« S'il avait une conscience aiguë du moindre de ses mouvements, de la moindre de ses sensations, il était tout à fait incapable de dire qui il était et quelle circonstances l'avaient conduit ici. »
Le Caire à corps perdu,
Khaled Osman @khaledosman_lit @vents_dailleurs
Une plume riche, passionnante et profondément intéressante!
Cet auteur, davantage connu pour son incroyable travail de traducteur (il traduit notamment les romans de
Samar Yazbek que j'affectionne particulièrement!) mérite bien plus de reconnaissance en tant qu'auteur et je regrette profondément qu'il ne soit pas plus célèbre et recommandé!
Comment vous dire?
Eh bien, c'est simple: à travers l'amnésie de son personnage principal, un Egyptien vivant en France et qui perd la mémoire lors de son arrivée au pays, il nous retrace l'Histoire de l'Égypte de ses dernières années en abordant la politique, les gouvernements successifs, la question palestinienne, l'opposition…
« Dans les journaux d'opposition; le ton était bien moins déférent. Il s'étonna du franc-parler des critiques exprimées conte le régime en place, impensable du temps de Farouk ou de Nasser, ni même du temps de Sadate, qui n'avait libéralisé les partis politiques que pour mieux contenir et dissoudre son opposition de gauche. Comment en était-on arrivé à une telle liberté d'expression? Que s'était-il donc passé pendant les quelques années où il s'était absenté ? Bien sûr, le régime au pouvoir n'était pas assez suicidaire pour donner à ses opposants les moyens de le renverser:il savait mettre des garde-fous là où il le fallait, notamment quand les critiques s'approchaient trop près de la personne du leader… »
Ce texte a de l'étoffe, une voix propre aussi, un ton très franc et libre! J'ai aimé cela, ce côté non muselé mais présenté avec beaucoup de finesse et de justesse…
Tout comme la réflexion liée aux sentiments d'un homme vivant dans un pays dont sa famille n'est pas originaire… c'est riche, profond, instructif!
« … mais toujours cette impression de n'appartenir à aucune collectivité, de n'être chez lui nulle part, d'avoir le mal du pays où qu'il se trouve. Au fond, il n'a jamais su trouver sa place, et ce qui lui arrive en ce moment ne fait qu'entériner tragiquement un état de fait préexistant. »
Et puis, en toile de fond, le Caire: ville cosmopolite, vivante, représentant à elle seule tout le peuple égyptien…
« C'est simple, le Caire ne dort jamais : à toute heure du jour et de la nuit, tu trouveras un endroit qui veille! Et puis il se passe pas une semaine sans qu'un nouveau lieu ouvre ses portes : un marchand de foul ou de kochari, une boutique de jus de fruits qui propose un nouveau cocktail, une péniche transformée en salle de spectacle. »
Un auteur qui mérite d'être lu largement!
Une écriture prenante et follement enrichissante!
Un roman que je vous recommande vivement!
« In kheles el-foul, ana gheir mass'oul... Si y a plus de fèves dans le chaudron, ne tirez pas sur le patron. »
Ce sera le mot de la fin: dévorez-le jusqu'au bout 😉