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EAN : 9782843048050
160 pages
Zulma (01/03/2018)
3.74/5   50 notes
Résumé :
Missionnée pour un casting aux allures de défi, Damya arpente les rues de Paris à la recherche d’une centaine de figurants : efflanquées, défaites, ces ombres fragiles incarneront les déportés dans un film adapté de la Douleur de Duras.

Par sa présence si vive au monde, ses gestes de danseuse, son regard alerte et profond, Damya mue en vraie rencontre chaque échange fugace avec les silhouettes qu’elle repère – un marcheur qui ne retient du temps qui p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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"Paris est tout petit pour ceux qui, comme nous, s'aiment d'un aussi grand amour" disait, gouailleuse, la belle Garance au ténébreux Frédéric...

C'est d'une balade dans Paris qu'il s'agit, ce qui n'est pas pour me déplaire, moi qui aime tant me perdre dans ses rues, ses passages, ses deux rives et ses ponts qui jouent à saute-mouton.  Une balade au hasard-Balthazar, pour dénicher des Maigres bien faméliques et, qui sait,  retrouver le grand amour...

Celle qui cherche tout ça, dans le labyrinthe des rues parisiennes,  c'est Damya, une ex-danseuse éclopée à vie par la fusillade des terrasses, un soir de novembre. Une Galatéa au genou étoilé qui ne sera jamais danseuse étoile, qui ne fera plus le moindre jeté-plié, le plus petit saut,  et dont le Pygmalion, un chorégraphe,  russe comme il se doit, a déjà jeté son dévolu sur une autre...

Alors, comme il faut bien manger, Damya bosse pour le cinéma.

On tourne La Douleur de Duras et le casting officiel n'est pas arrivé à trouver de vrais Maigres pour figurer les déportés de retour des camps..Damya est donc chargée d'un Casting Sauvage, dans les rues de Paris, parmi les angoissés, les anorexiques, les camés,  les sidéens,  les misérables qui hantent notre belle capitale...ce faisant,  elle espère secrètement  retrouver celui avec qui elle avait rendez-vous, ce triste  soir du 13 novembre, dont elle ne connait pas le nom, juste l'étreinte,  et c'est un souvenir qui la maintient en alerte et en vie!

Le récit,  poétique et précieux,  tisse sa trame brillante  dans ce parcours hasardé, parfois hasardeux, et  très littéraire..

On pense au Ventre de Paris, avec  ces Maigres, (dont un  ancien bagnard, communard échappé de Cayenne) , souvent recherchés par la police, qui se cachent maladroitement dans le gargantuesque quartier des Halles, tellement  visibles dans ce pays dévolu aux Gras!

On pense à  Nadja de Breton,  à sa main de fatma, son culte du hasard dans la rencontre amoureuse.

On pense aux premières pages d'Aurélien, avec la noyée de la Seine, immortalisée par un moulage célèbre.

Et puis on pense au cinéma, aux Enfants du Paradis, pour la réplique de Garance, déjà citée,   mais aussi pour le clown triste en costume blanc, ce Paillasse du Boulevard du Crime,  incarné par le fiévreux J.L. Barrault,  qui cherche son amoureuse avec une obstination et une conviction que rien ne décourage..

On pense à  Jean Vigo et à son Atalante, pour la péniche du sculpteur salvateur..et avec lui on revient au mythe de Pygmalion et de sa Galatée...

La boucle est bouclée. 

Plein comme un oeuf, très écrit. ..trop plein, trop écrit!

Plus de place pour respirer, pas de marge pour imaginer, pas d'espace pour rêver.

Casting sauvage vibre trop de la griserie d'écrire pour laisser au récit le temps de s'installer, de nous charmer, de subrepticement nous ferrer.

Ou alors c'est moi qui n'ai pas trouvé l'hameçon après cette longue vacance fraternelle passée chez Fregni...il y a des lectures qui ont du mal à nous quitter...

Le livre de Hubert Haddad est un beau et bon livre, le sujet est bien trouvé,  élégamment  troussé, semant signes et discrètes références avec doigté.  Mais l'émotion m'a manqué ou m'a manquée!   Elle a dû passer à côté de moi, tout près, à contre-courant.. .Je l'ai laissée filer...

Peut-être que lire Casting sauvage après les livres de Fregni était une erreur de casting...
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La Feuille Volante n° 1284
Casting sauvage - Hubert Haddad - Zulma.

Le personnage principal de ce roman est bien sûr une ville, et pas n'importe laquelle puisque Paris s'impose d'emblée, non comme le simple décor d'une fiction mais comme un acteur majeur, une sorte de metteur en scène qui imposerait aux comédiens d'un jour sa volonté, sa vision de cette comédie du quotidien avec ses coïncidences, ses rencontres, ses revirements de situations, ses joies secrètes. Ce n'est pas non plus cette « ville lumière » comme on se plaît encore à l'appeler puisque, hors mis les scènes filmées pour un improbable long métrage dont on ne sait finalement pas grand-chose à part qu'il est l'adaptation de «La douleur » de Marguerite Duras, ce roman nous donne à voir des scènes et des situations où le gris et la solitude dominent,.
Damya, une danseuse ratée, fragile, écorchée vive, mais pleine d'une beauté intérieure, parcourt cette ville à pied, un peu claudicante quand même à cause de son genou éclaté par la balle d'un terroriste qui a mitraillé la terrasse d'un café où elle se trouvait. Puis ce fut l'opération, la rééducation et l'envol de son avenir de ballerine incapable de danser comme une professionnelle. Elle traînera avec elle, comme une mauvaise ombre, ses rêves de réussite et de célébrité. On lui propose par hasard de recruter les figurants pour un film. Ils devront incarner les revenants des camps de concentration, c'est à dire être maigres, décharnés, perdus dans cette société dans laquelle ils reviennent... et avoir la tête rasée. Au cours de, ce « casting sauvage », elle n'a aucun mal à recruter des SDF qui tendent la main, des migrants sans papier, des étudiants pauvres, des chapardeurs, des drogués, des paumés, c'est à dire des gens comme elle, abandonnés.désabusés qui vivent comme ils le peuvent leur douleur intime et que les citoyens ordinaires fuient.. Elle porte comme un fardeau son passé, détricote ses souvenirs pas forcément beaux, son enfance étriquée, ses rêves brisés...Elle assistera même à la général du ballet dans lequel elle devait danser, condamnée à regarder les autres tenir un rôle qu'elle n'aura plus. Avec son grand coeur et son appareil photo elle parcourt les quartiers interlopes, croise des gens abandonnés de la société qui s'accrochent à la vie ou en décrochent Ils devront, sans maquillage, incarner toute la détresse humaine. le cadastre parisien ne cache même plus leur existence. C'est une gageure mais elle va au devant de chacun d'eux et réussit à réunir une centaine de ces pauvres gens qui ne seront jamais de vrais acteurs mais rien d'autre qu'un décor humain misérable mais d'autant plus facile à diriger que leur désarroi est semblable à celui des survivants des camps. Elle prendra sa mission à coeur, mais le film terminé, elle retournera dans l'anonymat.

Elle croisera Amir, le terroriste qui a participé à l'attentat qui lui a brisé le genou. Ce rendez-vous manqué est pour elle l'occasion d'une quête impossible dans la capitale, sa silhouette se dérobant toujours devant elle. Par un paradoxe improbable dû à ce rendez-vous manqué et de la surveillance ou le hasard, elle devient aussi pour la police une éventuelle complice de cette agression et fait l'objet de tracasseries inutiles. Elle fera quand même de belles rencontres, celle du peinte de la pleine lune et quand elle décide de danser au dessus du vide de la Seine, sur le parapet d'un pont, comme sur une scène soudain bien étroite, c'est Matheo, un artiste désespéré et alcoolique, batelier immobile accroché au quai, aussi paumé et idéaliste qu'elle, qui la sauve du suicide,et c'est un jongleur de rue qui la ramène à la vie , réussit à la convaincre d'accepter sa condition....

J'ai été séduit par la qualité de l'écriture d'Hubert Haddad, poétique, dramatique et émouvante. Ce roman est écrit par petites touches, comme un tableau impressionniste mais qui cependant donnerait à voir avec beaucoup de précisions ce qu'il veut montrer, la pauvreté, le désenchantement, l'échec, l'abandon. On parle toujours beaucoup, ventant leur esprit d'entreprise, leur culot, leur talent, de ceux qui réussissent mais jamais de ceux qui ayant travaillé aussi dur que les autres n'ont pas vu leurs efforts couronnés de succès, à cause du hasard, de la malchance, de la malveillance des autres.. Damya est de ces malchanceux même si, l'épilogue peut donner à penser que les choses pour elle peuvent changer, que cet inconnu dont nous parle Baudelaire quelque part dans son oeuvre peut être quelque chose de nouveau et peut-être de beau face à la fragilité de cette jeune femme .

© Hervé Gautier – Octobre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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« le casting sauvage, c'est quand les agences coincent. » On leur demande tout ce qu'on veut pour faire de la figuration dans un film : des nains, des colonies d'enfants, des tribus bantoues : elles trouvent. Si elles ne dénichent pas exactement ce que le réalisateur souhaite, elles se débrouillent en maquillant, en travestissant des silhouettes proches. Mais cette fois, on leur a demandé cent rescapés des camps de concentration. Et le réalisateur veut du naturel, il refuse tout trucage, même cosmétique : « Il lui fallait des gens de la rue raflés dans leur misère physique ». Alors, on fait appel à une stagiaire, chargée de parcourir Paris en quête de cent oiseaux rares, d'une maigreur de revenant, prêts à exposer celle-ci aux yeux de tous, et à se faire raser pour le tournage.
Damya n'a « aucun truc » non plus pour aborder les candidats potentiels, « simplement une attention un peu vive pour le visage de tous ces gens qui vont et viennent à découvert, sans but avoué, le regard rentré au secret de leur nuit ». Et c'est pour cela qu'elle réussit là où les agences ont échoué. Elle est sensible à la fêlure de chacun, qui explique leur étisie, une rupture intérieure qui fait écho à la déchéance physique. « Quelque chose est brisé à jamais en eux, ils avancent avec précaution, les yeux blanchis par l'innommable, comme s'ils rêvaient, comme s'ils croyaient rêver dans un délai de grâce… »
En fin de compte, les gens de la rue, rejetés de la société, ne sont-ils pas tous un peu des déportés ? Lorsque les ultimes promeneurs sont rentrés chez eux, lorsque le dernier métro a emporté les derniers sédentaires, des ombres muettes sortent des portails obscurs, se détachent des murs, rôdent autour de Damya, qui déambule au hasard. Clochards, suicidaires, réfugiés, fugueuses anorexiques, ils composent une horde fantasmagorique qui, dans ses rêves, prend une dimension épique. « Des revenants partout l'accompagnent, ils surgissent de nulle part dans la quiétude flambante du jour. Elle les reconnaît tous à leur regard effaré, leur silhouette de branches sèches et cette pâleur d'outre-tombe. »
Et puis, il y a des ombres plus poétiques qu'inquiétantes, des familiers de la nuit, comme elle, qui appartiennent presque au paysage. le peintre de la pleine lune, qui ne sort son chevalet que tous les vingt-huit jours, le jongleur aux apparitions fantasques, l'homme qui marche pour créer l'espace, dont il doute. « Depuis vingt ans, je marche pour voir surgir quelque chose de nouveau, d'inhabituel. » C'est alors sa perception de la ville qui change en Damya. La voilà « focalisée par l'envers des grands décors indifférents derrière lesquels la mort informe godaille ». Les ponts, les gares, lieux de passage rendus aux exclus du jour, les grands boulevards ou les cours au fond d'une impasse, c'est un Paris différent qui se reconstitue au fil des pages, introduisant le plus souvent les chapitres, une errance nocturne en contrepoint au thème du retour des déportés.
Si Damya a cette sensibilité particulière aux destins brisés, c'est que le sien lui-même s'est arrêté un soir de novembre 2015. Elle est elle-même brisée dans sa vie, dans son corps, dans son rêve, par les attentats de la rue de Charonne. « Elle avance désormais en exclue, débusquée d'un songe intrépide, par-delà la clôture du corps. » Il ne faut pas dévoiler le secret qui a brisé sa vie, le tragique concours de circonstances qui l'a menée au mauvais endroit, au mauvais moment. C'est lui qui assure la tension dramatique du récit. Ni l'étrange cérémonie nocturne qui, à la fin, exorcisera son échec. C'est la magie du roman qui rassemble soudain les éléments épars, comme le tournage du film rassemblera en une image les cent destins brisés des figurants.
Dans une langue aux images flamboyantes, d'une poésie grave et somptueuse, cette traversée de Paris est une lente descente aux sentines de la misère humaine, l'inexorable ressassement d'un passé douloureux, mais avec cet espoir tenace d'en « rejaillir vivant », dans une lumineuse remontée vers l'avenir.
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Difficile de parler d'un roman tel que celui-ci, tout en subtilité et en suggestion. Il est évidemment possible de le résumer en deux ou trois lignes qui enlèveraient une grande partie de la magie de la lecture… disons donc qu'il raconte quelques mois de la vie de Damya, une jeune femme qui s'apprêtait à jouer le premier rôle d'un spectacle de danse, mais qui dorénavant travaille à chercher des figurants pour le film adaptant La douleur de Marguerite Duras. le casting sauvage consiste à aborder des gens dans la rue selon qu'ils correspondent au profil recherché, ici pour jouer des rescapés des camps. Damya engage alors la conversation avec les plus émaciés, les sans-abris, les malades, les drogués… d'autres personnages apparaissent, un sculpteur, un chorégraphe, d'autres restent invisibles comme le jeune homme que Damya recherche depuis un rendez-vous manqué…

Il faut s'imaginer que le personnage principal est une ville (enfin, c'est mon sentiment), Paris qui, à des moments féeriques, ne semble plus habitée que par des espèces animales, oiseaux, chats, rats et souris, insectes, et même un cerf crépusculaire… et à d'autres heures, ses trottoirs sont engorgés de nuées de réfugiés, maigres et harassés. L'auteur se laisse porter par les mots, ose le parallèle entre les victimes des attentats de novembre et les déportés de retour des camps, s'intéresse à la collusion des arts, danse, sculpture, cinéma, écriture, s'interroge sur la place du corps… La fin très touchante clôt cette longue rêverie poétique.
Je n'aurais peut-être pas lu ce roman si je ne l'avais gagné, j'ai pourtant lu et aimé le peintre d'éventail et Corps désirables, quoique avec quelques petites réserves, mais pas du tout aimé Théorie de la vilaine petite fille qui m'a ennuyée. Finalement, mon préféré est peut-être, le temps qui passe le dira, ce dernier roman, qui a su me toucher avec un sujet moins facile que le peintre d'éventails, mais surtout une belle ambiance portée par une écriture des plus délicates.
Je le conseille à ceux qui aiment la plume de l'auteur comme à ceux qui voudraient la découvrir
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Pour son "Casting sauvage" Hubert Haddad a choisi Paris comme espace narratif et ça m'a bien plu.
Il nous raconte l'histoire de Damya. Elle se promène dans les rues de Paris. Mais cette promenade est insolite car elle s'occupe d'un casting et doit recruter une centaine de figurants décharnés pour jouer les colonnes de déportés de retour des camps de concentration pour le film réalisé par Emmanuel Finkiel, adapté de « La douleur » de Marguerite Duras. J'ai vu ce film et je l'ai beaucoup aimé, ce qui n'était pas évident a priori étant donné que Marguerite Duras est assez difficile à adapter fidèlement. Je tenais donc absolument à lire ce livre.
Cela aurait pu être sordide d'autant plus que la jeune femme est une rescapée des attentats de novembre 2015. Mais j'ai apprécié ses déambulations d'oiseau blessée. La jeune femme est une ancienne danseuse qui ne peut plus monter sur les planches après avoir reçu une balle dans le genou à la terrasse d'un café.
Elle mène sa traque, son rabattage mortifère, dans tout Paris, particulièrement dans les quartiers les plus pauvres. Elle va y rencontrer des chapardeurs affamés, des trafiquants à la petite semaine, des filles des rues aux yeux hantés, des migrants épuisés que les Parisiens fuient.
Je trouve émouvante l'idée de rassembler des douleurs différentes pour offrir des figurants au film « La douleur ». Mais Hubert Haddad en fait trop et c'est dommage. L'histoire va se compliquer quand vont s'y ajouter toutes les misères du monde : on apprend que Damya avait une relation avec Amir, terroriste qui a participé aux attentats. Mathéo, qui la sauve d'une tentative de suicide a également vu la mort de prêt et le parallèle entre les déportés et les SDF d'aujourd'hui ne m'a pas entièrement convaincue.
Il ne reste pas moins que l'écriture d'Hubert Haddad est très poétique.


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critiques presse (1)
Lexpress
23 avril 2018
Avec "Casting sauvage", Hubert Haddad vadrouille dans une ville lumière éclaboussée de merveilleux.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Les noms sont des artifices, des exutoires pour distinguer le cercle flou des proches entre des millions d'inconnus. Si les morts vivaient, ils ne désigneraient plus guère, les patronymes s'effaceraient vite. Les morts confondraient tous ceux qui furent aimés en un même visage, une même voix.
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Tout amour en effet débute sur un coup de dé, comme tout roman, mais c’est en vain qu’il les lançait et relançait sur un tapis brûlé, accumulant les fiascos. De quel auteur est cet habile récité bricolé à partir d’une foule d’incipits ? Il faudrait être bien ingénieux ou sacrément ingénu pour se combiner une authentique histoire d’amour avec cent bouts de passions avortées.
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Damya voit venir à elle la soudaine affluence. Les survivants ont repris leur marche sur la distance d'un quai de gare. Pourtant si semblables dans leur consomption, sous l'uniforme rayé et, parfois, le manteau de toile à l'aspect de vieux suaire, elle les reconnaît tous. Ils n'arrivent ni d'Auschwitz ou d'Oranienburg, ni de Mauthausen, Chelmno ou Buchenwald, mais des rues désemparées de Paris, femmes et hommes, vieux et jeunes, allant avec une retenue de bon aloi dans les pas perdus des déportés, ceux qui revinrent et n'osèrent pas témoigner, ceux qui ne retrouvèrent pas leur maison ou qui n'eurent pas la force d'oublier. Elle reconnaît chaque visage malgré les têtes tondues. Le réalisateur tenait tellement au naturel, pas de faux crânes en caoutchouc, aucun grimage. Ils ont gardé leur figure de perdition, celle des rues, des couloirs du métro, des halls de gare, des esplanades, des lisières et des confins urbains. Ils avancent sur ce quai retranché, comme partout dans la ville, seuls et pauvres, ignorés sous les spots et les réflecteurs.
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Place Denfert-Rochereau, une femme ivre juchée sur de hauts talons semblait s'enfoncer dans le sable à chaque pas. Etait-elle maigre, l'accepterait-on parmi les déportés? Pliée sous son sac à dos, elle versait des larmes d'une autre vie tombant en cristaux sur sa face éteinte. D'expérience ou d'instinct, après quelques rebuffades, Damya laissait à leur destin les relégués et bannis d'eux-mêmes, les désespérés sur la défensive et l'espèce étrange des désirants en combustion infamante. Il suffisait d'un échange de regards. Elle savait distinguer maintenant les solitudes. Paris regorgeait d'exilés que personne n'attendait nulle part.
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On meurt de faim et de désespoir à chaque instant, ici même, à Paris, dans l'insouciance générale. A cause de qui, vous le savez ? L'homme n'est qu'un sac de tourments. Même en enfer, il devra trimbaler son charbon pour brûler...
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Vidéo de Hubert Haddad
Avec Katerina Apostolopoulou, Caroline Boidé, Bruno Doucey, Mohammed El Amraoui, Hubert Haddad, Marie Pavlenko & Murielle Szac Accompagnés par le musicien Issa Hassan
Prenez le mot Grâce. Soupesez-le pour en estimer la richesse de sens. Puis déployez-le, en éventail, de manière à faire apparaître ses innombrables significations. Qu'y a-t-il au-delà de ce don accordé, de cette faveur ou non divine ? Un état, un moment, l'extase. Une supplique, une embellie, d'autres extases encore. Sans oublier ces vies que l'on épargne, ce coup souvent fatal, ces inquiétudes et cet accueil, le consentement ou le refus. Les uns disent « Grâce à Dieu », tandis que d'autres ne croient qu'en la chaleur d'une main dans la leur. Mais de textes en textes, de mots d'amour en chants des morts, de cimes en abîmes, les 118 poètes de cette anthologie entonnent sans relâche la grande partition de la vie. Et s'ils viennent de tous les horizons – si elles viennent, car plus de la moitié sont des femmes –, c'est pour dire d'une voix multiple et une : Gracias a la vida !
À lire – Grâce… Livre des heures poétiques, Anthologie établie par Thierry Renard & Bruno Doucey, éd. Bruno Doucey, 2024.
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