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Jean-Marie Blas de Roblès (Traducteur)
EAN : 9791038701823
320 pages
Zulma (07/09/2023)
4.17/5   35 notes
Résumé :
Au fin fond de l’arrière-pays, dans le Nordeste brésilien, Bibiana et Belonísia trouvent un beau couteau au manche d’ivoire sous le lit de leur grand-mère. Fascinées, elles décident d’en goûter le métal. Le drame qui s’ensuit marquera leur vie et les liera à jamais… Car, dans cette communauté afro-brésilienne de paysans sans terre, on vit à la merci des propriétaires terriens. Et c’est à ce monde archaïque que Bibiana va s’opposer, en se faisant la voix de sa sœur e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Une lecture que j'ai faite grâce à Babelio et Les Éditions Zulma !

Avec les Masses Critiques je prends quelques "risques " de lecture, ce qui me permet de découvrir de nouveaux auteurs.

J'ai eu une belle rencontre avec ce roman, qui est le deuxième roman de l'auteur brésilien Itamar Vieira Junior.

Ce roman m'a énormément plu et si je ne lui attribue pas tout à fait les 5 étoiles maximum, il n'en est pas loin du tout.

C'est l'histoire de ces deux soeurs et à travers elles, l'histoire de leur famille mais également de leur communauté.

Tout commence ici avec une évènement dramatique, une des soeurs (dans la première partie du livre on ne sait pas laquelle…) se tranche la langue avec un couteau trouvé dans les affaires de leur grand-mère.

J'ai aimé ce parti pris de la part de l'auteur (et je vous invite à ne pas lire la 4ème de couverture sauf sur mon blog car je l'ai modifiée ;-)) qui nous en dit le minimum comme pour laisser les deux soeurs unies à travers cette tragédie et le lecteur se poser mille questions.

Bélonisia et Bibiana grandissent ensemble, et vont se séparer et se retrouver. Cet accident va les lier par le sang comme par "deux fois".

L'auteur fait parler l'une et l'autre dans les différentes parties du livre et on découvre au milieu de celui-ci, qui des deux soeurs a eu la langue tranchée.

Cette histoire entremêle, l'histoire de cette famille et aussi et surtout de toutes ces personnes africaines arrivées au Brésil et réduites à l'état d'esclaves.

L'auteur se focalise sur la communauté des Quilombos. L'occasion pour moi de me documenter après ma lecture, un peu sur cette histoire des esclaves noirs arrivés au Brésil et constituant une bonne partie du pays encore aujourd'hui même si l'esclavage a été aboli (lire cet extrait de documentaire ICI et également Là, voir les liens sur mon blog ).

Cette communauté n'a eu de cesse de travailler la terre brésilienne pour survivre et sont restés des esclaves de riches propriétaires terriens. Communauté unie dans les difficultés, elle va se révolter.

Les Quilombos ont aussi de fortes traditions et croyances qui les aident et les accompagnent, notamment le culte des Enchantés, porté par le père des deux soeurs : Zeca Chapéu Grande

L'auteur va d'ailleurs nous distiller tout au long de son roman, cette pratique de croyance en lien avec la terre et les esprits.

J'ai vraiment apprécié ressentir tout ce poids des traditions et ce basculement vers un monde emprunt de magie noire et de guérisseurs.
Ce roman est bien écrit ( et bien traduit je pense). Je me suis sentie proche de ces deux soeurs et on souhaite le meilleur à cette famille qui donne beaucoup à sa communauté sans rien posséder. Seulement le fruit de leur labeur et ses liens magnifiques avec la nature, la terre et les hommes.

La place des femmes est évoquée mais avant tout celle de cette communauté qui a été sans cesse exploitée.

Une leçon d'histoire, où nous comprenons les difficultés de travailler à vie une terre sans jamais la posséder…

Cette langue tranchée est très symbolique finalement, elle représente tous les non dits que la vie peut semer sur les chemins tortueux, mais que sans parole, le coeur et le corps continuent à s'exprimer au delà des mots et même des morts.


Merci infiniment pour cette lecture tranchante qui donne la parole
à ceux qui ne l'ont jamais vraiment eu…

Quant à vous, n'hésitez pas à découvrir l'histoire de ces deux soeurs et de découvrir laquelle s'est tranchée accidentellement la langue.

Pour ma part, je suis totalement enchantée par ma lecture
et vous invite vivement à découvrir cette histoire.




Lien : https://imagimots.blogspot.c..
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Ce jeune écrivain brésilien s'inscrit dans l'héritage des auteurs sud-américains que j'apprécie tels que Gabriel Garcia Marquez, Jorge Amado ou autre Alejo Carpentier, des récits de conteurs fortement ancrés dans l'histoire, gravant des sillons profonds – c'est mon espoir – dans la mémoire nationale de leur pays. Itamar Vieira Junior nous invite ici dans le Nordeste Brésilien et les secrets de ses fazendas.

Bibiana, commence le récit de l'accident suite à la découverte d'un fascinant couteau au beau manche d'ivoire, alors qu'elle a sept ans et sa petite soeur Belonisia un an de moins. Deux soeurs aux noms proches, il faut s'y repérer au début mais ensuite tout va bien. Pour ma part j'ai renommé la première Ana, porte-parole de sa soeur ayant perdu la voix dans l'accident : nous avons chacun notre manière de lire, de profiter de l'instant de séjour dans le livre. Curieusement apparaissent deux autres soeurs jumelles aux noms très proches : Crispina et Crispiniana. Début d'une mythologie avec des déséquilibres qui opèrent mystérieusement, d'un côté le couteau trouvé par Bibiana, renvoyant à l'histoire de la grand-mère Donana, de l'autre Crispina et Crispiniana avec des miroirs aux bords cassés. La gémellité : forte image de connivence et de rivalité mêlées, l'une et l'autre exacerbées par la condition inférieure des femmes...

Le tranchant du couteau, le bord du miroir cassé, le soc de charrue par qui coulent « des rivières de sang ». le premier chapitre se nomme précisément Tranchant – Bibiana raconte comment le tranchant du couteau trouvé dans la vieille valise cachée sous le lit de la grand-mère abouti à faire perdre la parole à sa soeur. le second chapitre est intitulé Charrue tordue – raconté par Belonisia, celle-ci a la voix faussée comme le soc de la charrue de son père, quasi inaudible suite à l'accident. D'ailleurs « charrue » est le premier mot qu'elle prononcera (faussé lui aussi) plus tard. le dernier chapitre est Rivière de sang - Sainte Rita Pescadeira, la terre rouge-brun évoquant le sang des hommes et Rita Pescadeira pour le Jaré, ce culte local…

Le récit est superbement construit, l'écriture et la traduction parfaites. le plus dans cette saga, pouvant être lue pour elle-même, est constitué par la mise en avant des conditions de vie des anciens esclaves noirs. Embauchés sans salaire, autorisés à occuper un bout de terrain du propriétaire, d'y construire une maison en terre (pas en dur car le propriétaire peut les chasser à tout moment), de cultiver un bout de terrain pour l'usage personnel mais avec droit de prélèvement par le maître.

Sans terre, sans justice, la paix ne sera pas possible (ceci résonne douloureusement avec l'actualité au moment où j'écris cette chronique). Règne la violence du plus fort qui prend tout ce qu'il peut au plus faible. Manque la juste attribution des terres à ceux qui la travaillent et la loi pour empêcher l'évasion dans l'illusion de l'alcool pour les hommes, les mauvais traitements pour les femmes, les vies broyées pour tous. La loi se place du côté des plus riches propriétaires terriens, l'égalité est ici une notion inconnue.

Severo, un cousin et futur mari de Bibiana, est un personnage important du roman. Personnage solaire dans un couple en miroir également, il va tenter de bousculer ce triste agencement, avec les difficultés qu'on imagine… Mais le combat pour la justice s'inscrira durablement dans la communauté.

Itamar Vieira Junior est né en 1979 à Salvador de Bahia. Il dédit le livre à son père, issu de la communauté quilombola. Les quilombolas sont des communautés d'anciens esclaves, réfugiés sur des terres inoccupées. Une note du traducteur indique qu'ils furent réprimés, jusqu'à la reconnaissance de leurs terres en 1988. Il s'agit d'un premier roman et pour moi un coup de maître. Charrue tordue a été récompensé par les plus grands prix littéraires du Brésil et du Portugal.

Le traducteur, Jean-Marie Blas de Roblès, est historien et philosophe de formation, grand voyageur, archéologue, poète et traducteur. Auteur entre autres de Là où les tigres sont chez eux.

J'apprécie de plus en plus les éditions Zulma facilement reconnaissables à leurs belles couvertures graphiques créées par David Pearson, avec le nom de l'écrivain et le titre dans un simple triangle blanc pointe en bas. Zulma va chercher des auteurs aux quatre coins du monde et en trouve de fameux. C'est dans cette édition que j'ai découvert le coréen Hwang Sok-yong (Monsieur Han et Shim Shong fille vendue). J'ai dans ma PAL le garçon de Marcus Malte et hâte de le commencer.

Pour vous, la maison d'édition est-t-elle un élément important dans le choix de vos livres ?
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Chronique et photos sur blog Clesbibliofeel, lien direct ci-dessous...
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Dans le Nordeste brésilien on trouve les descendants des esclaves africains. Ils forment une communauté qui vit au rythme du travail des champs, des rites anciens, et des drames de la vie. C'est au coeur de cet arrière-pays que l'histoire se passe. Les personnages se croisent et divulguent leurs histoires, empreinte de folie parfois, de joies aussi. Mais surtout, d'événements tragiques, comme Bibiana et sa soeur dont la langue sera coupée en jouant avec un couteau d'Ivoire. Comme Cristina et sa soeur dont la folie se mêlera au désir charnel et à la maternité. Des histoires de soeurs, et de soutien face à l'adversité. Celle des hommes, celle des propriétaires, celle d'une classe dominante qui sent la révolte gronder.
La langue utilisée est poétique, tourbillonnante, propice à faire naître une atmosphère mystique.
C'est un roman complet. Qui enseigne une part de l'histoire des peuples pauvres du Brésil, et des préjugés dont ils sont victimes. Un récit nécessaire.
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Encore une fois, les éditions Zulma m'a fait apprendre l'histoire à travers l'une de ses publications et je ne peux que les remercier d'avoir publié "Charrue tordue".
"La charrue tordue", un titre pas très attirant, il est vrai, mais c'est un fabuleux roman qui nous emmène au Brésil, il y a un siècle.
Nous y suivons deux soeurs, Bibiana et Belonísia, sur plusieurs décennies. Elles sont les aînées d'une fratrie de quatre enfants vivants d'un couple de travailleurs quilombola dans la fazenda. Les quilombola sont les descendants des esclaves africains, pour survivre ils n'ont pas d'autre choix que de vivre dans une fazenda appartenant à un propriétaire terrain pour qui ils font les travaux agricoles. Leur vie est très précaire, ils sont exploités, mais il reste très attachés aux cultes afro-brésilien qui sont pratiqués par des guérisseurs.
L'histoire contée dans "Charrue tordue" est passionnante. Ce roman nous transporte au Brésil en pleine mutation, où la nouvelle génération, plus éduquée que les aînés, qui commencent à demander que les droits des travailleurs soient respectés.
Lisez ce roman, vous ne serez pas déçu.
Lien : https://www.inde-en-livres.f..
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Ce roman est centrée sur la vie de deux soeurs issues d'une famille de descendants d'esclaves, dont le destin bascule le jour où, découvrant le couteau de leur grand-mère, l'une d'elle se retrouve mitée et incapable désormais de parler. Se noue alors entre elles une relation ambivalente faite d'un côté d'attachement profond et de l'autre de jalousie. À travers elles, c'est l'histoire de ces familles pauvres, exploitées, qui ne sont plus officiellement des esclaves mais c'est tout comme, qui nous est contée. Une histoire faite de labeur, de souffrance, de misère, mais aussi de fierté, de traditions et de luttes. C'est un très beau roman à découvrir au plus vite.
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critiques presse (1)
LeFigaro
10 novembre 2023
C’est un roman puissant et beau, une saga familiale âpre et dure comme la terre desséchée sur laquelle se situe l’intrigue.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Je suis une vieille enchantée, très ancienne, et j'ai accompagné ce peuple depuis son arrivée du Minas, du Recôncavo, depuis son arrivée d'Afrique. Peut-être ne se souviennent-ils plus de Sainte Rita Pescadeira, mais ma mémoire ne me permet pas d'oublier ce que j'ai souffert à leur côté, fuyant les combats liés à la possession des terres, la violence des hommes armés, la sécheresse. J'ai traversé le temps comme on traverse les eaux d'une rivière sauvage. La Lutte était inégale, et j'ai dû supporter maintes fois la déroute des songes.
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Le vieux ne fit tomber aucun mur, il ne retira pas une seule fourche de soutien. Le temps se chargea de démolir la vieille maison. N'abritant plus nos vies, elle semblait se détériorer avec l'urgence propre à la nature qui l'entourait. A chaque forte pluie, une paroi s'écroulait, et pour finir, le vent en termina avec elle. Cette enceinte d'argile sèche, issue du sol d'Agua Negra, retourna simplement à la terre d'où elle provenait. Il en naquit des herbes et des petites fleurs grâce à l'humidité de la rosée, ou de la pluie qui tombait quand les saints en avaient décidé ainsi. J'étais attentive à tout ce qui arrivait, sachant que rien ne reviendrait jamais plus. Je contemplais avec une sorte d'émerveillement le passage du temps, indompté comme un cheval sauvage.
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Il y avait alors de la profondeur dans les regards, dans les prières, dans les enchantés, indiens, métis des forêts, arrivant les uns après les autres, et remplissant le vide de la caatinga : sans dieu, sans remède, sans justice, sans terre.
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Après une longue période, j'ai décidé d'essayer de parler, parce que j'étais seule, errant dans cette même forêt où Donana avait l'habitude de se perdre. Je me souviens encore du mot que j'avais choisi : charrue. J'adorais voir mon père conduire la vieille charrue de la fazenda derrière le boeuf, labourant la terre pour semer ensuite les grains de riz dans les mottes brun rouge qu'il avait retournées. J'aimais la chaleur du mot, sa légèreté sonore lorsqu'on le prononçait. "Je vais passer la charrue." Ce serait bien d'avoir une nouvelle charrue, cette charrue est vieille et mal fichue, le soc est faussé." Le son qui sortit de ma ouche était une aberration, un désordre incohérent, comme s'il y avait un oeuf chaud à la place du morceau de langue qui me manquait. C'était une charrue tordue, déformée, laissant la terre stérile, détruite, lacéré. J'ai essayée encore et encore de prononcer le même mot, toute seule, pour rendre la parole à mon corps, redevenir la Belonisia d'avant, mais je fus vite contrainte d'abandonner. Même quand l'oedème s'est résonné, je n'ai jamais réussi à formuler un mot compréhensible. Je ne voulais pas reproduire des sons qui ne me causent que dégoût et répulsion, ni servir de cibles aux railleries des enfants de la classe chez Firmina, ou des filles de Tonha. (pages 160-161)
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Une terre de maltraitance où les gens mouraient sans le moindre secours, où nous vivions comme du bétail, travaillant sans rien recevoir en retour, pas même un peu de repos. 
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