Encore une aventure littéraire et humaine sublime et inoubliable.
Que ce livre inspiré d'une histoire vraie est beau et bien écrit. Emotion (beaucoup), suspens, rythme, action, féerie mais aussi cruauté. Ici Grande et petite Histoire se confondent avec l'imaginaire.
Phnom Penh, Cambodge. 1971. La guerre civile étend insidieusement ses tentacules destructrices. Saravouth, onze ans, sa soeur Dara et ses parents mènent une vie paisible et fantasque dans laquelle l'imagination et la créativité règnent en maître.
Nourri par les lectures de sa mère, professeur de littérature, Saravouth s'invente un « Royaume intérieur » un pays imaginaire en opposition à l'Empire extérieur.
Il embarque sa soeur Dara, rebelle, dans son monde fantasmagorique.
Les deux pays se nourrissent l'un de l'autre et les enfants voyagent avec agilité entre réel et imaginaire, entre Royaume et Empire. Car à cet espace libertaire qu'offre l'imagination s'oppose une situation politique de plus en plus liberticide.
Ostracisés en raison de rumeurs grandissantes concernant les origines vietnamiennes de sa mère, le roman bascule lorsque la persécution envers les Vietnamiens par l'offensive des troupes du général Lon Nol se renforce.
« L'homme bleu » embarque certains de leurs amis, d'autres fuient, les rafles commencent.
Contraint avec sa famille de le suivre à leur tour, Saravouth se réveille en pleine forêt baignant dans son sang. Ses parents ont disparu.
Recueilli et soigné par une sinistre vieille dame aux allures de sorcière dans une cabane insalubre, il attend de regagner des forces avec pour seule obsession de retrouver les siens.
À partir de là commence son « épopée ».
Des jours noirs se profilent éclairés par le souvenir de sa famille qui le guide dans cette nébuleuse et ce jeu de piste.
On assiste à des scènes de tentative de survie apocalyptiques entre onirisme et réalité.
Sa quête le mènera de forêts en hôpitaux en passant par des marécages, des sables mouvants, la traversée périlleuse d'un lac en sampan. Voyageant au milieu de la guerre, slalomant entre les cadavres, les tirs, les crocodiles et une flore hostile.
Il se déplacera aussi de villes en missions avec autant de péripéties, d'activités pour survivre et de rencontres.
Les descriptions alternent habilement entre barbarie et féerie.
De
René Char à « Peter Pan » et « l'Iliade et l'odyssée », les recours de l'auteur à des personnages, lieux mythologiques et mythes populaires ainsi qu'à la poésie sont brillamment utilisés et donnent une forme si particulière au roman.
C'est surtout un magnifique livre sur le déracinement.
Et puis le royaume intérieur se désagrège, Saravouth ne peut plus s'y réfugier, sa perception binaire du monde se disloque.
Qu'est devenu Saravouth ? La résilience a-t-elle été possible?
La détresse et les appels à sa mère de cet enfant désorienté résonnent encore en moi...
Et cette fin...
Vibrant, émouvant, brillant et marquant.