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EAN : 9782330173562
160 pages
Actes Sud (04/01/2023)
3.38/5   17 notes
Résumé :
J. a passé toutes ses vacances d’enfance dans une île.
À la mort de sa mère, alors que la bâtisse revient à son frère, elle décide de ne pas se battre et de faire construire sur cette île SA maison. Modeste mais à son goût, ouverte aux siens comme aux enfants des autres, elle veut réinventer un ancrage, des souvenirs, un refuge sûr et tranquille sur la falaise toute proche du phare. Mais quand il s’agit de travaux rien n'est simple en ces lieux comme ailleur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
❝Je dis : ma Mère. Et c'est à vous que je pense, ô Maison !
Maison des beaux étés obscurs de mon enfance, à vous
Qui n'avez jamais grondé ma mélancolie, à vous
Qui saviez si bien me cacher aux regards cruels, ô
Complice, douce complice !❞
Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz, Insomnie

Robert Colonna d'Istria est auteur d'essais ; La Maison est son premier roman. Un titre simple pour un sujet qui, en apparence du moins, l'est tout autant. L'argument tient en quelques mots : J souhaitant s'ancrer sur une île y achète une maison à retaper de fond en comble ; rien n'ira comme espéré.

❝Pour J, la traversée était toujours une joie. Une promesse. Elle l'espérait, pendant des mois, l'attendait pendant les jours qui la précédaient. Elle y pensait, en prévoyait les détails, l'imaginait. Après l'attente, le trajet lui-même, ritualisé, paraissait léger. J était amoureuse de sa maison. de l'idée de sa maison. de ce qui serait l'illustration de son idéal de maison et de vie. Elle était amoureuse du terrain où elle serait construite. de la vue. de l'île qu'elle avait élue. Tous ses efforts pour atteindre cet endroit, ce rêve, la rendaient heureuse.❞

L'île est un microcosme isolé, un monde clos souvent à double tranchant, tantôt refuge, tantôt cellule. Quel sera-t-il pour J ?

❝Les psychanalystes faisaient remarquer qu'en anglais le mot qui désignait les îles, island se prononçait "I land", littéralement "terre du moi".❞

Le rêve de J est d'acquérir une maison sur une île et, îlienne parmi les îliens, de se fondre parmi la population des insulaires. Cette maison rêvée est, on le sent, un succédané de la maison d'enfance à laquelle restent accrochés les souvenirs de vacances que J passait sur l'île ; cette maison porte aussi la trace mémorielle de la vaste demeure familiale que son frère a hérité à la mort de leur mère et dans laquelle J n'est plus jamais revenue.

❝Maison de la naissance, ô nid, doux coin du monde !
Ô premier univers où nos pas ont tourné !
Chambre ou ciel, dont le coeur garde la mappemonde,
Au fond du temps je vois ton seuil abandonné.❞
Marceline Desbordes-Valmore, La Maison de ma mère

Dans cette maison en équilibre au bord de la falaise, J pourrait y trouver le sien d'équilibre, et l'habiter le coeur libéré de tous les tracas du monde laissés à quai sur le continent. Une possibilité de bonheur retrouvé. La promesse de surprises insouciantes. Une maison comme le prolongement de soi, même incomplète, même imparfaite. Un lieu qui l'habite autant qu'elle l'habite. Un havre contre les vents contraires de la vie — et Dieu sait si J en a connu. Voilà ce qu'aimerait J.

❝Pour décider de la construction de sa maison — et de l'entreprendre —, J avait tout à la fois mobilisé ses souvenirs, sa volonté, la raison, ses désirs.❞

Robert Colonna d'Istria s'intéresse à l'immense charge affective, aux liens souterrains qui unissent une maison à sa propriétaire et aux souvenirs impérissables — idéalisés — qu'elle a gardés de la maison d'enfance.

❝Pour elle, tout en s'engageant dans une entreprise qui l'obligeait à garder les pieds sur terre, l'idée de construire une maison était une manière de rester au niveau du monde idéal, de l'absolu qu'elle chérissait.❞

La maison est le lieu de l'intime. Pour conquérir ce lieu à soi si cher à Virginia Woolf, J, attaquée sur tous les fronts, aura à livrer de nombreuses et douloureuses batailles avec une opiniâtreté qui force l'admiration. Elle aura à lutter :
✦Contre vents et marées, car l'île n'est pas un lieu comme les autres, c'est un monde au charme irremplaçable certes mais qui a ses propres règles ;

❝Rien sur une île ne se passait paraît-il comme ailleurs.❞

✦Contre le flegmatisme De Robert, artisan peu scrupuleux de tenir les délais et pourtant ❝auxiliaire précieux, précis, qui comprenait tout, […] élément de continuité avec la maison de sa maman puisqu'à la suite de son père il en avait longtemps assuré l'entretien❞ ;
✦Contre l'administration d'une inventivité folle dès il s'agit d'ergoter ;
✦Contre les voisins méfiants face à cette presque étrangère qui marche sur leur terre ;
✦Contre les coups d'un sort qui s'acharne des années durant, laissant pressentir qu'il faudra surseoir au bonheur ;
✦Contre elle-même ?

Simon son compagnon, bien que passablement dérouté par sa décision, investit son temps et son argent dans le projet ; Anna, Betty, Carla, Denise, Éloïse, Flora, ses collègues de travail et amies viennent le temps d'une journée goûter aux joies de l'hospitalité insulaire. Bérénice, l'amie d'enfance l'accueille à bras ouverts. de tous les personnages, J est la seule à n'avoir pas de prénom. Elle est réduite à une initiale à la portée spéculative forte depuis le Nouveau Roman. On pense au K de Kafka dans le Château, mais aussi plus près de nous à Histoire du fils de Marie Hélène Lafon ou au Remplaçant d'Agnès Desarthe ou encore à certains des meilleurs romans de Marguerite Duras. Ce J est énigmatique ; l'île connaît d'ailleurs un sort identique en n'étant jamais nommée. Ce J, initiale investie d'un potentiel romanesque qui déploie un imaginaire puissant, a une portée universelle qui dépasse le personnage pour faire de cette femme le symbole de nous tous, nous faire nous interroger sur les aléas de nos vies, sur ce qu'il nous faut de persévérance pour surmonter les échecs et les déceptions, et enfin parvenir à forger notre destin.

Aussi extravagant que cela puisse paraître, pour J, tout le plaisir est dans les travaux qui façonnent Marie la maison qu'elle a baptisée du prénom de sa mère défunte, dans leur inachèvement qui autorise encore de poursuivre la rêverie. Parce que ❝Toujours, imaginer sera plus grand que vivre❞ (Gaston Bachelard, La Poétique de l'espace), J n'est pas vraiment pressée de voir la maison finie. Malgré des périodes d'abattement, elle s'accommode bon an mal an du chantier toujours en cours, dort sur un matelas posé à même le sol, campe dans un confort rudimentaire qui ne la dérange que très peu au contraire du pragmatique Simon qui peste contre les lenteurs De Robert — pensez ❝un artiste❞ — ! et les retards qui s'accumulent. Et de fait, quand la maison est enfin habitable…

La quête d'un toit, la quête de soi. La Maison est un conte à portée philosophique qui raconte l'expérience cathartique au long cours d'une femme qui avait le désir de bâtir sa maison sur une île et devenir à son tour une îlienne acceptée de tous. Maison il y aura, îlienne elle sera, même si en ennemie de la vitesse et de la ligne droite, la vie aura emprunté les chemins buissonniers d'un parcours initiatique remarquablement bien mené que je vous laisse découvrir.

❝On tient toujours du lieu dont on vient.❞
Jean de la Fontaine

La Maison est un premier roman au charme certain, dont la portée universelle interroge le sens profond de nos vies.
Lien : https://www.calliope-petrich..
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La maison de Robert Colonna d'Istria
Actes Sud

La maison est le récit de J. Ainsi sera t'elle nommée tout le long du roman.
Petite, J. venait sur l'île, alors construire là, sa maison c'est un peu renouer avec son enfance.
Au décès de sa maman, la maison familiale a été léguée à son frère. Elle n'y est plus jamais revenue
Alors la construction de cette maison, SA maison représente un enjeu considérable, c'est dans ce projet qu'elle concentre toute son énergie, ses désirs, son histoire. Sa maison abritera sa famille, ses enfants, ses petits-enfants, elle sera le réceptacle de ses futurs souvenirs.
Mais la construction d'une maison est un projet ardu, un défi, il faut composer avec les entrepreneurs, les administrations, les aléas de la vie et ses imprévus. Une maison a sa vie propre, elle vous choisit, vous adopte, vous éprouve.
Qui plus est, quand on décide de la construire sur une île ! Au bout de l'île, sur la falaise.
Subrepticement le problème se déplace alors, ou se double... Construire une maison, devenir ilienne, ou les deux...
Car l'enjeu devient celui-ci pour J. : devenir ilienne à part entière. Son île comme un rempart sur le reste du monde. Gagner la confiance des insulaires, partager leur vie, épouser leurs habitudes, leur fonctionnement, devenir une des leurs.

C'est un livre tout fin qui suscite tant de questions, de réflexions. Notre rapport à nos lieux de vies, maison ou endroit. Il s'agit surtout, me semble-t-il de notre façon d'être au monde, de nos choix et de la volonté de parvenir à un but. Un conte métaphorique sur notre capacité d'affronter le monde, nos de prendre la vie à bras le corps avec ses obstacles.
« En vérité le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout » Albert Camus
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Pour J, la traversée était toujours une joie. Une promesse. Elle l’espérait, pendant des mois, l’attendait pendant les jours qui la précédaient. Elle y pensait, en prévoyait les détails, l’imaginait. Après l’attente, le trajet lui-même, ritualisé, paraissait léger. J était amoureuse de sa maison. De l’idée de sa maison. De ce qui serait l’illustration de son idéal de maison et de vie. Elle était amoureuse du terrain où elle serait construite. De la vue. De l’île qu’elle avait élue. Tous ses efforts pour atteindre cet endroit, ce rêve, la rendaient heureuse.
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Depuis qu’elle l’avait rencontrée, J-inconsciemment- avait de cette maison le symbole de sa vie. Une maison à rénover, agrandir, repenser, rendre parfaitement moderne : quel beau programme. Elle avait entrevu, parce qu’elle en avait envie, qu’elle allait y mettre tout, son argent et ses rêves, son passé, son présent, l’avenir qui lui restait, elle avait compris qu’il lui faudrait tout y engager, son énergie et son espérance, s’y donner sans réserve, s’y condamner corps et âme.
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En rien. Il était le meilleur des hommes, imaginatif et sérieux, mais travaillait seul, se laissant entraîner de la solitude à la rêverie, et peut-être à la nonchalance. Il travaillait à son rythme – celui de la nature et celui de l’île –, incapable de se bousculer, ou de céder à quelque sirène – par exemple aux mirobolantes propositions financières du compagnon de J ou de son fils pour hâter l’avancement des travaux.
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Il était le plus heureux des hommes. On l’estimait bordélique – il laissait dire, il était artiste dans l’âme, bourré de sensibilité, comme sa gentille compagne, peintre à ses heures et restauratrice d’œuvres d’art – ; on ne le trouvait pas très pratique – n’était-il pas toute sa vie au grand air, bronzé, accueillant, toujours à offrir d’excellents produits de la terre ou de la mer ? –, il n’était pas très riche – qui cela pouvait-il gêner : il était heureux.Il était libre.
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Pour décider de la construction de sa maison — et de l’entreprendre —, J avait tout à la fois mobilisé ses souvenirs, sa volonté, la raison, ses désirs.
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Vidéo de Robert Colonna d'Istria
« Cette réalité géographique, une terre entourée d'eau, avait toujours fasciné J. Depuis qu'elle l'aimait, elle se demandait pourquoi. Et depuis qu'elle avait choisi d'y bâtir une maison, elle se posait la même question : pourquoi une île ? » Robert Colonna d'Istria, **La Maison**
Plus d'informations sur le livre de Robert Colonna d'Istria, **La Maison** : https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/la-maison
#rentréedhiver #rh2023
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