Sorti en France en 1971, ce roman avait en fait été écrit en 1940. Ce détail est important, car on comprend mieux ainsi les ressorts de l'action qui se passe justement en Autriche au temps de l'Anschluss.
Ici pas de médecin, pas d'infirmière, pas de bistouri… Pas non plus d'enfance malheureuse, de querelles religieuses… «
La Neige enchantée » tranche un peu sur la production habituelle de
Cronin (en 1940, il a écrit une douzaine de livres, dont plusieurs ouvrages majeurs : «
le chapelier et son château », «
Trois amours », «
Sous le regard des étoiles », «
La dame aux oeillets », «
La Citadelle », «
Deux soeurs ») le propos ici est à la fois romanesque et policier, dans le contexte très particulier de cette époque juste avant la guerre.
Lewis Merrid est un riche Américain, jeune, sportif et tout et tout, qui voyage en Europe pour son plaisir, avec sa soeur Connie. Dans un train à Vienne, il croise une jeune femme qui l'intrigue par son apparence à la fois mystérieuse et apeurée. Il a le coup de foudre, mais la belle descend en gare de Lachen. Fort heureusement (le hasard fait bien les choses) elle oublie dans le compartiment un livre où il y a son nom, « Sylvia Ullwinn » et l'hôtel montagnard où elle est descendue. Lewis se met à sa poursuite. Il finit par la retrouver dans cet hôtel , le Gasthof Hohne, dans le massif du Kriegeralp . A partir de là les choses se compliquent : Sylvia est affublée d'un moniteur de ski collé à elle comme le sparadrap du capitaine Haddock, d'un père bigrement mystérieux, tout ce petit monde a l'intention de passer clandestinement en Suisse (pourquoi on se le demande). Lewis pense à des réfugiés qui voudraient quitter le pays, d'autant plus que des énergumènes louches patrouillent dans tous les coins… Lewis se joint à eux pour l'expédition…
Cronin s'essaye à ici à un genre qui n'est pas le sien : le thriller politico-policier. Il ne s'en sort pas trop mal, sauf que la conjonction avec le thème romanesque paraît un peu téléphonée. le coup de foudre, c'est plausible. Tout plaquer pour suivre une inconnue-petit-agneau en détresse, l'est déjà un peu moins. Il faut tout le talent du romancier pour faire gober au lecteur cette série d'aventures plus ou moins tarabiscotées. Mais Archibald-Joseph connaît son métier : on reste captivé, parce que les personnages, bien qu'assez stéréotypés sont attachants, qu'il y a quelques doses d'humour, et que l'intrigue présente quelques jolis rebondissements. Il est très possible que
Cronin ait lorgné du côté des « Trente-neuf marches » de
John Buchan (1915), et surtout son adaptation par
Alfred Hitchcock en 1935, au moins pour l'ambiance.
D'ailleurs
Cronin n'insistera pas sur ce genre de roman. Il n'y reviendra qu'en 1954 avec « Escape from fear » qui ne sera édité chez nous qu'en 1980, sous le titre «
L'Aventure de Bryan Harker », et là on tire plutôt du côté du « Troisième homme » de Graham Geene (1948) mis en scène par Caroll Reed (1949).
Cronin retrouve vite ses thèmes préférés : «
Les années d'illusion » (1940), «
Les Clés du royaume » (1941), «
Les Vertes années » (1944), « le destin de Robert
Shannon » (1948)
Une petite parenthèse dans l'oeuvre de
Cronin, un petit polar plaisant, sans grande prétention, mais qui se laisse lire avec intérêt sinon avec plaisir.