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EAN : 9782070293629
52 pages
Gallimard (13/01/1976)
3.86/5   11 notes
Résumé :
Une note liminaire placée dans le recueil relève la teneur de celui-ci : « Ce siècle a décidé de l'existence de nos deux espaces immémoriaux : le premier, l'espace intime où jouaient notre imagination et nos sentiments ; le second, l'espace circulaire, celui du monde concret. Les deux étaient inséparables. Subvertir l'un, c'était bouleverser l'autre. Les premiers effets de cette violence peuvent être surpris nettement. Mais quelles sont les lois qui corrigent et red... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je viens de relire plusieurs fois ce court recueil de poèmes de René Char, écrits entre 1972 et 1975, et que j'avais oublié depuis des années dans ma bibliothèque.
Une redécouverte émerveillée de ces 22 poèmes, de leur force si spécifique à Char, et qu'on n'avait pas connu, je trouve, depuis Rimbaud.
Et surtout, cette fois, de leur cohérence en un ensemble dominé par la Constellation d'Orion.

Le préambule nous donne quelques indications. le voici:
« Ce siècle a décidé de l'existence de nos deux espaces immémoriaux : le premier, l'espace intime où jouaient notre imaginaire et nos sentiments ; le second, l'espace circulaire, celui du monde concret. Les deux étaient inséparables. Subvertir l'un, c'était bouleverser l'autre. Les premiers effets de cette violence peuvent être surpris nettement. Mais quelles sont les lois qui corrigent et redressent ce que les lois qui infestent et ruinent ont laissé inachevé ? Et sont-ce des lois ? Y a-t-il des dérogations ? Comment s'opère le signal ? Est-il un troisième espace en chemin, hors du trajet des deux connus ? Révolution d'Orion ressurgi parmi nous. »

Révolution comme mouvement de la constellation dans le ciel et comme bouleversement du monde.
Les poèmes mettent subtilement en toile de fond Orion et Artémis, à la fois par des incipits décrivant le mouvement d'Orion dans le ciel nocturne, par une évocation de la légende du géant Orion tué par mégarde par Artemis qui, pour conserver son souvenir, le transformera en astre, par une autre de l'armoise, Artemisia vulgaris, la plante d'Artémis.
Les aromates chasseurs ce sont, bien entendu, Artemis la chasseresse et Orion, le chasseur.

Mais à l'avant de tous ces poèmes, c'est le constat pessimiste d'un monde brisé par tous les totalitarismes, et le chagrin ressenti par Char, «l'homme révolté » ami de Camus , le résistant de la seconde guerre mondiale, chagrin dont il dit : « Je voudrais que mon chagrin si vieux soit comme le gravier dans la rivière: tout au fond. Mes courants n'en auraient pas souci. »

Un pessimisme, qui résonne souvent avec nos préoccupations actuelles, traverse beaucoup de poèmes, qu'il s'agisse de l'obsession de la croissance, de la soumission à la technique, cette « science action » comme il l'a nommée, la régression des idées et des savoirs, les soi-disant progrès humains en désaccord avec les lois de la nature, des dieux que l'homme s'invente: « Nuls dieux à l'extérieur de nous, car ils sont le fruit de la seule pensée qui ne conquiert pas la mort »
Mais, chez Char, pas de résignation, au contraire une lutte contre « la subordination ou la terreur, puis les deux à la fois, le totalitarisme vers quoi tout converge », et il convoque les artistes qu'il aime, Rodin, Poussin, De Staël dont il était l'ami.

La troisième voie que Char propose, c'est celle de la simplicité, celle d' « un bouquet de thym en décembre », de l'art et surtout de la poésie, qui peuvent nous sauver.
Poésie comme Orion parmi nous.
« Orion,
Pigmenté d'infini et de soif terrestre
………………………………………………………..
Se plut avec nous
Et resta »

Je n'en dis pas plus, il faut se laisser prendre par la beauté et la puissance de ces textes.
Char n'aurait pas aimé, lui qui était heurté par les critiques littéraires dont il disait « ils nous pétrifient, ils nous momifient »
Et qui disait: « La poésie ne se laisse pas saisir. Quand elle nous veut, elle est, par essence, indescriptible. »

Je laisserai une autre poétesse sublime, Andrée Chedid, parler à ma place:

« Traversant les territoires du souffle
La poésie ne thésaurise rien.
Nulle empreinte n'ossifie son essor
Nul usage ne pétrifie sa flamme.
Elle insuffle son et sens
Dans les parcelles du monde.
Disant sans vraiment dire,
Elle ravive le désir.
Multipliant les signes
Elle demeure à l'avant. »

Oui, c'est cela la poésie de René Char, la poésie tout court.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Aromates chaseurs


Orion à la Licorne


Je voudrais que mon chagrin si vieux soit comme le gravier dans la rivière : tout au fond. Mes courants n'en auraient pas souci.

Maison mentale. II faut en occuper toutes les pièces, les salubres comme les malsaines, et les belles aérées, avec la connaissance prismatique de leurs différences.

C'est quand on ne s'y reconnaît plus, ô toi qui m'abordas, qu'on y est.
Souviens-t'en.

La foudre libère l'orage et lui permet de satisfaire nos plaisirs et nos soifs.
Foudre sensuelle! (Hisser, de jour, le seau du puits où l'eau n'en finit pas de danser l'éclat de sa naissance.)

II y eut le vol silencieux du temps durant les millénaires, tandis que l'homme se composait. Vint la pluie, à l'infini; puis l'homme marcha et agit. Naquirent les déserts; le feu s'éleva pour la deuxième fois. L'homme alors, fort d'une alchimie qui se renouvelait, gâcha ses richesses et massacra les siens. Eau, terre, mer, air suivirent, cependant qu'un atome résistait. Ceci se passait il y a quelques minutes.

Détesté du tyran quel qu'en soit le poids. Et pour tout alpage, l'étincelle entre deux flammes.

Il arrive que des actions légères se déploient en événements inouïs. Qu'est-ce que l'inepte loi des séries comparée à cette crue nocturne?

Hors de nous comme au-delà de nous, tout n’est que mise en demeure et croissance menacée. C’est notre désespoir insurgé, intensément vécu, qui le constate, notre lucidité, notre besoin d’amour. Et tant de conscience finit par tapisser l’éphémère. Chère roulotte !

Le présent-passé, le présent-futur. Rien qui précède et rien qui succède, seulement les offrandes de l’imagination.

Nous ne sommes plus dans l’incurvé. Ce qui nous écartera de l’usage est déjà en chemin. Puis nous deviendrons terre, nous deviendrons soif.
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Lombes

Orion traverse à la nage l’Eridan et connaît l’Hydre


Quelle barbarie experte voudra bien de nous demain? Savoir que ce qui existait avant nous se trouve à présent devant, comme au jardin d’hiver une orchidée saignante, par césarienne.

Entre télescope et microscope, c’est là que nous sommes, en mer des tempêtes, au centre de l’écart, arc-boutés, cruels, opposants, hôtes indésirables.

Échec de la philosophie et de l’art tragique, échec au seul profit de la science-action, la metteuse en œuvre, devenue, la gueuse à son fait-tout, sous ses visages meurtriers et ses travestis, le passeur de notre vie hybridée, affaire triviale.

Il y a ceux qui ont bu l’eau de la baignoire de Marat et nous qui avons frissonné à l’horizon de Saint-Just et de Lénine. Mais Staline est perpétuellement imminent. On conserve avec égards la mâchoire d’Hitler. Qu’est ce qui détournera notre corps du laser pellagreux? O inconvenante justesse affrontée à une mer emplie de jusquiame!

Ronger est l’un des rares verbes qui puisse se conjuguer par une complète obscurité. Quelle excellence sous le travail empressé de la dent! Et comme l’objet pelé a lieu de se féliciter! Il ronronne de contentement. Ronger c’est ritualiser la mort.

La subordination ou la terreur, puis les deux à la fois, le totalitarisme vers quoi tout converge: l’anneau nuptial du désert, les jeux sinistres, la pause punitive…Aveugles, ne pissez pas sur le vers luisant; seul entre tous il se hâte.

Une science autoritaire se détache du groupe de ses sœurs modestes et brocarde le prodige de la vie dont elle tire une monnaie de leur. Toujours l’idée avilissant l’objet. La bête est devenue fabuleuse et spumeuse…

L’homme à l’homme identique, dans une condition granulaire, c’est le spectre que le matérialisme, après l’idéalisme, exhorte à la durée. Soit l’esclave identique à l’esclave dans une condition sans cesse moins blutée.
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Ce bleu n’est pas le nôtre


Orion au Taureau

Nous étions à la minute de l'ultime distinction.
Il fallut rapatrier le couteau.
Et l'incarnat analogique.

Peu auront su regarder la terre sur laquelle ils vivaient et la tutoyer en baissant les yeux.
Terre d'oubli, terre prochaine, dont on s'éprend avec effroi.
Et l'effroi est passé...

À chacun son sablier pour en finir avec le sablier.
Continuer à ruisseler dans l'aveuglement.

Qui délivrera le message n'aura pas d'identité.
Il n'oppressera pas.

Modeler dans l'apocalypse, n'est-ce pas ce que nous faisons chaque nuit sur un visage acharné à mourir ?

Un outil dont notre main privée de mémoire découvrirait à tout instant le bienfait, n'envieillirait pas, conserverait intacte la main.

Alors disparurent dans la brume les hommes au petit sac.
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SOUS LE FEUILLAGE

Frapper du regard, c'est se dessiner dans les yeux des autres, y découvrir leurs traits modifiés auprès des nôtres, mais pour ombrer notre ceinture de déserts.
Celui qui prenait les devants s'appuya contre un frène, porta en compte la récidive de la foudre, et attendit la nuit en désirant.
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Evadé d’archipel


Orion,
Pigmenté d'infini et de soif terrestre,
N'épointant plus sa flèche à la faucille ancienne,
Les traits noircis par le fer calciné,
Le pied toujours prompt à éviter la faille,
Se plut avec nous
Et resta.
…………………………………………
Chuchotement parmi les étoiles.
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Videos de René Char (57) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de René Char
Les grands classiques du répertoire N°1 : René Char. “Claire”, suivi de “Fêtes des Arbres et du Chasseur” - Première diffusion sur la Radiodiffusion-Télévision Française : 14/05/1955. Réalisation : Alain Trutat. Musique originale : Pierick Houdy. Chef d'orchestre : Pierre Michel Le Conte. Avec Jacqueline Pagnol, Pierre Vaneck, Roger Blin, Madeleine Sylvain, Jean Mauvais, Pierre Leproux, Gaetan Jor, Jean-Jacques Morvan, Jean Péméja, Roger Pigaut, Jean Topart, Paul Emile Deiber, Lucienne Bogaert, Pierre Larquey, Michel Dumur, Catherine Goetgheluck. Et Cyril Dives à la guitare et l’Orchestre National de la RTF. “Claire” Dans cette suite, René Char suit le cours d’une rivière à laquelle il donne le nom familier de Claire. Il imagine que dans les villages et les lieux qu’elle traverse vivent, participant de l’existence de tous, des jeunes filles et des jeunes femmes appelées également Claire. Mais elles ne sont que des personnifications vivantes de la rivière elle-même. Claire est celle que le poète attend, la “Rencontrée” qui seule lui permet de chasser ses fantômes et de continuer à vivre. Claire est une et plusieurs, toutes celles qui “aiment, rêvent, attendent, souffrent, questionnent, espèrent, travaillent”. À travers les personnages d’un chef d’opérations dans le maquis puis d’un chargé de mission de la Résistance, ce sont ses propres contradictions qu’interroge le poète des “Feuillets d’Hypnos”. Dans “Claire”, il poursuit sous une forme dramatique son analyse à la fois poétique et politique du réel, avoue ses déceptions face à l’hostilité d’un monde qui aurait dû changer et s’est reconstruit, étranger à cette espérance. “Fêtes des Arbres et du chasseur” Poème pour voix et guitare. Deux joueurs de guitare sont assis en plein air dans l’attente du chasseur. Ils échangent des poèmes. Thèmes : Création Radiophonique| Radiodiffusion-Télévision Française| Grands Classiques| Poésie| France Culture| René Char
Source : France Culture
+ Lire la suite
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