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sur 381 notes
Sébastien SPITZER nous rappelle avec talent que ce nous appelons l'Histoire n'est en fait qu'une somme d'histoires. Des quotidiens, des destins de monsieur et madame tout le monde. Une addition de vies qui ont forgé l'Histoire. Certains noms sont inscrits dans les livres et les mémoires transmis de génération en génération, d'autres se sont perdus dans la foule des anonymes. Leurs vies n'en sont pas moins dignes d'intérêt.

Charlotte EVANS contrairement aux autres personnages qui peuplent ce livre est inventée de toute pièce et pourtant elle incarne toute une génération de femmes qui ont vécu comme elle. Tel un personnage de ZOLA arpentant les rues du Londres de DICKENS. Charlotte, c'est une femme maltraitée par la vie, victime parce que femme dans un monde d'hommes. Réduite à une vie de misère car oubliée par celui qui lui avait promis une vie à 2, à 3, pour le meilleur et pour le pire. Charlotte c'est aussi une mère avec la détermination chevillée au corps et l'instinct de survie pour elle et son petit. Freddy une erreur à effacer pour ses parents, un don du ciel pour elle.

Charlotte fait partie des anonymes, une irlandaise de plus venue alimenter les bas-fonds de Londres et le quartier de l'East End, celui du peuple d'en bas de Jack LONDON.
Pourtant son destin est étroitement lié à ceux de certains « grands de ce monde », des figures historiques comme Karl MARX et Friedrich ENGELS. A part quelques vagues souvenirs de mes cours d'histoire et de philo (c'est-à-dire pas grand-chose) j'ignorais presque tout de ces deux-là. Sous la plume de SPITZER ces deux portraits en noirs et blancs de mes livres de cours se sont effondrés de leurs piédestal et ont pris chairs et corps pour reprendre leur statut d'hommes. Avant d'être des morceaux d'histoire ils ont été des anonymes eux aussi. Des frères, des pères, des maris, des fils, juste des hommes. Des hommes pétris d'idéologie dans une société où seul le travail et l'argent prouvent la valeur d'un être humain. Dans une société où la vie ne vaut pas grand-chose, où la main d'oeuvre n'est qu'expatriés, crèves la faim et autres pauvres bougres payés une misère qui font le bonheur des manufactures de coton. Ils s'empoisonnent à petit feu et se tuent à la tâche. Des années d'oppression, d'exploitation et de promesses jamais tenues qui forment un terreau de colère et de haine.
Tandis que la guerre de sécession prend fin et les blocus avec, elle laisse toute une génération de soldats irlandais amers et plein de rancune envers la Couronne Britannique et l'Amérique de LINCOLN.

Dans ce monde prêt à imploser MARX écrit et se regarde le nombril tandis qu'ENGELS l'entretient ainsi que sa famille, bafouant pour ce faire, toutes les belles idées qu'ils veulent tant propager. MARX écrit, énonce ses vérités, ne parle que politique laissant les tâches moins nobles aux autres. Persuadé d'avoir raison il vit dans l'hypocrisie la plus totale à l'abri du froid, de la faim et de la misère avec un rapport avec l'argent très ambigüe.
Il est facile de parler de pauvreté, de dénuement, de sacrifices et de lutte quand on dort au chaud et qu'on a le ventre plein, pendant qu'au loin grandit dans le dénuement et la misère un enfant sciemment rejeté.

Il ne voit que les idées, la lutte, le combat, jamais les hommes, les femmes, les enfants en souffrance. Ce qui l'intéresse c'est l'abstraction des idées, les coucher sur le papier, être un guide. La réalité de la pauvreté et les actions concrètes lui importent peu.

Un MARX qui se rebelle contre les conventions mais qui fait le dos rond quand ça l'arrange et un ENGELS aux prises avec sa conscience. Une galerie de personnages en contradictions et en humanité.

Au milieu de tout ça, il y a Freddy, qui défie la misère, le destin, la pauvreté et la mélancolie. Un rayon de soleil au milieu du smog londonien et une rencontre qu'il vous faudra faire par vous-même si vous voulez en savoir plus. Ce p'tit gars en vaut la peine.
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Ma critique aura-t-elle un sens ? Car je ne vois pas de meilleur éclairage sur le coeur battant du monde, que ce que l'auteur écrit lui-même dans les pages finales de remerciements. Dans son roman, Sébastien Spitzer a imaginé l'enfance et l'adolescence d'un certain Frederick Demuth, né à Londres en 1851 d'un rapport intime éphémère et clandestin entre Karl Marx et la gouvernante de la famille. Une information longtemps occultée par ceux qui tenaient à sanctifier l'image de leur idole.

Soucieuse de préserver son honorabilité, la famille, qui comptait six enfants officiels, dissimula et dénia, dès sa naissance, l'existence de ce fils illégitime, ce « bâtard » honteux. On sait peu de choses sur son enfance et son adolescence. Une zone grise qu'il appartenait à l'auteur de mettre en couleur par une histoire séduisante. Et justement, je n'ai pas été convaincu par le personnage fictif de Freddy, à peine plus par celui de Charlotte, sa bonne-maman. J'ai trouvé laborieuses, parfois tirées par les cheveux, les aventures imaginées par l'auteur.

L'ombre oppressante d'un homme plane sur l'esprit du roman. Cet homme, que ses compagnons de lutte appellent le Maure en raison de son teint mat et de la broussaille noire de son poil, c'est Karl Marx, un dieu pour une partie de l'humanité, un diable pour l'autre. Selon lui, le monde capitaliste finira par s'effondrer sous l'effet de ses contradictions. Des contradictions dont il n'est pas lui-même exempt. Son activisme révolutionnaire tranche avec son attrait pour le luxe, son mode de vie bourgeois s'accommode mal de son incapacité chronique à gagner sa vie. À Londres, où il s'est exilé avec femme et enfants, le quotidien n'est pas simple pour madame, née baronne Johanna von Westphalen, toujours prête toutefois à s'incarner en Jenny la Rouge et à prendre fait et cause pour son mari.

Dans le livre, le personnage le plus présent, c'est Engels, l'alter ego de Marx. Il est cosignataire de son oeuvre, mais le grand public ignore son nom. Pas étonnant à en juger à la lecture du roman, où l'auteur le montre toujours en retrait du Maure, dont il subit le caractère dominant et dont il finance de bon coeur la vie quotidienne. Il en a les moyens financiers et il croule, lui aussi, sous les contradictions. Ce rejeton d'une riche famille d'industriels prussiens est un sentimental scandalisé par les inégalités. Ce grand patron installé à Manchester est un théoricien de la révolution prolétarienne. Ce grand bourgeois chasse à courre avec le marquis de Westminster et souffle sur les braises dans les manifestations d'ouvriers. Et son comportement de mâle n'est guère conforme à ses engagements féministes.

Le contexte historique est très intéressant. En cette seconde moitié du dix-neuvième siècle, le coeur battant du monde se situe en Angleterre, où l'industrie, en plein développement, « est le coeur sec et froid d'un monde sans coeur ». Dans les grandes villes de l'empire le plus puissant du monde, la misère la plus pitoyable côtoie l'opulence la plus ostentatoire. Des pages choquantes rappellent l'oeuvre de Dickens. Riches et pauvres subissent, chacun à sa mesure, une terrible crise du textile provoquée par l'arrêt de la culture du coton, dans le Sud des États-Unis, pendant la guerre de Sécession. Tous vivent dans l'appréhension des soulèvements et des attentats commis par les indépendantistes irlandais.

Le livre est décomposé en quarante chapitres d'une dizaine de pages, chacun étant tour à tour consacré à l'un des principaux personnages. Il est presque entièrement écrit au présent, avec très peu de retours sur le passé. J'en ai été gêné, car ce parti d'écriture, dont l'objet est d'introduire directement le lecteur dans la narration, perd son effet lorsqu'on le généralise d'un chapitre à l'autre, d'un personnage à l'autre. Il supprime toute perspective temporelle, toute intuition de correspondance entre les événements. Reste l'impression de lire des chroniques indépendantes.

Peut-être le style narratif de Sébastien Spitzer est-il plus adapté au caractère objectif d'un ouvrage à vocation historique qu'à une fiction romanesque.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Voici un roman historique où la Grande Histoire croise le mystère des hommes .
Londres: 1851, coeur de l'empire le plus puissant du monde , l'année de la Grande Exposition universelle où des milliers de gens débarquent de France ou d'Allemagne pour la visiter!
Londres où le Palais de Cristal construit sous la houlette de la reine Victoria abrite en son sein toutes les vanités du monde moderne , notamment un immense bloc de houille , érigé à l'entrée tel un totem, lui qui fait tourner les usines d'Angleterre, bloc , symbole du coeur sec et froid d'un nouveau monde....
Londres , la ville monde- qui se gave en avalant les faibles en les laissant s'entasser dans ses faubourgs sinistres puant la misère et l'insurrection...

L'auteure y explore les relations sociales, conte l'histoire de Charlotte , jeune immigrée irlandaise, fuyant la famine, agressée et secourue par le docteur Malte.
Son homme est parti chercher du travail en Amérique du Sud , il ne reviendra pas , elle attend un enfant ....
Pendant ce temps , Engels rend visite à son fidèle ami LE MAURE, Karl Marx qui l'a sollicité pour qu'il lui vienne en aide, un bâtard lui est né...ce fruit défendu ! enfant illégitime , Freddy , fils caché du Maure que Charlotte élèvera——-dont l'existence a été cachée jusqu'au milieu des années 60.—-
Par amour pour lui, elle se prostituera , volera, mentira sans jamais révéler le mystère de sa naissance ...
Il ne manquera de rien .
Le lecteur découvre le génie intellectuel de Marx, son rapport névrotique a l'argent , son incapacité à subvenir aux besoins de sa famille , ses dépenses compulsives, son mode de vie bourgeois qui se veut pourtant révolutionnaire , endetté car attiré par le luxe, le destin étonnant de sa femme , Jenny la rouge, ses filles.
Il théorise la Révolution dans les Livres.
Puis l'auteur décrit longuement la personnalité du grand ami Engels , le Lord du coton, pétri de contradictions, chassant le renard avec des aristocrates et appelant les ouvriers à la révolution, rêvant d'abattre le capitalisme , capable d'aimer deux irlandaises à la fois, Lydia et Mary, le corollaire de Marx et pourtant son contraire , au coeur de cette pensée qui a fait basculer la moitié de l'humanité sous la faucille et le marteau !

L'auteur prend le pouls d'une époque , où la toute puissance de l'argent peut briser les hommes.
Il fait revivre le quotidien de ces personnages célèbres d'un autre temps , leur amitié et leurs espoirs de jours meilleurs, conte le destin de Freddy, «  le bâtard de Marx »l'enfant caché , «  Cet enfant de personne et de nulle part » .
L'intérêt historique de cet ouvrage est indéniable et l'on apprécie le portrait d'Engels en gentleman révolutionnaire .
J'avais beaucoup aimé «  Ces rêves qu'on piétine », un peu moins celui- là , manque de souffle, écriture un peu plate, pompeuse à certains moments , surtout dans les dialogues ....ce qui est gênant ....
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Il y a deux ans, je découvrais Sébastien Spitzer, journaliste, à travers son premier roman historique, Ces rêves qu'on piétine, retraçant le parcours de Magda Goebels. J'avais beaucoup aimé cet ouvrage, aussi ai-je voulu lire celui-ci également.

Cette fois, l'auteur nous raconte l'histoire de Frederic Demuth, né à Londres en 1851. Il est le fils de Karl Marx et de sa gouvernante. Dès sa naissance, Freddy a été renié et s'est retrouvé adopté par Charlotte, une jeune femme irlandaise. Si, sur le papier, Marx défend les opprimé·e·s, il est obsédé par l'argent tandis que son fils caché prend les armes pour défendre sa cause.

Ne connaissant pas l'histoire de Marx, j'ignorais qu'il avait eu un bâtard et cet ouvrage m'a permis d'en apprendre plus sur Frederic Demuth, bien qu'une partie ait été romancée par l'écrivain. Seulement, raconter quinze ans de vie était également l'occasion de parler de la crise du coton, de la guerre de Sécession... Alors bien que Sébastien Spitzer ait inventé le personnage de Charlotte - puisque nous ne savons pas qui a élevé le fils de Marx -, il se base sur des faits réels et parle de protagonistes qui ont réellement existé (Marx, appelé le Maure dans ce livre, Engels, mais aussi Freddy...).

Ce livre est vraiment intéressant et se lit très facilement, malgré ces 445 pages qui peuvent paraître impressionnantes au départ. Ce roman historique permet d'en apprendre plus sur la guerre de Sécession, sur les grandes idées et les paradoxes de Marx et Engels...

Une fois refermé, j'en suis sortie avec plus de connaissances qu'avant. Pour celleux qui, comme moi, aimeraient en apprendre plus sur L Histoire sans pour autant se plonger dans de gros ouvrages un peu rébarbatifs - mais peut-être est-ce un cliché -, les romans historiques comme ceux que Sébastien Spitzer peut construire (même s'il n'en a écrit que deux) tombent à pic.
Lien : http://anais-lemillefeuilles..
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Karl Marx a eu un fils caché, issu d'ébats furtifs avec une de ses domestiques. Ce petit Freddy est né à Londres en 1851, et son entrée dans la vie ressemble à l'histoire de Blanche-Neige : le médecin censé procéder à l'avortement a confié le bébé prématuré à Charlotte, une nourrice d'origine irlandaise qui l'a élevé comme son enfant.

Dans ce roman, Sébastien Spitzer imagine l'existence tumultueuse de Charlotte et Freddy (qui apparaissent peu dans l'Histoire officielle), tout en retraçant fidèlement, à partir de documents, les vies de Marx & Engels et de leurs proches, dans une Angleterre en pleine crise industrielle et commerciale.

A la fin de cette lecture, j'ai eu l'impression de sortir d'une saga de presque mille pages. A cause de longueurs ? Ou parce que le souffle romanesque m'a rappelé 'Le gang des rêves' (Luca di Fulvio) et certains ouvrages de Ken Follett ?

Je me suis davantage régalée avec le contexte socio-politique qu'avec les destinées individuelles : guerre de Sécession aux Etats-Unis et ses conséquences désastreuses sur l'économie anglaise qui reposait alors sur le coton et l'industrie textile. J'avais une vision binaire du conflit américain : gentils nordistes contre vilains sudistes esclavagistes. C'est un brin plus compliqué, et la guerre ne s'est pas arrêtée après la reddition du général Lee, puisqu'elle a nourri la révolte des Irlandais contre l'occupant britannique...

A lire !
• pour l'ambiance à la Dickens
• pour en savoir plus sur Engels et Marx, deux 'grands hommes' pétris de paradoxes, qui professaient de belles idées en contradiction avec leurs façons de vivre
• pour la leçon d'Histoire et d'économie - on y voit l'articulation entre politique et commerce & industrie.

Je conseille notamment aux lycéens et étudiants de filière socio-éco.

Prochaine étape pour moi : me documenter sur l'attachante Tussy, la troisième fille de Karl Marx (Jenny Julia Eleanor, 1855–1898).
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Un très fort moment de lecture et la joie de découvrir cet écrivain-journaliste, encore jamais lu...

La citation en exergue, à elle seule, en dit déjà fort long sur le ton et les thèmes centraux de ce roman: la misère du peuple, l'exploitation des plus faibles, et toutes les violences policières mais aussi des puissants, en période de profonde crise économique, sociale... Cela me donne, en plus, l'envie, de lire , avec une attention accrue...le texte de Dickens, "Les Temps difficiles" !!!
"On sait, à une livre près, ce qu'une machine peut produire, mais je ne connais aucun expert aux services de la Dette nationale capable d'estimer la quantité qu'il y a, à chaque instant, de bien ou de mal, d'amour ou de haine, de patriotisme ou de mécontentement, de désintégration de vertu en vice ou l'inverse, dans la larme d'un seul de ces braves ouvriers au visage impassible et aux gestes bien réglés. Cette machine n'a pas de mystère ; mais il y a un mystère insondable chez le plus insignifiant de ces gens. "Charles Dickens-'Les temps difficiles' (1854)


Dans les années 1860, dans un Londres où les "miséreux" crevant de
faim ,augmentent sans cesse, Sébastien Spitzer prend le" pouls d'une époque où la toute- puissance de l'argent brise les hommes, l'amitié et l'espoir de jours meilleurs." [4e de couv. ]

On traverse cette fresque en suivant les travaux de Karl Marx, l'aide financière sans faille de son ami, Engels, différents personnages attachants, dont l'émigrée Irlandaise, Charlotte...
qui se débat dans les épreuves , pour survivre dans cette misère généralisée, grandissante...
Elle recueille par la force des circonstances, après avoir tragiquement perdu son bébé, un autre bébé, un petit garçon, enfant illégitime de Karl Marx...dont elle prendra soin avec un amour indéfectible...

A travers Charlotte, ce sont tous les "pauvres" de la terre,symbolisés...écrasés par les injustices sociales, lors de crise économique profonde.

Si Charlotte , en dépit de sa pauvreté et de sa lutte pour survivre avec son petit garçon, Freddy, grandit à nos yeux, au fil du récit... le théoricien, et philosophe, Karl Marx, n'en sort pas, lui, grandi !!!

Sans oublier les grandes figures de penseurs de l'époque, Charles Fourier, Charles Darwin, Abraham Lincoln, etc. La petite histoire et la Grande Histoire réunies !!!

Un récit au rythme nerveux, où il n'y a pas le moindre vide... ou rupture de narration !

"En Irlande, quand la fièvre de la famine répandait ses dais noirs, Charlotte a vu tous les membres de sa famille se presser devant les portes de ces sociétés-là. Société philanthropique du secours à l'Irlande.
Société philanthropique des quakers de l'Est. Société philanthropique protestante. Ils étaient des milliers à s'y rendre, crevant de faim et de peur, le visage marqué par la malaria, infestés de gale et de poux, cloqués, fuyant leurs champs en ruine parce que le champignon avait tout saccagé.
Le mildiou. Philanthropie.
Quelle blague !
C'est cette philanthropie qui offrait des savons pour que les pauvres crèvent propres.
Pour chasser le choléra.
Maudite philanthropie !"

Un ouvrage poignant, réaliste... qui me rappelle une lecture irlandaise fort lointaine, "Famine" de O'Flaherty..., qui m'avait très durablement marquée...

"Londres est la ville-monde immonde. Ses rues sentent l'exil et la suie, le curry, le safran, le houblon, le vinaigre et l'opium. La plus grande ville du monde est une Babylone à bout, traversée de mille langues, repue de tout ce que l'Empire ne peut plus absorber. Elle a le coeur des Tudors
et se gave en avalant les faibles. Et quand elle n'en peut plus, elle les vomit plus loin et les laisse s'entasser dans ses faubourgs sinistres."

Une fresque historique et sociale, où nous apprenons beaucoup, vivant au fil des émotions, des drames des personnages. Un temps de lecture, totalement captivant, addictif... !!
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On peut violer l'Histoire à condition de lui faire des enfants. Bon, à l'heure de Metoo, on ne peut pas dire que la phrase de Dumas soit très heureuse, mais elle n'en demeure pas moins pertinente.
Prenons ce livre. L'auteur y insiste dans sa postface : il s'est avalé des tonnes de documents pour nous servir les personnages les plus romanesques qui soient : Karl Marx, le bourgeois révolutionnaire, sa baronne d'épouse, qui préféra la misère à une vie futile, Engels l'ami fidèle et trahi, malgré sa richesse mise au service de la cause, et, cerise sur le pudding, le fils caché de Karl et d'une bonne étourdiment lutinée.
Ça donne envie, hein?
Le problème, c'est que ne souffle ni l'esprit de Dumas, ni celui de Zola, ni celui de Dickens et que ce roman ne tient ni par la lettre ni par l'esprit.
Phrases sèches. Sujet-verbe-complément. À ceux qui n'ont plus rien la pauvreté du style vaut-elle brevet de commisération? Ça se discute. D'autant plus que Spitzer freine sur le romanesque autant que sur l'envolée lyrique. Non pas que l'ouvrage manque de noirs complots: mais ils semblent n'exister que pour habiller un mannequin de bois, faute d'avoir su insuffler de la vie aux différents protagonistes. Ne sachant s'il doit parler du bâtard anonyme à qui il ne réussit pas à façonner un destin ou se pencher sur des célébrités dont il décrit les faits et gestes sans leur donner une intériorité, Spitzer va de l'un aux autres en reliant maladroitement des fils improbables. Un assassinat serait piquant? Un inceste pimenterait l'histoire ? Spitzer bâtit un début d'intrigue puis un autre, relit sa documentation et finalement pose sagement son stylo de peur d'aller trop loin.
On peut donc aller directement aux dernières pages du livre et glaner dans la bibliographie consciencieuse de l'auteur des idées de lecture pour les prochains jours. Quant au coeur battant du monde, ce n'est sans doute pas dans ce trop sage roman qu'on le trouvera.
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****

Quand on propose à Charlotte de devenir la nourrice du petit Freddy, elle vient de perdre l'enfant qu'elle portait et tout espoir d'une vie meilleure. Que ce cadeau du ciel soit le fils illégitime de Karl Marx n'y change rien. Ils vont s'aimer, s'aider et se sauver... Mais à cette époque la vue en Angleterre est difficile. Ils vont en connaître le prix...

J'attendais beaucoup du second roman de Sébastien Spitzer, pour la simple et bonne raison que j'avais énormément aimé Ces rêves qu'on piétine. Et je n'ai pas été déçue !

Une fois encore, cet auteur à l'écriture fluide et travaillée, nous entraîne dans les zones d'ombres de la Grande Histoire.
Aux côtés de personnages attachants comme Freddy, Charlotte ou Lydia, on s'envole pour l'Angleterre et la crise du coton, les quartiers pauvres et les maisons bourgeoises, les ouvriers qu'on épuise et les lords des chasses a cours.

C'est un roman foisonnant, où les petites histoires s'entremêlent pour former une grande et émouvante image d'un quotidien de luttes et de combats...

Merci aux 68 premières fois pour ce très beau roman...
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Sébastien Spitzer poursuit son exploration du passé, de l'histoire avec toujours cette faculté extraordinaire qu'il possède, celle de tisser entre eux les différents liens d'un récit passionnant, envoûtant à plus d'un titre. "Le coeur battant du monde", tout comme son prédécesseur, ne manque pas de ce souffle qui habite les textes enlevés et qui convoquent, entre autres, les fantômes de Karl Marx, d'Engels et de tout une époque frémissante dans les années 1860, en Angleterre où germait déjà les graines des grandes tragédies à venir, celles des Totalitarismes du XXème siècle. L'industrialisation, la mondialisation s'était immiscée dans la vie de l'empire le plus puissant du monde. Déjà, le profit se concentrait dans les mains de quelques-uns tandis que la masse du peuple croulait sous le poids des dettes et de la misère, du travail dans des conditions apocalyptiques et de la vie dans des quartiers populaires insalubres. Il y a du Dickens dans ce Sébastien Spitzer mené de main de maître et qui nous emporte par un style d'écriture ciselée et une analyse fine qui nous permet de nous projeter dans une vision à l'échelle multiscalaire, celle de la guerre de sécession aux États-Unis qui a un impact sur la production de coton exportée vers l'Angleterre, obligeant de nombreuses manufactures à fermer leur porte et poussant les ouvriers au chômage. Là encore, l'impact d'évènements lointains sur la vie de ces travailleurs nous montre combien les liens étaient inextricables tant du point de vue économique que financier. Mais revenons en à notre histoire, car ici il est aussi question de l'intime, de Karl Marx qui eût un enfant caché avec une employée. Il s'appelle Freddy et il est né le 23 juin 1851. Il n'a jamais été reconnu par son illustre père et sera confié à une jeune femme irlandaise pauvre, Charlotte, qui devra à tout prix gardé le poids du secret de cette naissance illégitime. A Londres puis à Manchester, il faudra vivre caché, traqué par les polices d'Europe et aussi par les hommes de main du frère noble et richissime prussien de la femme de Marx surnommée Jenny la rouge, née baronne mais qui renoncera à tout pour suivre la destinée de son idole de mari : Karl Marx. Ce dernier mènera une vie de bourgeois, dépensant sans compter l'argent qu'il devait au soutien financier essentiel de son ami Engels, le fameux Lord du coton. On suit donc le parcours de Charlotte et Freddy dans cette Angleterre industrialisée de la seconde moitié du XIXème siècle, on y lit la misère, la souffrance des Irlandais qui peuplaient ces quartiers insalubres des grandes villes anglaises. Ils n'avaient rien ou presque et devaient lutter pour leur survie au quotidien. "Le coeur battant du monde" est une véritable plongée, une immersion dans cet univers où l'argent faisait ou défaisait les réputations, où les hommes valaient à peine plus que des bêtes de somme. Sébastien Spitzer confirme avec ce nouveau livre tout le potentiel entrevu dans "Ces rêve qu'on piétine" son tout premier roman. Il poursuit dans la veine du roman historique et s'inscrit d'ors et déjà comme un des auteurs marquant de cette rentrée littéraire.
Lien : https://thedude524.com/2019/..
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Cachez ce fils que je ne saurais voir

Après l'impressionnant portrait de Magda Goebbels, Sébastien Spitzer s'attaque à Karl Marx, réussissant par la même occasion un formidable livre qui mêle à la fresque historico-politique une quête romanesque au possible. Époustouflant!

Sébastien Spitzer est arrivé en littérature il y a deux ans avec Ces rêve qu'on piétine qui nous avait fait découvrir l'étrange Magda Goebbels. Pour son second opus, il a choisi de revenir un peu plus loin en arrière, dans la seconde moitié du XIXe siècle, au moment où l'industrialisation gagne chaque jour du terrain et où la société vit de profondes mutations. Pour faire revivre cette époque, il n'imagine pas seulement quelques témoins de l'Histoire en marche, mais s'attache aussi à deux acteurs de ce changement, Friedrich Engels et son ami «Le Maure», de son vrai nom Karl Marx.
Lorsque s'ouvre le roman, il sont tous deux en Angleterre, contraints à l'exil après la publication du Manifeste du parti communiste et leur participation aux soulèvements de 1848 en Allemagne. Engels est à Manchester où il dirige avec son père une usine de filature et Marx à Londres où il poursuit son combat par l'écrit d'articles et la rédaction de ce qui va devenir le Capital.
C'est dans cette «ville-monde immonde» que vit aussi Charlotte, contrainte à quitter son Irlande natale pour trouver refuge cette «Babylone à bout, traversée de mille langues, repue de tout ce que l'Empire ne peut plus absorber. Elle a le coeur des Tudors et se gave en avalant les faibles. Et quand elle n'en peut plus, elle les vomit plus loin et les laisse s'entasser dans ses faubourgs sinistres.»
Grâce à ses qualités, la jeune fille qui sait manier l'aiguille, mais aussi «ranger, plier, laver, écrire, compter, se tenir, se taire et danser quand c'est l'heure de faire la fête» va se voir confier la mission de nourrir et d'élever un bébé dont l'origine est secrète et qu'on appellera Freddy.
On l'aura compris, Sébastien Spitzer nous offre d'explorer la grande Histoire par son aspect le plus romanesque, à la manière de Dumas père. Cet enfant, objet de toutes les convoitises et qui, au fil des années va lui-même chercher à percer le mystère de sa naissance, nous vaudra quelques savoureux épisodes, guet-apens, tentative d'assassinat, fuite effrénée. Bref, une riche panoplie propre à séduire le lecteur.
Mais ce n'est pas là se seule qualité, loin de là!
Om saluera le remarquable travail documentaire qui nous fera découvrir la vie quotidienne sous le règne de Victoria, quelques épisodes marquants de la Guerre de Sécession, sans oublier la révolte des Irlandais contre la couronne britannique dépeints à chaque fois à travers les destins des personnages, fort souvent victimes des soubresauts d'une économie qui s'industrialise et se mondialise de plus en plus.
Et nous voilà au troisième point fort de ce superbe roman, celui qui met Friedrich Engels et Karl Marx en face de leurs contradictions et retouche quelque peu l'image des deux hérauts du communisme. Les 800 employés de l'entreprise Ermen & Engels de Manchester – dont quelques dizaines d'enfants – que dirige le fils Engels ne bénéficieront d'aucun privilège et seront bien loin d'être les fers de lance d'une quelconque dictature du prolétariat. Lorsque le coton américain viendra à manquer du fait du blocus, Friedrich Engels n'aura même aucun scrupule à se séparer de sa force de travail. Après tout, il lui fait bien trouver les moyens de soutenir financièrement le Maure, qui entend mener grand train, tout en rêvant au «grand bouleversement» qu'il pressant «au coeur même du coeur battant du monde capitaliste». Il voit les contradictions et les failles du système : «Les cloaques des faubourgs étendent leur lie jusqu'au pied des beaux quartiers. La fortune des machines, puissantes, increvables, aggrave la misère des serre-boulons parqués dans des taudis. Ce système est un mensonge. L'argent est un vampire sans maître, jamais rassasié.» Pourtant, comme le rappelle Michel Onfray dans le crocodile d'Aristote (à paraître le 3 octobre prochain chez Albin Michel) et de l'hebdomadaire le Point a publié quelques extraits, «Marx a été et fut un bourgeois en tout.» Par son origine sociale, par ses études, par son mariage (il épouse la baronne Jenny von Westphalen) et surtout par sa vie intime et son rapport au travail: «il engrosse la servante qui habite sous son toit et vit de l'argent donné par son ami». Et pour faire bonne mesure, on y ajoutera les heures passées à spéculer au Stock Exchange.
Sur le plan des moeurs, on ajoutera encore à ce tableau les deux soeurs Mary et Lydia qui partagent la couche d'Engels au grand dam du voisinage.
Dense, riche, enlevé: voilà une belle découverte de cette rentrée et la confirmation du talent de Sébastien Spitzer. Si les jurés des différents prix littéraires de l'automne cherchent encore à compléter leur sélection, on ne saurait trop leur conseiller de se plonger dans ce livre!

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