Quand on porte le prénom d'une muse
De Lamartine et que l'on descend en ligne directe des industriels du Creusot la famille Schneider, il est tentant d'écrire sur les deux hommes qui ont marqué le 19ème siècle par leurs parcours différents mais profondément complémentaires.
Lamartine représente la poésie bien sûr et le romantisme à son apogée, mais c'est aussi un digne représentant de l'aristocratie foncière d'ancien régime qui dédaigne le travail et mène grand train malgré des dettes colossales. Idéaliste et soucieux du bien public, son engagement dans l'éphémère 2ème république témoigne des idées généreuses qu'il a soutenues avec éloquence telles le suffrage universel.
Eugène Schneider représente la bourgeoisie triomphante qui a permis la révolution industrielle et l'essor de la technique. Tout entier voué aux célèbres forges du Creusot, il a régné comme un patriarche sur une ville d'ouvriers avant d'accéder aux premiers cercles du pouvoir à la faveur du Second Empire. La famille a traversé les troubles de la guerre, de la défaite et de la Commune pour se reconstruire et diversifier ses activités.
La vie romancée de ces deux personnages est émaillée de détails historiques précis et racontée de façon enlevée, à la manière d'un roman.
La lecture est intéressante même si on est parfois déstabilisé par le manque de linéarité du récit qui saute allègrement les années, voire les décennies pour ensuite revenir en arrière à la faveur d'une nouvelle thématique.
Ce livre illustre agréablement une page d'histoire et une époque troublée où les régimes et les dirigeants se succèdent et où le peuple commence à espérer un avenir meilleur. C'est la fin d'un monde où les idées pouvaient encore prétendre à une vigoureuse expression avant que la réaction féroce ne contraigne les esprits épris d'idéal à rentrer dans le rang.
Même si la tendresse de l'auteur pour "ce grand étourdi
De Lamartine" comme elle le qualifie si bien, reste indéniable, le jugement qu'elle porte sur son ancêtre Schneider est tout aussi respectueux car la détermination à toute épreuve dont il a fait preuve tout au long de sa vie ne peut que forcer l'admiration.
Ce livre est une belle découverte et ne peut qu'engager à relire "
l'Education Sentimentale" de
Flaubert qui a si bien décrit la Révolution de 1848.