Marie, héroïne du premier tome de la Rivière Espérance, prend plus d'ampleur encore dans cette suite, le Royaume du fleuve. La Belle du Périgord, ainsi sera-t-elle surnommée, s'affirme à l'égal des grandes figures littéraires de femmes et elle annonce un certain féminisme. En effet, quoiqu'elle ne devienne maître de bateau que par nécessité économique (son époux Benjamin a été déporté en Algérie), elle rêvait depuis longtemps déjà d'embrasser le destin de ceux qui partaient sur la rivière. Affronter les dangers des flots, comme les hommes, plutôt que souffrir dans l'attente du retour, près du foyer, comme les femmes : telle est la volonté de Marie, une héroïne moderne qui n'attend pas d'un homme qu'il lui sauve la vie.
La dimension sensuelle de la Belle du Périgord est inscrite, aussi, en filigrane du roman. Si
Christian Signol, avec beaucoup de pudeur, ne s'aventure jamais dans des scènes d'amour physique entre ses protagonistes, s'il ne fait que suggérer les étreintes, il aime à décrire le plaisir des rencontres avec la rivière. Marie qui se baigne et se laisse dériver sur les flots, Marie qui s'endort dans le foin avec ses enfants, Marie qui se délecte des parfums et fait corps avec son environnement... Elle est là, la vie du corps, qui vibre au rythme de ce qu'offrent les quatre saisons.
Un très beau roman, toujours enchanteur par les descriptions vivantes de ses paysages. le reste, l'évocation de la vie des héros, tourmentée comme il se doit dans toute grande saga romanesque, n'est finalement qu'accessoire.