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Antoine Cazé (Traducteur)
EAN : 9782267020502
391 pages
Christian Bourgois Editeur (27/08/2009)
4.12/5   12 notes
Résumé :
"J'avais voulu en savoir plus sur mon pays et à présent j'en savais plus... j'en savais plus que ce que j'aurais voulu savoir." Tel est le constat auquel aboutit Chloe Hooper à l'issue de l'impitoyable enquête qu'elle mène dans Grand Homme, véritable plongée au coeur des ténèbres de l'Australie contemporaine.
En novembre 2004, à Palm Island, petite île d'apparence paradisiaque située dans le nord du Queensland, Cameron Doomadgee, un jeune Aborigène décédait d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Comment ne pas être interpellé par une telle première de couverture alors que je chinais, je n'ai pas trop réfléchi: une photographie en noir et blanc, un jeune homme tenu à l'épaule par un homme plus âgé portant une croix blanche, un nom inscrit Cameron Francis Doomadgee, deux dates 23/08/68- 19/11/04...
Je ne savais pas où j'allais, je ne connaissais pas l'auteur, Chloé Hooper, par contre le titre Grand homme a de suite aiguisé ma curiosité.

Je me suis donc retrouvée en compagnie d'une jeune journaliste australienne à Laura dans l'extrême Nord du Queensland pour découvrir contre les parois de gré d'une grotte des dessins représentant des hommes de grande taille, des policiers me dit-elle, présents à cet endroit pour être ensorcelés. La représentation de ces policiers, de ces hommes blancs sur lesquels ont appelaient la malédiction au cours de chant s'était multiplié au fur et à mesure de la colonisation... et des exactions subies par les Aborigènes.
« En 1770, à peine débarquée, l'administration européenne qualifiait l'Australie de terra nullus – terre vierge. Officiellement, le peuple aborigène n'existait pas. C'est en 1972 que les premiers habitants du continent australien sont reconnus citoyens. » Paroles aborigènes de Thomas Johnson.

Nous allions rentrer dans le vif du sujet.
Chloé Hopper après avoir écrit de nombreux articles sur le sujet, venait de terminer son second bouquin: Grand homme, mort et vie à Palm Island (2009), fruit d'un travail de trois ans, une contre enquête sur l'affaire Chris Hurley-Cameron Doomadgee.

Palm Island: le 19 novembre 2004, Cameron Doomadgee, un jeune homme de trente six ans succombait à de graves blessures dans la cellule du commissariat (ecchymoses, côtes cassées, foie éclaté) 40 minutes après son incarcération par le chef brigadier Chris Hurley pour outrage à agent sur la voie publique. Une semaine plus tard la mort de Cameron était présentée aux habitants par les autorités locales comme un accident (chute). C'est alors l'indignation et la consternation dans la communauté aborigène :une émeute est déclenchée, menée par Lex Wotton et une répression immédiate s'ensuit.
« C'était une explosion de dégoût viscéral. C'était la revanche : le choc symbolique de deux lois. »

Palm Island? Elle doit son nom au capitaine James Cook. Une île au nom paradisiaque un cadre idyllique pour des vacances de luxe, située dans la Grande Barrière de Corail, à 40km au nord-est de Townsville.

Et bien non Palm Island, est une île où vivent environ 3 000 Aborigènes aujourd'hui, ayant obtenu le statut de communauté en 1984. « Selon les premiers habitants, les Manburra, l'île et celles qui l'avoisinent – Orpheus, Fantôme et Eclipse – se formèrent au Temps du Rêve, époque de la création du monde, quand un esprit ancestral appelé Grand Serpent, ou Serpent Arc-en-ciel, se brisa et y laissa derrière lui des fragments de son corps. »
Elle fut entre 1918 et 1978 un pénitencier à ciel ouvert, une réserve, un goulag tropical administré par un super intendant où ont été déportés des Aborigènes de 40 tribus différentes, tous des récalcitrants au pouvoir qui travaillaient pour rien (« salaires volés »). Elle est devenue progressivement une île oubliée, maudite où les taux d'alcoolisme, de diabétique, de délinquance, de violence, de suicide et d'incarcération de mineurs sont beaucoup plus élevés que partout ailleurs.
L'enfer dans un décor paradisiaque.

C'est dans ce cadre et ce contexte, que Chloé Hopper se déplace à Palm Island pour se pencher sur le décès de Cameron Doomadgee au côté de l'avocat Andrew Boe, volontaire pour défendre bénévolement la communauté Aborigène lors de l'enquête du coroner d'État, l'amenant à explorer l'histoire coloniale de son pays, la lente et progressive extermination des Aborigènes avec sa politique de ségrégation raciale et, à partir des années 1910 le début des enlèvements d'enfants, « les générations volées ».

Chloé Hooper nous présente tous les éléments pour comprendre cette histoire tragique, l'enquête préliminaire avec les témoignages et les reconstitutions, l'instruction et le procès... un long chemin dont la conclusion ne sera pas encore du côté des Aborigènes mais qui sera par contre la première affaire traitée devant la justice pour juger un homme blanc accusé d'avoir tué un Aborigène.
C'est la première fois dans l'histoire de l'Australie qu'un officier de police est tenue pour responsable d'un décès en garde vue... le Syndicat de la police du Queensland se serre les coudes, organisera une contre-attaque …
Une avancée tout de même puisque Chris Hurley a été mis en examen mais acquitté en 2007.

Un procès très éprouvant pour les deux parties.
Le portrait de deux hommes celui de Chris Harley et celui de Cameron Doomadgee.
Le fossé entre deux cultures, celle des dominants et des dominés.
Une civilisation écrite, une civilisation orale.
Une histoire d'injustice, de désespoir, de souffrance, de folie.
Une histoire de la violence, avec les ravages de la colonisation, les décennies d'humiliation, plus qu'un choc des cultures, un anéantissement.

Révoltant de lire qu'en Australie la vie d'un Aborigène en ce début de 21ème siècle a la même valeur que celle d'un kangourou que l'on écrase de la même manière sans se poser plus de questions !
Etonnant de se rendre compte que l'enseignement dans les années90 occultait la cause aborigène et qu'il a fallu attendre 2008 pour que Kevin Rudd, premier ministre à l'époque, présente ses excuses officielles aux Aborigènes « pour que les injustices passées ne se reproduisent jamais. »
Depuis 2009, le gouvernement publie un rapport annuel intitulé «Closing the gap» («Combler l'écart»), qui vise à mesurer et à réduire les inégalités socio-économiques.

En 2011, une compagnie de théâtre de Melbourne, la compagnie Ilbijeri, est revenu sur ces événements tragiques de Palm Island, dans une pièce « Beautiful One Day », et a recruté des insulaires pour jouer sur scène, l'occasion de leur tendre la main pour libérer leur parole.

« La bouche ne sert pas à parler, elle sert à chanter. Pour parler, on a le coeur. »

Chloé Hooper a reçu un Walkley Award pour ses articles relatifs à l'enquête sur la mort de Cameron Doomadgee parus dans le Monthly, mensuel australien, et dans la presse internationale.

Un livre très émouvant du en partie à la jeunesse de la journaliste et à l'effroi qu'elle ressent devant tant de violence et d'incompréhension.
Un documentaire captivant où les tensions, la chaleur sont palpables tout au long des pages.

Une lecture éprouvante comme les descriptions des journées interminables dans un tribunal devant la douleur, la tristesse, l'hébétude de la famille de Cameron Doomadgee et la prostration de Chris Hurley.

Mais Chloé Hooper nous réserve des intrusions dans la culture aborigène, des espaces qui s'ouvrent, des bouffées d'oxygène pour reprendre son souffle quand elle nous parle de la cosmogonie, de la mythologie, des chants et des pistes... c'est alors le moment d' imaginer les beaux ciels nocturnes australiens et la Voie Lactée, où les ancêtres des Aborigènes demeurent, pour relâcher la tension.

Passionnant. A découvrir.

A savoir que le film documentaire, The Tall man de l'australien Tony Kravitz, sortie en 2011, se base sur le livre de Chloéa Hooper et revient sur les traumatismes et la colère causée par la mort de Cameron Doomadgee dans la communauté Aborigène.
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En 2004, Cameron Doomadgee , un aborigène australien qui vit sur l'île de Palm Island, est arrêté par le policier Chris Hurley. Son tort ? Avoir chanté « Who let the dogs out » à proximité du policier, ce que celui-ci a pris comme un affront.
Cameron est alors emmené au poste de police, où il va trouver la mort deux heures plus tard.
Chris Hurley a-t-il frappé à mort Cameron ? Cameron est-il tombé ce qui a entrainé sa chute, comme l'affirme Hurley ?

Cette affaire s'apprêtait à être enfouie quand les aborigènes de Palm Island, las des humiliations, des morts, des brimades, se sont regroupés pour que toute lumière soit faite sur cette mort. Des émeutes ont ainsi enflammées Palm Island.

Chloé Hooper, écrivaine australienne, a décidé de relater tous les tenants et les aboutissants de cette mort.

Hooper fait ici le portrait terrifiant d'une Australie où le racisme fait partie intégrante du paysage. Les politiques menées par les colons depuis leur arrivée il y a plus de deux siècles (massacres, exclusion, abandon, …) ont conduit les aborigènes à vivre en marge du reste des habitants. Alcoolisme, criminalité, maladie rythment la vie de ces laissés pour compte. Un seul chiffre, édifiant : les aborigènes représentent 2% de la population australienne mais représentent 25% de la population carcérale.

L'autrice nous livre un récit journalistique, assez proche de de sang-froid de Truman Capote. Contrairement à ce dernier, Hooper a un certain parti pris, celui des aborigènes, qui peut s'expliquer par le fait que les proches du policier n'ont pas souhaité la rencontrer. Je trouve aussi que Grand Homme souffre de quelques longueurs.

Face à ce livre, on ne peut que se demander comment améliorer le sort de ces populations, maltraitées depuis 200 ans. Je recommande ce livre à tous ceux qui souhaitent découvrir le quotidien de beaucoup d'Aborigènes.
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The Tall man: death and life on Palm Island de Chloe Hooper, Penguin Editions 2008
Grand homme: mort et vie à Palm Island, traduit par Antoine Cazé, Editions Christian Bourgois 2009

Grand Homme est le témoignage de Chloé Hooper sur le procés du Sergent Hurley à la suite de la mort en détention de Cameron Doomadgee.

Cameron Doomadgee est un aborigène d'une trentaine d'année lorsqu'un matin de novembre 2004, il se fait arrêter par le sergent Hurley pour trouble de l'ordre public. Quelques heures plus tard Cameron est retrouvé mort dans sa cellule, avec des blessures dignes d'un accidenté de la route. Selon la police, il aurait trébuché sur le pas de la porte de la cellule. La communauté aborigène a une autre version des faits, mais qui a dit qu'on voulait l'entendre... Une semaine plus tard, la maison d'Hurley et le commissariat de police partent en flamme, la mort de Doomadgee n'en restera pas là.

Chloé Hooper arrive sur les lieux quelques jours plus tard. Elle accompagne l'avocat de la famille de Doomadgee et est chargée de relater les évènements passés, présents et futurs. Pendant plus de trois ans, elle enquête, recueille des témoignes, assiste au procès pour donner un compte rendu précis de cette histoire effroyable, mais malheureusement banale.

Un peu de contexte : Cameron Doomadgee vivait sur Great Palm Island, au large de l'état de Queensland : « J'ai entendu des histoires terribles, raconte de façon anodine. Dans les 6 dernières semaines, un homme a été poignarde and a grièvement blesse son frère à cause d'une histoire de bière. Une femme a arraché la lèvre d'une autre femme. Un homme a versé de l'essence sur sa compagne and y a mis le feu. le taux de chômage est de 90%. Les jeunes hommes sont au moins 3 fois plus enclin à se suicider que les jeunes blancs vivant in Townsville [quelques kilomètres plus loin]. La moitié des hommes de Palm Island mourront avant l'âge de 50 ans ».

L'histoire des aborigènes est encore et toujours liée à la période noire durant laquelle les enfants métisses (half-castes) ont été enlevé à leur famille pour être élevé dans des pensionnats catholiques. C'est ce que l'on appelle « la génération volée ».

« A travers l'Australie, il est estimé qu'entre 1/3 et 1/10 enfants aborigènes ont été enlevé de force de leur famille entre 1910 et 1970. le gouvernement du Queensland a calculé que durant cette période, 2302 enfants – en particulier les half-castes, ‘quadroons' et ‘octoroons' – ont été envoyé dans des missions et camps. Beaucoup ont été séparé de leurs frères et soeurs. On leur disait que leurs parents étaient morts, et on leur donnait un nouveau prénom. Une femme de Palm Island, Bethel Smallwood, m'a dit qu'elle avait été hanté toute sa vie parce qu'elle ne pouvait pas se rappeler de sa propre mère Elle se souvenait de sa silhouette, mais ne pouvait pas se rappeler de son visage. »
Il a fallu attendre 2008 pour que des excuses soient présentées aux aborigènes et à la génération volée par le premier ministre Kevin Rudd.

C'est aussi un livre terrifiant car il raconte une réalité proche de nous, géographiquement et temporellement. Il met devant une réalité très dure à admettre. Qu'au 21e siècle, dans un pays développé des hommes et des femmes puissent vivre dans cette précarité sans espoir s'en sortir est au-delà de ce qu'il est possible d'imaginer. Intoxiqués par l'alcool et l'essence, ayant pour seul défense la violence, et se heurtant au racisme des blancs, ils ne leur aient pas possible d'envisager la vie autrement. Ils sont impuissants devant les policiers, préférant ne pas porter plaintes pour ne pas subir les conséquences.

Après plus de 3 ans de combat et un procès en bon et due forme, le verdict est rendu, Hurley est libre. Encore une longue lutte a mené pour les aborigènes.

Chloe Hooper est écrivain. Elle est l'auteur d'Histoire d'un vrai crime raconté aux enfants (également paru aux éditions Christian Bourgois) / A Child's Book of True Crime et The engament (paru en Australie en 2012). En 2009, The tall man a reçu de nombreux récompenses dont le Ned Kelly Awards, et le Victorian premier's literary award.

Lien : http://wp.me/p2sWqV-aw
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Du racisme et de l'injustice au pays des kangourous. Chloe Hopper raconte, au travers d'un fait divers et de son traitement par la police et la Justice, l'histoire tragique des aborigènes. Ce livre explore avec beaucoup de talent et une véritable émotion les méfaits de la colonisation bien-pensante, la force des clichés, la mauvaiseté de l'Église et de ses certitudes. En ce début du XXIe siècle, c'est un réquisitoire terrible qu'elle dresse de son pays. Et tout reste encore à faire.
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L'Australie: le bonheur brut par habitant ? Pas si sûr, en tout cas pas pour tout le monde. Chloe Hooper nous dévoile ici au travers du procès de Cameron Doomadgee, la lente déchéance du peuple aborigène et l'implacable hégémonie de l'homme blanc, que ce soit dans les mentalités, dans le système judiciaire ou ailleurs encore. Ce livre reportage, bien argumenté, nous emmène à Palm Island près de la grande barrière de corail où l'on rencontre un peuple à la culture bien ancrée, mais aujourd'hui frappé par des maux tels que l'alcool, la drogue, la violence, la misère, ...
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