitre, il nous livre le rôle qu'occupe la poésie dans sa vie. Deux poèmes font écho à deux événements de la vie de l'auteur : Booz endormi lui évoque la naissance de sa fille et La ballade des pendus lui rappelle la mort de sa mère.
Pierre Michon écrit donc un livre sur des monuments de la littérature, sur ses "éléphants" et l'héritage transmis par ces derniers. Mais surtout, il se livre par petites touches, notamment dans la dernière partie consacrée à Booz endormi où il nous décrit son rapport à la poésie, à la lecture et à l'écriture.
J'ai beaucoup apprécié le chapitre consacré à son père spirituel, Gustave Flaubert. le corps du roi prend vie avec le corps mortel et le corps éternel des grands écrivains incarnés notamment par Flaubert.
Belle découverte littéraire.

Challenge Multi-Défis 2021.
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Il est possible de faire de la littérature avec de la littérature, en parlant de littérature. C'est ce que fait Pierre Michon avec "Corps du roi" , en réussissant à surprendre le lecteur, même celui qui ne le découvre pas. En effet, on ne sait jamais à l'avance ce que nous réserve le contenu de ses oeuvres. Il n'y a rien de plus enthousiasmant que de quitter le chemin tout tracé des codes romanesques pour s'engager dans un sous-bois sombre et mystérieux qui aboutira sur un petit coin sublime propre à la contemplation ou au contraire nous conduira vers un recoin désolé. Mais peu importe si la déception est à l'arrivée, ou même si le plaisir n'atteint pas au sublime lorsqu'on replie le livre, car cette contrariété nous la recherchons forcément quand nous ouvrons la première page d'un livre.
"Corps du roi" pourrait en décevoir plus d'un, puisqu'il n'y a pas de fil narratif, que Pierre Michon palabre sur ses références littéraires (Beckett, Flaubert, Faulkner) sans objectif précis, dans un semblant de déstructuration. Mais au bout du compte, c'est l'auteur qui se dessine, c'est l'écrivain qui dévoile son rapport à l'écriture et à la lecture, avec la force de sa langue, une langue qui recherche toujours et trouve souvent l'essentialité des choses.
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Des pages sur Samuel Beckett et William Faulkner à partir de superbes portraits, avec des gros plans sur leur inspiration et leur cigarette. Une évocation de la mort de sa mère auprès de laquelle il récite la "Ballade des Pendus" de François Villon. Des règlements de compte contre les critiques littéraires sur fond d'alcool et de "Booz endormi". Et les deux "corps du roi", le corps "mortel" et le corps "éternel" des grands écrivains, à partir du personnage de Gustave Flaubert.

Une écriture à la fois fluide et affectée mène le lecteur tout au long du livre et Pierre Michon est le guide initiatique de ces beaux récits.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Maurice de Guerin s'imaginait avec délice métamorphosé en arbre :
S'entretenir d’une sève choisie par soi dans les éléments, s’envelopper, paraître aux hommes puissant par les racines et d’une grande indifférence, ne rendre à l'aventure que des sons vagues mais profonds, tels que ceux de quelques cimes touffues qui imitent les murmures de la mer, c’est un état de vie qui me semble digne et d’efforts et bien propre à être opposé aux hommes et à la fortune du jour.
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Dans la mire du gros calibre, assis, William Faulkner. Tweed en dépit de la chaleur, chemise dalton blanche ouverte sans ostentation, la pose chic qui vient tout droit de Montparnasse via la Nouvelle-Orléans. Les bras croisés, mais pas comme à l'église, comme après le déjeuner. Dans sa main droite le petit sablier de feu, la très précieuse cigarette qui marque avec une intolérable acuité le passage du temps, qui réduit le temps à l'instant, la durée de combustion d'une cigarette étant comparable et cependant très sensiblement inférieure à celle de cette combustion complexe d'un corps d'homme qu'on appelle une vie. Donc, cette lucky strike de 1931. Et, comme née d'une lucky strike et d'un tweed, la fracassante apparition de William Faulkner.
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Il prétend que Dieu, c'est à dire l'auteur de nous et de nos alentours, est mort avant d'avoir fini son ouvrage ; qu'il avait les plus beaux et vastes projets du monde et les plus grands moyens ; qu'il avait déjà mis en oeuvre plusieurs des moyens, comme on élève des échafauds pour bâtir, et qu'au milieu de son travail il est mort ; que tout à présent se trouve fait dans un but qui n'existe plus, et que nous, en particulier, nous sentons destinés à quelque chose dont nous ne nous faisons aucune idée.
Nous sommes comme des montres où il n'y aurait point de cadran, et dont les rouages, doués de raison, tourneraient jusqu'à ce qu'ils fussent usés, sans savoir pourquoi et se disant toujours : puisque je tourne, j'ai donc un but.
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Rendre des oracles, en effet, c'est bien la seule chose qui puisse nous faire écrire. On appelle oracle une parole au-dessus de celle des mortels, quoique énoncée en termes de mortel, qui s'autorise d'elle-même , de son énonciation, qu'elle appelle les dieux.
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Quand il bat large, il est démesuré; quand il se repaît, il fait vite; quand il frappe, il met à mal; quand il donne du bec, il tranche et quand il fait prise, il se gave.
(Traité de chasse d'Ibn Manglî)
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