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Michelle Charrier (Traducteur)
EAN : 9782070356980
496 pages
Gallimard (15/05/2008)
3.61/5   214 notes
Résumé :
Que s'est-il réellement passé dans la nuit du 10 au 11 mai 1941, cette nuit où Rudolf Hess s'est envolé d'Allemagne pour négocier la paix avec la Grande-Bretagne ? Son avion a-t-il été abattu par la Luftwaffe ? Hess a-t-il réussi sa mission sans en informer Adolf Hitler ?
C'est à toutes ces questions que tente de répondre l'historien Stuart Gratton. Il va notamment s'intéresser au destin exceptionnel de deux frères jumeaux, Joe et Jack Sawyer, qui ont rencon... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
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Il existe certains auteurs qui intimident par leur réputation et par l'idée que l'on se fait de leur style ou de leur univers. Christopher Priest étaient pour moi de ceux là, et c'est avec appréhension que je me suis finalement lancée dans la lecture d'une de ses oeuvres les plus réputées (et les plus primées) : « La séparation ». Or je ressors de cette lecture totalement conquise et particulièrement admirative du talent de Christopher Priest, dont je suis maintenant bien décidée à éplucher la bibliographie. L'oeuvre est classée en science-fiction, mais le fait est qu'il est assez difficile de lui coller une unique étiquette tant elle est complexe. Car si le roman se présente bel et bien comme une uchronie, celle-ci ne repose pas sur le classique « et si tel événement s'était passé différemment, que serait devenu le monde ? ». Les questions que se posent Priest ici sont beaucoup plus subtiles, plus insidieuses, et son uchronie repose davantage sur la mémoire que l'on se forge et que l'on garde d'un événement (avec toutes les erreurs que cela peut comporter), que sur un unique point de divergence (même s'il y a aussi un peu de cela). L'action prend place pendant la Seconde Guerre mondiale, période à laquelle on va suivre les parcours très différents de deux frères jumeaux : l'un est pilote dans la RAF et s'engage pleinement dans le conflit ; l'autre refuse de prendre part à la guerre et devient objecteur de conscience, statut qui lui permet de se mettre au service de la Croix Rouge. Deux destins différents, donc, mais aussi deux versions de l'histoire, puisque les récits des deux frères présentent de sacrées divergences. Et comme si cela ne suffisait pas pour nous embrouiller, l'auteur s'amuse à multiplier les points de vue, donnant ainsi corps à chacune de ces deux réalités. Outre le récit des deux frères, qui prennent chacun leur tour la parole, le roman, comprend également plusieurs chapitres se déroulant en 1999, date à laquelle on suit l'enquête menée par l'historien Stuart Gratton qui s'intéresse justement à l'un des jumeaux et au rôle qu'il à pu tenir en 1941 auprès de Churchill. le texte fourmille également d'extraits de documents officiels émanant de tel ou tel service, de discours du Premier Ministre s'adressant à la population britannique, de correspondances privées de Churchill ou de Hess, mais aussi de comptes rendus de mission aérienne, ou encore d'ouvrages portant sur l'histoire De La Croix rouge ou les événements de la Seconde Guerre mondiale.

Si les récits des jumeaux ne font pas état de la même réalité, les deux ont en tout cas un point commun : les changements les plus radicaux décris dans chacun de leur témoignage ont lieu après les événements qui se sont déroulés la nuit du 10 au 11 mai 1941. Cette nuit là, Rudolf Hess, l'un des dignitaires nazis parmi les plus proches d'Hitler, s'envole pour l'Angleterre dans le but de proposer à Churchill une offre de paix dont on ne sait pas trop si elle provient de sa propose initiative ou émane directement du Führer. Toujours est-il que l'avion piloté par Hess est attaqué (par les Anglais ? ou par les Allemands eux-mêmes ?), et c'est justement là que les choses se compliquent. L'histoire telle qu'on la connaît retient que Hess a survécu à l'accident mais a été fait prisonnier par les Anglais qui le garderont captif jusqu'en 1987, date à laquelle il se suicidera. C'est d'ailleurs également la version de Jack, le premier des jumeaux, dont le récit comprend malgré tout quelques variations astucieuses dont je ne vous ferais pas part ici pour ne pas vous gâcher la surprise. Voilà pour la première version. La seconde, telle que proposée par l'autre jumeau, Joe, implique la survie de Hess qui débarque sain et sauf en Angleterre et parvient à jeter les bases d'un accord entre l'Allemagne et l'Angleterre. 1941 marquerait donc, dans cette vision de l'histoire, la fin de la Seconde Guerre mondiale. La première version correspond, à peu de choses près, à la notre, et on se doute donc que les conséquences après 1945 seront les mêmes. La seconde version, en revanche, pourrait n'être qu'un fantasme si elle n'était corroborée par le fameux historien que l'on suit en 1999 et pour qui la guerre s'est également arrêtée en 1941. On sait peu de choses des conséquences de cet armistice précoce, si ce n'est que les États-Unis ne sont pas entrés en guerre contre l'Allemagne et se sont au contraire alliés à elle pour venir à bout de la Russie et du communisme. La guerre froide a donc bien lieu, mais pas avec la Russie, et le résultat pour les États-Unis n'est pas avantageux, puisqu'ils en ressortent fragilisés tant politiquement qu'économiquement. L'auteur mentionne également à plusieurs reprises les questions soulevées par la résolution du « problème juif » par les Allemands (là encore, je vous laisse le soin de découvrir l'alternative proposée à l'histoire telle qu'on la connaît).

On trouve dans ce roman (et, me semble-t-il, dans la plupart des autres oeuvres de l'auteur), un certain nombre de thèmes récurrent, à commencer par la gémellité et par les confusions qu'elle peut entraîner. Les protagonistes sont ainsi de vrais jumeaux, et c'est d'une certaine manière leur séparation qui va mettre en branle les grands événements décris dans le roman. Mais Priest s'amuse également d'autres ressemblances, notamment à propos de certaines grandes figures de l'époque, ce qui pose des questions vertigineuses auxquelles le lecteur n'aura toutefois jamais la réponse. L'auteur se livre également à tout un jeu autour des homonymes : les jumeaux ont évidemment le même nom, mais aussi les mêmes initiales, ce qui participe justement à la confusion de certains services de renseignements. D'ailleurs, Churchill mentionne aussi, à titre anecdotique, l'existence d'un homonyme écrivain avec lequel il aurait un jour été confondu. Bref, rien n'est jamais ce qu'il paraît et Priest semble s'amuser à rebattre constamment les cartes. Car si l'auteur joue de la confusion entre les jumeaux, d'autres points du roman nous plongent également dans le doute. Les comptes rendus des frères sont en effet tous deux sujets à caution à partir du printemps 1941 puisque, dans les deux cas, ils se retrouvent désorientés par une grave blessure. le premier, Jack, souffre ainsi de pertes de mémoire et d'absences suite à de sérieuses blessures reçues après que son avion ait été descendu par les Allemands. le second, Joe, a lui aussi été blessé, mais cette fois pendant le Blitz, alors qu'il conduisait son ambulance. Les troubles sont plus sérieux, le sujet étant en proie à des hallucinations qu'il ne parvient jamais à distinguer de la réalité. Dans ces circonstances, laquelle de ces deux versions peut-être considérée comme fiable ? Et bien les deux, et aucune à la fois. Priest pose en effet une multitude de questions mais ne nous fournit que très peu de réponses, et c'est justement cette interrogation permanente, cette frustration que l'auteur fait naître chez le lecteur, qui fait que le roman obsède aussi bien pendant toute la durée de la lecture que longtemps après la dernière page tournée.

Si le roman s'avère aussi immersif, c'est aussi et surtout grâce à l'incroyable reconstitution historique réalisée par Priest qui nous plonge complètement dans l'ambiance de l'époque. le témoignage du premier des frères nous entraîne d'abord dans le Berlin des années 1930, où les jumeaux participent aux fameux Jeux Olympiques de 1936. En très peu de scènes, l'auteur parvient à rendre compte efficacement à la fois de la tension qui règne à l'époque, mais aussi de l'impact des premières lois antisémites, et surtout de l'état d'esprit d'une partie de la population allemande, subjuguée par la personnalité d'Hitler. le Führer n'apparaît cela dit que très peu, le seul véritable représentant des forces nazies occupant le devant de la scène ici étant Rudolph Hess. Churchill, en revanche, est beaucoup plus présent et là encore son portrait est le fruit de recherches particulièrement poussées de la part de l'auteur qui dresse du Premier ministre un portrait captivant, tout en nuance. de Churchill, on découvre ainsi non seulement la versatilité et le caractère belliqueux, mais aussi le charisme et la détermination, autant de qualités qui lui valurent l'admiration sans borne des Anglais (en dépit de son pacifisme, Joe ne peut ainsi pas s'empêcher de succomber lui aussi au charme de Churchill). L'auteur dresse également un portrait marquant de la ville de Londres pendant le Blitz, mais (et c'est moins courant) revient également à plusieurs reprises sur les bombardements réalisés par les Anglais sur les villes allemandes qui subissent, elles aussi, d'énormes dommages. le parcours choisit par Joe nous permet également d'en apprendre davantage sur les objecteurs de conscience, tous ceux qui, par croyance politique ou religieuse, refusaient de prendre les armes et de participer à l'effort de guerre. Priest revient ainsi en détail sur les procédures à entreprendre à l'époque pour se déclarer comme tel, sur les difficultés pour ces hommes de subir le regard méprisant de leurs compatriotes, ainsi que sur le rôle joué par la Croix Rouge dans le conflit. L'amour que vouent les deux frères à la même femme permet également à l'auteur d'aborder les conséquences de la guerre sur les familles, et notamment les couples qui doivent vivre séparés dans des conditions difficiles. Cet aspect du roman nous permet de considérer le conflit sous un aspect plus humain : il est moins question ici de guerre idéologique ou de tours de force militaires que d'hommes et de femmes qui se retrouvent confrontés à la précarité et à la peur et qui font ce qu'ils peuvent pour continuer à vivre.

« La séparation » est sans conteste un très grand livre, signé par un très grand auteur. le roman repose sur une construction minutieusement orchestrée qui s'amuse à faire perdre au lecteur tous ses repères et le marque ainsi durablement. Car comment ne pas être tenté de ressasser encore en encore cette énigme puisqu'on ne nous en donne pas la réponse ? Outre l'originalité de l'uchronie proposée (en dépit du choix, très classique, de l'époque), le roman séduit aussi et surtout par la reconstitution particulièrement soignée et documentée de l'Europe des années 1940. Un énorme coup de coeur, que je vous recommande donc chaleureusement.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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Découverte grâce à Babelio et à Bibliocosme, voici une lecture qui réveille les méninges !

Il est difficile de lui coller un genre : la science-fiction n'est ici clairement pas adaptée et l'uchronie non plus. Il s'agit d'un ouvrage atypique à la-croisée des chemins entre fiction, écrit pseudo scientifique rendant hommage à l'histoire vécue et à l'histoire tout court avec une bonne dose d'uchronie. Curieusement et à bien des égards, voici un roman qui rend hommage à l'Histoire, d'une manière habile et inventive.

L'orientation fantaisiste mettra du temps avant de faire réellement parler d'elle. Il en d'abord rapidement question, puis les allusions cèdent le pas à ce qui ressemble à un récit historique. La moitié de l'ouvrage passé, nous découvrons une autre réalité… avec une explication tout à fait plausible. le résultat est assez déconcertant. Pour faire allusion à un film, tout cela fait penser à Inception. Et le dénouement est bien trouvé !

La quatrième de couverture en dit long sur la trame centrale de l'ouvrage : la guerre (essentiellement aérienne et psychologique) entre la Grande Bretagne et l'Allemagne nazie permet l'affrontement de deux grandes figures : Winston Churchill et Rudolf Hess. La dynamique romancée est basée sur deux personnages, frères jumeaux d'abord embarqués pour les jeux Olympiques de 1936 puis, chacun à sa manière, dans la Seconde guerre mondiale. Il est assez curieux que cette facette de l'histoire ne soit davantage exploitée, puisqu'il va être, à plusieurs reprises, question de gémellité.

La guerre est ici présentée de manière tout à fait originale : il va être question d'objecteurs de conscience, De La Croix rouge et d'autres facettes moins connues du conflit (notamment du côté anglais). Tout cela est dynamique et, même si pour les besoins du récit, il est parfois nécessaire de créer des répétitions, celles-ci sont toujours agréables et habilement insérées. Elles sont importantes pour l'histoire et n'entraîneront que peu de redites.

Le style de l'auteur se plie aux différents personnages qui sont sensés, chacun, laisser un témoignage qui crée le roman. La narration omnisciente ne tient pas beaucoup de place et cela est pour le mieux ! Sa manière d'écrire est des plus plaisantes, parfois complexe (notamment pour le première partie) mais toujours agréable.

Ce grand classique est une véritable pépite qui mérite d'être lue, commentée et diffusée autour de soi ! Une lecture incontournable qui saura vous donner un autre regard sur la Seconde guerre mondiale !
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"Alors je pensai alors je réalisai : ce n'est pas réel. L'angoisse m'envahit, l'anxiété écoeurante habituelle, la certitude de ne plus pouvoir me fier à mes sens. Une fois de plus, j'avais émergé de ce que je prenais pour le sommeil dans ce que je prenais pour la réalité : une illusion lucide."

Et de ces "illusions lucides", Joe Sawyer, en sera de multiples fois la victime. Au point de se demander, comme dans un roman de Philip K. Dick, si une réalité commune et partagée est possible.

Jack et Joe Sawyer sont de vrais jumeaux. Nous sommes en Grande-Bretagne autour du 10 mai 1941, alors que les bombardements nazis sont incessants. Jack est pilote dans la R.A.F.. Joe, lui, est objecteur de conscience mais risque quotidiennement sa vie, car il est secouriste Croix-Rouge.

C'est à partir de cette date pivot que Christopher Priest nous entraîne dans une sorte d'uchronie, mais jamais très claire, entre ce qui s'est passé et l'alternative qu'il a imaginé. Dans une partie du roman Churchill signera un traité avec Rudolf Hess pour faire cesser les massacres. Et Joe, avec ses convictions pacifistes, y sera pour beaucoup.

Mais que croire à la fin ? On peut supposer que Joe est bloqué dans une boucle temporelle, sauf que bien des aspects du roman laissent penser que ses visions ont un lien étroit avec des changements considérables dans la réalité.

Vous l'aurez compris, je suis dubitatif à propos de ce roman. Non pas que le (grand) talent de Christopher Priest soit aux abonnés absents dans ce livre, mais il est pour moi trop compliqué à suivre. Il souffre aussi de beaucoup de redites, il est vrai subtilement décalées, mais qui renforcent encore soncôté cauchemardesque.
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J'ai longuement hésité avant de lire mon second Priest, tant j'ai été marquée par le Prestige. Et puis j'ai fini par choisir la Séparation en raison de la toile de fond historique, étant toujours passionnée par la seconde guerre mondiale. Un excellent choix pour un roman passionnant de bout en bout mais qui m'a quelquefois laissée perplexe.

Petit avertissement en guise de préambule, le roman est une uchronie, certes, fort plausible mais si légère que j'ai fini par oublier cette distorsion de la réalité historique tout au long de ma lecture. Bien qu'il soit publié en Folio SF, le livre hésite entre plusieurs genres. Je ne sais pas si tous les romans de Priest s'articulent de cette façon, mais La séparation a une filiation certaine avec le Prestige.

Un témoin extérieur, un historien pour être précise, puise dans des documents écrits la source d'une histoire de jumeaux, qui se dédouble selon le narrateur, les témoins et la personnalité du frère jumeau. Joe et Jack Sawyer se trouvent en 1936 à Berlin pour les jeux olympiques. Ils représentent l'Angleterre dans cette discipline fort prisée Outre-manche, l'aviron. Au cours de ce bref séjour, ils vont faire deux rencontres qui vont chambouler leur vie : Rudolf Hess et une jeune femme dont ils vont tomber amoureux, Birgit. A partir de cet événement, Christopher Priest déroule la vie de nos deux héros, semée de pièges et d'illusions, entretenant le mystère et la confusion, jonglant avec les apparences et les faux-semblants. Jack est pilote de la RAF, son frère est ambulancier pour la Croix-Rouge et au cours d'une mission, Jack disparait. La séparation entre les deux jumeaux est d'abord physique, puis idéologique, chacun ayant un point de vue opposé sur le déroulement de la guerre. La séparation est également celle d'un couple, car Birgit a épousé l'un des deux frères que la guerre a aussitôt contraint à partir et le lecteur ne découvre pas tout de suite l'identité de l'époux.

Et il demeure un autre niveau de lecture, où la séparation prend tout son sens. Je l'ai dit, Priest a bâti son roman sur le jeu des apparences, brouillant les cartes et introduisant un certain degré de confusion chez le lecteur, perdu entre les témoignages contradictoires et ces conclusions différentes. Cette autre séparation est donc mentale. La frontière entre la réalité et l'illusion devient floue d'autant que chacun des deux frères est la proie d'hallucinations, traumatisme hérité de missions dangereuses et difficiles où les nerfs finissent pas être fatalement éprouvés. Or les dernières lignes du roman n'apportent aucun éclairage, le doute est soigneusement entretenu jusqu'au bout. Au lecteur, sans doute, d'imaginer sa version, procédé assez frustrant.

Au final, on ne sait pas exactement qui détient la vérité, ni même s'il y en a une, car la multiplicité des points de vue donnent à penser que chacun a sa propre perception de la réalité. Il n'est reste pas moins que le roman, admirablement traduit d'ailleurs par Michelle Charrier, est passionnant, au-delà de son intrigue historique. Une histoire qui reste longtemps en mémoire, déroutante et mélancolique, une oeuvre intelligente qui suscite la réflexion. Au fond, que demander de plus ?
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Captivant ! Ce roman est un mélange détonnant et réussi entre plein de styles et d'idées. Un peu d'Histoire (la seconde guerre mondiale en Angleterre essentiellement), un peu de fantastique (mode uchronie activé !), de l'enquête, de l'amour, des histoires de famille, des rebonds entre les époques... Bref, quel brio il faut pour réussir cette prouesse !
Tout repose sur la trajectoire respective des jumeaux Sawyer pendant la guerre, l'un aviateur à la RAF, l'autre objecteur de conscience, marié à la femme qu'ils aimaient tous les deux...
La gémellité est centrale, on y croise aussi des personnages historiques, l'auteur invente des sources diverses pour ses chapitres (journaux personnels, faux livres, faux entretiens, faux mémoires...).
On ne sait plus ce qui est vrai ou faux dans cette guerre, c'est habilement mené et captivant !
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
EXTRAIT DU JOURNAL HOLOGRAPHE DE J.L. SAWYER
(COLLECTION BRITANNIQUE, MUSEE DELA PAIX, GENEVE; www.museepaix.ch/croix-rouge/sawyer)

10 avril 1940
Hier, Hitler a envoyé son armée au Danemark et en Norvège. Je suis persuadé qu'en fin de compte, c'est ce belliciste de Churchill le responsable. Il n'y a pas une semaine que le Premier Ministre lui a confié la responsabilité de l'effort de guerre, comme Churchill lui-même n'a pas manqué de le clamer haut et fort, mais il n'a pas fait mystère de son intention de miner les fjords norvégiens. D'après lui, les navires neutres les utilisent pour livrer du minerai de fer aux Allemands. Le simple bon sens me permet aussi de dire que les navires neutres les utilisent pour livrer aux Allemands des fournitures médicales, de la nourriture, des vêtements, le pétrole de première nécessité. Le Reich a autant besoin de ce genre de choses que n'importe quelle autre nation. Pas étonnant que les Allemands aient entrepris de prendre le contrôle des routes de navigation. Churchill ferait la même chose à leur place.
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J'essayai de m'imaginer à quoi avait ressemblé le quartier avant guerre, avec ses habitants inoffensifs, ordinaires, très occupés à vivre leur vie, à s'inquiéter pour leur compte en banque, leur travail, leurs enfants, sans penser une seconde au pire : une nuit, leur foyer et tous ceux qui l'entouraient seraient soufflés par les explosions ou incendiés par les bombes au phosphore.
J'essayai aussi de m'imaginer ce que ces gens pensaient des hommes qui avaient détruit leurs maisons, les pilotes allemands qui attaquaient de nuit. La fureur, la frustration devant l'impossibilité de riposter.
Cette pensée me fit horreur. La presse populaire décrivait les équipages de la Luftwaffe comme des fanatiques nazis, des Huns, des Boches, formules consacrées pour désigner un ennemi incompréhensible, mais le bon sens me soufflait que les aviateurs allemands n'étaient sans doute pas très différents de mes jeunes coéquipiers et de moi-même. Nos propres raids sur Brême, Hambourg, Berlin, Kiel, Cologne ressemblaient fort à ceux qui avaient conduit les intrus ici, à Acton ou à Shepherd's Bush. Aujourd'hui, aux endroits où étaient tombées les bombes du A-Able, Hambourg regorgeait de tas de débris, de conduites d'eau crevées, d'enfants sans abri.
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Au fil des jours passés à la Boca do Inferno, j'en étais arrivé à me voir comme un parti neutre dans la guerre : un intermédiaire, un membre de la Croix-Rouge, qui composait ou traduisait des documents importants, susceptibles de modifier l'histoire - littéralement. Pourtant, quelques heures après avoir regagné l'Angleterre, je me sentis redevenir partisan : anglais, britannique, pas neutre du tout. L'expérience s'avéra instructive. Avant le voyage, j'avais pensé que le pacifisme m'excluait de la partialité, mais en temps de guerre, il est impossible de ne pas s'identifier à son peuple. Voilà qui me donna à réfléchir.
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Certains aspects de la vie londonnienne n'avaient cependant pas changé : les autobus rouges à impériale étaient toujours là, de même que les taxis. S'ils n'avaient pas constitué l'essentiel de la circulation, on aurait pu croire par moments Londres immuable, malgré la guerre. Simple illusion bien sûr : à peine s'était-on persuadé de contempler une zone épargnée qu'en tournant à un coin de rue, on tombait sur une ruine noircie, un alignement rompu, une façade en bois construite à la va-vite pour dissimuler un spectacle de désolation. L'ampleur des dégâts était saisissante : ils s'étendaient, kilomètre après kilomètre, affectant semblait-il le moindre quartier de la métropole.
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Plus tard, il y avait eu le capitaine de la RAF Sawyer, à la fois objecteur de conscience officiel et pilote de bombardier - d'après Churchill. Le mémorandum adressé au personnel du ministère lui demandait de découvrir comment une telle contradiction était possible. Aucune réponse officielle n'y avait été enregistrée. Près de soixante ans plus tard, Stuart Gratton, dont la famille possédait une longue tradition de pacifisme, flairait là une histoire. De quoi s'agissait-il ? Et, plus particulièrement, qu'avait bien pu faire Sawyer le 10 mai 1941 ?
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