AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jean Autret (Traducteur)
EAN : 9782070381708
576 pages
Gallimard (24/05/1996)
4.06/5   115 notes
Résumé :
Rufus Scott n'en pouvait plus de vivre dans le monde cruel et implacable des Blancs, humilié, abandonné de tous, écrasé par le poids d'une cité inhumaine.
Par une nuit froide de novembre, il est allé s'engloutir à jamais dans l'eau glacée du fleuve. Ce drame est le point de départ d'une œuvre émouvante, violente et passionnée dont les personnages, à la recherche d'eux-mêmes et du bonheur, tentent désespérément de renverser les barrières de la ségrégation raci... >Voir plus
Que lire après Un autre paysVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
4,06

sur 115 notes
5
6 avis
4
5 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis
Another country?  C'est  d'abord la mort. le grand saut dans le vide, du haut du pont de Brooklyn, au fond de l'Hudson : au coeur de la nuit noire, au fond de l'eau noire, Rufus le musicien noie son noir désespoir. Son désespoir de Noir americain. Faute d'un ailleurs où il pourrait aimer et être aimé.

Another country ? C'est Manhattan, ce microcosme de l'intelligentsia new yorkaise où noirs et blancs vont aux mêmes fêtes, aux mêmes concerts de jazz, aux mêmes événements culturels. Dans ce "monde à part" des USA des années soixante, noirs et blancs s'aiment, se désirent , couchent ensemble, vivent ensemble.  Se quittent.  Comme Ida, la chanteuse  et Vivaldo l'écrivain. 

Another country?  C'est parfois l'exil. Celui que choisit , provisoirement,  Eric, acteur et dramaturge,  pour fuir l'humiliation et la persécution que lui vaut, dans certains coins de son pays natal, sa double condition de noir et d'homosexuel.

Another country, c'est, en un mot,  la négritude.

Même pour les Noirs américains les plus écoutés, les plus lus, les plus admirés, les plus apparemment intégrés.

Même aux yeux des  blancs les plus ouverts, les plus militants, les plus solidaires ou les plus amoureux.

Même dans un cocon privilégié comme Manhattan.

Même dans  l'exil ensoleillé  de la Provence. 

Ce "continent noir" marqué par quatre siècles d'esclavage ne s'efface jamais des mentalités, reste inscrit  dans  les corps comme au fer rouge,  est  rappelé sans cesse par le nom des anciens maîtres qui tient lieu d'état civil , se trahit dans les regards, dans les hésitations, les méfiances, les ellipses, les généralisations.

Another country , Un autre pays est un roman centré sur un petit groupe d'intellectuels. Noirs et blancs, tous amis, ou amants, tous artistes, cosmopolites, généreux, avec des problèmes ordinaires de couple ou d'amitié,  des problèmes de succès, de sympathie ou d'antipathie, d'alcool ou de drogue, de sexe ou de solitude, de confiance, de désir, de solidarité ou d'indifférence. Les problèmes de tout le monde.

Sauf que cette terre étrangère, cet "autre pays"  où vivent certains d'entre eux - Rufus, Ida, Eric- complique leurs échanges, fausse la donne, obscurcit les perspectives, précipite les drames.

C'était mon premier James Baldwin, après le magnifique I am not your negro vu à l'écran.

Je l'ai dévoré le coeur serré.  Presque au bord des larmes parfois.

Et j'ai beau me répéter que le livre date des années soixante,   le bruit et la fureur des manifestations Black lives matter provoquées par l'assassinat de Georges Floyd aux USA et dans le monde me rappellent clairement que rien, profondément, n'a changé depuis, malgré les lois d'intégration raciale, les mesures  de parité forcée ,  malgré Barack Obama,  ce "président noir" promis aux noirs  américains par Bob Kennedy.

On retombe toujours dans les mêmes tristes ornières. Et Donald Trump succède à  Obama...

Il y a quelque chose de désespérant dans la rémanence obstinée d'Un Autre Pays quand on voudrait tellement voir l'avènement d'un pays autre.
Commenter  J’apprécie          615
La grande plongée d'un homme noir dans le néant des eaux glacées de New York est le point de départ de cette histoire où se ramifient celles de ses amis blancs, de sa soeur, mais aussi celle de l'Amérique des années 60' entre libéralisme et rejet, bourgeoisie et misère. Portrait en clair-obscur, sans manichéisme donc, des relations complexes et ambiguës entre Noirs et Blancs où ressentiments et amalgames percutent même les amours mixtes et les amitiés sans couleurs.

James Baldwin, grand écrivain militant à cette époque ségrégationniste de l'Amérique, distille certains éléments auto-biographiques dans cette histoire qui est avant tout une analyse des comportements humains. Il y parle du racisme, aussi bien du côté Blanc que du côté Noir. de misère comme destinée parce que vous n'êtes pas né blanc et de ce qu'il vous faut faire pour survivre à votre condition. Mais aussi d'homosexualité, avec tout ce que cette différence suscite aussi comme réprobation et comme imagerie mentale.

J'ai découvert James Baldwin dans le documentaire "I am not your Negro" de Raoul Peck (à découvrir absolument si ce n'est déjà fait !), ainsi que dans le livre qui en est tiré.
Comme rarement une âme humaine peut parler à une autre âme humaine, cet homme m'a touchée. Il émanait de lui une éloquence sincère et brillante, mais aussi une humanité bouleversante. Et c'est bien naturellement qu'à présent que l'une de ses oeuvres est rééditée que je me suis empressée de le lire.

Même si Un autre pays n'est pas une histoire à rebondissements, on ne s'y ennuie cependant pas. L'écriture de James Baldwin m'a fait penser à certains égards à John Steinbeck, même si ici la misère est urbaine et noire. Mais on y est, et les personnages faits de bleus et de bosses, nous les côtoyons dans la même pièce. Et nous lisons comme bercés par ses mots, ivres de sa musique...

L'auteur, par le truchement de ses personnages, fait acte d'une profondeur d'analyse parfois déroutante. A tel point que je ne suis pas toujours sûre d'en avoir pesé tout le sens. Mais en tant que Blanche européenne vivant au 21ème siècle, le pourrais-je tout à fait ?
James Baldwin nous dépeint un monde, une réalité qui nous, aujourd'hui, nous parait si absurde, si étrange et si hideuse qu'on ne peut sans doute pas prendre toute la mesure de ce qu'était être Noir en Amérique, bien que pourtant, l'histoire ne se situe pas dans le Sud, mais là où les conditions de vie étaient réputées "favorables" aux Noirs...

Je ne sais trop quelles conclusions, quelle "morale" tirer de cette histoire, si ce n'est peut être que dans ce jeu d'attirance/répulsion, amour/haine, la frontière s'avère ténue et que dans ce monde, au sommet de l'échelle de la domination - dont le sexe est un puissant vecteur de pouvoir - l'homme blanc hétérosexuel y figure à la première place. Car la condition des Noirs, mais aussi des femmes, des homosexuels, des étrangers est à des degrés divers, les échelons que l'on piétine.
- En 2019, a-t-on évolué ? -

Malgré une écriture dense qui s'étale sur près de 600 pages, et malgré finalement le peu d'événements qui s'y déroulent, James Baldwin, par son talent et sa richesse de réflexion - très complexe - sur la nature humaine vient nous interpeler et nous ébranler, avec un intérêt pour ses personnages - dont les reliefs et les aspérités nous les rendent vivants - qui ne se dément pas.
Commenter  J’apprécie          382
D'abord, il y a Rufus Scott, bientôt trentenaire, musicien de jazz, qui trimballe son mal être d'homme noir dans les quartiers de New York où son talent peine à être reconnu et même quand Leona, une jeune femme blanche qui partage sa vie, essaye de le protéger en l'aimant, c'est la violence qui s'exprime, jusqu'à la retourner contre lui, un soir de novembre quand il se jette du haut d'un pont dans le fleuve...
Il y a ensuite Vivaldo Moore, mi-italien, mi-irlandais, l'ami d'enfance qui reste dans l'incompréhension de ce suicide, qui se rapproche lentement d'Ida, la jeune soeur de Rufus, serveuse en attendant de devenir chanteuse, aidée par Ellis un producteur, il y a le couple d'amis quadragénaires intellectuels, Richard qui se lance dans l'écriture d'un roman et Cass sa femme, professeure, Eric un jeune dandy intellectuel de retour d'Italie rejoint le cercle amical...
Entre repas dans des restaurants plus ou moins chics, sorties dans les boîtes de jazz ou confessions autour d'un verre d'alcool, les personnages se confient, croient s'aimer, se quittent, se cherchent toujours avec douleur et souffrance, questionnant leur psyché, rejetant leurs peurs.

Autour du drame qui va faire exploser le cercle amical, James Baldwin dépeint le milieu artiste d'un New York underground dans lequel il est difficile de ne pas sombrer. Les uns survivent en se battant, d'autres se laissent aller dans l'alcool ou se réfugient dans la création médiocre de l'écriture d'un roman ou dans la reconnaissance d'un talent de chanteuse. Il y a comme une fatalité dans le destin de ces personnages, quelques critiques et vérités assénées, qui font écho au mal être ou à la violence mais également beaucoup de réflexions, quelquefois ressassées, des longueurs et des dialogues pas toujours pertinents.
Un autre pays est un roman sur le désenchantement et le mal être et même si l'écriture de James Baldwin est magnifique et sa sensibilité remarquable, il reste quelques longueurs dans ce roman qui entrecroise les destins.
Commenter  J’apprécie          320
Un livre magnifique sur l'identité et la difficulté de l'assumer et de la vivre pleinement, pour ceux notamment qui diffèrent de tous les autres.
En évoquant ici de la réalité qui peut être vécue lorsqu'on est noir, lorsqu'on est homosexuel, James Baldwin évoque sans détour l'universalisme de ces questions tant les frontières de l'identité peuvent être incertaines et fragiles. Cette relativité de la différence place ainsi d'emblée chaque individu dans une humanité universelle.
La démonstration est toute entière portée par les personnages qui tissent le récit, Rufus, Vivaldo, Richard, Éric, Yves, Leona, Cass, Ida. La construction même du récit souligne encore le trait : Rufus à lui seul ouvre le livre avec un premier chapitre qui lui est entièrement dédié. 125 pages pour dire la souffrance d'être noir lorsque le regard des autres ne vous renvoie que cette image. Rufus, virtuose de la batterie, son père ne disait-il pas « Un nègre, vit toute son existence, il vit et il meurt en suivant un rythme… » ne réussit pas à se convaincre qu'il est un artiste de talent, qu'il est un homme capable d'aimer et d'être aimé. Ces certitudes le conduisent à décrocher du réel, à se précipiter vers sa perte dans une spirale hors de contrôle. Les 125 premières pages décrivent cette descente aux enfers mais Baldwin plus encore, donne à son écriture la profondeur, la précision nécessaires à la compréhension de ce qui se passe dans la tête de Rufus. La poursuite du roman, entièrement placée sous la lumière de ce prologue, prend bien sûr un sens tout particulier.
Les liens vont donc se faire et se défaire entre les personnages.La fragilité de ces liens, les incertitudes qui les accompagnent constituent la matière même de la narration. Ce fil rouge permet à Baldwin de faire la démonstration qu'une identité est toujours multiple, qu'il est vain d'avoir des certitudes sur qui l'on est vraiment. Ainsi, le couple Cass-Richard vacille-t-il, ainsi Vivaldo a-t-il du mal à aimer Ida, comme Rufus n'a pas su aimer Leona, Eric lui aussi porte ses contradictions, dans son amour à Yves, dans les liens qui l'ont uni à Rufus, dans son rapport à Cass et à Vivaldo. le personnage de Vivaldo, incarne pour l'auteur l'universalité de cette question sur l'identité, dans le chapitre qui met en scène Rufus, ce dernier lui demande : « As-tu jamais souhaité être un homosexuel ? » Vivaldo répond par la négative. Cette frontière floue entre ce que l'on est et ce que l'on croit être, Baldwin la fait voler en éclat à la fin du récit, à travers cette nuit d'amour et de complicité partagée entre Eric et Vivaldo. Ida et Cass les deux personnages féminins ne sont pas de reste dans ces scénarios du flou.
Ce roman fort puise aussi sa force dans la description de la ville où se passe le récit. Les rues, les paysages les quartiers, du New York des années cinquante sont bien présents. Dans une ville qui écrase : « le poids de cette cité était meurtrier », une ville qui ménage aussi des îlots
différents comme le Village, avec ses ouvriers et artisans, Harlem, les rues de l'East Side, une ville qui sait être belle dans les reflets de l'Hudson ou de l'East River aperçus du haut des fenêtres de ceux qui y vivent.
Un livre incontournable, un chef d'oeuvre.
Commenter  J’apprécie          140
La vie pesait trop lourd sur les épaules de Rufus Scott. Ce jeune musicien noir nous fait l'offrande déchirante d'un dernier tour de piste avant de se jeter dans le fleuve. Englouti à jamais.
Autour de son souvenir s'éveillent les voix de ses amis artistes bohèmes et de sa soeur pour qui il était tout. le drame était-il évitable? N'ont-ils pas su l'aimer assez? Ces questions n'éclipsent pas leurs angoisses personnelles face à une ville de New York grouillante et anthropophage qui fait et défait ses habitants à coup de pression sociale.
Avec une habileté raffinée, James Baldwin rend ses personnages tour à tour observateurs ou observés. Nous les appréhendons ainsi dans leur propre regard mais aussi dans le regard des autres. le lecteur glisse de peau en peau, et saisit peu à peu les mécanismes retors remuant cette infinité de fils qui constituent la toile sociale du monde.
Ceux-ci se distendent, changent de cap ou de point d'ancrage selon la couleur de peau, la réussite sociale, le genre ou la sexualité du funambule qui tente de les dompter pour avancer dans sa vie. Mètre après mètre, luttant pour ne pas sombrer, oscillant entre destruction et amour.
Un texte très sombre, intelligent, aux personnages complexes et chiadés qui, par eux, embrasse l'atmosphère d'une époque avec finesse et honnêteté.

Commenter  J’apprécie          180

Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
- (...) Merde ! Ils vous enferment là-dedans parce que vous êtes noire, ces dégueulasses, ces salauds de Blancs, tout en allant crier sur les toits toutes leurs conneries sur la terre de la liberté et la patrie des braves. Et ils veulent que vous vous repaissiez de cette même musique, vous aussi, seulement il faut que vous gardiez vos distances. Je voudrais, ma petite, je voudrais pouvoir me changer en un poing énorme et réduire ce maudit pays en poussière. Il y a des jours, je me dis qu'il n'a pas le droit d'exister. Seulement, vous n'avez jamais éprouvé cela et Vivaldo non plus. Vivaldo ne voulait pas savoir que mon frère se mourait, parce qu'il ne voulait pas savoir que mon frère serait encore en vie s'il n'était pas né noir.
Commenter  J’apprécie          160
- Je sais que je l'ai laissé tomber, mais je l'aimais, et personne ne voulait le savoir. Je ne cessais de me dire : Ils sont Noirs et je suis Blanc mais j'ai subi les mêmes souffrances, absolument les mêmes. Comment pourrais-je leur faire comprendre ?
- Mais si vous avez subi le même sort, dit-elle, ce n'est pas uniquement parce que vous étiez Blanc. Ca s'est produit comme ça, un point c'est tout. Mais ce qui leur arrive, à Harlem - le taxi sortit du parc; elle allongea la main, invitant Vivaldo à regarder - leur arrive parce qu'ils sont Noirs. Et c'est là qu'est la différence.
Commenter  J’apprécie          130
"So what can we really do for each other except − just love each other and be each other's witness ? And haven't we got the right to hope for more ? So that we can really stretch into whoever we really are ? Don't you think so ?" And, before Eric could answer, he took a large swallow of his whisky and said in a different tone, a lower voice, "Because, you know, when I was in the bathroom, I was thinking that yes, I loved being in your arms, holding you" − he flushed and looked up into Eric's face again − "why not, it's warm, I'm sensual, I like − you − the way you love me, but" − he looked down again − "it's not my battle, not my thing, and I know it, and I can't give up my battle. If I do, I'll die and If I die" − and now he looked up at Eric with a rueful, juvenile grin − "you won't love me any more. And I want you to love me all my life."
Commenter  J’apprécie          40
Elle avançait à grands pas de ses longues jambes superbes, la tête haute, comme si elle avait porté seulement la veille le fardeau d'une jarre d'eau africaine. La tête de sa mère avait supporté le poids du linge des Blancs, et parce qu'Ida n'avait jamais su comment accepter cette situation, - devait-elle en tirer de la gloire ou de la honte ? - à sa beauté royale se mêlait quelque chose du dédain méfiant et trop prompt de la plébéienne.
Commenter  J’apprécie          80
Tous les visages, même ceux des enfants, exprimaient un désenchantement suave ou empoisonné qui donnaient à leurs physionomies un contour d'une extraordinaire netteté comme si on les avait taillées dans la pierre.
Commenter  J’apprécie          110

Videos de James Baldwin (33) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de James Baldwin
Spécial centenaire de l'écrivain humaniste James Baldwin - Interview courte mais remarquable de James Baldwin pour Champs Libre 30 novembre 1963
autres livres classés : ségregationVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (491) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1085 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..