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Il y a de ces histoires où on se dit dès le début "Ouh là, qu'est-ce que je ferais moi dans la même situation ?". le genre de scénario pourtant improbable mais qu'on ne peut s'empêcher d'évoquer et on cherche alors à anticiper les choix que l'on ferait. C'est typiquement le cas ici: on rentre chez soi, un cadavre dans le salon, la compagne mutique dans la salle de bains qui s'en va en nous disant "occupe-toi de ça, moi je ne peux pas". C'est un peu l'histoire du meilleur ami qui ne le serait que si il acceptait d'enterrer un cadavre avec nous... avec la notion d'amour en plus... et aussi le fait que là personne ne le fait pas "avec" nous mais qu'on nous laisse totalement le bébé (métaphore osée) sur les bras ! J'ai vraiment beaucoup aimé tout le début du roman, l'auteur nous immerge totalement dans la tête du personnage principal, confronté tout à la fois aux interrogations purement techniques (ça sent mauvais au bout de combien de temps un cadavre...), à la vie qui continue (les amis qui veulent passer, le boulot) et aux interrogations qui ne peuvent manquer sur une relation amoureuse face à ce genre d'évènements (est-ce que je l'aime toujours, est-ce qu'elle m'aime pour me laisser gérer ça). Bref, c'est vraiment très très riche, et servi par un style dense, des paragraphes avec peu de points, des dialogues qui s'insèrent dans le récit, tout pour renforcer l'impression de malaise, l'oppression continue où plonge ce genre de situation. Même la partie où on sent que le personnage dérive vers la folie est habilement retranscrite, sans grands effets d'esbroufe. En revanche, à partir du moment où la relation commence à se tisser avec Henri et Nicole, j'ai eu l'impression de rentrer dans une autre dimension. Que le personnage principal ait des réactions incohérentes, soit, la situation ne peut que l'y pousser. Mais que quasiment tout le monde autour de lui commence à virer bizarre... Je comprends à peu près le message qui est sans doute de nous interroger sur ce qu'est la normalité et qui l'est vraiment, mais j'ai du coup perdu de vue ce qui m'avait le plus plu, cette immersion dans quelque chose ancré dans un quotidien qui pourrait finalement être le nôtre. A trop vouloir maintenir une atmosphère d'étrangeté, j'ai commencé à perdre l'attachement que j'avais profondément ressenti pour le personnage principal. Le livre reste très intéressant mais a perdu avec ce final la petite étoile de plus qu'il aurait décroché sans aucun souci autrement. Il est vrai qu'on attend beaucoup l'auteur sur la fin de ce genre d'histoires. Aurait-il pu réussir une prouesse égale à ce début particulièrement troublant... le problème de mettre la barre trop haut en littérature est assez récurrent, que ce soit avec les séries quand le tome 1 est particulièrement réussi, les auteurs aux premiers romans bluffants... et les histoires dont le pitch de départ est tellement puissant qu'on ne sait plus trop comment mettre le point final. + Lire la suite |