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EAN : 9782246852094
270 pages
Grasset (27/08/2014)
3.66/5   91 notes
Résumé :
« La nuit où j’ai rencontré Kat-Epadô, j’étais seule dans une baraque isolée, porte fermée à double tour. Autour de moi, la tempête. À perte de vue, des forêts. »

ZsaZsa, une romancière, quitte Paris pour aller dans les montagnes étudier la langue des oiseaux.

Elle n’imaginait pas que le soir même, allumant l’écran, elle allait rencontrer une étrange Japonaise dont l’écriture la fascine aussitôt par son charme maladroit.

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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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D'abord, sur la couverture, dans l'angle d'un mur blanc, il y a cette chaise vide. Un livre ouvert y est posé dessus crûment éclairé par la lumière du jour.
Et puis, il y a ce titre : « La Survivance », comme une errance, une attirance.
Pour moi, une rencontre comme un hasard. Capté par l'image, captivé par le personnage, j'ai immédiatement succombé au charisme de Claudie Hunzinger.
Ce qui est fascinant chez cette auteure c'est le ressenti quasi immédiat d'une atmosphère brute et malgré tout chaleureuse qui t'enveloppe, c'est bénéficier d'une ambiance intime et bienveillante qui te charme. C'est se laisser bercer de phrases aussi moelleuses que féroces mais toujours bénéfiques qui t'entraîne dans des fractures d'existence propice à la découverte et à l'évasion hors de vies saturées de mondanités.

« La langue des oiseaux » recèle une élégance bucolique étrange et pénétrante.

Je souhaitais faire ce commentaire d'un geai mais « La langue des oiseaux » est bien plus complexe avec à perte d'ouïe ses trilles d'évasion et ses chants de fuite.
Zsa-Zsa s'évade de sa cage citadine pour une cabane dans les bois, en rupture de frivolités. Elle apprivoise un oiseau-fille, Sayo, japonaise aux cheveux ailes de corbeaux, poète multicolore aux mots chaotiques d'une vie désenchantée.
Leur échappée est une fugue fugace, « l'histoire d'une romancière qui cherchait à écrire contre la barbarie de son temps l'histoire d'une proie qui s'y faufilait avec terreur et grâce ».

Joli moment de lecture.
« Quelle est la part du hasard dans une rencontre ? »
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Peut-être que la quatrième de couverture va trop vite pour raconter le roman ou peut-être que ce qui m'a marquée est "l'avant-rencontre" réelle des deux "filles" comme ZsaZsa les nomme… Ou peut-être, encore, que dans un roman, on privilégie ce qui résonne en nous ?


ZsaZsa – un touchant surnom - a décidé de prendre une année sabbatique pour se reculer par rapport à sa vie personnelle, son travail de correctrice. Et, également, par rapport à la société elle-même dans laquelle elle peine de plus en plus à trouver une place légitime, un accord de vie avec ses aspirations.

Elle ressent le besoin de solitude, celui de se retirer de l'agitation, la nécessité impérieuse d'une forme de silence dénué de la frénésie du quotidien urbain.
Elle part donc pour les forêts vosgiennes, vers un refuge des plus spartiates, juste le nécessaire, peu de confort mais quelle est la signification du mot "confort" quand on souhaite revenir à l'essentiel ?

ZsaZsa se retire donc dans un abri de la dernière guerre, choisit le dénuement et la vie en pleine nature, même si on est en plein hiver et qu'il faut en supporter toutes les rigueurs, pour tout replacer à sa juste valeur et surtout donner de l'importance aux choses qui sont essentielles pour elle. Elle veut parvenir à rééquilibrer cette balance de l'existence, à la faire pencher du côté nécessaire, du côté primordial, retrouver ce qui constitue l'essence même de l'existence quand on ne l'a pas barbouillée du gris du superficiel et de la futilité.

J'ai - égoïstement - aimé les pages où ZsaZSa se raconte : son enfance atypique, ce père cultivé qui enseigne le chinois à sa fille et l'écoute des oiseaux pour les connaître et communiquer avec eux, cette relation avec un père qui partage ses trésors érudits et donne à toucher le subtil et le fragile. Ces oiseaux et leur présence éphémère, leurs existences si menacées comme le baromètre d'un monde qui se perd dans ses erreurs et ses manquements.
Puis les rencontres, la vie professionnelle, son rapport à notre société. Et tout autant quand elle évoque la nature qui n'est là que pour elle seule, Marguerite "sa voisine" si décalée par sa façon d'être et, en cela, si attachante - n'est-elle pas disponible à toute heure pour ouvrir sa porte ? - Marguerite délicat reflet de cette "Grand-Mère" que j'ai tant admirée dans le livre de Louis Guilloux "La Maison du peuple", de ces êtres disponibles toujours solitaires, ouverts à la présence des autres et oublieux d'eux-mêmes.


Il y a, ensuite, cette quête vers le virtuel que représente Kat-Espadô, cela occupe complètement la volonté de ZsaZsa quand elle ne parcourt pas les forêts, la hante…
Cette jeune fille fantasque, extravagante dans ses paroles, son être, ses attitudes, sa présence tout simplement envahit son esprit.
Et il y a la rencontre "réelle"  et là, je ne dirai rien de plus : à vous de découvrir !

Mais la rencontre ne serait pas sans les choix antérieurs de ZsaZsa, c'est sa quête qui, d'une certaine façon, "crée" ce besoin d'échanges, qui provoque le regard de l'Autre…


L'écriture de Claudie Hunzinger est épurée, mais distille à travers des fulgurances d'images, une poésie qui marque l'esprit. On "perçoit" beaucoup au cours de la lecture : des bruits, des odeurs, des peurs et même les silences.


Je referme le livre, les oiseaux se sont envolés, leurs ailes m'ont frôlée, les craquements de bois sec ont cessé, l'heure du crépuscule et son voile de la nuit ne viendra plus m'auréoler de son mystère et de ses craintes, j'ai quitté ZsaZsa, ses questionnements, ses certitudes, ses doutes et sa "rencontre" inespérée.
Je n'ai qu'un regret : avoir lu la dernière page de ce roman et avoir quitté un personnage comme on s'éloigne à regret d'une image que l'on trouve tellement familière, avoir également quitté le refuge des profondeurs de la forêt, l'intimité partagée du monde animal, des souffles de vie. Et par là, avoir perdu à jamais ce partage de connaissances, cette envie de découvrir ce qui a fait l'enfance de ZsaZsa et qui habite si singulièrement son âme…


Les livres de Claudie Hunzinger m'évoquent l'image d'un long manteau moelleux et chaud dans lequel on se blottit pour trouver un peu de sérénité, un refuge et avoir le courage de regarder le monde qui nous entoure, on y puiserait même cette force pour oser y vivre...
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Cela faisait un petit moment que j'avais envie de découvrir ce roman : le titre m'attirait, me laissant entrevoir un roman apaisant, tourné vers la nature et le monde des oiseaux.
Alors, j'avoue avoir été un peu déçue lorsque je me suis rendue compte de ma méprise, car le sujet ne traite pas de ce thème, même si les oiseaux parcourent le roman en filigrane.
Heureusement, même s'il n'a pas répondu à toutes mes attentes, je me suis laissée emporter par ce court récit où la forêt et les oiseaux posent le cadre à un roman intimiste, où le texte coloré et imagé, plein de poésie, de solitude et de mystère accompagne ces pages.

*
ZsaZsa, la narratrice, après la publication de son premier roman, décide de faire une pause dans sa vie. Elle a besoin de se retrouver, d'être enveloppée de calme et de silence. Elle quitte alors la frénésie de la vie parisienne, s'éloignant du même coup de son petit ami dont l'humeur sarcastique et négative devient pesante.

« Thomas est un garçon amer, négatif, corrosif, pour qui tout est déjà perdu, et de cette perte, il n'en finit pas de se repaître, dès qu'il y a de l'échec, c'est à mordre, à ronger, à venger, c'est à lui. »

Elle part vivre seule, entourée de forêts, dans les montagnes vosgiennes et elle emménage, dans une cabane au confort sommaire pour observer les oiseaux et débuter un nouveau roman.

Ce serait un roman seulement intimiste et proche du nature-writing si le mystère ne s'invitait pas sous la forme d'une japonaise que la narratrice rencontre par hasard sur Internet en lui achetant un blouson.
La romancière est tout de suite fascinée par les textes d'annonce qui dégagent autant de charme, de fraîcheur que de maladresse. C'est ainsi que débute une correspondance jusqu'au jour où Kat-Epadô se présente devant sa porte, apeurée, sollicitant son aide.

« Il s'était passé autre chose, de privé, je l'apprendrais, qui s'avançait depuis le passé, droit sur elle. »

L'auteur nous emmène alors dans une sorte de roman à suspense où la menace, invisible, réelle ou imaginaire côtoie les silences, la solitude, les pudeurs, les fêlures, les zones d'ombre et les blancs d'une vie. Deux cultures se mélangent et entre elles, le chant des oiseaux.
La fin ouverte prolonge cette idée de mystère autour de Kat-Epado et de cette échappée dans la forêt, comme si ce que nous avions vécu était métaphorique. Je pense que chaque lecteur vivra et interprètera ce texte à sa manière.

*
Claudie Hunzinger nous emporte par la grâce des mots. Elle écrit avec douceur et poésie, laissant le lecteur s'imprégner de l'atmosphère calme et sereine de la forêt.
On retrouve là un cadre cher à l'auteure, la nature, les Vosges, la forêt, les animaux qui la peuplent. La forêt, de nuit, peut être un lieu angoissant mais la magie et le mystère du texte adoucissent cette crainte du noir et de l'obscurité.

L'écriture de Claudie Hunzinger est ce qui donne le charme à ce petit roman.
Les phrases proches de la prose, sont travaillées avec délicatesse, et leur beauté, blottie dans leur écrin de verdure, se révèlent avec justesse et légèreté. Les mots s'accordent à une musicalité pour donner toute sa force au texte. La nature y est belle, généreuse, salvatrice, mais aussi sauvage, brute, inquiétante.

« Pour moi, la langue miroite comme la lune sur l'eau. Je n'arrive jamais à l'attraper. »

L'auteure donne aussi corps aux absents, au père de ZsaZsa, amoureux des oiseaux et de la littérature chinoise.
Elle entretient également le mystère et la confusion autour du personnage imprécis de Kat-Epadô.

« Sous son calme, comme sous la surface d'un lac, on devinait un paysage intérieur, imprévisible, sauvage, tourmenté. Un orgueil. Un volcan éteint. »

*
Ici, nous découvrons un roman sur la peur et le silence, sur les blessures intimes et le besoin de liberté, sur la nature qui aide à panser les blessures et se reconstruire. Les oiseaux accompagnent les deux femmes de leur présence discrète mais fidèle.
L'auteur aborde aussi des thématiques autour de la littérature, l'acte d'écrire et la force des mots.

« Quand j'écris, je sais que mes mots sont déjà perdus. Cela ne me gêne pas. Ils ne sont que du sable. Si je les imprimais, ils ne seraient pas plus solides. »

*
Pour conclure, j'ai savouré la poésie qui émane de la narration, les mots sont comme le souffle du vent brassant le feuillage de la forêt. C'est beau, juste, profond. J'ai apprivoisé ma crainte de l'obscurité et de la solitude.
Le texte garde une part de mystère, à l'image de cette inconnue qui tel un oiseau, se dissimule dans la texture des mots.

Un beau roman qui se déguste lentement et qui me donne envie de découvrir les autres romans de l'auteure.
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Une lecture fortement appréciée… même si je reste frustrée de sa brusque conclusion…. Toutefois il me reste de cette lecture un goût de mystère, de poésie, intenses, des univers très captivants comme la nature, l'ornithologie, la poésie chinoise, le chinois appris à la narratrice par son père… Il est aussi beaucoup question de solitude, solitude dans l'enfance mais aussi solitude de deux femmes adultes…. Qui vont se croiser de façon singulière sur le Net :

« je ne m'étonnais même plus de cette rencontre entre deux filles, par le plus grand des hasards. Je n'ai pas dit entre deux femmes, non, j'ai dit entre deux filles, car il y avait en chacune de nous deux quelque chose d'échappé de l'arène, du sexe, du ring , et de la société. Aucune de nous deux n'avait à ce moment-là d'homme dans sa vie, ni de famille. Encore moins d'enfants. Ni de métier. Loin de tout ça. En cavale toutes les deux. (p.72)


La narratrice que l'on imagine proche de son auteur dans ses questionnements sur la littérature, sur l'écriture, sur les ambivalences et situations sensibles comme celles d' utiliser comme personnages de roman, des personnes dont on est proche…
Il est question des interrogations, doutes multiples du romancier qui fait néanmoins, le plus souvent, « feu de tout bois » !!! Eternel dilemme de l'écrivain…Jusqu'où peut-il aller ?

« Ecrire un roman est un truc très pervers quand on y mêle un ami. Mais était-elle une amie ? Plus que ça. A mon retour à Paris, j'avais cru que j'aurais préféré faire davantage confiance à Sayo, dès le début, ne pas avoir perdu du temps à la suspecter, ne pas l'avoir trahie par mes doutes, et que le malheur n'arrive pas- plutôt que d'écrire ce roman. Je m'entendais déjà parler de la nullité de la littérature au regard de l'amitié perdue, avec des sanglots -- romantiques- contenus au fond de ma voix. Mais plus profonde que les sanglots, quelqu'un à l'oreille fine aurait aussitôt perçu la jouissance -romanesque- du vampire, profitant de la trahison, celle de son ami ou la sienne (cela revient au même), pour écrire un roman.(p.260) «

Je viens d'achever cette « langue des oiseaux »… qui possède une véritable atmosphère, un suspens, une musique particulière, une magie absolue, même si la conclusion de cette histoire m'a laissée franchement sur ma faim !!!

J'ai lu, à sa parution, avec infiniment de plaisir son « autofiction »… : « La Survivance »… où on retrouve de nombreux éléments de la vie, et du parcours de son auteur…dont l'amour de l'écriture et des livres…Eléments qui sont déclinés ici… sur un nouveau registre...

Je ne vais pas digresser sur l'histoire en elle-même, ce qui a déjà été fait par ailleurs, avec beaucoup de précision…et qui enlèverait beaucoup de l'univers insolite, original de ces deux femmes, qui vont apprendre à « s'approcher » par le Net : l'une s'est isolée dans une maison de montagne, pour débuter un nouveau roman, de l'autre, une jeune japonaise, dans une situation difficile pour survivre en France, rédige des annonces poétiques et fantaisistes pour vendre sur e-bay ses vêtements…

Et , cerise sur le gâteau !...ma curiosité a été émoustillée par Claudie Hunzinger pour aller admirer au Musée Cernuschi , à Paris, le tableau du peintre chinois, Zhao Zhiqian, intitulé de façon très mystérieuse , « La falaise aux livres empilés »…

Malgré une légère déception quant à la fin de ce roman, j'ai passé un très beau moment, entre de magnifiques descriptions de la nature, des oiseaux, de la montagne…et cette histoire d'une » amitié » fugace, déroutante mais intense, avec au centre du récit « le travail du romancier » qui prolonge , sublime les instants, les rencontres d'existences anonymes mais singulières comme la voisine de la narratrice, Marguerite, paysanne âgée, vivant seule ,éprouvée par l'existence, incomprise des autres, car vivant trop en symbiose avec ses bêtes ; Marguerite fait figure d'originale, car cette femme qui , à 83 ans, s'est toujours battue, s' effondre subitement à la perte de son cheval, âgé de 28 ans. Un compagnon, à l'égal d'un parent…. Amour des êtres vivants, Humains comme animaux, de la nature….et des hommages nombreux à toutes les manifestations de la Vie….


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La langue des oiseaux est l'histoire d'une rencontre.
Je pourrais presque m'arrêter là tant cette phrase dit l'évidence.
Rencontre de deux femmes, l'une en quête d'inspiration, l'autre en quête de sécurité.
Rencontre de deux univers, l'un qui invite à la solitude, l'autre qui souhaite la briser.
Rencontre de deux continents, l'un à la poésie toute asiatique, l'autre à la réflexion toute européenne.
Rencontre de deux âmes en recherche, que tout sépare et que tout attire.
Rencontre d'une lectrice avec Claudie Hunzinger, une première pour moi, un émerveillement.

Ma lecture n'a pas été de tout repos car je n'ai pas été initiée à la langue des oiseaux avant d'ouvrir ce livre. Mais j'ai aimé ce roman. En profondeur. J'ai osé plonger dans la solitude des bois aux côtés de ZsaZsa. J'ai osé vivre la magie des liens virtuels avec Kat-Epadô, de jour, de nuit. J'ai osé goûter à l'envie de rendre cette rencontre vivante.

La fin de cette histoire inédite m'a bousculée, dérangée. Je n'ai pas tout compris et je n'aime pas ça. J'ai perdu pied sur la fin. Je suis tombée de la branche. Mais je ne me suis pas cassée d'aile. Je reprendrai mon envol pour un prochain roman de Claudie Hunzinger très bientôt. J'en suis sûre.
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Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
La nuit où j’ai rencontré Kat-Epadô, j’étais seule dans une baraque isolée, porte fermée à double tour. Autour de moi, la tempête. À perte de vue, des forêts.
 
Je venais d’arriver. Après avoir atteint les Marches de l’Est, j’avais quitté l’autoroute de Paris et je filais au beau milieu de l’automne dans une lumière qui ne venait pas du soleil mais qui sortait des arbres, ils s’étaient allumés, ils émettaient du jaune d’or, du jaune soufré, du cramoisi, et la terre surpassait en éclat le ciel. Et moi, j’étais partie. Je l’avais fait. J’approchais des montagnes. J’allais bientôt les toucher. Je m’étais alors enfoncée dans une vallée transversale, quand tout s’était obscurci et qu’une attaque de neige, dense, inexplicable, m’était tombée dessus comme pour me contrecarrer. Au début, les flocons fondaient en se posant sur la route étroite et noire. Puis ils n’avaient plus fondu. La nuit était venue. La voiture roulait sans bruit, très lentement, au pas. Quelque chose la frôlait. Les essuie-glaces balayaient des giclées de duvet. Le GPS s’était tu. Je tournais, virais en silence, tout en montant vers un col à travers des sapins incroyablement hauts et sombres. J’espérais n’avoir pas à chaîner juste au moment où une pancarte m’indiqua la piste à prendre à gauche, menant droit à la baraque soudain surgie dans mes phares. Je les ai éteints. J’ai sorti mon paquet de cigarettes. Mes doigts tremblaient. Au moment où j’ai ouvert la portière sur les montagnes enneigées, j’ai failli remettre le moteur en route. Trop de silence. Tout, effacé. Mais j’ai résisté, et pour ne pas pleurer j’ai serré mon poing, m’exhortant, tu as bien fait de partir, tu as bien fait !

(Incipit)
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Je voulais lui* épargner l'hôpital du village où déjà une fois, cet hiver, il avait fallu la transporter après la mort de son cheval. Il n'y avait pas de bêtes là-bas, en bas, disait-elle, pas de poules, pas de chat, il n'y avait rien. A l'hôpital, il n'y avait rien. Il fallait que je revienne ici. les bêtes sont des confidents, on leur dit tout, et alors, là, elle leva vers moi son regard, pour être sûre de moi, sûre que je comprenais cela, l'essentiel, nous-mêmes, elle et moi, fille et bêtes.

* Marguerite
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Je m'étais dit, cette nouvelle année qui vient, essaie simplement de capturer ces moments de surprise où la vie, -la vie exactement-, il ne s'agit que d'elle, où la vie surgit sous tes yeux comme une surprise que tu surprends, et je revois ce bosquet de roses de Noël, elles conversaient à cinq ou six dans leur feuillage découpé, vert sombre d'ellébore, larges, pâles et éblouies, en bordure de la baraque, je m'apprêtais à en cueillir une, elles ont sursauté, et j'ai fait semblant de ne pas les avoir vues, et j'ai seulement ramassé une poignée de neige. (p.104)
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Sayo croyait que c'était moi qui possédais cette langue tellement désirée, parce que je la maniais mieux qu'elle. Moi, je savais que c'était elle qui s'en approchait le plus parce qu'elle la saisissait par éclats seulement et de façon plus inventive. Plus enfantine. J'enviais en effet ses brisures, comme si la langue était d'abord ce qui se cache sous les mots, entre les mots (...) (p.85)
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Noter sur le vif, rêver, noter ses rêves, tendre l'oreille, observer, structurer, imaginer, tailler, aiguiser, c'était mon boulot de romancière. Sayo,elle avait reçu un immense cadeau de naissance, sans les outils pour les façonner. Elle fabriquait de toutes petites choses, d'instinct. Seule. Lui avait manqué la lecture. J'écrirai pour elle, voilà ce que je m'étais dit. (p.135)
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Vidéo de Claudie Hunzinger
Extrait du livre audio « Un chien à ma table » de Claudie Hunzinger lu par Marie-Christine Barrault. Parution CD et numérique le 12 avril 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/un-chien-ma-table-9791035413453/
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