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EAN : 9782081398184
240 pages
Flammarion (11/10/2017)
3.49/5   85 notes
Résumé :
Thomas Ferrer n’est pas un truand. Pas vraiment. Les petits trafics lui permettent de sortir la tête de l’eau, même si la vie n’a pas été tendre avec lui. De petits larcins en détournements de ferraille, le voilà face à face avec un truand, un vrai cette fois. Celui-ci, laissé pour mort par Ferrer, embarque deux frères assoiffés de vengeance à la poursuite de son agresseur. La traque sera sans pitié, alors qu’une puissante tempête s’abat sur la région. Une histoire ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
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Ici nous ne sommes pas dans l'univers de Star War. Il n'y a pas les bons d'un côté et les mauvais de l'autre mais simplement des hommes rongés par la colère, étouffés par des désirs irréalisables et pourtant si facilement accessibles pour d'autres ! Un soir,cette rage submerge Thomas Ferrer avant même qu'il n'ait le temps d'y penser. Elle déborde et se déchaîne. Il tabasse et laisse pour mort Baxter, qui, dans son refus de lui payer ce qu'il lui doit a ouvert les vannes. Une traque sans merci s'engage alors sur 24 heures. Baxter, lui même dépendant de deux autres malfrats se lance avec ses compères à la poursuite de Ferrer dans la forêt des Landes. La méteo semble n'être que le reflet de leur tempête intérieure et ça explose de toute part. C'est une véritable tornade qui détruit tout sur son passage. Tout ce petit monde se retrouve dans et autour de la ferme d'Alezan, ancien combattant d'Algérie lui aussi blessé en son coeur de ce qu'il a vu, vécu et agit. Ces hommes ont un double objectif: se venger et sauver leur peau. Dans cet univers saturé de testostérone, on entrevoit furtivement la sensibilité, la fragilité, l'amour aussi; Mais la carapace ne doit pas être retirée trop longtemps, le danger d'anéantissement est trop prégnant.J'ai retrouvé un peu de F.Bouysse "Grossir le ciel" dans ce polar, de par sa noirceur et l'ancrage dans le terroir. La psychologie des personnages est cependant moins fine...
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Tu le sais pas forcément, mais avant de dire des trucs sur un roman je regarde ce que je peux trouver sur l'auteur. Parce que souvent, les interviews, les mots dits, permettent d'y voir plus clair sur les pas dans la neige (je dis ça parce que c'est de saison, dès avril, je change de discours).
Donc je suis tombé, pas par hasard, sur une interview de Marin Ledun. Une radio, pour être précis. Les premiers mots qu'il prononce, pour dire qui est le protagoniste de ce roman, c'est « perdant magnifique ». C'est beau, et en plus c'est exactement ce que j'ai ressenti à la lecture de cette histoire.
Parce qu'il y a des gens dedans. Il y a des gens, et il y a Klaus.
Klaus, c'est le vent. le vent quand il pète un câble et qu'il décide de foutre en l'air ce que les hommes ont construit, les arbres qu'ils ont plantés, alignés, comme les barreaux d'une prison dans laquelle ils se sont enfermés. Et Klaus, dans ce roman, t'as l'impression qu'il est devenu aussi fou que les hommes qu'il bouscule. Aussi meurtrier quand il arrache les pins que les mecs qui ont décidé de chopper Thomas.
Thomas, il a fait une connerie, mais pas vraiment exprès, c'est plutôt la connerie qui lui a sauté dessus. Il doit se planquer, et comme Klaus est pas commode, il se planque pas trop loin. Il n'a pas le choix. Il se planque chez un type qui est aussi en colère que Klaus. Ce type, c'est Alezan. Alezan, c'est son surnom.
Alezan, il a peur aussi. Il a peur de tout, et surtout des autres. de tous les autres. Alors il se protège, avec ses haches et ses tronçonneuses de bûcheron, son pistolet qui lui vient de la guerre d'Algérie, et son fusil de chasse. Alezan, il a des comptes à régler avec le monde, et le monde, il a une ardoise grosse comme ça. Il n'a jamais pu devenir celui qu'il aurait voulu être. Celui qui aurait vécu avec Bahia, tranquille, avec ses gosses et sa femme, avec de l'amour tout autour de ça. Parce que Bahia, elle est morte au début de la guerre. Tu sais cette guerre dont on ne parle pas. Ou tellement peu. Là encore, Marin Ledun emploie un terme très précis. Il parle de « non-mémoire », et précise que pour lui, depuis le départ, le roman noir a une fonction sociale, qu'il doit être de la « sociologie critique ». Finalement, comme le précisait Bourdieu, « un sport de combat ».
Ça parle de destins, qui restent collés par terre, d'amitiés, qui n'en sont pas réellement, ça parle de remords et de haine. Ça parle de nous.
De cette injustice qui blesse, qui tue parfois. de celle qui a tué Bahia, un matin en Kabylie.
Roman social, alors ? Parce que Marin Ledun, il écrit des romans sociaux… des romans qui causent de toi, de moi, des ouvriers dans les usines.
Du pouvoir.
Le pouvoir. Celui de ces hommes qui ont envoyé des gosses se faire hacher menu pour un morceau de caillou, pour quelques grains de sable… le pouvoir de ces hommes qu'on ne condamne jamais, parce qu'ils sont cachés derrière leur bureau. Tu comprends pourquoi Alezan est en colère ?
Alezan et les autres mecs qui sont dans ce bouquin. Tous. Comme toi et moi certains matins où ce que t'entends à la radio, ce que tu lis sur le ouaibe, te fout les glandes jusque par terre.
C'est donc l'histoire d'une traque. Ça s'appelle comme ça. Trois mecs qui veulent en chopper deux autres parque Thomas leur a piqué un truc qu'ils voulaient garder que pour eux.
La colère, tu la sens monter au fur et à mesure que tu tournes les pages. Elle existe en parallèle de celle de Klaus (tu te souviens qui est Klaus ?) et elle devient si violente que plus rien ne peut la contenir. C'est souvent comme ça, la colère. Un truc qui prend tellement de place que plus rien n'existe à part ça, dans ta tête et dans tes tripes.
Marin Ledun a dit aussi, quelque part, que la documentation, c'était un piège. Que quand t'écris un bouquin, il faut étudier « en creux ». Quand t'étudies en creux, c'est là que ça fabrique des émotions. C'est là que tu deviens le vent qui souffle, les arbres qui tombent, les hommes qui hurlent et qui se tuent, souvent sans raison. Parce qu'un morceau de papier, même s'il y a la gueule d'un type dessus, ou un immeuble ou un pont, c'est pas une raison suffisante pour regarder un mec dans les yeux et lui mettre une balle dans la tête.
Je crois.
Et quand tu deviens ce que t'écris, tu touches ce dont parle Franck Bouysse, une espèce de quintessence. C'est rare.
Parler de la société du tourisme et de ce qu'elle implique en terme de vies hachées dans ces régions de bord de mers, d'océans, de montagnes, c'est pas simple sans devenir donneur de leçons. Il faut être sacrément couillu pour nous expliquer que la société se casse la gueule parce qu'on a décidé, un matin, de ne plus donner sa vraie place à l'humain. Faut être couillu, et surtout, faut avoir des arguments.
Marin, il en a, des arguments. Plein.
Et il te les donne en te racontant une histoire.
Une histoire d'hommes, de types qui finalement n'ont trouvé pour s'en sortir que ces moyens détournés, un peu à l'écart de cette société dans laquelle ils ont quand même décidé de vivre, et de prendre, au passage, ce qu'ils estiment leur revenir.
Pas de héros, juste des types, pas vraiment recommandables, mais ils ont tous un sac à dos plein de peurs, parfois viscérales, et ce sac, il est lourd à porter. Il est d'autant plus lourd que quand les peurs sont anciennes, t'as oublié ce qu'il y a dans ton sac. T'as peur, mais tu sais pas pourquoi. T'as peur des autres, mais tu sais plus pourquoi.
Alors t'as peur de l'ombre, parce que tu sais pas ce qui s'y cache.
T'as peur de Klaus, parce que le jour où la nature va décider qu'on n'est plus très utiles, on va disparaitre, et personne ne se souviendra de nous.
T'as peur de Klaus parce que tu vas comprendre que finalement, la seule erreur de l'évolution, c'est nous, et ce qu'on a fait de notre conscience.
Celle qui aurait dû nous servir à aimer…
Un grand roman.

Lien : http://leslivresdelie.org
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Après En douce, paru l'an dernier, Marin Ledun poursuit son exploration d'un lumpenprolétariat landais ou, plus généralement, de n'importe quelle périphérie rurale française ou européenne avec Ils ont voulu nous civiliser.
Nous sommes là en 2009, et plus précisément entre le 23 et le 24 janvier, c'est-à-dire au moment où la tempête Klaus va toucher la côte du sud-ouest de la France de plein fouet. Thomas Ferrer vit à Begaarts, petite ville imaginaire que nous avons un peu visitée dans le précédent roman de Marin Ledun, sise entre forêt de pins maritimes et dunes océaniques. Ferrer n'a pas de formation particulière et pas de travail régulier non plus. Il se débrouille entre travaux saisonniers et vols et trafics un peu foireux, récupération de ferraille, vol de canards ou d'oies… de quoi garder si ce n'est la tête, au moins le nez hors de l'eau. Il est un petit poisson dans une mare pas très grande que domine Baxter, archétype du surfeur un peu branleur, qui fabrique et répare des planches à l'occasion mais qui surtout gère plus ou moins, avec l'aide de deux associés pas très tendres les trafics dans lesquels Ferrer est impliqué. Et arrive le point de bascule. La frustration de Ferrer explose lorsqu'il estime que Baxter essaie de le flouer. le ton monte, les coups pleuvent et Ferrer étale Baxter pour le compte avant de partir avec une belle somme trouvée dans un tiroir.
À partir de là commence une course-poursuite dans les bois que commence à ravager Klaus, entre Ferrer et Baxter et ses acolytes. Et au milieu de ce chaos, un vieil homme coupé du monde qui ressasse sa guerre d'Algérie, l'époque où il était le meilleur bûcheron du coin, et sa haine du monde d'aujourd'hui avec ses arabes partout, ses jeunes fainéants qui ne respectent rien, ses vieux geignards, ses politiciens menteurs, ses trous du cul de gauchistes, ses flics mous du gland… tout, en fait, qui l'énerve et l'effraie. Et bien entendu, tout ce beau monde va finir par se rencontrer.
La réussite de Marin Ledun dans ce nouveau roman, c'est indéniablement sa capacité à écrire un roman sans temps mort, une poursuite épique à sa façon, avec son lot de confrontations dans une atmosphère apocalyptique particulièrement bien rendue (qui a vécu Klaus ou, dix ans auparavant, Martin en direct live au milieu des pins s'y retrouvera totalement), sans rien abandonner du roman noir social dont il est aujourd'hui un des meilleurs représentants français. Surtout, il le fait en évitant le didactisme lénifiant. Et si l'on ne trouvera pas dans ce huis-clos du pignadar de héros positif, chacun portant en bandoulière ses peurs, ses échecs et ses haines recuites, Marin Ledun ne porte pas de jugement définitif sur ses personnages et pousse insensiblement le lecteur à ne pas en chercher non plus. Il décrit ces hommes tels qu'ils sont et dresse un portrait finalement mesuré de ces gens qui se débrouillent comme ils peuvent à la marge d'une société qui est déjà géographiquement et économiquement marginale ; cette côte qui vit autant du tourisme qu'elle le subit, coincée entre une économie moderne à haute mais courte rentabilité menée par des groupes qui profitent de cette situation particulière et un fonctionnement social et économique traditionnel fondé sur la propriété agricole – sylvicole ici – et l'exploitation d'une main-d'oeuvre à bas coût. Difficile quand on n'est ni un investisseur épaulé par une grosse boîte, un fonctionnaire, un commerçant, un propriétaire ou un héritier, de tirer son épingle du jeu. Difficile aussi, isolé là mais toujours connecté malgré tout avec le vaste monde, de ne pas céder à la méfiance vis-à-vis de l'autre ou à la peur.
Tout cela, Marin Ledun le dit bien sans faire de long discours et, qui plus est, à travers un suspense particulièrement tendu. Un plaisir de lecture.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Thomas Ferrer est un petit truand, pas très méchant. Il vit de quelques trafics et rapines. Lorsque son contact ne lui prend pas au juste prix ce qu'il a volé, il voit rouge. Coup de sang et coups de poing. Baxter est à terre, Ferrer qui pense l'avoir tué se sauve sans oublier de se servir largement dans le coffre du sale type. S'ensuit une fuite éperdue pour Ferrer qui s'est vraiment mis dans de sales draps. Au même moment une tempête XXL se met à souffler sur le sud-ouest.
Un roman noir, qui se lit dans un souffle tant on est malmené dans ces pages. Trouille des poursuivants, criminels sans état d'âme et violence de cette tempête où tout s'écroule autour des 4 hommes perdus dans ce "maelstrom" qui entraîne tout sur son passage.
Ce n'est pas la première fois que je lis en roman qui se passer au coeur d'une tempête ou d'une cyclone dans d'autres contrées. A chaque fois je suis suspendue aux phrases, secouée et dans la tourmente au même titre que les personnages. Bon public sans doute mais Marin Ledun nous entraîne dans cette poursuite, où tout bascule, avec talent.
Des personnages marquants, un décor d'apocalypse donne un roman sous tension que l'on ne lâche pas avant d'en connaître la fin.
Et très envie de lire à la suite un nouveau titre de cet auteur.
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Les jubilations de Dany pour Collectif Polar
A sa sortie de prison, Thomas Ferrer n'a d'autre issue que de replonger dans les petits trafics qui lui permettent de vivre. Mais, cette fois, il dérape et se bat avec un truand, Baxter, qu'il laisse pour mort. Ce dernier survit et n'a dès lors qu'une idée en tête, faire payer Thomas. La traque commence.
Aussi noir et glauque que « en douce », dans la même forêt landaise mais cette fois la tempête de janvier 2009 ouvre une brèche … pas spatio-temporelle comme dans un roman de science fiction mais une parenthèse. Vont pouvoir alors se révéler les bas instincts des protagonistes et permettre de reposer (presque) hors du temps, l'échelle de leurs valeurs. Roman à suspense très réaliste où des anti-héros vont se croiser, s'aider, se haïr, se tuer. Outre la vie landaise profonde et actuelle, une évocation des événements d'Algérie en 1955 relativise sous un jour « décalé » les vicissitudes de petits loubards locaux, aux caractères et contradictions fouillés par l'auteur, comme dans ses précédents romans. Comme un huis-clos en plein air …
Regrettons que ces romans soient trop courts mais sans doute est-ce un gage d'efficacité pour nous ébranler à ce point en si peu de temps ! Tout pour faire un bon scénario de film. Reste ce titre mystérieux, j'ai bien une (petite) idée … Je vais devoir questionner l'auteur pour vérifier (ou non) mon interprétation !
lls ont voulu nous civiliser de Marin Ledun, une traque de fin du monde dans lequel les éléments se déchaînent en même temps que la folie humaine.
Lien : https://collectifpolar.blog/..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Un cyclone extratropical de type « bombe ».
À la mi-journée, la dépression se situait à près de mille kilomètres des côtes françaises. On annonçait des rafales entre 150 et 170 km/h, avec des pointes dépassant les 200 km/h, de Biarritz à Mérignac. La veille encore, les modèles mathématiques n’en espéraient pas autant. À présent, les avions étaient cloués au sol et les trains en gare par arrêté préfectoral. Les prévisionnistes d’ERDF estimaient à plusieurs centaines de milliers les foyers privés d’électricité dans les heures à venir – 85 000 l’étaient déjà dans les Pyrénées-Atlantiques. Les premiers arbres tombaient sur le front ouest. Des déferlantes de huit à dix mètres de hauteur avalaient les dunes des plages landaises et mettaient à nu les derniers vestiges du mur de l’Atlantique.
Alezan était aux anges.
Le vacarme dans la cour était impressionnant. Le vent s’engouffrait en sifflant entre les volets et le lambris du plafond. La lumière de l’unique ampoule de la cuisine vacillait par intermittence. Des bruits sourds et puissants ponctuaient à intervalles réguliers le monologue excité du chien. Alezan monta le volume du poste radio, rinça son assiette dans l’évier et retira la marmite de soupe du fourneau. Le poêle à bois était chargé à bloc, les bûches de pin crépitaient, la chaleur dans la pièce était insoutenable, juste ce qu’il convenait pour maintenir une température agréable dans le reste de la maison.
Alezan essuya son Opinel sur le revers de son bleu, le plia avec soin, puis il s’installa sur la chaise, près de la porte, son fusil à portée de main, et il ferma les yeux. Il n’était pas soûl, juste légèrement grisé par les deux verres de rouge qui avaient accompagné son repas et par le flot de souvenirs qui affluait par vagues. Il n’avait que dix-neuf ans, ce 19 août 1955. Vingt-quatre heures avant qu’une tempête d’un autre genre vienne déchirer le cœur des hommes.
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- Avant de mourir, il y a deux ans, ma mère m'a raconté qu'on était deux dans son ventre, des jumeaux. J'ai pris toute la place, j'ai bouffé tout ce qu'il y avait à prendre, l'autre ne s'est jamais vraiment développé, et à ma naissance, j'étais seul.
- Et ton ... jumeau, il était devenu quoi ?
- Un petit amas de cellules mortes. Le médecin lui a dit qu'il avait dû vivre deux ou trois semaines, là-dedans, pas plus. Bref, j'étais seul et personne ne m'a jamais rien dit, mais tu vois, ça ne m'a pas étonné d'apprendre ça parce qu'au fond de moi, je le savais. Ce jumeau, je l'ai cherché toute ma vie, il me manquait, ça n'a peut-être pas duré longtemps entre lui et moi, mais il y a eu quelque chose, c'est sûr, quelque chose d'important et ça fait partie de moi.
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De la peur à la haine, il n’y avait qu’un pas : les Arabes, toujours les Arabes, ces fainéants d’Arabes !
Les Arabes français, les Arabes d’Arabie, les Arabes maçons, carreleurs, manœuvres, intérimaires, avocats, fonctionnaires, journalistes, garagistes, caissières à Leclerc, les Arabes qui travaillaient, les Arabes au chômage, les Arabes et leurs chiées de gosses, toujours plus nombreux, les Arabes vieux qui glandaient sur les bancs publics, les jeunes qui gangrenaient les cités périurbaines, là-bas, loin de Begaarts, mais suffisamment proches tout de même pour que l’onde de choc des ravages de la drogue qu’ils dealaient parvienne jusque sur les bancs des lycées de la région, les Arabes féministes, les Arabes musulmans, les Arabes juifs, les Arabes athées, les Arabes catholiques, putain de merde, il y en avait aussi ! Les Arabes estivants qui se payaient des vacances sur les plages et qui déambulaient sur les chemins forestiers de Begaarts, les Arabes surfeurs, les Arabes pas tout à fait arabes, un peu gitans, un peu noirs, un peu blancs, un peu métissés, un peu tout, quoi ! Les Arabes qui votaient nationaliste comme Alezan, patriotes de mes couilles d’un pays amnésique qui n’aurait jamais dû les laisser entrer.
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La jeune femme portait une robe kabyle aux couleurs criardes et un simple fichu autour des hanches. Ses mains étaient celles d’une femme déjà rompue aux travaux des champs, mais son visage était le plus pur qu’Alezan ait jamais vu et son regard, aussi brûlant que la première fois qu’il l’avait croisé. Aucun foulard ne dissimulait sa chevelure.
Il réalisa que c’était la première fois qu’il se retrouvait seul avec elle, sans la présence de son père, Hassan.
Huit mois plus tôt, Alezan s’était porté volontaire pour un programme d’instruction aux techniques d’abattage industrielles. Il s’était retrouvé en équipe avec un Kabyle qui maîtrisait le maniement de la hache bien mieux que lui. Malgré la différence d’âge, les deux hommes avaient sympathisé et une amitié solide était née, faite de respect mutuel. Hassan possédait des rudiments de français, Alezan apprenait vite. Les semaines passèrent, le programme s’acheva, mais les liens perdurèrent. Ils continuèrent de se fréquenter. Le Kabyle le traita comme l’un des siens, comme un fils.
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Thomas Ferrer fourguait les canards qu’il volait pour huit euros le kilo à un revendeur dénommé Baxter qui gagnait officiellement sa vie comme shaper. Printemps et été, il vivait de petits boulots de saisonnier sur les exploitations agricoles des environs ou dans les bars de la côte, mais dès qu’arrivait octobre, les plages surveillées fermaient, les touristes retournaient d’où ils venaient, les paysans comptaient le fric que leur avait rapporté le maïs, et les types comme lui devaient bien trouver de quoi passer l’hiver.
Huit euros, une misère. Deux ans plus tôt, la transaction lui aurait rapporté le double de cette somme, mais il s’était laissé surprendre sur la propriété d’un agriculteur à la retraite de Begaarts qui cherchait à le coincer depuis longtemps. Ce dernier n’avait rien trouvé de mieux que de l’attacher à son tracteur sous la menace d’un fusil Yildiz calibre 12, avant d’appeler les flics. Ce jour-là, Ferrer chargeait près d’une cinquantaine de volailles dans des caisses en plastique quand l’agriculteur était apparu en travers de la porte d’entrée, armé jusqu’aux dents. Près de sept cent cinquante euros sonnants et trébuchants à la revente, un bon coup pour trente minutes de travail, renouvelable le lendemain sur une autre exploitation – de quoi oublier la puanteur de la merde de canard et ses pieds gelés parce qu’il n’avait rien trouvé d’autre à se mettre qu’une vieille paire de baskets trouées.
Au premier coup de feu, Ferrer avait perdu sa lampe dont l’ampoule s’était brisée en tombant. Il s’était foulé la cheville dans une tranchée en tentant de s’enfuir quand le vieux avait tiré une seconde fois en l’air. « Et merde ! » s’était-il dit, le cul par terre. Pourquoi se priver ? Ces canards se reproduisaient tout seuls par centaines, magnifiques et gavés à souhait, ça aurait été un crime de ne pas en profiter alors qu’ils promettaient une belle récompense à qui en prélevait seulement une poignée ?
Le juge ne l’avait évidemment pas entendu de cette oreille.
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Vidéo de Marin Ledun
Avec son roman « Free Queens » publié dans la série noire de Gallimard, Marin Ledun nous embarque sur la route de la bière, la First, destination corruption au Nigeria. Témoin d'une tentative d'enlèvement d'une adolescente par deux proxénètes, la journaliste Serena Monnier décide d'enquêter sur les réseaux de prostitution à Lagos et Kaduna et rejoint l'ONG « Free Queens », qui oeuvre pour le droit des femmes. Elle retrace alors les chemins nauséabonds de l'argent qui asservissent la jeunesse. Un ange gardien, Oni Gojé, flic qui a choisi la circulation pour éviter la répulsion face aux atrocités de son métier, ne tarde pas à percer de son côté, le mystère qui plane sur deux jeunes filles assassinés, abandonnées sur les bas-côtés.
Marin Ledun propose un grand roman noir avec un discours clair. Il a bénéficié d'une aide à la création du CNL et a reçu cette année le prix « Polar Derrière les murs » du festival Quais du polar, attribué par les détenus des centres pénitentiaires et des maisons d'arrêts de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
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