Magarita est assise sur un banc. Elle guette la sortie de son mari, professeur de physique, qu'elle soupçonne de la tromper.
« Je pense à toutes les femmes qui attendent tranquillement dans la pénombre. Attendre, c'est une façon de disparaître, surtout quand ce qu'on espère, avec un mélange de masochisme et de perversion, c'est de surprendre son mari avec une fille accrochée à son bras ».
Nous allons croiser des femmes, à la fois fragiles et fortes, des femmes qui ont choisi de transcender la vie ordinaire, la « normalité ». Leurs histoires vont nous être racontées par quatre récitantes : Margarita (en « je »), Juliana, Doris et Elizabeth.
Le récit, autour de l'université de Columbia, se déroule en une journée, en 2016.
La saison des femmes semble, au premier abord, une suite de petites nouvelles sans lien direct, alors que c'est le contraire - ce qui exige une lecture attentive -.
Carla Guelfenbein s'est réellement assise sur ce banc du Barnard College, de l'université de Columbia (*) avec des citations de
Jenny Holzer (**), artiste plasticienne qu'elle ne connaissait pas. Elle pensait à
Gabriela Mistral (née en 1889 à Vicuña, Chili, morte en 1957 à New York), premier écrivain latino-américain prix Nobel de littérature (1945), grande poétesse, qui en 1946, a rencontré Doris Dana (1920 – 2006), américaine.
L'homosexualité de la légendaire
Gabriela Mistral a longtemps été occultée.
Carla compose le témoignage fictionnel de Doris Dana, américaine, sa dernière amante, tout en intercalant des extraits de leur correspondance. Doris évoque Yin Yin qui s'est suicidé à l'âge de dix-huit ans. Elle le présente comme le fils de Gabriela, alors qu'officiellement il n'est que son neveu et que le mystère plane autour de sa naissance.
Ma lecture s'est faite de façon entrecoupée, sans voir les articulations. Il a fallu que j'écoute des interviews et que je reprenne la trame au fil des pages, pour tout reconstruire.
Carla arbore le tee-shirt de
la saison des femmes avec le slogan « Esperar es desaparecer » (« attendre c'est disparaître ») qui est la clé de voûte. Les femmes ont trop longtemps attendu, qu'on leur donne le droit de vote, qu'on les voit, qu'on les invite à danser…, elles ne doivent plus attendre sous peine de disparaitre. « Estación », en espagnol a deux significations : gare ou saison. Ici, c'est les deux, une gare pour représenter l'endroit où on attend, la perspective d'un voyage, mais aussi une saison, « le printemps est
la saison des femmes » (p.47).
Pourtant, Carla martèle que son livre n'est pas un acte de féminisme. Elle tient à séparer littérature de politique.
Je l'ai lu en chilien pour savourer la musicalité de la langue. Dans la VO, il y a une photo, à la fin du livre, qui n'est pas reproduite dans la version d'
Actes Sud, je l'ai insérée en « photos » sur Babelio. Cette photo, prise par l'autrice, symbolise l'élément déclencheur, le banc avec les citations, sur lequel Carla a posé son chapeau et un livre ouvert.
Cette autrice chilienne que je ne connaissais pas m'a touchée intimement. Paradoxalement,
La saison des femmes cumule tout ce que je déteste, chez les auteurs français, le mélange de fiction et d'autofiction, les fragments…, mais Carla m'a conquise par son style, sa spontanéité poétique et la singularité des pièces du puzzle qui s'emboitent à la fin. Je me suis attachée à ces femmes. Par contre, je n'ai pas accroché avec les multiples citations de
Jenny Holzer et
Gabriela Mistral qui émaillent le récit.
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(*) le Barnard College of Columbia University est une faculté d'arts libéraux située dans la ville de New York, aux États-Unis, réservée aux femmes (source Wikipedia).
(*)
Jenny Holzer, née le 29 juillet 1950 à Gallipolis en Ohio, est une artiste conceptuelle américaine. le centre de son travail est principalement basé sur la diffusion de ses vers percutants dans des lieux publics. Elle aborde les thèmes « du sexe, de la mort et de la guerre ». (source Wikipédia).