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EAN : 9782080270580
352 pages
Flammarion (10/01/2024)
4.17/5   18 notes
Résumé :
Et si, après 1945, l’Empire français avait changé de centre de gravité, le pouvoir passant de la « petite France » hexagonale à ses colonies ? Et si Suzanne Césaire, succédant à son mari, Aimé, présidait cette Union française d’un nouveau genre ?

En avril 1946, l’Assemblée nationale constituante adopte la loi Lamine Guèye, qui attribue la citoyenneté française à tous les ressortissants de l’Empire. Dans ce roman, Sylvain Pattieu imagine qu’elle a été... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
En avril 1946, notre Assemblée nationale adopte la loi Lamine Gueye – du nom de ce député du département du Sénégal à cette Assemblée – attribuant la citoyenneté française à tous les ressortissants de l'Empire, mettant fin au code de l'indigénat. Sylvain Pattieu imagine que cette loi a été véritablement appliquée et déroule son uchronie (récit d'évènements fictifs à partir d'un point de départ historique) : Aimé Césaire est élu président de l'ensemble France et colonies, Algérie comprise, qui devient l'Union française. le président Césaire négocie avec Ho Chi Minh, évitant une guerre. Mais il est assassiné et c'est sa femme Suzanne qui, une fois élue, doit poursuivre son action. « Nous sommes gouvernés par une poétesse après l'avoir été par un poète, avouez qu'il y a pire destin pour un peuple. »

Cette loi historique, sert de toile de fond à un récit romantique autour du personnage attachant de Marie-des-neiges, une jeune femme que l'on va suivre tout au long d'un récit superbement construit. Une partie est consacrée à son départ du Sénégal, puis une autre à son installation à Aix-en-Provence : les cours, le groupe d'amis de toutes nationalités, leurs débats puis la violence encore qui rebat les cartes... Lakhdar est le discret, il écoute, « il s'emmêle de trop penser et de ne pas souvent dire. » ; à l'opposé Marie-Augustias aime le conflit, Joseph a le sens de l'organisation, il voudrait être un chef ; Robert et Kathy papillonnent… le texte est vite addictif sous l'effet des images fortes et d'un romanesque efficace enrichi de temps à autre par l'oralité et les langues créoles :
« Marie-des-Neiges suit le conseil de Maryse Condé, elle lit Banjo. Sa professeure le lui prête avec un sourire je-n'en-attendais-pas-moins-de-toi. »

Reflet d'une époque d'après guerre tournée vers la reconstruction, l'heure est aux revendications, au collectif. Les forces communistes et religieuses sont influentes. On retrouve ces tendances dans la famille de Marie-des-Neiges et ses amis quand elle débarque pour ses études à Aix en Provence une quinzaine d'années après la création de l'Union française. L'auteur a l'art des noms, il les explique notamment à travers celui de la voisine de Marie, cette sympathique Michèle Michel (superbe page quand elle se présente à la jeune femme…) qui se fait une joie d'aider la jeune fille tout juste arrivée de Dakar avec un enfant en bas âge. Mais la nouvelle Union française à laquelle elle croit, avec ses amis, est menacée par des séditieux nostalgiques de l'ordre ancien, des groupes royalistes cherchant l'affrontement et des nervis mafieux agissant dans l'ombre..

Entre Ange le nervi corse et Kathy l'étudiante américaine, Marie-des-Neiges se grise de liberté et cherche sa place dans ce monde en construction. Des pages superbes : la longue explication de l'origine du curieux prénom Marie-des-Neiges, adjonction insolite « des-Neiges » à Marie lié à la religion de sa mère très pieuse (son père est syndicaliste et athée…). Pages simples et convaincantes des amours entre Marie et Ange et aussi entre la même Marie et Kathy l'américaine, l'écriture rendant grâce à la beauté, la vérité et le mystère de ces moments.

L'uchronie permet de mettre en avant des dirigeants africains et antillais méconnus : Modibo Keita, Soundiata Keita, Blaise Diagne, Thomas Sankara et des écrivains et poètes, Franz Fanon, Claude McKay avec un magnifique texte de Césaire (pages 202, 203) et le discours de Suzanne Césaire (page 236). Les placer en tant qu'élite et dirigeants de la France n'est pas une petite affaire, leur donne la place qu'ils n'ont pas eu dans les livres d'histoire. Cela change le regard sur ces hommes et femmes des colonies françaises et il faut parfois faire une petite recherche pour en savoir plus (ce n'est pas un livre d'histoire ni un roman historique). Je retrouve ici une démarche proche de celle d'Eric Vuillard (14 juillet, Tristesse de la terre...). Les deux auteurs renouvellent la forme du récit historique redonnant la parole aux petites gens, aux perdants en passe d'être oubliés. Ce n'est pas le récit officiel habituel, il aide à entendre toutes les voix, la vérité peut ainsi mieux trouver son chemin.

La fiction permet de saisir les enjeux post-coloniaux et nous embarque dans la destinée d'une femme en prise avec les soubresauts de l'histoire. L'ensemble forme un superbe roman d'amour et de tolérance, un cantique à la fraternité quelle que soit l'origine, la couleur de peau ou la religion. Lecture vertigineuse se terminant dans le paléolithique lorsque Marie devenue anthropologue s'émerveille de la beauté des oeuvres préhistoriques, celle de nos origines communes, qu'elle découvre avec son équipe dans une grotte du Vercors.

Beaucoup de style, un belle écriture inventive (Marseille est collineuse...), des poèmes intercalés, l'humour et de la légèreté aussi… Un titre qui s'éclaire d'emblée aux vers de Aimé Césaire, placés en exergue : « Un immense courage debout au centre sans mérite / du lasso à lancer au cou sauvage de la vie qui se cabre » et à ceux de Claude McKay : « Je suppose, qu'étant poète, j'ai le droit d'imaginer un grand leader moderne noir. du moins j'aimerais le célébrer dans une oeuvre poétique. Car je n'ai rien à vous donner que mes chants. »

L'auteur est agrégé et Docteur en histoire. Il est maître de conférences en histoire et enseigne en Master de création littéraire de l'Université Paris VIII. Il a eu dans son cours un jeune auteur remarqué, Diadié Dembélé, prix 2022 de la Vocation avec La bataille des grands-mères, publiant actuellement un second roman que j'ai adoré : Deux grands hommes et demi.

Sylvain Pattieu est un écrivain que je vous souhaite de découvrir, un conteur, trouvant la formule juste en peu de mots, possédant une écriture musicale, tout ce que j'aime quand elle passe au lecteur cette joie d'exister et de réfléchir… Ses mots sont la mémoire d'un temps passé proche empli de rêves de fraternité et de progrès universels. Et je vous garantis que vous n'oublierez pas de sitôt Marie-des-Neiges !

Une vie qui se cabre est un des très beaux romans lus dans le cadre de la sélection pour le prix Orange du livre 2024 auquel j'ai l'honneur de participer.
Et vous, aimez-vous plus les écrivains plutôt musicaux ou plutôt peintres ?
******
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Que se serait-il passé si la loi du Lamine Gueye de 1946 avait été adoptée et l'empire colonial français devenue une union? Tel est le point de départ ce très bon roman où nous suivons Marie des Neiges , jeune sénégalaise qui poursuit ses études à Aix-en-Provence. Suzanne Césaire est la présidente de cette union ayant succédé à son mari assassiné.Dans cette France imaginaire décrite avec une grande précision par l'auteur qui est également historien, tout n'est pas idyllique, les inégalités sociales et le racisme persistent.
Un seul petit bémol pour ce roman : les relations humaines tombent un peu dans le cliché (la jeune fille attirée par la brute, la jeune fille lesbienne ayant forcément plusieurs relations)....
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Voici un excellent roman qui nous plonge dans une histoire imaginée et nous renvoie à l'actualité, une réflexion sur la politique à travers des personnages attachants, on le lit d'une seule traite ! Une vie qui se cabre est écrit avec une langue acérée et vivante. Il nous fait voyager dans le temps avec une histoire qui aurait pu avoir lieu si ... Une rélfexion sur les inégalités, le genre et les révoltes.
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Et si?

Dans Une vie qui se cabre, Sylvain Pattieu imagine une France post-coloniale où l'Empire français, après 1945, se recentre autour de ses colonies.

Le roman s'ouvre en 1960, quelques mois après l'indépendance de l'Algérie. Dans ce contexte, Suzanne Césaire, veuve d'Aimé Césaire, est élue présidente de l'Union française.

L'auteur nous propose une uchronie ambitieuse qui interroge les conséquences d'un Empire français qui aurait perduré au-delà de 1960. Il explore également les enjeux de la décolonisation et les défis auxquels un pays post-colonial doit faire face.

Le roman est particulièrement réussi dans sa construction et dans le développement des personnages principaux.. Suzanne Césaire est un personnage complexe et attachant qui incarne les espoirs et les défis d'une France post-coloniale.

Une vie qui se cabre est un roman passionnant et riche d'enseignements qui mérite d'être lu.
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Un extraordinaire récit uchronique, à la fois captivant et réflexif. Faire l'histoire avec des « si » c'est aussi ouvrir le champ des possibles pour le présent. La grande force du livre est d'allier le souffle épique de l'Histoire et une attention très émouvante à ses personnage et leurs aspirations. . Vous n'oublierez jamais Marie des neiges.
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critiques presse (1)
OuestFrance
31 janvier 2024
Sylvain Pattieu nous entraîne dans une uchronie où l’Empire français n’est plus réduit à l’Hexagone à proprement parler.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Seul dans son jardin, en silence, à l’intérieur de son crâne, il se laisse aller à penser à des forces mystérieuses, au sol qui remue et ramène à la surface ce qui est brisé. Il voudrait qu’il y ait quelque chose à comprendre. 
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Ce dernier moment tous ensemble était un vêtement en lambeaux, encore là sur leurs épaules, laissant entrevoir la fin par les trous, mais impossible de s’en dépêtrer, il enserrait leurs bras, il pesait sur leurs torses. Chaque détail prenait son importance, les nœuds du bois des chaises, les aspérités de la table, une tache sur le mur, les mots simples de ses parents, tout pour ne pas prendre la mesure de ce qui s’annonçait : un changement définitif. 
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Marie-des-Neiges se cramponnait, elle tournait souvent la tête et sur le bord de la route les acacias, les rôniers, les jujubiers se mélangeaient, la vitesse leur faisait prendre couleur commune, larges bandes jaunes et vertes qui s’étiraient tout au long du trajet. 
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Marie-des-Neiges avait approuvé gravement, elle avait conscience du renversement en cours, de la façon dont son départ en petite France y participait, des possibilités inédites, pour une fille née là où elle était née, qui s’ouvrait à elle. […] Elle pouvait tordre le destin des siens, faire de réussite revanche.
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Il était un petit sac sans poignée pour s’en saisir avec aisance et le porter paisiblement.
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Videos de Sylvain Pattieu (26) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sylvain Pattieu
Qui sont ces silhouettes qui courent ? Et si le canal les menait autre part, à contresens d'un léger courant dirigé par le vent ? Victoria, Koumba, Mennel, Viviane, et Anonymes, sont les joggeuses protéiformes, fières, essoufflées, coriaces, qui traversent le 93, au fil de l'eau, de Pantin jusqu'à Bondy. _________ Vidéo conçue par Marcela Cibin Ugo pour l'exposition réalisée par les étudiant·es du Master de création littéraire de l'Université Paris 8 Saint-Denis-Vincennes, "Deux fois plus fortes - portraits de femmes sportives dans le 93". Elle est présentée à la médiathèque Roger Gouhier de Noisy-le-Sec, dans le cadre du festival Hors limites 2024, avec le soutien du CND (centre national de la danse) et de l'IUF (Institut universitaire de France).
Sous la direction de l'écrivain Sylvain Pattieu et illustrée par Laureline Uzel, cette exposition raconte comment des femmes s'imposent dans ces milieux compétitifs, souvent brigués par les hommes, et parviennent à faire du sport un vecteur d'émancipation.
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