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Thierry Clermont (Autre)
EAN : 9782232146442
176 pages
Editions Seghers (02/02/2023)
3.86/5   14 notes
Résumé :
La publication d'un trésor qu'on croyait perdu.
Soixante-quinze ans après sa disparition, des dizaines de poèmes inédits de l'écrivain surréaliste, résistant mort dans les camps, ont été retrouvés par miracle dans quatre cahiers exhumés lors d'une vente de livres anciens.
Des poèmes inédits de Robert Desnos ont été retrouvés, Desnos, le poète de la liberté et de l'amour, le voyant inspiré, le surréaliste à la fibre populaire ayant joué un rôle si fonda... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Les Poèmes de minuit de Robert Desnos ont une histoire très particulière : écrits de janvier 1936 à mars 1938, ce n'est que deux années plus tard que Desnos décide de les recopier soigneusement dans quatre cahiers d'écolier. Ces poèmes restés longtemps perdus ont été, à la faveur du hasard et de l'action d'un éditeur passionné, retrouvés lors d'une vente aux enchères en... 2020.
Numérotés, les cahiers portent chacun un titre : Fortunes, Mi-destin, Va t'où ? et Les Sources de la nuit.

Pourquoi Les poèmes de minuit ? En janvier 1936, le poète se fixe une contrainte toute personnelle : après sa journée de travail à la radio (Desnos travaille à cette époque au Poste parisien et à Radio Luxembourg), il décide de s'astreindre, juste avant de s'endormir, à écrire un poème par jour, entre minuit et une heure du matin. Ces textes deviendront Les poèmes de minuit (le titre n'est pas de l'auteur). Desnos aimait à les appeler « Les poèmes forcés ».

« Est-il si difficile d'exprimer la joie ?
La petite chanson de l'eau dans les conduits
Est un chant de joie
À l'approche de la liberté
À l'approche des robinets
Que voilà une belle image tordue
Tressée
Torsée
Semblable à la vis du robinet
Chant de joie
Torturée comme l'eau avant le robinet
Chant de joie précédant le chant de joie de l'eau libérée
Même si elle est destinée à laver les légumes
À déblayer les cabinets
Ou à bouillir et s'évaporer
Sur le feu
Et redevenir nuage » *

Dès les premiers textes du recueil, j'ai retrouvé avec plaisir toute l'éloquence, l'inspiration pleine de fantaisie, d'onirisme, de tendresse et d'humour de Robert Desnos. Son écriture déborde d'intuition, de liberté, d'une certaine subversion aussi.
Dans ses textes, les références sont nombreuses qui touchent au quotidien, à l'actualité, à l'inattendu. Très présente aussi, l'utilisation qu'il fait de tout un bestiaire et d'un catalogue de fleurs pour habiller ses poèmes, mais aussi (plus surprenant) de slogans publicitaires (il en a composé de nombreux pour la radio).

Même si ces Poèmes de minuit ne m'ont pas paru être les plus touchants de l'oeuvre de Robert Desnos (ma préférence va à ses recueils Destinée arbitraire et Contrée - Calixto), il transparaît au travers d'eux l'immense poète qu'il fut, l'artiste lucide, engagé, intransigeant, l'homme épris de liberté, acquis à la fraternité, à la beauté de la vie.

« le fleuve que tourmente une pluie à l'aurore
Reflète des éclats d'écailles de poissons
De bulles d'eau et de tessons et les chiens morts
Au fil des eaux au fil des jours tournent en rond

Ombres des arbres dans l'eau
Si nette si claire si propre
Est-il possible qu'un tel miroir
si sale et lourd de vase et lourd d'images
et lourd de mort
Vous reflète si correctement
Martin pêcheur
Je distingue tes couleurs
Je distingue celle des fleurs
Et celle des péniches qui passent
Et tout ça n'est que reflets
Dans une eau sale et vaseuse et malsaine

Déshabille-toi
Baigne-toi dans cette eau noire
Tu n'as rien à craindre
Tu l'as déjà fait
Le corps humain imperméable ne se mouille pas
comme une éponge
Le soleil séchera la boue
Elle tombera en poussière
Baigne-toi
Vas-y

La terre est vaste et ton coeur aussi
Qui, tous comptes faits et bien faits
Ne contient pas encore d'erreur
Et n'a jamais contenu de boue »**




(*) 17/03/1936 - extrait de Mi-destin. - p.83
(**) 03 au 05/05/1936 - extrait de Va t'où ? - p.130

.
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Robert Desnos rejoint l'aventure surréaliste en 1922, ses premiers textes sont alors publiés. 

Il s'illustre dans la poésie automatique. Il était résistant pendant la seconde guerre mondiale et fut arrêté par la Gestapo, il succombera victime de la barbarie nazie, un mois avant la libération du camp dans lequel il était incarcéré en 1945.

J'ai appris grâce à ce carré bleu Seghers que c'est Desnos qui avait écrit la chanson “Jamais d'autre que toi” que chante Bashung.

“(...) Jamais d'autre que toi ne poursuivra son chemin qui est le mien / Plus tu t'éloignes et plus ton ombre s'agrandit / Jamais d'autre que toi ne saluera la mer à l'aube quand /  Fatigué d'errer moi sorti des forêts ténébreuses / Et des buissons d'orties je marcherai vers l'écume / Jamais d'autre que toi ne posera sa main / Sur mon front et mes yeux (...)”

De 1936 à 1937, le poète composera, un poème entre minuit et une heure du matin.

L'univers de Desnos est optimiste, fantaisiste, onirique. Les textes sont chantants. Quelques dessins qu'il a fait se sont retrouvés dans ce recueil, (voyez plutôt le bonhomme associé au poème de Cucu Larinette, il est simple certes, mais bourré d'humour (quel grand dessinateur :) )

Je conclue mon court avis de lecture pour laisser place à l'essentiel, sa verve, son texte, ses mots.

Pour moi PLUS VIVANT est le plus beau des poèmes :

Je me lèverai demain matin 

Plus tôt qu'aujourd'hui 

Le soleil demain matin 

Sera plus chaud qu'aujourd'hui 

Je serai plus fort demain matin 

Plus fort qu'aujourd'hui 

Je serai gai demain matin 

Plus gai qu'aujourd'hui 

J'aurai demain matin 

Plus d'amis qu'aujourd'hui 

Et bien que demain matin 

La mort soit plus proche qu'aujourd'hui 

Je serai demain matin 

Plus vivant plus vivant qu'aujourd'hui

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Robert Desnos, « amant de la liberté, militant de l'amour absolu, résistant qui haïssait la guerre », grand poète issu du surréalisme, a été arrêté et déporté; il est mort dans un camp de concentration en 1945. Il a écrit des vers qui rivalisent souvent de beauté avec ceux d'Aragon et Eluard. Ce recueil posthume comporte 123 poésies écrites quotidiennement, pour l'essentiel pendant l'année 1936. J'y ai découvert sa fantaisie, son humour, son lyrisme et parfois son goût de la provocation. J'ai bien aimé. Je mets deux extraits en citation sur Babelio.
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La très belle préface de Thierry Clermont introduit parfaitement ce recueil qui:
"porte un nouvel éclairage sur l'oeuvre de Desnos et permet de remettre en avant , par ces temps troublés, violents et incertains , le rôle de l'écrivain engagé , intransigeant combattant de la liberté et de la fraternité, a joué durant toute sa vie, allant jusqu'à le prix fort, à l'âge de 45 ans, victime de la barbarie nazie."
Même si ce ne sont pas des textes qui rejoindront mes préférés de Desnos, j'ai pris beaucoup de plaisir , comme T. Clermont à :
"feuilleter ces pages rares, plus de quatre-vingt ans après leur écriture, ..., déchiffrer les mots, découvrir des vers inconnus, ...constitue à la fois un plaisir et une joie particulière. le poète est là, à l'oeuvre. Dans l'ombre. Spectre bienveillant. L'heure de Desnos est revenue."
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Mon premier contact, un peu mitigé, avec la poésie de Desnos.
A mon goût, pour reprendre les propos du Monde, tout n'est pas exceptionnel dans ce recueil. On ressent souvent le poids et les limites de la contrainte temporelle que Desnos s'était imposée. Néanmoins, quelques beaux clins d'oeil prémonitoires du poète au destin tragique qui sera le sien. Notamment le très touchant « Je me lèverai demain matin ».

On est presque instinctivement renvoyé aux vers d'Aragon magnifiquement mis en chanson par Jean Ferrat :

« Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne »
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critiques presse (1)
LeMonde
20 mars 2023
C’est ce petit trésor qui, après la publication d’une première sélection de vingt poèmes dans une revue spécialisée, en 2021, est présenté intégralement aujourd’hui. Tout n’est pas exceptionnel, mais Desnos s’y dévoile plus attachant que jamais
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
13/1/36



C’est au foie qu’il a pris la balle
Il crève
Il s’est traîné dans un square municipal
Derrière un massif de verdure
Autour les rumeurs de la ville circulent comme un rond blanc
                                  dans une tasse de café
L’herbe sent la terre mouillée
La terre où bientôt il pourrira
Il aurait dû vivre encore longtemps
Il doit y avoir quelque part une petite fille qui tremble d’attente
Qui tremble de l’attendre
Et cette herbe rare qui sent bon
Il y a dans ce gazon pelé des cylindres de goudron
Des bouts de journaux
Je crois que c’est le square de la tour Saint-Jacques
Il crève
C’est au foie qu’il a pris la balle
Et il y a dans la ville un tas de salauds qui vivent
Et il s’est battu pour la vérité
Il s’est battu pour la raison
Il s’est battu pour l’intelligence
On entend le bruit des galopades dans les rues vides
La rue Saint-Merri est proche
Il crève
Il est crevé
C’est au foie qu’il a pris la balle
C’était un ouvrier
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Le soleil se pressent déjà
derrière les brumes
Le fleuve coule plus
nonchalamment
Le trottoir sonne sec sous le pas
Et le son des horloges est plus
clair
Vienne l’indécis mois de mars
Et les langueurs délicieuses
Du printemps
Tu te lèves tu t’éclaires tu
éclates
Figure de pavé et de cambouis
Ville, ville où je vis
Paris » …
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25/1/36



Qui agite les barres de fer dans la cour ?
Qui monte l’escalier ?
Qui siffle sa chanson ?

La solitude chantante de la ville
Le bruit des robinets et des conduites d’eau
La mer qui s’écroule en volutes de fumées et perruques
    de l’autre siècle
Lissée sur les trottoirs, cardée aux fenêtres, houle de
    visages et de voix
Sillages confondus et entrecroisés
Chanson de gosse

Qui agite les barres de fer dans la cour ?
Qui monte l’escalier ?

Qui siffle sa chanson ?
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..
.
30 Mars 1936

Poisson d’avril
Méfie-toi des fils
Avec un hameçon
Espèce d’imbécile
Espèce de con
Demain 1er Avril
La pêche est fermée
On va pouvoir baiser
Poisson d’Avril
Ne te découvre pas d’un fil
A couper le beurre
Ah ça ne va pas mieux
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Je me lèverai demain matin
Plus tôt qu'aujourd'hui
Le soleil demain matin
Sera plus chaud qu'aujourd'hui
Je serai plus fort demain matin
Plus fort qu'aujourd'hui
Je serai gai demain matin
Plus gai qu'aujourd'hui
J'aurai demain matin
Plus d'amis qu'aujourd'hui
Et bien que demain matin
La mort soit plus proche qu'aujourd'hui
Je serai demain matin
Plus vivant plus vivant qu'aujourd'hui
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