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EAN : 9782080419316
256 pages
Flammarion (19/04/2023)
3.65/5   10 notes
Résumé :
Assez bien, pas si mal, moyen, médiocre - quelques termes jetés à la hâte peuvent parfois réduire la complexité d'une vie. C'est pourtant le « assez-bien » qui peut nous délivrer d'un moi si souvent hanté par le jugement de l'autre : la médiocrité dorée (Horace), le juste milieu (Aristote), ou la décence ordinaire (Orwell). Cet « assez-bien » n'a rien en commun avec cette médiocrité passive et répétitive qu'abominait Flaubert. Il n'exprime ni complaisance ni manque ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
L'excellence en mode mineur

« Marina van Zuylen explore avec une élégance rare l'un des sujets les plus ignorés de la littérature comme de la vie : les vertus propres à qui n'est pas un "héros". »

J'approuve ce message:)

Je lisais une interview de cette auteure précisément au moment où je publiais ici ma recension de Mulukuku, roman dans lequel le personnage court après sa vie comme une vague somme d'exploits à accomplir, condamné de ce fait à une emprise déceptive*. N'y a-t-il pas d'autre façon de concevoir une vie réussie ?

À Mulukuku, j'y suis revenu ensuite, triangulant une critique des Formes de l'oubli, pile au moment où Babélio lançait une nouvelle salve Masse critique. Dans la liste, je n'en coche alors qu'un seul, celui-ci, que contre toute attente j'obtiens. C'est le destin qui s'accomplit ! me dis-je, avant de me corriger, puisque le contenu du livre et le contexte qui avait nourri son attente s'opposent ou, plus modestement, prennent à revers ou de côté les élans destinaux et autres quêtes héroïques.

Marina van Zuylen (MVZ) met à l'honneur et en valeur les vertus et satisfactions propres à une vie, disons, moyenne. C'est un cheminement plutôt qu'une démonstration ; donc, pas de leçon à retenir, mais une riche matière à réflexions.

La vie suit-elle un sens unique, comme la devise des JO : plus vite, plus fort, plus haut ? MVZ mène une enquête littéraire, invitant à considérer différemment les personnages réels et fictifs qui peuplent les coulisses et jouent cependant un rôle décisif. Il faut y être attentif : « Les vies suffisamment bonnes qui m'ont le plus appris n'ont pas été vécues comme des performances, ce pourquoi précisément elles étaient les moins notables. »
MVZ invite alors à prendre au mot « assez bien », qu'on comprendra alors telle que l'adresse aux mères « suffisamment bonnes » du psychanalyste Donald Winnicott. « Assez bien », non pas « peut mieux faire », mais aussi la bonne médiocrité (aurea mediocritas) d'Aristote ou Horace qui renvoie au juste milieu, à un moyen terme (l'endaimonia aristotélicienne)...

Éloge des vies minuscules (EVM) se présente en « poste d'observation privilégié des qualités discrètes ». Mais ne se contente pas de les reconnaître. EVM s'interroge aussi sur leur effacement et doute en outre de son propos, n'éludant pas que ces petites distinctions puissent cacher les médailles consolatrices du renoncement. Surtout si elles sont décernées par les premiers de la classe qui cultivent l'autonomie de l'artiste ou se représentent au sommet de la pyramide de Nietzsche (pré l'amor fati) réclamant une bonne grosse base pour s'élever.

MVZ doute : « « Pour être honnête, est-il tout bonnement possible de rompre avec l'habitude de voir la vie comme une nette alternance de hauts et de bas, de reliefs et de plateaux ? » Et Dante porte le fer, fustigent le désengagement comme « l'allure pitoyable des âmes tristes de ceux qui ont vécu sans blâme et sans louange. »

L'auteure suit le fil de sa vie de jeune femme, d'abord quand son exigence d'ascétisme lui filait la jaunisse, puis guidée par les philosophes et romanciers qui « ont su entendre palpiter la vie dans ses manifestations les plus discrètes plutôt qu'écouter les porte-voix de l'universelle ambition. »
Une sorte travail sur soi, entre stoïcisme et coaching bienveillant, tandis que nous sommes gouvernés par un double maléfique, juge impitoyable, source de discordance temporelle : « Comment une chose qui n'existe pas, une version de nous-mêmes au mieux rêvée, peut-elle enfoncer un coin aussi douloureux en nous ? »

Le problème, mais aussi la solution, c'est que de surcroît nous ne sommes pas seul(s). le rapport à autrui s'accompagne d'un regard expectatif sur soi qui fait peser « le plus vivement le syndrome du pas assez bien. » « La tyrannie du mérite » (Michael Sandel) nous opprime. « Le mépris envers quelqu'un qu'on ne juge pas assez bon s'ancre dans la relation qu'on entretient soi-même avec l'idée de réputation. »

On en bave souvent de vivre par comparaison, cependant « être défaits les uns par les autres (Judith Butler) est moins grave que de rester intact, autarcique dans toute notre hubris. »
Il faut parvenir à vivre entre la satisfaction d'être ensemble et l'impulsion à sortir du lot. Alors « pourquoi privilégions-nous systématiquement la pensée introspective sur toute autre forme d'expérience ? » interroge MVZ, défendant les mérites d'une « danse conjointe » entre les êtres humains versus les limites de la performance individuelle et les menaces de la guerre de tous contre tous.

« Aimer un autre être, c'est renoncer à un idéal de perfection. » Mais c'est aussi une autre forme d'excellence. Vive l'empathie, l'imagination sympathique : « Si un moineau vient devant ma fenêtre, je prends part à son existence et picore dans le gravier » (Shaftesbury)
« Éclairer les vies minuscules est le rôle de la littérature. La fiction nous apprend ce que c'est, que d'être constamment sur le fil entre existence et effacement. »

À l'arrivée on aura appris à apprécier la capacité à suspendre son jugement, y compris sur soi-même, à considérer le présent où rien n'est ordinaire, quand tout est moment de vie (Virginia Woolf), attentif au processus plutôt qu'au résultat. On acceptera que limites soient des atouts plutôt que des obstacles.
On aura appris à « persévérer dans notre être », selon le conatus spinozien, suivant l'exemple du personnage d'Astrov, « l'écologiste » de L'oncle Vania (Tchékhov) cultivant ses forêts.

Pas de grandes révélations, c'est la substance du livre : ne jugeons pas notre expérience à sa seule conclusion. « Atteindre ou non ses objectifs est souvent affaire de hasard. C'est le chemin emprunté qui nous définit. » (Rebecca Mead) MVZ a profité de la leçon : « En écrivant ce livre, je mène une enquête qui m'apporte du plaisir, qui m'aide à mieux comprendre ma place dans le monde, et mon rapport à l'échec et au succès. »

J'ai aimé pareillement partager ce livre en faisant l'effort de sa recension.


* de Mulukuku, l'Éloge des vertus minuscules m'a fait voir l'influence certaine de Schopenhauer qui m'avait échappé à la lecture. [J'adore que les livres se parlent ainsi, dans une sorte de feuilletée qui se forme dans mes pensées — miam!]
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Je tiens à remercier chaleureusement l'opération Masse Critique de Babelio et la maison d'édition Flammarion pour cette découverte éditoriale déterminante.

Ces petites qualités qui rendent heureux

Retrouvez ma chronique complète et illustrée sur aikadeliredelire.com ou en ouvrant le lien suivant :

https://www.aikadeliredelire.com/2023/07/lu-approuve-eloge-des-vertus-minuscules.html?m=1

Dans cet essai, Marina van Zuylen propose une réflexion sur les "petites" qualités morales qui sont souvent négligées ou méprisées dans notre société obsédée par la performance et l'excellence.

Elle s'appuie sur des exemples littéraires, comme Proust, Tchekhov ou Tolstoï, pour montrer comment ces vertus minuscules, comme la politesse, la discrétion, la patience, la modestie, la gratitude ou la solidarité, peuvent nous aider à vivre mieux et à faire la paix avec nous-mêmes.

Pour ma part,

Par une approche stimulante détaillée en douze chapitres, l'auteure explore d'une part, les mécanismes du perfectionnisme toxique et la tyrannie du mérite dont les conséquences sont psychologiquement, psychiquement et psycho-somatiquement dévastatrices et d'autre part, elle contre-attaque par la mise en lumière de valeurs morales et humanistes, en l'occurrence la dignité et l'attention aux autres, souvent ignorées ou dédaignées.

Nombre de références et d'exemples littéraires inspirants, que je vous laisse découvrir en lisant cet essai, jalonnent et illustrent avec finesse les propos de l'auteure: comment les vertus minuscules peuvent enrichir nos relations aux autres ainsi que notre vie intérieure; c'est dire que le sujet est passionnant et ne date pas d'hier.

En tout cas, sans être un ouvrage de développement personnel, cette lecture libère de la pression sociale et de l'angoisse de la réussite, qui nous poussent à nous comparer sans cesse et à nous sentir insatisfaits ou coupables.

C'est la première fois depuis longtemps que j'ai l'impression d'habiter dans un essai, j'en ai griffonné et surligné pratiquement la moitié et je le garde précieusement sur ma table de chevet pour quelque temps encore en attendant de le relire.

Je ne peux que prendre le parti de faire l'Éloge des vertus gigantesques de ce livre que je recommande sans modération à qui se sent secrètement médiocre, ordinaire, déçu ou invisible…

En somme: une lecture apaisante, libératrice et dans certains cas, salvatrice pour ne pas détruire sa vie à trop vouloir la réussir.

+ À lire pour apprendre à apprécier les petites sagesses du quotidien, qui sont sources de joie et de gratitude, et à faire preuve de bienveillance envers soi-même et envers autrui. À relire pour réfléchir à ce qui fait sens dans notre existence.

- S'abstenir si vous pensez que les vertus minuscules sont des défauts déguisés, des signes de faiblesse ou de médiocrité, et que vous préférez les vertus héroïques, les exploits extraordinaires ou les succès éclatants.
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A lire en écoutant "Juste quelqu'un de bien" de Enzo Enzo (paroles de Kent)

Debout devant ses illusions
Une femme que plus rien ne dérange
Détenue de son abandon
Son ennui lui donne le change

Que retient elle de sa vie
Qu'elle pourrait revoir en peinture
Dans un joli cadre verni
En évidence sur un mur

Un mariage en Technicolor
Un couple dans les tons pastels
Assez d'argent sans trop d'efforts
Pour deux trois folies mensuelles

Elle a rêvé comme tout le monde

Qu'elle tutoierait quelques vedettes
Mais ses rêves en elle se fondent
Maint'nant son espoir serait d'être

Juste quelqu'un de bien
Quelqu'un de bien
Le coeur à portée de main
Juste quelqu'un de bien
Sans grand destin
Une amie à qui l'on tient
Juste quelqu'un de bien
Quelqu'un de bien

Il m'arrive aussi de ces heures
Où ma vie se penche sur le vide
Coupés tous les bruits du moteur
Au-dessus de terres arides


Je plane à l'aube d'un malaise
Comme un soleil qui veut du mal
Aucune réponse n'apaise
Mes questions à la verticale

J'dis bonjour à la boulangère
Je tiens la porte à la vieille dame
Des fleurs pour la fête des mères
Et ce week-end à Amsterdam

Pour que tu m'aimes encore un peu
Quand je n'attends que du mépris
A l'heure où s'enfuit le Bon Dieu
Qui pourrait me dire si je suis

Juste quelqu'un de bien
Quelqu'un de bien
Le coeur à portée de main

Juste quelqu'un de bien
Sans grand destin
Une amie à qui l'on tient
Juste quelqu'un de bien
Quelqu'un de bien

J'aime à penser que tous les hommes
S'arrêtent parfois de poursuivre
L'ambition de marcher sur Rome
Et connaissent la peur de vivre

Sur le bas-côté de la route
Sur la bande d'arrêt d'urgence
Comme des gens qui parlent et qui doutent
D'être au-delà des apparences

Juste quelqu'un de bien
Quelqu'un de bien

Le coeur à portée de main
Juste quelqu'un de bien
Sans grand destin
Une amie à qui l'on tient
Juste quelqu'un de bien
Quelqu'un de bien

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Le livre est rempli de post-it. Je n'ai pas arrêté de les coller "ah c'est tellement vrai!" Hop on retient la page "mais elle lit en moi c'est pas possible" hop du rose sur le bord de la page "fascinant ! Elle a raison." Hop une page écornée car il n'y a plus de post-it.

L'autrice m'a un peu réconciliée avec mes bulletins de note, mon parcours pro, ma vie ... Je dis "un peu" car il y a BEAUCOUP à faire. J'ai apprécié son regard personnel sur le sujet. Elle s'apprête donc à mettre en valeur le juste milieu, le quotidien ni victorieux, ni médiocre. Elle fustige les extrêmes et la sacro-sainte perfection.

Elle fait l'éloge des vertus minuscules à l'aide d'exemples fouillés. Ce livre permet de se réconcilier avec soi-même. Savoir apprécier que l'on ne sera sans doute pas un Kennedy ni Denis Mukwege et que ce n'est pas grave.

"Notre succès repose sur l'échec de quelqu'un d'autre", c'est sûr que si on dé-zoom, le tableau n'est plus si enjôleur que ça. Et il faut donc arrêter de voir une personne à travers ses succès ou ses échecs mais la "redécouvrir" comme nous invite Levinas.

J'ai aimé cette lecture. Je me suis longtemps interrogée sur la façon de présenter une personne à une autre par exemple. Les premières questions tournent très souvent autour du métier et on se fait rapidement un avis sans meme s'en rendre compte. Or je pense que ce n'est pas nécessaire ... Il y a tant d'autres choses qui nous composent. Ce livre parle de tout ça et ça fait du bien.

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J'ai connu ce livre en lisant un article dans Télérama s'y rapportant me donnant envie de faire une pause de romans pour me plonger dans cet essai passionnant qui convoque principalement expérience personnelle de l'auteure, philosophes, écrivains et romans ou pièces de théâtre. de multiples références au support de la pensée cette auteure rendant celle-ci très accessible à la manière de Claire Marin. Un grand plaisir de lecture et de pensée.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
[𝗢𝗿𝘄𝗲𝗹𝗹 𝗲𝘁 𝗹𝗮 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗼𝗻 𝗱𝗲𝗰𝗲𝗻𝗰𝘆]

La décence ordinaire est tout le contraire de l’éphémère « quart d’heure de célébrité » warholien. Orwell la met en avant précisément pour sa détonante discrétion. Peu importe que ce sens moral spontané se concrétise en actes de générosité retentissants, ou en héroïsme. Il peut tout aussi bien, pour reprendre les mots de George Eliot, « reposer dans des tombes délaissées », une image à laquelle je reviendrai lorsque je commenterai son roman Middlemarch. À ceux qui restent sourds à la valeur discrète de ce sens moral spontané, Orwell préfère les gens qui vivent et pratiquent la bonté sans ostentation. Il utilise Jonathan Swift comme un repoussoir, lui reprochant de négliger un bonheur « notoirement difficile à dépeindre » parce qu’il est ordinaire plutôt qu’utopique :

𝘔𝘢𝘪𝘴 𝘭𝘦 𝘵𝘳𝘢𝘪𝘵 𝘭𝘦 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘮𝘢𝘳𝘲𝘶𝘢𝘯𝘵 𝘤𝘩𝘦𝘻 𝘚𝘸𝘪𝘧𝘵, 𝘤’𝘦𝘴𝘵 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘦𝘴𝘵 𝘢𝘣𝘴𝘰𝘭𝘶𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘪𝘯𝘤𝘢𝘱𝘢𝘣𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘤𝘰𝘯𝘤𝘦𝘷𝘰𝘪𝘳 𝘲𝘶𝘦 𝘭𝘢 𝘷𝘪𝘦 – 𝘭𝘢 𝘷𝘪𝘦 𝘰𝘳𝘥𝘪𝘯𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘴𝘶𝘳 𝘭𝘢 𝘵𝘦𝘳𝘳𝘦 𝘳𝘦́𝘦𝘭𝘭𝘦, 𝘦𝘵 𝘯𝘰𝘯 𝘶𝘯𝘦 𝘷𝘦𝘳𝘴𝘪𝘰𝘯 𝘳𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯𝘢𝘭𝘪𝘴𝘦́𝘦 𝘦𝘵 𝘢𝘴𝘦𝘱𝘵𝘪𝘴𝘦́𝘦 𝘥𝘦 𝘤𝘦𝘵𝘵𝘦 𝘷𝘪𝘦 – 𝘱𝘶𝘪𝘴𝘴𝘦 𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘥𝘪𝘨𝘯𝘦 𝘥’𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘷𝘦́𝘤𝘶𝘦. […] 𝘋𝘦̀𝘴 𝘭𝘰𝘳𝘴 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘯𝘦 𝘴𝘦𝘮𝘣𝘭𝘦 𝘱𝘢𝘴 𝘤𝘳𝘰𝘪𝘳𝘦 𝘴𝘦́𝘳𝘪𝘦𝘶𝘴𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘢̀ 𝘲𝘶𝘰𝘪 𝘲𝘶𝘦 𝘤𝘦 𝘴𝘰𝘪𝘵 𝘥𝘦 𝘤𝘦 𝘨𝘦𝘯𝘳𝘦 [𝘶𝘯 « 𝘢𝘶𝘵𝘳𝘦 𝘮𝘰𝘯𝘥𝘦 », 𝘥𝘰𝘯𝘵 𝘤𝘦𝘭𝘶𝘪-𝘤𝘪 𝘴𝘦𝘳𝘢𝘪𝘵 𝘭𝘦 𝘱𝘳𝘦́𝘭𝘶𝘥𝘦], 𝘪𝘭 𝘭𝘶𝘪 𝘧𝘢𝘶𝘵 𝘤𝘰𝘯𝘴𝘵𝘳𝘶𝘪𝘳𝘦 𝘶𝘯 𝘱𝘢𝘳𝘢𝘥𝘪𝘴 𝘴𝘶𝘱𝘱𝘰𝘴𝘦́ 𝘦𝘹𝘪𝘴𝘵𝘦𝘳 𝘲𝘶𝘦𝘭𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘵 𝘴𝘶𝘳 𝘵𝘦𝘳𝘳𝘦, 𝘮𝘢𝘪𝘴 𝘲𝘶𝘪 𝘥𝘪𝘧𝘧𝘦̀𝘳𝘦 𝘵𝘰𝘵𝘢𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘥𝘦 𝘵𝘰𝘶𝘵 𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘤𝘰𝘯𝘯𝘢𝘪𝘴𝘴𝘰𝘯𝘴 […]. 𝘐𝘭 𝘦𝘴𝘵 𝘯𝘰𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘥𝘪𝘧𝘧𝘪𝘤𝘪𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘥𝘦́𝘱𝘦𝘪𝘯𝘥𝘳𝘦 𝘭𝘦 𝘣𝘰𝘯𝘩𝘦𝘶𝘳, 𝘦𝘵 𝘭𝘦𝘴 𝘥𝘦𝘴𝘤𝘳𝘪𝘱𝘵𝘪𝘰𝘯𝘴 𝘥’𝘶𝘯𝘦 𝘴𝘰𝘤𝘪𝘦́𝘵𝘦́ 𝘫𝘶𝘴𝘵𝘦 𝘦𝘵 𝘰𝘳𝘥𝘰𝘯𝘯𝘦́𝘦 𝘴𝘰𝘯𝘵 𝘳𝘢𝘳𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘢𝘵𝘵𝘪𝘳𝘢𝘯𝘵𝘦𝘴 𝘰𝘶 𝘤𝘰𝘯𝘷𝘢𝘪𝘯𝘤𝘢𝘯𝘵𝘦𝘴.

En opposant la « vie ordinaire » et son pendant utopique (« un paradis supposé exister quelque part sur terre »), Orwell réhabilite des qualités peu prisées par l’opinion. Comment décrire le bonheur quand il semble ennuyeux et trivial ? La décence ordinaire – c’est ce qui paradoxalement la rend si peu commune – est inclassable. Évoqués sans adjectifs grandiloquents, les personnages « décents » d’Orwell ont cette dimension vaporeuse des tableaux impressionnistes : c’est quand on cesse de leur chercher un contour précis qu’ils apparaissent dans toute leur densité. Ce qui paraît flou n’est pas l’effet d’un manque de définition, mais d’une multiplicité de points échappant à une caractérisation unique. Comme l’écrit Bégout, Orwell était fermement convaincu que les « illusions absolues » des plus ardents révolutionnaires valaient moins que « les relativités insatisfaisantes de la vie quotidienne ». Certains d’entre nous sont victimes de ces causes héroïques. Ce qui est spectaculaire nous séduit car il est aisé de le confondre avec ce que nous croyons vouloir. Orwell, pour sa part, n’hésite pas à embrasser la zone grise de la décence ordinaire. Il est attiré par ce qui est précaire, fragile, modeste – par tout ce qui ne nous dresse pas les uns contre les autres. Alors que la perfection est toujours source de problèmes :

𝘌̂𝘵𝘳𝘦 𝘩𝘶𝘮𝘢𝘪𝘯 𝘤𝘰𝘯𝘴𝘪𝘴𝘵𝘦 𝘦𝘴𝘴𝘦𝘯𝘵𝘪𝘦𝘭𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘢̀ 𝘯𝘦 𝘱𝘢𝘴 𝘳𝘦𝘤𝘩𝘦𝘳𝘤𝘩𝘦𝘳 𝘭𝘢 𝘱𝘦𝘳𝘧𝘦𝘤𝘵𝘪𝘰𝘯, 𝘢̀ 𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘧𝘰𝘪𝘴 𝘱𝘳𝘦̂𝘵 𝘢̀ 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦𝘵𝘵𝘳𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘱𝘦́𝘤𝘩𝘦́𝘴 𝘱𝘢𝘳 𝘭𝘰𝘺𝘢𝘶𝘵𝘦́, 𝘢̀ 𝘯𝘦 𝘱𝘢𝘴 𝘱𝘰𝘶𝘴𝘴𝘦𝘳 𝘭’𝘢𝘴𝘤𝘦́𝘵𝘪𝘴𝘮𝘦 𝘫𝘶𝘴𝘲𝘶’𝘢𝘶 𝘱𝘰𝘪𝘯𝘵 𝘰𝘶̀ 𝘪𝘭 𝘳𝘦𝘯𝘥𝘳𝘢𝘪𝘵 𝘭𝘦𝘴 𝘳𝘦𝘭𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯𝘴 𝘢𝘮𝘪𝘤𝘢𝘭𝘦𝘴 𝘪𝘮𝘱𝘰𝘴𝘴𝘪𝘣𝘭𝘦𝘴, 𝘦𝘵 𝘢̀ 𝘢𝘤𝘤𝘦𝘱𝘵𝘦𝘳 𝘧𝘪𝘯𝘢𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘥’𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘷𝘢𝘪𝘯𝘤𝘶 𝘦𝘵 𝘣𝘳𝘪𝘴𝘦́ 𝘱𝘢𝘳 𝘭𝘢 𝘷𝘪𝘦, 𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘪 𝘦𝘴𝘵 𝘭𝘦 𝘱𝘳𝘪𝘹 𝘪𝘯𝘦́𝘷𝘪𝘵𝘢𝘣𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘭’𝘢𝘮𝘰𝘶𝘳 𝘱𝘰𝘳𝘵𝘦́ 𝘢̀ 𝘥’𝘢𝘶𝘵𝘳𝘦𝘴 𝘪𝘯𝘥𝘪𝘷𝘪⼃
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Que pouvons-nous bien savoir sur la moralité d'une personne ou sa vie intérieure, lorsque nous sommes tributaires de mots aussi érodés et galvaudés que "bon", "bien", "vrai", "juste", pour décrire leur complexité ?
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Éclairer les vies minuscules est le rôle de la littérature. La fiction nous apprend ce que c'est, que d'être constamment sur le fil entre existence et effacement.
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Le mépris de soi ne naît pas seulement des vexations répétées de notre entourage, mais aussi du dénigrement que nous nous infligeons à nous-mêmes. Si nous ne sommes pas quelqu'un, alors nous ne sommes personne. À peine perceptible, parfois si subtile que nous seuls en avons connaissance (mais avec une certitude viscérale), l'exclusion pénètre la trame profonde de notre identité, présente et future.
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Les vies suffisamment bonnes qui m’ont le plus appris n’ont pas été vécues comme des performances, ce pourquoi précisément elles étaient les moins notables.
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Vidéo de Marina Van Zuylen
16 juil. 2020 Remarks by Marina van Zuylen, professor of French and comparative literature at Bard College, at the Teagle Foundation's 75th Anniversary Forum on "Education for Freedom - for All" in October 2019.
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