Paul Martin : Je lis parfois des romans jeunesse, pour mon plaisir personnel plus que par obligation professionnelle. Mais les sources d`inspiration littéraire pour Violette ont plus été des albums illustrés qui m`ont marqué, comme Max et les Maximonstres de Maurice Sendak, les albums de Kitty Crowther ou d`Anthony Browne (notamment Le Tunnel). Ce sont aussi les films de Miyazaki, pas tant pour leur univers très particulier que pour la complexité des personnages et l`absence de manichéisme. Mais ce sont avant tout mes souvenirs de jeux d`enfant, et une réflexion sur l`importance de l`imaginaire pour surmonter les épreuves de la vie, qui m`ont guidé dans cette écriture.
Jean-Baptiste Bourgois : Comme Paul, je lis davantage d’albums que de romans jeunesse. Par contre, certains auteurs m’ont énormément marqué comme Philip Pullman, J.R.R Tolkien (Bilbo le Hobbit était un roman jeunesse) ou Roald Dahl quand j’étais enfant. Je crois qu’un des points communs entre ces auteurs c’est de ne pas prendre les enfants pour des idiots : il y a le danger, le fantastique et l’humour. C’est ce que j’ai gardé en tête pendant que je travaillais sur Violette Hurlevent.
P. M. : Les illustrations jouent un rôle primordial dans ce roman, pas uniquement en raison de leur abondance et de leur qualité, mais dans sa genèse même. C`est Jean-Baptiste Bourgois qui a été à l`origine du projet : il avait cet univers en tête et m`a proposé d`écrire les aventures qui s`y déroulaient. A partir de ses nombreux dessins et textes décrivant le Jardin Sauvage, nous avons bâti ensemble une description de ce monde et des ébauches d`intrigues. J`ai ensuite rédigé le texte, puisant dans cette « bible » les éléments du récit. De nombreux passages m`ont été inspirés par un dessin. Dans un troisième temps, Jean-Baptiste a entièrement réalisé les illustrations finales à partir de mon texte.
J.-B. B. : Le livre a été conçu comme un roman graphique, avec un lien texte-image et une mise en page particulière. C’est quelque chose que l’on a établi très vite avec l’éditeur, Sarbacane. Avec Paul on a eu des conversations passionnantes sur le récit, les illustrations, de véritables “conseils de guerre”. J’ai adoré ces moments. Il y a forcément des impératifs chronologiques quand on travaille à plusieurs mais ce livre a vraiment été conçu à deux en permanence.
P. M. : Oui, dès l`origine Jean-Baptiste avait l`idée de cette héroïne chevauchant son chien Pavel pour vivre des aventures dans son jardin.
J.-B. B. : Oui, à la page 3 de mon carnet de croquis, juste après Pierre Précieux (qui n’avait alors pas encore de nom).
P. M. : La création de l`univers a vraiment été réalisée en se basant sur nos souvenirs de jeux d`enfants, sur le talent qu`ont les enfants de transformer des éléments de leur décor en protagonistes de leurs aventures imaginaires. Nous avons réfléchi à tout ce que l`on peut trouver dans un jardin, et avons transposé ces lieux et créatures pour en faire les pièces d`un monde fantastique.
J.-B. B. : Je crois que le roman tend plus vers le fantastique : la réalité telle que nous la voyons continue d’exister et Violette doit toujours en tenir compte durant ses pérégrinations dans le jardin. Je situe Violette Hurlevent bien plus proche de Philémon ou de Bilbo que de Conan le Barbare. Pour les néologismes, c’est Paul le spécialiste !
P. M. : L`idée d`un roman initiatique n`était pas notre projet de départ : nous voulions réussir une histoire d`aventures passionnante et originale. C`est en travaillant sur le contexte du « vrai » monde dans lequel évolue Violette au début et à la fin de chaque partie du roman que son histoire personnelle s`est imposée comme une toile de fond donnant aux aventures vécues dans le jardin une tonalité plus grave et personnelle. L`idée de faire du jardin un monde dans lequel se dénouent les problèmes qu`affronte la jeune héroïne dans sa vie doit beaucoup aux albums illustrés cités plus haut : je suis persuadé que la richesse de l`imaginaire, nourrie par les lectures dès le plus jeune âge, sont un puissant moyen d`affronter les difficultés de l`existence.
J.-B. B. : J’ai surtout aimé être surpris par les personnages secondaires que Paul a su créer, les jardiniens et les animaux qui peuplent le jardin sauvage. En tant que dessinateur, c’était un bonheur et une opportunité géniale de les mettre en scène.
P. M. : Initialement, notre projet était de réaliser une série de romans illustrés plus courts, chacun centré sur une des « reliques », ces objets aux pouvoirs étranges que Violette tente de réunir. C`est l`éditeur qui nous a convaincus de réunir ces intrigues en un seul volume beaucoup plus conséquent, et cela a été l`occasion de développer ce projet de façon plus ambitieuse et complexe.
J.-B. B. : C’est Sarbacane qui nous a orientés sur cette forme et qui nous a encouragés avec enthousiasme à être ambitieux. Ce fut alors un tournant pour notre projet. Je crois que l’on s’est permis ensuite plus de choses narrativement.
P. M. : A vrai dire je ne me pose pas la question ainsi. C`est la première fois que j`écris un roman aussi long, mais comme pour tous les autres récits et BD que j`ai imaginés jusqu`à présent, c`est avant tout l`envie de raconter une histoire forte, drôle et originale qui m`a poussé. L`univers imaginé par Jean-Baptiste était si riche et poétique que c`était un plaisir comparable à celui de créer un spectacle avec un jeu de marionnettes fantastiques.
J.-B. B. : J’ai fait de mon mieux pour proposer des illustrations singulières et un lien texte-image digne d’intérêt, pour proposer le meilleur livre possible à ce moment là. Le public en fera ce qu’il voudra !
P. M. : Un recueil du journal de Spirou offert quand j`avais 7 ans. Je me suis tout de suite mis à dessiner mon propre journal de BD.
J.-B. B. : Le Combat ordinaire, Tome 1 de Manu Larcenet. Avant ça j’aimais dessiner et lire des BD. Après, je voulais devenir auteur et dessinateur.
P. M. : La série des Orphelins Baudelaire de Lemony Snicket. C`est drôle, intelligent, ambitieux, et sans équivalent à ma connaissance en littérature jeunesse comme adulte.
J.-B. B. : Bilbo le Hobbit, si je l’avais illustré comme Tove Jansson (l’autrice des Moomin).
P. M. : Le Monde perdu d`Arthur Conan Doyle, lu et relu vers l`âge de 8 ans. La parenté de ce monde secret peuplé de créatures étranges avec le Jardin Sauvage ne m`est apparue qu`après avoir écrit ce dernier.
J.-B. B. : Un de mes premiers bouleversements c’était Le parfum de Patrick Süskind, que j’avais lu très jeune.
P. M. : Je lis régulièrement les nouvelles de Jorge Luis Borges, qui sont une des rares formes de littérature fantastique dont je ne me lasse pas.
J.-B. B. : Sans doute Dear James: Letters to a Young Illustrator de Robert O. Blechman qui est un essai épistolaire sur l’illustration.
P. M. : Honte, rien. Mais j`ai d`énormes lacunes, je n`ai jamais lu Marcel Proust, Léon Tolstoï, ni Honoré de Balzac. Je suis heureux de me dire que j`ai encore des chefs-d`œuvre à découvrir.
J.-B. B. : Kiki et Aliène, tome 1 : Touristes venus d`ailleurs de Paul Martin. J’espère qu’il ne l’apprendra jamais.
P. M. : Je suis le fromage, roman très dur de Robert Cormier, auteur américain plus connu pour La Guerre des chocolats. Il n`est plus disponible en France, l`espère que l`Ecole des Loisirs le rééditera car c`est un texte d`une force incroyable.
J.-B. B. : En illustré : Un livre blanc de Copi, réédité par Buchet-Chastel. En roman : Demain les chiens de Clifford D. Simak.
P. M. : La série du Monde de Narnia, de C. S. Lewis, mais j`avoue n`avoir lu que le premier volume.
J.-B. B. : Harry Potter ! Bien entendu la série a des qualités mais elle a malheureusement éclipsé beaucoup d’autres titres.
P. M. : Non. Je suis infichu de retenir la moindre citation.
J.-B. B. : Comme Paul, je ne retiens jamais les citations.
P. M. : Je termine un roman de Yôko Ogawa : La Formule préférée du professeur.
J.-B. B. : Les Cosaques de Tolstoï.
Découvrez Violette Hurlevent et le jardin sauvage de Paul Martin et Jean-Baptiste Bourgois aux éditions Sarbacane :
Entretien réalisé par Nathan Lévêque
On peut tout à fait lire en s'amusant, c'est pourquoi la librairie Point Virgule vous propose cette semaine une sélection de différents livres-jeux destinés aux plus jeunes. - Promenons-nous dans les bois, Cherche et trouve + de 100 animaux, Rachel Piercey & Freya Hartas, Gallimard Jeunesse, 17,50 - Cherche et trouve Grisette, Natacha Godeau & Axelle Vanhoof, Auzou, 12,95 - Qui est le coupable ?, 7 tomes, Pascal Prévot & Aurore Damant, Milan, 12,90 - Énigmes à tous les étages, 9 tomes, Paul Martin, Bayard Jeunesse, 12,50 - Et si c'était toi Boucle d'or, Camille Ferrari & Coralie Saudo, Amaterra, 14,90
Tolkien, le seigneur des ....