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EAN : 9782070401147
158 pages
Gallimard (15/10/1996)
3.99/5   68 notes
Résumé :
Emigré à Paris, Kim s'adresse à son ami d'enfance, Arkadi.
Avant d'être séparés à l'âge de quatorze ans, les deux garçons ont grandi ensemble dans un hameau communautaire, non loin de Leningrad. Kim et Arkadi vivent des années heureuses. Tous deux pionniers dans un mouvement de jeunesse, ils marchent fièrement vers l'horizon radieux que leur promettent les films de propagande, au rythme des chants qui célèbrent les héros de la guerre et la figure mythique du ... >Voir plus
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Kim vit désormais à Paris et aujourd'hui, lui reviennent en mémoire les sons qu'il lançait de son clairon, la résonance des baguettes que son ami Arkadi faisait crépiter sur son tambour. Il se souvient de leurs marches d'été vers un « horizon radieux », ce qu'on leur promettait en tant que pionniers dans leur pays, la Russie. Il s'adresse alors à son ami, par delà le temps et la distance qui les ont séparés depuis l'âge de quatorze ans.
À la périphérie de Leningrad, ils vivaient en communauté dans trois bâtisses formant un triangle et abritant en son centre une cour où, lors des soirées chaudes d'été, les travailleurs jouaient aux dominos. Les babouchkas jacassaient sur le banc tandis que des odeurs de cuisine, des chocs de vaisselle, filtraient des fenêtres grandes ouvertes.
Il revient souvent sur les marches exaltées qui les occupaient chaque été, les chansons patriotiques aux pas cadencés proclamant le triomphe de leur nation. L'enfance filtrait les réalités et l'endoctrinement clarifiait l'horizon. Dans les souvenirs de Kim, l'auteur mêlent admirablement nostalgie heureuse d'instants partagés dans cette vie communautaire, moments d'amitié et de complicité et, le recul aidant, la vérité qui se cachait derrière cette « folie heureuse ».
À cette époque, les deux enfants ne savaient pas.
« Dans le bruissement du cuivre et le grognement doux du tambour nous crûmes discerner quelques vérités neuves qui n'avaient jamais visité nos jeunes têtes bien remplies de chansons sonores et de films héroïques. »

Du passé des parents, il ne savait pas grand-chose, ses questions étaient gentiment esquivées. Pourtant il aurait aimé que son père parle de son passé, de ses moments au front pour le confronter aux récits et chansons pleines d'héroïsmes. Mais la réalité était tout autre, en témoigne son père ayant perdu ses jambes à la frontière germano-polonaise. Iacha, le père d'Arkadi, est un rescapé d'un camp de Pologne. Dans cette habitation communautaire, il se charge de transporter sur son dos le père de Kim, tous deux ne formant plus qu'un seul homme. Une fois, alors que Kim joue à la guerre avec ses camarades, il surprend un récit des deux rescapés de la guerre, glaçant d'horreur.
Il voulait aussi connaître l'enfance de sa mère mais elle en disait si peu, des petites anecdotes étaient lâchées les soirs d'hiver alors que ses mains s'activaient à repasser un tas de linge glacé par l'air de la cour. Lorsque finalement, tardivement, les mères se livrent en évoquant un village sibérien et le siège de Leningrad, l'horreur glace de nouveau.

Une très belle écriture, aux doux accents poétiques, donne à ce petit texte d'Andreï Makine toute l'émotion que l'on peut ressentir en songeant à son enfance, un temps que l'on pourrait qualifier d'insouciant. Puis viennent des évènements de la vie qui signent la fin de cette enfance et le regard adulte montre alors des vérités plus cruelles sur son pays. C'est une lecture douce et amère, laissant une empreinte mélancolique intense avec le regret d'avoir perdu cette joie enfantine. En grandissant, les deux jeunes garçons ne sont plus dupes de la ferveur idéologique et l'interrogation de Kim « Pourquoi ces marches et ces chants ?» obtient ici des réponses vibrantes. le lien les unissant, ainsi que celui reliant leurs pères, m'ont également profondément émue.
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Avant la double consécration du Goncourt et du Médicis en 1995, Andreï Makine a vécu les années de galère d'un auteur qui cherche à se faire publier. Trois romans ont été écrits et si difficilement édités, avant le couronné « Testament français ».
Heureusement le succès public a remis en lumière des livres qui fascinent par le contexte politique sombre et le charme slave des narrations.

Les personnages de Makine sont frappés de désillusions et de fatalisme, englués dans un système oppressant et mensonger. Prendre le parti de l'humour et du cynisme ne cache en rien la lucidité des individus revenus de tout, ne se berçant plus de rêves enchantés sur la notion de démocratie à la soviétique.

Déchéance est le mot, de ses héros qui ont tout donné à la patrie : jusqu' à leurs jambes comme ce porte-drapeau, ou leur humanité en revenant des camps. Les enfants des hommes d'hier peuvent-ils se construire sans mensonge dans la moulinette des manipulations d'Etat ?

Il faut lire les premiers romans de Andreï Makine (celui-ci et « La fille d'un héros de l'Union Soviétique »). Comment expliquer cette difficulté à se faire éditer ? Ces livres sont magnifiques et importants pour comprendre l'homme et le pays auquel il reste profondément attaché.
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Une superbe écriture, comme toujours, mais le roman est très sombre et dénonce le régime de l'URSS. Lénine y est cité, mais aussi Staline avec ses purges, et aussi le communautarisme, l'embrigadement des plus jeunes, la nécessité d'avoir une pensée et une conduite "politiquement correctes". Ce livre ne plaira certainement pas aux nostalgiques des années soviétiques d'avant 1991.
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Depuis l'excellent le Testament français ou le brillant Archipel d'une autre vie, je me suis dit que j'allais prendre tous les livres de Makine que je voyais passer dans les brocantes pour découvrir, petit à petit, l'ensemble de son oeuvre. Celui-ci en fait partie. Et il a été d'autant plus intéressant à lire par le fait qu'il ne semble pas très connu. J'ai découvert dans cet ouvrage, un livre noir, sombre, mais raconté merveilleusement bien. Ici, un homme se raconte. Il raconte son enfance, passée dans une banlieue pourrie de Leningrad, avec son copain de toujours. Des rêves d'un monde meilleur, des esprits révolutionnaires, mais désillusionnés par le contexte de l'époque. Il n'en demeure pas moins que ce temps fût bercé par l'amitié, très forte, de la solidarité et de l'esprit communautaire. Un livre très court, 150 pages, à tout casser, mais qui dévoile tout le talent d'auteur de Makine. Une plume poétique, magnifique...
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Entendre, comprendre de quoi on parle ... "si l'on pouvait gagner encore cinq petits degrés en hauteur, je suis sûr que la cargaison glisserait toute seule... oui, il a employé précisément ce mot, "cargaison". Il n'y avait aucune haine dans sa voix. Et c'était ça le plus terrifiant !" .... quand des corps entassés ne deviennent qu'une cargaison !

Entendre, découvrir de quoi on parle .... "cela, ce n'est qu'une première étincelle. L'Amérique va s'embraser toute entière ! Tu imagines, bientôt ça va s'appeler la république soviétique socialiste d'Amérique !" .... l'île pour l'instant n'était nommée que l'île de la liberté !

Entendre, comprendre ce qu'est une bagarre ... "c'était la haine de celui qui soudain voit dans l'autre, comme dans un miroir, l'impasse de sa propre vie." .... le mécanisme de la haine !

Quitter son ami, son compagnon quand on a quatorze ans ... et ne jamais le revoir alors peut être lui écrire une lettre qui devient alors un livre, ce livre que nous découvrons ensemble, le roman de l'apprentissage, de la construction de sa personnalité au travers de ce qu'ils ont vécu ensemble.

Entendre, et enfin comprendre ces non dits, l'histoire que les parents ont voulu oublier, n'ont pas voulu se souvenir, n'ont pas voulu raconter à leurs enfants sur ce qu'ils ont vécu, le combat des pères, la confession des mères et enfin réussir et vouloir partager.
Avec son ami, ce qu'ils ont fait de leur vie, et ne jamais oublier de dire, de raconter ... ne jamais se taire !
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
J'avais beaucoup grandi depuis l'automne. Comme un pissenlit coincé contre le mur : le soleil printanier change un peu sa trajectoire et la tige pâle s'étire à l'infini, profitant de cette caresse inattendue. Notre moniteur s'en aperçut et désormais ce fut à moi qu'incombait l'honneur de porter le drapeau de notre détachement.
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Après le nouvel an, pour les vacances d'hiver, Liouba partit avec sa mère au village.
Dans l'isba sibérienne qu'embaumaient les bûches de cèdre et de bouleau, la vie s'écoulait toute différente. Même le lait, par exemple, on le transportait ici, au village, tout à fait autrement. Dans le froid sonore du matin surgissait une fine musique de grelots. Elles dressaient la tête au-dessus de leur tasse de thé, tendaient l'oreille. Déjà l'on entendait le grincement des patins, le dur martèlement des sabots. Elles se levaient, mettaient leur pelisse de mouton.
Dans la cour s'était immobilisé un cheval tout blanc et bouclé de givre. Glebytch, un vieillard au visage rubicond, basculait lourdement du traîneau. Lorsqu'il les voyait descendre du perron, il se penchait, retirait du traîneau une grossière toile grise, la déployait. Liouba écarquillait les yeux. Dans ses grandes moufles de fourrure, Glebytch tenait un large disque de lait glacé qui étincelait au soleil matinal. Avec précaution il le déposait sur le napperon brodé que la mère lui tendait.
Sur la surface du disque striée de cristaux, Liouba découvrait parfois un brin de paille collé ou un épi. Et parfois même un bleuet... Mais le comble du bonheur, c'était de s'approcher en cachette du grand bloc glacé et de le lécher en plein milieu, recevant sur le visage le souffle d'un froid enivrant!
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Nos parents nous parlaient peu du passé. Peut-être croyaient-ils que celui mis en chansons et en récits dans nos manuels nous suffisait... Ou tout simplement voulaient-ils nous ménager, conscients que dans ce pays, savoir est une chose pénible et souvent dangereuse?
La vie de mon père, ou plutôt sa jeunesse, m'intéressait beaucoup. Tel un chercheur de trésor, j'étais sûr de retrouver dans son passé de soldat des images semblables à celles du combat nocturne dans lequel le cavalier rouge trouvait la mort. Un corps à corps héroïque. Un exploit éblouissant. Mais ses récits étaient toujours d'une sobriété sèche et décevante.
J'entrepris alors, presque inconsciemment, de composer une sorte de fresque, la mosaïque de cette jeunesse qui me fascinait. Jour après jour, j'ajoutais les fragments de ses récits, des confidences involontaires, des détails qui se révélaient au hasard de causeries avec ma mère.
C'était Iacha qui, de façon indirecte et sans s'en douter, du reste, m'avait beaucoup aidé dans ce long assemblage des petits éclats de ma mosaïque. (...)
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Tout était si simple. Limpide...
Le clairon lançait ses cris perçants. Le tambour vibrait. Et vibrait au-dessus de sa peau jaune et racornie le ciel dont nous avalions de grands pans frais et bleus en chantant nos chansons sonores. L'univers entier trépidait dans ce roulement et ces cris.
Tout était si clair dans ce début de notre vie. Notre enfance avait l'odeur piquante du cuivre étincelant, la résonance martiale de la peau tendue.
Et nous marchions, les jambes veloutées de poussière, à travers les chemins des champs. Toujours tout droit devant nous. Toujours vers cet horizon radieux.
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Au centre de la cour était installée la table des joueurs de dominos. Autour d'elle, des arbres, plus jeunes et qui nous étaient comme plus proches, car on les avait plantés sous nos yeux. Nous étions vaguement fiers de nous savoir antérieurs à quelque chose dans cette cour... Cette table, en épaisses planches de chêne noueuses, offrait une surface qui, au printemps, la mieux exposée au soleil, se débarrassait la première de sa couche de neige. C'était un bonheur intense, par une éblouissante journée de mars, de s'asseoir là, de retirer de sa poche une loupe - un vrai trésor! - et de marquer ses initiales sur la planche encore humide. Le fin filet bleuté de la fumée chatouillait les narines, se mélangeait avec la fraîcheur neigeuse, se dissipait dans l'air ensoleillé...
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Vidéo de Andreï Makine
Augustin Trapenard reçoit Andreï Makine, écrivain, académicien, pour "L'Ancien Calendrier d'un amour", édité chez Grasset. Ce titre énigmatique fait référence à une "parenthèse enchantée" pendant laquelle Valdas et sa bien aimée peuvent vivre "en dehors de la comédie humaine" entre l'ancien calendrier de la Russie et le nouveau.  En effet, le livre raconte l'histoire d'un jeune aristocrate russe embarqué dans le tourbillon de la révolution de 1917 qui finira sa vie en France. L'homme fera l'expérience de l'amour et ne cessera jamais d'oublier celle qu'il a aimé. Son histoire c'est aussi l'histoire d'un exil, un exil qui rappelle celui connu par l'auteur. 

Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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