AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782012573703
368 pages
Hachette Livre BNF (01/05/2012)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Le baron de Faeneste, de Gascogne, perdu au retour d'une mission militaire à La Rochelle, en pays d'Aunis (huguenot), est accueilli par un gentilhomme du pays. L’accent fort, fort en gueule, voulant bien paraître, le baron raconte ses aventures, à la guerre, à la Cour de Paris, dans lesquelles il finit toujours par être la bonne dupe…
Que lire après Les aventures du Baron de Faeneste (Nouv. éd., rev.) (Éd.1855)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Considéré parfois comme le premier roman satirique français (genre à l'imitation du Don Quichotte, représenté en France par Scarron, Sorel, Furetière… - influencé tout autant par les oeuvres de Rabelais et le théâtre de farces du Moyen-Âge), le Baron de Faeneste est en fait disposé en dialogue socratique. Mais c'est Lucien de Samosate qui popularise cette forme et l'adapte au genre satirique dans l'antiquité, notamment dans ses Dialogues des morts (traditionnellement donnés en exercices de version grecque dans l'enseignement), où des personnages porteurs de thèses philosophiques célèbres se retrouvent ridiculisés ou contredits face aux évidences de la mort. On pensera également au théâtre de moralités médiévales : le texte prend l'apparence d'une discussion allégorique entre Paraître, "Faeneste" en grec ancien, et Être, "Enay". Cette forme permet avant tout de donner le spectacle d'une langue orale déformée par l'accent gascon retranscrit dans la graphie. Ce grotesque langagier (image d'une mauvaise appropriation de la langue), augmenté d'un lexique régional très présent, et de références à un contexte historique lointain et spécifique, rend la lecture parfois très obscure tout en étant par endroits hilarante d'étrangeté, de jeux de mots et de sonorités (nécessite de lire une page de notes de Mérimée pour une demi-page de texte à relire deux fois...). Ce phénomène de monstration d'une variante dialectale dans l'écrit, finalement rare dans la littérature française, sera repris par Cyrano de Bergerac dans sa pièce le Pédant joué en 1654, avant de devenir systématique chez les paysans de Molière. L'étrangeté langagière a cependant ici un but satirique bien plus que sociologique. Elle illustre le décalage entre ce que le baron voudrait montrer de lui quand il parle – un gentilhomme valeureux, au courant des finesses de la Cour – et ce qu'il est vraiment – un obscur noblillon de cambrousse lointaine, le bon nigaud qui essaie de s'approprier les codes de la Cour, n'en acquiert que l'écume.

À la manière du Quichotte, Faeneste est un personnage dominé par une obsession risible, née du piège de ses représentations (sur ce que doit être un homme de Cour). Regardant la Cour de loin, de sa Gascogne, il n'en distingue que la partie saillante, grotesque, maniérée. Imitateur sans profondeur, il devient caricature (le plouc gentilhomme). Il mêle à son patois des expressions à la mauvaise mode (italianismes, tics de langage), s'attife en tout lieu de vêtements extravagants qu'il ne sait porter, feint d'être toujours au courant de tout... Il représente par le spectacle de son personnage en parole et en actes un exemple à ne pas suivre, à la manière des comédies de moeurs. Mais comme ses cousins littéraires Alonso Quichano ou Lysis (du Berger extravagant), Faeneste est un fou sympathique. Car tout en étant lui-même ridicule, il dévoile, il dénonce. Enay, son interlocuteur, le fait parler tant pour se divertir à ses dépens, que pour l'exorciser de sa bêtise (dispositif identique à celui du Berger extravagant), en l'amenant à la déployer jusqu'à ce qu'elle soit indéniable (principe de l'ironie socratique). Enay joue le rôle du vieux sage qui se présente comme naïf (se disant ignorant du grand monde - mais plus vraisemblablement éloigné de la Cour tant par choix qu'à cause de sa confession protestante), pour mieux le faire accoucher d'une vérité sur la nature de la société de Cour : tous ne sont que des imitateurs les uns des autres, singes d'autres singes (on pense à la Grande singerie du château de Chantilly...), voulant se rapprocher du détenteur du pouvoir, le mâle dominant, le roi absolu ; centralisation culturelle qui force toute la noblesse jusque dans les régions les plus éloignées géographiquement et culturellement à se conformer, à se dénaturer, à se déraciner : à se perdre en quittant sa terre, sa culture et même sa religion, pour embrasser d'autres codes qu'ils ne maîtriseront jamais, condamnés à demeurer perdants lamentables à un jeu où ils auront toujours un coup de retard. le roman prend ainsi des allures de pamphlet contre l'un des fonctionnements les plus caractéristiques de la monarchie du XVIIe siècle...
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
Commenter  J’apprécie          62

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
p. 29
Après aboir soupai en vone compenio, un home maigre me demanda si ye boulois passer l’après souppeio. Y ne cerchois autre chause, pour faire baloi tous les traits de cartes que y’abois appris des laqués de Monsur de Roquelaure : y’entendois la carte courte, la longue, la cirée, la pliée, les semences, la poncée, les marques de toute sorte, l’attrappe, la ripousse, le coude, le tour du petit doigt, la manche, lou chappeau, l’ange et lou mirail*… Pou ! Cap de you ! Abec tout cela, mon homme, qui s’appeloit Montaison, m’empourta les trois pistoles qu’on m’avoit laissai, encores fut-il si honneste homme que, pour ma varbe**, il paia l’hoste, et me monstra, de courtesie, une façon d’escamouter et de mettre aryent bif dedans lou dai pour faire petit. Comme au matin ye me lebois fort triste, y’abisai lou chapelet et lou fouët qui m’estoit demeurai ; ye bous ben l’un vrabement huict bons sous pour me mener yusques dans Paris, et me sers du fouët pour contenance et pour parestre ; et cela me faisoit hauneur, car ye disois aux passans qu’ils fissent haster mon poustillon… Ensi lou chapelet me serbit dux fois, et le fouët m’aida à louyer au fauxbourg Sant Yaques, non sans peno. Mais y’en eus vien dabantaye à trouber lou logis de Monsur lou comte, car ces vadaux se rioient quand ye le demandois. Il me soubenoit de l’arvaleste, mais non pas de la ruo***… Mon recours fut aux payes et laqués, à qui ye n’eus poent sitost demandai Monsur lou comte, qu’ils se prirent tous à crier : Au renard ! Il a chié au lict**** ! Comme s’ils eussent crié bibe lou Ré… et boilà mon entrée que bous demandiez.
//
* Je ne me flatte pas d’interpréter exactement tous ces termes d’ancien argot ; cependant il me semble que les cartes courtes, longues, pliées, poncées, cirées, sont des inventions à l’usage des escrocs, pour connoitre au tact le jeu qu’ils donnent à leurs dupes. Les semences sont, je crois de petits points distribués ou semés sur l’envers d’une carte, et qui servent à la faire remarquer. Je présume que le tour du petit doigt est l’ecamotage par lequel on remet le paquet de cartes dans l’ordre où il se trouvoit avant qu’on eût coupé ; c’est ce qu’on appelle aujourd’hui faire sauter la coupe. Le coude, la manche, le chapeau, servaient sans doute à cacher des cartes préparées. L’ange désigne, à ce que je suppose, un enfant ou tout autre complice du filou, qui, debout derrière la dupe et planant (comme un ange) sur son jeu, le fait connoître au moyen de signes convenus. […]
** Pour me consoler de la perte de mon argent.
*** Faeneste demandoit monsieur le comte, comme s’il n’y en avait qu’un à Paris. Probablement ce comte demeurait rue de l’Arbalète, et notre baron, arrivant tout bourru de son pays, cherchoit quelque place comme un tir pour l’exercice de l’arbalète.
**** Ce passage montre combien est ancien ce cri des enfants qu’on entend encore aujourd’hui pendant le carnaval. Son origine mériteroit peut-être une dissertation, mais j’en fais grâce à mon lecteur. – Dans quelques universités allemandes, on appelle renard un étudiant nouveau venu qui n’est pas encore au fait des usages du pays, et, par extension, un niais qui sert de plastron à tous les mauvais plaisants. Le cri : au renard ! peut encore s’entendre d’une autre manière. Écorcher le renard, c’est vomir. Les gamins vouloient peut-être dire : il est si sale, qu’il donne envie de vomir. – Enfin c’est peut-être tout simplement un cri d’alarme emprunté aux paysans qui découvrent un renard dans leur basse-cour. Au renard ! Voudroit dire alors : voici un ennemi, ou plutôt une victime que nous tenons.
Commenter  J’apprécie          10
Prendre le paraître pour l'être, p. 120
ENAY. Nous avons au commencement protesté de bourdes vrayes : nous n’avons rien dit en tout notre discours qui ne soit arrivé ; seulement avons-nous attribué à un même ce qui appartient à plusieurs. Le profit de tout nostre discours est qu’il y a six choses desquelles il est dangereux de prendre le paroistre pour l’estre : le gain, la volupté, l’amitié, l’honneur, le service du roi ou de la patrie, et la religion. Vous perdites vostre argent quand vous pensiez gagner ; vos voluptez de Paris vous ont donné des maladies ; vostre ami vous a fait fouëtter ; l’honneur, battre et mepriser. Les deux derniers points sont de plus haute conséquence, aussi en est la tromperie plus dangereuse ; car ceux qui font paroistre desirer le bien public le desirent, mais pour soi. […] Mais l’abus du paroistre en la religion, qui est le dernier point, est le plus pernicieux, pource que le terme d’hypocrisie, qui se peut appliquer au jeu, à l’amitié, à la guerre et au service des grands, est plus proprement voué au fait de la religion.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Théodore Agrippa d' Aubigné (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Théodore Agrippa d' Aubigné
AGRIPPA D'AUBIGNÉ / LES TRAGIQUES / LA P'TITE LIBRAIRIE
autres livres classés : dialoguesVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11123 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}