Ce texte complète et éclaire l'autobiographie de
Nina Berberova. Il se lit comme un roman où la réalité fait office d'imaginaire et où l'évènement historique est au récit ce que le moteur est à la voiture : la biographie n'est que le prétexte à la dissection d'une époque, de ses événements et des personnages qui y ont joué un rôle. Dans une démonstration un peu sèche mais efficace, quelquefois un peu laborieuse, Berberova, à travers le récit de la vie de la baronne Boudberg (ancienne aristocrate d'éducation victorienne qu'elle a personnellement connue) nous parle de
Lénine, de Staline, de la Révolution , de la vie des russes émigrés ou non, grâce à cette femme remarquable qui fut l'amante et l'égérie de Gorki, de Wells et de quelques autres, et de surcroît espionne. Une femme qui voulut " "ne pas périr", ce qui signifiait nullement, je l'ai toujours compris, "ne pas mourir"... mais rechercher tous ceux qui avaient relevé la tête après la Révolution." Pour Berberova cette femme incarne manifestement le millier de destins russes de cette période-là.
J'ai retrouvé le regard décapant, incisif de Berberova, qui s'efforce d'aller au coeur de ses souvenirs et de ses témoignages et qui nous offre une vision en quelque sorte définitive de ce qu'elle a vécu. Même si son texte semble quelquefois un peu décousu, et que la somme de souvenirs et de réflexions rassemblés nous égare un peu nous faisant perdre par moments le fil de l'ensemble, elle nous révèle ce que l'histoire officielle nous cache ou tout au moins nous occulte, et c'est infiniment précieux. Un grand merci à elle.