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EAN : 9782823609851
260 pages
Editions de l'Olivier (07/01/2021)
  Existe en édition audio
3.83/5   1713 notes
Résumé :
"La première fois que j'ai entendu parler de Thomassin, c'était par une directrice de casting avec qui il avait travaillé à ses débuts d'acteur. Elle m'avait montré quelques-unes des lettres qu'il lui avait envoyées de prison. Quand il a été libéré, je suis allée le voir. Routard immobile, Thomassin n'aime pas bouger hors de ses bases. Il faut se déplacer. Je lui ai précisé que je n'écrivais pas sa biographie, mais un livre sur l'assassinat d'une femme dans un villa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (262) Voir plus Ajouter une critique
3,83

sur 1713 notes
J'étais à peu près passée à côté du fait divers au coeur de ce récit. 2008 : le meurtre par 28 coups de couteau d'une postière dans une petite ville de l'Ain. 2013 : l'acteur du Petit Criminel, césar du meilleur espoir 1991, Gérald Thomassin mis en examen pour cet homicide et incarcéré en détention provisoire puis libéré sous contrôle judiciaire. 2019 : il disparaît, sur le point d'être innocenté d'un non-lieu. Incroyable histoire, du César au cauchemar, nimbée de mystères.

Florence Aubenas est une formidable conteuse. Ce n'est pas nouveau, pour ceux qui ont lu le Quai de Ouistreham ou suivent son travail de journaliste au Monde. Disons que dans ce récit éminemment romanesque où tous les événements sont vrais, son talent est encore plus éclatant. L'Inconnu de la Poste se lit comme un thriller, fluide et aisé à suivre, saturé de mystères. La ligne narrative sait où elle veut conduire le lecteur tout en se remodelant en permanence au fil des rencontres et des éclairages choisis par l'auteure. Elle ouvre les tiroirs les uns après les autres tout en gardant son récit droit.

L'auteure a travaillé plus de six ans sur ce dossier. Pour autant, elle ne propose pas une contre-enquête à la « Faites entrer l'accusé ». de même, elle ne porte aucun jugement sur le déroulé de l'affaire, ne fait aucune extrapolation. Dans la lignée rigoureuse et sensible de de Sang froid ( Truman Capote ) et du Chant du bourreau ( Norman Mailer ), son True crime est une magnifique étude sociologique, celle d'une petite ville provinciale, Montréal-la-Cluse, au coeur de Plastics Valley en crise depuis les années 1990 puis carrefour de la drogue entre la Suisse et l'Italie. Comme une vue en coupe de la société française qui donne les clefs pour percevoir l'épaisseur du réel et sa complexité.

Florence Aubenas flaire dans les moindres recoins du réel et son acuité humaniste nourrit son récit de mille détails qui palpitent de vie en s'attachant à une galerie épatante de portraits. Bien sûr, Gérald Thomassin en est le point de convergence et on découvre un enfant de la DDASS que le cinéma n'a pas sauvé, dont le parcours chaotique de marginal entre drogue, alcool et RSA, en a fait un parfait gibier de potence. « Attachant et décourageant » comme le décrit le cinéaste Jacques Doillon.

Mais au-delà de la trajectoire cabossée de Thomassin, Florence Aubenas donne une voix à tous ces protagonistes qui n'ont pas l'habitude de se raconter ou d'être racontés : les habitants de Montréal-la-Cluse, la bande de copine de la postière assassinée, les copains marginaux qui traînaient avec Thomassin, les les derniers fermiers du village vivant comme des reclus avant de tout lâcher. Catherine, la postière a droit à un portrait complet qui résonne avec les failles de l'acteur. Et puis, il y a son père, notable du village. Acharné, ne tenant que par sa quête de vengeance, s'accrochant à ses croyances, obsédé par Thomassin en lequel il ne voit qu'un assassin avéré. On est chez Chabrol ou Simenon.

Tout est passionnant dans ce récit à l'humanité brute et nue qui ne verse jamais dans le sensationnalisme.



Commenter  J’apprécie          20031
j'ai dévoré ce livre avec d'autant plus d'avidité que je ne connaissais rien de cette affaire criminelle aux multiples suspects et coups de théâtre. Dans une enquête fouillée réalisée en immersion, Florence Aubenas, brillante journaliste, n'hésite pas à se mettre dans la peau de plusieurs protagonistes tout en restant factuelle. C'est à Montréal-la-Cluse qu'en ce jour de décembre 2008 est perpétré le meurtre barbare de Catherine Burgod une employée de « la petite poste ». Un suspect polarise l'attention de la police rapidement : l'acteur Gérald Thomassin Césarisé pour son rôle dans « le petit criminel ». Ce marginal aussi solitaire qu'évanescent, connu des services de police, sorti de nulle part et n'aspirant qu'à y retourner, vie dans la commune depuis peu. L'étranger ganté au chapeau de feutre et long manteau de cuir noir inspire méfiance. Entre deux tournages son parcours est chaotique et le prédestine à un destin pénal : familles d'accueil, Ddass, rue, larcins, addiction à la drogue et à l'alcool. Désormais sa vie se résume au triptyque RSA /bières/Subutex. Installé dans un appartement en sous-sol située en face du lieu du crime il est dans le collimateur de la justice et incarne le « coupable idéal ». de simples éléments troublants sont alors considérés comme «un faisceau d'indices graves et concordants ». La journaliste dresse un portrait précis, objectif et empreint d'humanité de Thomassin, de la victime et de leur entourage à qui elle donnera la parole tour à tour. Elle dépeint aussi magistralement la communauté rurale et livre une observation fine du monde social. Les preuves scientifiques finissent par mettre à mal l'intime conviction de départ et ouvre sur un autre scénario possible même si de nouvelles déclarations viennent contrarier l'espoir de connaître enfin la vérité…A l'enquête officielle se mêlent une enquête plus intime possédant tous les ingrédients des affaires criminelles les plus brûlantes : fausses pistes, rebondissements, vindicte populaire, mise en examen suivie de non-lieu, ténors du barreau, pression familiale, intime conviction aveugle et disparition mystérieuse de suspect. Glaçant et passionnant.
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En quelques phrases, Florence Aubenas sait nous faire comprendre ce qui sépare Gérald Thomassin du reste de la société. Cette société qui l'a adulé un temps, (allez jeter un oeil sur la page Wikipedia ou l'IMDB de Gérald Thomassin), à laquelle il n'a jamais su se conformer et qui l'a rejeté en le soupçonnant du pire, le meurtre de la postière de Montréal-La-Cluse en 2008.
N'a-t-il pas été le petit criminel dans le film de Jacques Doillon, vous diraient ceux qui au moyen-âge jetaient des pierres sur l'acteur qui jouait le rôle de Judas lorsque la Passion du Christ était mis en scène sur le parvis des cathédrales ?
Il a préféré disparaître en août 2019. Il obtiendra un non-lieu en octobre de la même année. Depuis personne ne sait où il se trouve. Une information judiciaire pour enlèvement et séquestration est ouverte.
« Montréal-La-Cluse est devenu un bourg ouvrier, mais le temps s'y écoule comme à la campagne, entre la maison et le jardin.
S'occuper du bois, savoir conduire très vite sur la neige ou éviter de nuit un sanglier garde ici tout son sens.
(…)
Personne n'a jamais vu Thomassin dans l'eau, ni même en maillot de bain. Les jours et les nuits, il les passe avec quelques gamins du camping, collé devant des jeux vidéo, à écluser des bières. »
En 2007, Thomassin s'installe dans cette région de Nantua où après le miracle économique de l'industrie du plastique, tout « a été compressé, délocalisé, précarisé, fermé. » où, « Bientôt il faudra du piston pour avoir sa chimio »
Par miracle, Montréal-La-Cluse a pu maintenir son agence postale. Autour de la postière, « Catherine Burgod, 47 ans, des faux airs de Sophie Marceau », les anciennes copines de lycée se retrouvent pour un café matinal tous les jours à 8h30.
Dans le village, Thomassin se lie avec Tintin et Rambouille « On était les Dalton » dit Tintin.
Au yeux des deux autres Thomassin brille, c'est la vedette !
Autour de ce fait divers, Florence Aubenas nous livre une véritable chronique de la France du XXIème et du fonctionnement de la justice. Ça se lit comme un polar, mais ça fait froid dans le dos.
Avec une grande précision et un vocabulaire sans détour, elle analyse le contexte des itinéraires respectifs de Catherine Burgod et Gérald Thomassin. Tout les oppose. Elle, la petite fille gâtée par son père qui ne lui refuse jamais rien, malheureuse malgré les apparences, court après un bonheur qui lui échappe. Lui , l'orphelin de la DASS qui ne s'est jamais remis de son abandon malgré ses récompenses cinématographiques vit dans une réalité qu'il est seul à percevoir. Deux personnalités opposées qui se retrouvent dans les blessures que la vie leur a infligées.
Le village prend fait et cause pour Catherine contre Thomassin.
« Peu à peu, dans cette paisible communauté villageoise, la méfiance entre voisins s'est installée, les anciens se sont remis à raconter la guerre, « le seul épisode comparable, dit l'un. »
Thomassin coche toutes les cases, il est étranger, habite juste en face de la poste, parle beaucoup sans que l'on sache si c'est l'auteur ou le personnage qui parle. Les mots n'ont pas le même sens pour Jacques Doillon ou pour un habitant Lambda de Montréal -La-Cluse !
Thomassin n'est jamais dans la réalité, il joue en permanence. « Il n'y a pas plus attachant, dit Doillon. Pas plus décourageant non plus. » Entre lui et la société c'est une question d'indifférence et d'attraction. « Ce monde lui paraît étranger et à la fois secrètement familier. »
Sur les témoignages de Tintin et Rambouille l'enquête concentre sur Thomassin. Son expérience d'acteur fait dire aux gendarmes« Il a pu tenir ce rôle du meurtrier puis s'en extraire en se persuadant ensuite que ce n'est pas lui qui a agi. » Manquent les preuves. Il donne du grain à moudre aux gendarmes car « (…) « simplement » n'existe pas dans le monde de Thomassin. »
Garde à vue le 26 juin 2013, il passera presque trois ans en prison.
Les traces d'ADN du véritable coupable retrouvées sur la scène de crime matchent avec celle d'un habitant de la vallée. Thomassin est disculpé, mais le doute demeure.
L'analyse des magistrats diverge sur le sujet.
A la fin de cette lecture, on hésite entre Entre colère et chagrin.
La presse n'a pas hésite à écrire « (…) l'acteur du Petit criminel, « un film dont le titre résonne tragiquement aujourd'hui »
Pendant des années la justice a considéré un coupable parce que son parcours en faisait un coupable crédible.
Un livre hallucinant sur une affaire qui ne l'est pas moins.
Du grand Florence Aubenas !
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Je connais Florence Aubenas pour avoir lu , entre autres , son très intéressant " Quai de Ouistreham" dans lequel ses qualités journalistiques s'étalaient au grand jour pour notre plus grand plaisir . Par contre , je n'avais pas connaissance de la parution de son dernier roman " L'inconnu de la poste " que la " main providentielle " de ma fille a sorti des rayons de sa librairie préférée afin de me l'offrir . le titre déjà, me semble alléchant, porteur de sens , fleurant bon le mystère et la " province " . Oui , la province , vous savez , un de ces villages ou gros bourgs où l'on peut encore boire un demi au " bar de la poste " , cette poste qui sert ( ...ou servait ) de phare salvateur aux touristes égarés, comme l'église ou la mairie . Lieu de rendez- vous . Un bureau de poste qui , d'ailleurs , justifie bien ici sa fonction de lien social puisqu'une aimable " bande de femmes " s'y réunissent tous les jours autour de Catherine Burgod , la postiére, belle femme " complexe " , fille d'un notable local .Ce village de montagne , c'est Montréal la Cluse , près du lac de Nantua . Un décor splendide, attirant surtout les familles pour l'activité de ses usines de plastique et situé à mi- chemin entre Lyon et la Suisse sur la route des trafiquants de drogue . Tout un programme ....C' est là que Gérald Thomassin , un acteur reconnu et primé d'un César du jeune interprète , vient s'installer pour vivre sa " marginalisation " et oublier un passé et un présent peu attrayants car compliqués . Et bien entendu , l'attirance pour Tintin et Rambouille , eux - mêmes " marginaux du village " , va encore plus focaliser l'attention des autochtones sur sa personne . Ben , oui , comme partout .. Bienvenue dans la Grotte , juste en face ...de la poste .

Ça commence comme un roman , comme une intrigue de polar mais souvenons- nous que Florence Aubenas est journaliste et c'est dans la vie réelle , dans un quotidien banal , qu'elle puise les situations , qu'elle traduit l'ambiance , les sentiments et qu'elle crée un suspense qui nous tiendra en haleine jusqu'à la dernière ligne...Les phrases courtes , sèches , taillées au cordeau nous placent au coeur d'un fait divers qui , peu à peu , prend des airs de " vrai crime " . Et oui , un vrai crime que l'assassinat de la belle postière. Pas une fiction , non , du réel, du vécu, 28 coups de couteau pour la préposée , 6 à 7 ans de travail , d'enquête , de recherches pour Florence Aubenas . Tout ça pour ça ? Oui , mais ça , vraiment , c'est " du lourd , du très lourd " comme dirait Francis Lucchini . Il y a , dans cet ouvrage , la " patte et le sérieux " d'une vraie journaliste d'investigation , qui cherche , fouille , triture , remue , et relate tout en gardant sa distanciation ( mot bien dans l'air du temps ....) , ne nous entraîne pas là " où " elle veut mais là où il faut être ...Une vraie pro , quoi , pour un régal de livre ...Enfin , ce n'est que mon humble avis , hein , et vous n'êtes pas obligés de me croire ....Je l'ai déjà dit ? Ah, oui ? Alors je me tais , dommage pour vous , j'allais vous révéler...
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En 2008, la postière d'un village de l'Ain est retrouvée assassinée de vingt-huit coups de couteau sur son lieu de travail. L'enquête piétine et finit par déboucher en 2013 sur la mise en examen de l'acteur Gérald Thomassin, césar du meilleur espoir 1991. L'homme est placé trois ans en détention provisoire avant d'être libéré sous contrôle judiciaire. Il disparaît en 2019, alors qu‘un non-lieu était sur le point de l'innocenter. Florence Aubenas a enquêté sept ans sur cette affaire, restée à ce jour irrésolue.


Exposée pas à pas avec une objectivité et une précision journalistiques qui n'ont d'égale que l'incontestable talent de conteuse de l'auteur, cette histoire en tout point véridique se lit comme un thriller où ne cesse de s'épaissir le mystère. Face à l'énigme, la narration se garde de développer toute théorie personnelle, et, plutôt qu'à une contre-enquête, c'est à une véritable étude sociologique qu'aboutit Florence Aubenas. Explorant la personnalité des protagonistes, leur environnement socio-économique et les ressorts de leur existence, elle nous immerge dans le vase clos provincial de cette vallée frontalière en crise, devenue carrefour de l'industrie du plastique, mais aussi de la drogue.


S'y dessine peu à peu une galerie de portraits plus vivants que nature, parmi lesquels la figure tourmentée d'un étranger aux lieux venu s'y établir, que ses failles psychologiques tout autant que sa vie marginale, entre RSA, drogue et alcool, ne pouvaient que désigner à la méfiance et aux soupçons. Enfant de la Ddass éternellement habité par une insondable béance intérieure, cet homme qu'on dirait dévoré par la combustion de son mal-être, semble aimanté par quelque force obscure qui l'enchaîne au malheur. Sa chute aux enfers est d'autant plus troublante et vertigineuse qu'elle s'inscrit en tragique contraste avec la chance que lui offrait le cinéma. Et il n'est pas jusqu'au point d'orgue de son inquiétante disparition qui ne contribue à hanter durablement le lecteur, bien après le point final de ce récit.


L'acuité du regard et des observations de Florence Aubenas fait de ce document un fascinant et troublant instantané des remous où se noie une partie habituellement invisible de notre société. Admirablement conté, il se lit comme un roman empli de suspense et de mystère, d'autant plus addictif et bouleversant qu'encore une fois, la réalité dépasse l'imagination.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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critiques presse (8)
LeParisienPresse
29 mars 2021
La journaliste s’offre un nouveau gros succès de librairie avec «L’inconnu de la poste», un polar à la Simenon où tout est vrai.
Lire la critique sur le site : LeParisienPresse
LaTribuneDeGeneve
29 mars 2021
Dans «L'inconnu de la poste», Florence Aubenas décortique une affaire criminelle à quelques encablures de la Suisse, et en tire un roman noir à la clarté inattendue.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Culturebox
03 mars 2021
Le dernier livre de Florence Aubenas est une minutieuse enquête sur un crime réel et mystérieux mettant en scène un acteur marginalisé et une postière maniaco-dépressive, racontée comme un polar.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LePoint
16 février 2021
Une postière tuée (Catherine Burgod), un acteur accusé (Gérald Thomassin)… Dans « L’Inconnu de la poste », l’autrice retrace l’histoire de ce crime non élucidé.
Lire la critique sur le site : LePoint
LaLibreBelgique
12 février 2021
La journaliste et écrivaine Florence Aubenas publie « L'Inconnu de la poste », après six ans d'enquête sur un meurtre resté mystérieux et impuni. Un récit de non-fiction à l'écriture magnifique, qui dresse avec justesse un tableau de ces franges oubliées de nos sociétés.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
11 février 2021
Florence Aubenas explore les zones d’ombre d’un fait divers dans l’Ain et signe un roman-vrai d’atmosphères, à la Simenon, dans la France d’aujourd’hui.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Bibliobs
08 février 2021
En 2008, une postière est assassinée. Principal suspect : l’acteur Gérald Thomassin. La journaliste Florence Aubenas, qui a enquêté pendant six ans, publie « L’inconnu de la poste ».
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
08 février 2021
Après quelques années de prison, l’acteur Gérald Thomassin a bénéficié en juillet 2020 d’un non-lieu pour le meurtre d’une postière, survenu douze ans plus tôt dans une commune de l’Ain. Florence Aubenas, grand reporter au « Monde », reconstitue ce fait divers dans « L’Inconnu de la poste », aux éditions de l’Olivier.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (112) Voir plus Ajouter une citation
Au palais de justice de Lyon, les deux juges d’instruction peuvent se dire qu’on ne les a pas saisis pour rien. Ils ont, à leur manière, apporté du nouveau. Bien sûr, les charges restent ténues, les éléments flous, racontant un contexte davantage qu’ils ne fournissent de preuves.
(...)
Pour le verdict, cette fois encore, rien n’est joué. Un acquittement serait possible mais, aux yeux de la magistrature, la vraie question est désormais ailleurs : peut-on classer sans suite un dossier comme celui de Montréal-la-Cluse, signalé à la chancellerie, qui a bouleversé une région, après une enquête de dix ans par une unité d’élite et deux personnes mises en examen ? La réponse est non. « On a fait tout ce qui était possible, et à un moment donné il faut y aller : présenter le dossier tel qu’il est et laisser les jurés trancher », estime un magistrat. Le procès garderait une certaine tenue : des témoins, des grands avocats, de l’émotion, la famille de la victime appréciera le travail accompli et sera amenée à participer, ce qui est plus intéressant pour elle qu’un rendez-vous dans l’ombre d’un cabinet.
Les audiences promettent même d’être explosives avec des accusés comme Thomassin et Nain, rien à voir avec la haute voyoucratie ou les beaux mecs, qui restent de marbre et laissent leurs avocats ferrailler techniquement, sans laisser affleurer le moindre sentiment. Les deux hommes sont « nature », « bourrés de maladresses, ce qui fait leur intérêt », « spécialistes du free style ». Dans l’enceinte d’une cour d’assises, où s’attisent les passions, tout peut arriver avec eux. Qui sait ? Les professionnels appellent ça « la magie de l’audience ».
Il ne reste plus qu’à rédiger l’ordonnance de mise en accusation.
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Thomassin a loué un studio dans une bâtisse ancienne près de la fontaine, deux étages, quatre petits appartements occupés en général par des gens sans grands moyens. « Des cas sociaux », commente un agent immobilier. Il l’a baptisée la « maison des catastrophes »

Le logement de Thomassin est au sous-sol, une sorte de cave, à laquelle on accède aussitôt après l’entrée. Il faut ensuite descendre trois marches pour pénétrer dans une pièce qu’éclaire péniblement un soupirail au ras du trottoir.

Depuis sa fenêtre, la voisine du premier étage le regarde vadrouiller, faire hurler sa musique, remonter les ruelles en parlant tout seul, une canette à la main, ses cheveux bruns très courts plaqués sur la tête. Ici, personne ne fait ça. Parfois, quand la voisine cuisine, il se coule sur son palier en reniflant comme un chat. « Ça sent bon », il dit. Alors, elle lui prépare « son » assiette, c’est devenu une habitude entre eux, du riz, des patates, du poulet, des plats du Cap-Vert, son pays à elle. Avec son mari, elle est arrivée il y a trente ans pour le travail, ouvriers dans le plastique, comme tout le monde.

Elle regarde Thomassin engloutir sa gamelle sous les photos de famille et les chromos éclatants des îles, où des Jésus s’arrachent le cœur de la poitrine. Au fond, elle n’est pas mécontente qu’un des locataires se révèle plus démuni qu’elle.
C’est en face que se trouve la petite poste, la seconde agence de Montréal-la-Cluse.
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Cette partie-là du bourg garde son jus de campagne. Longtemps, il y eut les vaches, une rivière, une comtesse dans son château, qui semble parfois y être encore. Une venelle étroite se tortille à flanc de montagne, où les voitures se croisent à peine : c'est la rue principale qui passe devant l'église, puis débouche sur une placette avec une belle fontaine où les bêtes se relayaient pour boire.
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Trois ans ou presque après l'assassinat de sa fille, Burgod craint une chose : que le dossier rejoigne la pile des "cold cases", les affaires classées sans suite. Pendant sa carrière, il lui était arrivé d'être choisi comme juré, aux assises de Bourg-en-Bresse. Il avait siégé dans une affaire de viol, puis celle d'une mère qui tuait ses nouveaux-nés, « des affaires de femmes, toujours ». Il était intimidé au début, il le reconnaît. Mais la justice lui semblait fonctionner à merveille, le président avait été charmant avec lui. Maintenant qu'il est touché dans sa chair, il se sent méprisé, un gêneur, qu'on ne tient au courant de rien.
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Il essaie de lui parler comme il le faisait avec l’autre, l’acteur : « Alors, ce serait toi, mon petit ? » Il a du mal à se concentrer, à apprivoiser l’hypothèse avant le procès aux assises. « Ma fille devait le connaître, il était venu avec sa mère quelques jours plus tôt. Elle a dû lui dire : “M’emmerde pas, je sais qui tu es.” » Burgod réfléchit un moment. « Est-ce qu’elle tient, mon histoire ? » Il soupire. « Non, elle ne tient pas. Avec Thomassin, il y avait un scénario, de l’émotion, l’envie d’y croire. »
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