«
On dirait que l'aube n'arrivera jamais »
Paolo Rumiz (Arthaud 200p)
Voici une série de chroniques quotidiennes de deux à quatre pages chacune, publiées dans un grand journal italien, un carnet de confinement à chaud, ou plutôt, comme le dit Rumiz, un cahier de non-voyage depuis la ville de Trieste où l'auteur est cloîtré pour cause de Covid. On retrouve ici le ton pamphlétaire du journaliste, ses saines colères contre la stupidité, contre les replis sur soi et les peurs de l'autre, ses emportements si bienvenus contre l'incurie des gouvernements, italien d'abord, mais aussi européens ou d'ailleurs, son dégoût des nationalismes rétrogrades. Toutes choses déjà bien explicites dans «
La légende des montagnes qui naviguent » sorti en 2017, mais illustrées ici sous l'angle des conséquences de la pandémie. Alors oui, c'est dans l'ensemble une lecture qui fait du bien, c'est par exemple intéressant de lire quelques éclats sur la situation en France vue depuis l'autre côté des Alpes. Et il y a également dans ces pages de beaux moments de générosité, Rumiz sait cultiver ses amitiés, et nous en faire part. Il nous offre de belles bouffées d'oxygène, ses espoirs dans la jeunesse qui doit se (nous) réinventer un avenir sont touchants.
C'est donc sans doute un livre utile et intéressant, mais la limite de cet exercice, d'une telle écriture dans l'urgence quotidienne, ce sont les répétitions, les ressassements qui donnent au bout d'un moment une impression de rabâchage, qui entachent la posture de « vieux sage » dans laquelle on sent que Rumiz aimerait bien se trouver.
L'autre réserve dépasse ce seul livre et l'auteur lui-même. Elle concerne la multiplicité des chroniques en tous genres, des journaux de confinement publiés partout, cette accumulation qui fait un peu déversoir de colères certes si souvent fondées contre les gestions de la pandémie, les mensonges et les incuries, et toutes les injustices les plus criantes que la situation met encore plus en évidence. « Nous avons le devoir de nous montrer pessimistes, d'imaginer le pire des scénarios, afin de mieux préparer nos défenses » écrit-il. Sa dernière chronique est datée du 1er mai… Et maintenant ? Je n'apprécie guère
Houellebecq (je ne parle pas de l'écrivain, que je n'ai pas lu, mais - et ceci explique peut-être cela - de l'homme public tel qu'il se vend), mais lorsqu'on lui a posé la question obligée de la période : « Comment voyez-vous le monde d'après ? » il a répondu, « Comme le monde d'avant, mais en pire… » Je crains tellement que la suite lui donne raison, malgré tous les cris de colère qu'on peut lire un peu partout.