AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782743621780
169 pages
Payot et Rivages (05/01/2011)
3.57/5   14 notes
Résumé :
Michel Boujut a grandi entre deux drames familiaux, insérés dans la tragédie collective des deux guerres mondiales. Celui de son grand-père Maurice, fauché à 26 ans en septembre 1914, et celui de son père Pierre, prisonnier dans un stalag pendant quatre ans et demi. A la troisième génération, Michel, jeune appelé qui doit partir pour l'Algérie, décide de rompre le cycle infernal du casse-pipe: il désertera. La raison de son adieu aux armes, c'est "le refus, radical,... >Voir plus
Que lire après Le Jour où Gary Cooper est mortVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Mai 1961. Trois ans après le retour au pouvoir du Général de Gaulle. Sept ans avant des évènements de 68 qui allaient précipiter sa chute. Un jeune homme, issu d'une famille socialiste des Charentes, effectue sa préparation militaire. Il doit être envoyé en Algérie. 72 heures de permission avant le départ. Une décision : il n'ira pas. Une nouvelle à la Une de tous les journaux : Gary Cooper est mort. le destin d'un jeune homme, l'héritage de plusieurs époques et les cinémas du Quartier Latin. Surtout. Aujourd'hui, Michel Boujut est critique de cinéma depuis quatre décennies. Peut-être aurait-il pu s'éteindre en Kabylie il y a un demi-siècle ? L'histoire d'une (re)naissance, voilà ce qui nous est conté. Et bien conté.

Roman d'éducation, roman de cinéma, roman historique, roman politique aux contours familiaux et intimes, roman d'une époque où la Bohème surréaliste égrenait ses derniers moments de gloire dans le 6ème arrondissement, roman d'une époque où jeunes citoyens engagés et intellectuels pouvaient encore se croiser sans le prisme d'un écran de télévision, le jour où Gary Cooper est mort part, a priori, avec de nombreux handicaps : c'est une autobiographie, avec tous les risques que cela comporte d'autant plus lorsque l'on touche à des sujets « politiques » (manque de décentration, tentation de refaire son Histoire à la sauce “chevalier blanc”), ainsi que le roman d'une époque, d'un refus, d'un antimilitarisme franc, assumé et jusqu'au-boutiste. Par-dessus le marché, conter l'éveil et l'émerveillement face à l'art, sa découverte et les chemins de traverse qu'il fait prendre à notre esprit pouvait être le prétexte à toutes les nostalgies, toutes les emphases, toutes les niaiseries que l'on aurait été en droit d'attendre si Michel Boujut avait été un vieux barbon persuadé d'entreprendre un projet littéraire par le pire des conseillers : l'âge.

Vous l'aurez compris, à quelques rares exceptions près, le critique devenu auteur évite bien des embûches, malgré un dommageable fléchissement dans les derniers chapitres du livre, où la plume délaisse le récit au profit de la nostalgie et de l'admiration de quelques autres courageux déserteurs ou encore pour le rappel absolument inutile de la poursuite de l'engagement antimilitariste et de son refus de l'ignominie algérienne aujourd'hui encore. Qui en douterait ? A quoi bon rompre la dynamique de l'ouvrage pour conter cet ultime fait d'armes ? Heureusement, à l'exception des chapitres 36 et 38 donc, ainsi que de quelques facilités d'écritures et/ou artifices littéraires un peu trop voyants qui empêchent la saine cohabitation de l'histoire et de l'Histoire, Michel Boujut trouve un touchant et brillant équilibre construit sur trois vertus. Deux vertus jumelles de l'éclatement, une vertu de la cohérence :

1) Une narration éclatée. le roman prend parfois des allures de récit de voyage tant l'enchaînement des chapitres, des rencontres, des films visionnés ne semble répondre qu'à une logique propre à l'auteur et dans laquelle le lecteur reste ballotté, mais avec plaisir. Ne sachant jamais si le chapitre suivant va être à dominante politique, familiale, cinématographique, culturelle, romantique (à une seule occasion, mais quelle occasion !), où tout simplement chronologique face à l'action, navigant dans un nouveau monde dont il explore de nouvelles contrées à chaque page, le lecteur se retrouve à la confluence d'un patchwork dont toutes les morceaux de tissus s'agrègent sur une toile de fond que, par le truchement d'un jeu de mots facile, on appellera toile de cinéma : tous figurants dans cette grande aventure où seule l'enfance de l'art sort véritablement grandie… On pourrait conseiller le Jour où Gary Cooper est Mort à un ami féru de cinéma, mais aussi à un autre féru de politique, à un autre féru de drames, etc.

2) Un personnage éclaté. Il est remarquable, qu'à part aux rares exceptions susmentionnées, que l'auteur/personnage principal ait réussi à donner au lecteur l'impression que rien n'est prémédité dans son comportement. Histoire de vrais/faux hasards où la cuisine – la préparation des évènements, fuites, décisions – nous est toujours soigneusement cachée, le personnage principal semble errer dans un décor aussi réel qu'évanescent dans lequel il évolue non pas par lui-même, mais par l'Autre, qu'il soit humain ou écran. S'en suit une curieuse impression de picaresque dans une oeuvre dont la sincérité n'exclut jamais (ou presque) la légèreté. On pourrait conseiller le Jour où Gary Cooper est Mort à un ami partant en villégiature à la plage.

3) Un amour fou du cinéma. le plus grand tour de force du roman reste, finalement, de déclarer dans un roman l'amour pour un art sans tomber dans le piège du catalogue, de l'emphase, etc. ; distillant avec sagacité des réflexions que tout cinéphile –ne serait-ce qu'occasionnel – ne peut que s'être faites (ou du moins posées), l'auteur reste néanmoins dans la posture du découvreur, du complice, et jamais du professeur. On en oublie qu'il s'agit d'un livre écrit par un éminent critique tant ce dernier pourrait être notre voisin de salle obscure… On ne pourrait que conseiller le Jour où Gary Cooper est Mort à un ami cinéphile, bien évidemment (vous aurez compris que cela est le cas de l'auteur de ces quelques lignes)

En effet – et pour conclure – tous les éléments symboliques de l'acte cinématographique du point de vue du spectateur écument les pages de ce livre aussi sérieux qu'en apesanteur : la place accordée à l'obscurité, ce moment magique où la lumière se tamise jusqu'à être engloutie par les premières lueurs du projecteur et images de la pellicule ; la corrélation cinéma/clandestinité qui fait de la salle et du film le plaisir le plus secret, intime et personnel qui soit ; mais surtout, ces quelques lignes, distillées ça et là qui décrivent parfaitement cet état extatique dans lequel vous laisse un « grand » film – non pas par sa réputation, mais par l'émotion qu'il vous transmet ; cet état végétatif, de vide, de rêve éveillé dans lequel vous déambulez dans un Paris désert même en heure de pointe ; cet état et ce monde extérieur dans lequel les automobiles glissent et les piétons se figent, dans lequel les arbres se penchent sur votre passage et les gouttes s'arrêtent devant votre visage : cet état dans lequel tout, mais alors tout est possible lorsque la communion emmène le spectateur comme le film vers des réflexions et des ressentis dont l'un, comme l'autre, sortiront grandis. Rien que pour cela : bravo. Et bonne lecture à vous.

T.M.
Lien : http://madamedub.com/WordPre..
Commenter  J’apprécie          41
J'aimais beaucoup Michel Boujut comme critique cinéphile (il fut aussi le producteur avec Claude Ventura et Anne Andreu du cultissime magazine de ciné "Cinéma, cinémas" avec ces fameuses portes qui s'ouvrent sur des répliques de films) et bien ce magnifique récit confirme la qualité de sa plume.
Le 13 mai 1961 date de la mort de Gary Cooper, le jeune Boujut décide l'insoumission et va se cacher dans les salles obscures de la capitale. de là naitra sa passion du 7ème art. Il ne déserte pas par peur mais par conviction.
Boujut entre ces coups de coeurs cinéphiles et littéraires explique ce choix délibéré de montrer son désaccord avec une guerre qui ne dit pas encore son nom.
Passionnant, touchant, un récit qui va droit au coeur avec la sensibilité d'un homme ayant choisit d'aller au bout de son idéal.
Commenter  J’apprécie          142
Le jour où Gary Cooper est mort, le jour où le cinema perd une de ses stars, l'armée française perd l'un de ses soldats. Ce soldat qui déserte c'est Michel Boujut, futur écrivain et critique de cinéma qui ne veut pas se battre en Algérie, cette sale guerre, enfin cette guerre tout court à laquelle le jeune charentais ne veut pas participer en hommage à son grand père, mort en 1914, et à son père prisonnier dans un stalag près de 30 ans plus tard.

Il s'en suit un court récit où l'auteur se remémore les quelques semaines qui ont suivi cette décision qui changera à jamais sa vie. L'époque est encore aux idéaux. L'idée de résistance n'est pas encore une marque déposée. de vrais hommes révoltés sont encore là pour montrer le chemin. Et c'est ce chemin clandestin que va suivre le jeune Boujut où il croisera quelques figures intellectuelles. Un chemin qu'il faut arpenter à l'ombre. Et quoi de mieux qu'une salle de cinéma pour disparaître dans l'obscurité, ne pas éveiller les soupçons policiers et occuper son temps dans l'attente du laissez-passer vers l'Allemagne ou la Suisse, vers la liberté des idées. Paradoxe que cette salle de cinéma à la fois lieu de refuge mais aussi et surtout lieu d'évasion. Car en croyant hypothéquer son avenir au nom de ses idéaux, le jeune Boujut va, au contraire, trouver sa voie dans ces petites salles obscures sans (mega) complexes. Il faut dire que la période est fertile. le bougre a de la chance, les chefs-d'oeuvre sont légions : La soif du mal, le bal des maudits, La Dolce vita, les débuts de Cassavetes etc. et des rencontres aussi comme avec cette femme affichant la nuit de chasseur au-dessus de son lit. Comment ne pas aimer le cinéma après ça et comment ne pas vouloir ne plus quitter les salles obscures où règne l'insouciance ?!

Il est tout de même regrettable que le récit de Boujut reste un peu trop en surface, ne nous plonge pas un peu plus dans cette époque, il y avait là de quoi faire tout un roman. Néanmoins on comprend que l'auteur voulait avant tout conter une fois pour toute son histoire. Dommage simplement qu'il l'ait fait un peu trop vite...
Commenter  J’apprécie          60
Le 13 mai 1961, Michel Boujut arrive à Paris par la gare d'Austerliz. A la une des journaux, il découvre la mort de Gary Cooper, survenue la veille à Hollywood.
Michel Boujut, déjà fan de cinéma, n'oubliera jamais ce jour qui marque le début de sa désertion de l'armée, où il effectuait son service militaire, à la veille de son départ vers l'Algérie. Avant de rallier l'Allemagne puis la Suisse, il profite de son séjour dans la capitale pour se réfugier dans les salles obscures du Quartier Latin, afin d'échapper aux contrôles et de passer le temps. Il découvre des chefs-d'oeuvre et des nanars, des films américains, suédois, italiens, français. Il rencontre des intellectuels et des militants qui le soutiennent dans sa décision de ne pas participer à la guerre d'Algérie et qui l'aident dans sa fuite vers l'étranger.

Je connaissais Michel Boujut grâce à ses émissions sur le cinéma mais j'ignorais tout de cette période de sa vie et de son statut d'insoumis. J'ai trouvé beaucoup d'intérêt dans ce témoignage.
Michel Boujut évoque son grand-père, mort aux combats pendant la Grande Guerre et son père, fait prisonnier en 1940 et qui ne rentra chez lui que quatre ans plus tard. Il raconte sa prise de conscience, l'évolution de sa réflexion, son plan bâti minutieusement : profiter de ses quelques jours de permission pour prendre le large.
Le sujet est grave mais jamais pesant car l'auteur alterne les courts chapitres, passant des expériences de ses parents et grand-parents à ses souvenirs cinématographiques et aux étapes de sa cavale. Il nous livre ses impressions à propos des films qu'il voit ou qu'il a vus, fait partager les instants d'une passion pour le cinéma qui l'habite toujours.
Commenter  J’apprécie          30
Michel Boujut devait sentir que le film de sa vie arrivait à son terme quand il se décida enfin à en présenter les grandes lignes et les faits marquants dans ce petit livre particulièrement précieux en ce qui me concerne. J'ai découvert l'auteur à travers ses remarquables critiques cinématographiques qu'il distillait intelligemment sur les ondes de France Culture. Il suffisait qu'il donne sa bénédiction à un film pour que j'aille le voir sur le champ. Sa mort m'a beaucoup touchée, mon père en cinéma n'était plus.
Ce livre est donc un retour sur les jeunes années de l'auteur et un travail de mémoire. Boujut parle de sa rencontre avec le cinéma quand il passait ses journées planqué dans les salles obscures du Quartier latin en attendant de pouvoir prendre la fuite et échapper ainsi au départ pour l'Algérie.
Cet amour n'est pas seulement lié à un art et aux oeuvres projetées, il s'est construit autour des lieux. Une salle de cinéma était pour Michel Boujut plus qu'un lieu culturel, c'était un refuge.
Commenter  J’apprécie          11

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Qu'ai-je retenu de la projection au Bonaparte ? Qu'a-t-elle fait remonter en moi ? Le romantisme des maquis, l'amour fou, la révolte. Tout ce qui me vient du surréalisme, l'école de mon adolescence avec ses mots d'ordre si fiers et foudroyants. Je sais aujourd'hui que le souvenir des films compte au moins autant que les films eux-mêmes, puisque notre relation avec eux est de l'ordre de l'intime. Ils nous regardent, comme nous les regardons. Ils nous prennent par la main et nous consolent, nous accompagnent comme nous les accompagnons. Ils grandissent ou s'éloignent. Mais ils nous appartiennent, ils font partie de notre vie. Jordan et Maria, je les serre toujours contre mon coeur.

Commenter  J’apprécie          71
Un jour, à Berlin, je converserai avec Wim Wenders ...
Un échange sur les images, justement. Et sur leur morale. Elles furent un refuge pour notre génération, prétendait-il, peut-être sont-elles en train de devenir une prison. Les images nous cernent et nous empêchent de voir.
Commenter  J’apprécie          180
Au fil de ces "quinze jours ailleurs" qui m'ont fait cinéphile, les films m'ont accueilli, étreint, réconforté, délivré, oxygéné, soulevé, emporté haut et loin, forgeant durablement mon imaginaire.
Commenter  J’apprécie          211
Il le sait maintenant : le cinéma est son pays. C'est important un pays, surtout pour qui va quitter le sien.
Commenter  J’apprécie          200
Tant que les Mollet et Lacoste dirigeront le parti, un honnête homme, je ne dis même pas un révolutionnaire, un simple honnête homme, ne pourra plus s'associer à leur criminelle hypocrisie. Prends en bonne note.(...) J'ai même attendu trop longtemps pour t'envoyer ma démission. Le parti socialiste est mort, je ne reste pas avec les cadavres. Ca pue.
Commenter  J’apprécie          31

Videos de Michel Boujut (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Boujut
Journaliste cinéphile, écrivain et producteur de la légendaire émission Cinéma Cinémas sur Antenne 2, Michel Boujut est une voix – celle qui parle si bien du cinéma – et une plume – celle qui raconte avec brio l’aventure du septième art. Michel Boujut est aussi un Suisse adoptif, puisqu’il a partagé pendant plusieurs années le travail pionnier de la Télévision romande, en compagnie de ceux qui allaient marquer le cinéma suisse des années 1960 et 1970, Tanner, Soutter, Goretta et les autres.
autres livres classés : cinemaVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (29) Voir plus



Quiz Voir plus

Livres et Films

Quel livre a inspiré le film "La piel que habito" de Pedro Almodovar ?

'Double peau'
'La mygale'
'La mue du serpent'
'Peau à peau'

10 questions
7105 lecteurs ont répondu
Thèmes : Cinéma et littérature , films , adaptation , littérature , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}