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EAN : 9782070139354
336 pages
Gallimard (16/11/2012)
3.89/5   23 notes
Résumé :


«Tout s'est joué durant la classe de rhétorique, quand je débarquai de la riante Amérique, au milieu des années soixante, et découvris l'un des établissements sévères où la vieille France instruisait ses futurs chefs. Je grandirais encore, mais je ne changerais plus. Du moins je vis sur cette illusion, comme si j'étais resté le même par la suite.

Mon idée de ce pays était faite, mon sens de l'autorité et de l'indiscipline, de l'honneu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Vivant et intelligent récit d'une adolescence en internat militaire, par un très grand lettré.

Publiée en 2012, « La classe de rhéto » n'est que la troisième fiction en 34 ans du polytechnicien docteur en lettres et professeur de littérature au Collège de France, formidable lecteur, entre autres, de Montaigne, de Baudelaire ou de Proust, qu'est Antoine Compagnon.

Revisitant sa jeunesse en revendiquant clairement un droit à l'imperfection du souvenir et au possible anachronisme, l'auteur se remémore l'année 1965, celle de sa classe de première (« rhéto ») au Prytanée Militaire de la Flèche, lycée militaire historique aux lointains ancêtres jésuites qui enseignèrent à Descartes, année qu'il parsème d'anecdotes et de réflexions issues d'avant et d'après.

Servi par une immense culture, une jolie réflexivité et une honnêteté intellectuelle rarement égalée, ce récit saisit à la fois un moment d'adolescence, bien particulier, dans le cadre potentiellement féroce d'un internat « pur et dur » à l'époque (le Musil de « Törless » comme le Vargas Llosa de « La ville et les chiens » sont nécessairement dans le paysage), et un instant de politique et de sociologie également bien spécifique, trois ans après la fin de la guerre d'Algérie, en pleine « gestion » gaullienne du profond clivage apparu à cette occasion au sein de la caste militaire.

Au prix de quelques subtiles digressions, l'auteur parvient à rendre compte avec une réelle finesse (ô combien plus intelligemment que le trop brut « Les petits soldats » de Yannick Haenel (1996), auteur passé, très brièvement toutefois, dans les années 80, par la même expérience (dé)formatrice qu'Antoine Compagnon) de l'alchimie qui peut se produire et - bien souvent – se produit dans ces coeurs et ces cerveaux scolaires d'élite (même exposés, comme à l'époque, au « déclassement » suivant un changement de paradigme socio-scolaire), plongés dans un cadre si particulier au moment où, partout ailleurs ou presque, bouillonne une énergie tous azimuts qui, ici, ne trouve que bien peu de pistes sur lesquelles agir…

Utilisant avec retenue et aussi avec mansuétude le « surplomb » que lui procure nécessairement son parcours et son âge désormais un rien avancé (Antoine Compagnon fêtait ses 62 ans en 2012), il saisit aussi avec brio l'évolution socio-politique de l'armée, et son impact sociologique sur les « troupes », corps de sous-officiers tout férus de méritocratie républicaine comme corps d'officiers ayant encore gardé un je-ne-sais-quoi de dynastique et d'aristocratique, au moment où se traduit dans les faits la grande mutation de l' « armée coloniale » humiliée et fracturée vers l' « armée technicienne » accompagnant la dissuasion française et gaullienne, appuyée sur ses bataillons croissants d'ingénieurs diplômés qui commencent tout juste à naître à l'époque du récit.

À titre personnel (et sans doute pour quelques amis qui se reconnaîtront), il est particulièrement intéressant et, à bien des moments, émouvant voire poignant, de mesurer, au quotidien du roman, ressemblances et différences, persistances de langage et évolutions de sens, tant dans le décor et le contexte que dans le ressenti de ces lycéens un peu spéciaux, avec le Prytanée de dix ans plus tard, ou plus exactement quinze ans plus tard (ma propre classe de première en ces lieux datant de 1980-81).

Une lecture toujours captivante, servie par une rare intelligence et une impressionnante honnêteté dans l'appréciation des faits, des situations et des impressions.
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Souvenirs d'une classe de 1ère, dans un collège militaire à l'ancienne (Prytanée National Militaire) en décalage avec son temps, où la vie est préservée des influences extérieures par les murs de l'école, le calme d'une petite ville de province et la tradition militaire séculaire.

Dans les années 65, c'est aussi la fin d'une époque pour la France et son armée, que raconte l'auteur qui a passé 4 ans dans ses murs.

Difficile adaptation pour un adolescent, fils d'officier général, vivant jusque là entouré de sa famille en France et aux USA, que de se retrouver, suite au décès de sa mère, parachuté à l'internat au milieu d' Anciens, présents au collège depuis parfois plusieurs années et qui ont oublié la vie de famille.

C'est donc un oeil neuf et critique que l'auteur porte sur un environnement qu'il lui paraît fruste et hors du temps et dans lequel il va néanmoins s'intégrer parfaitement tout en restant conscient de ses limites.

Intéressant et intrigant.
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La classe de rhétorique est la classe de première. En 1965 l'auteur intègre une école militaire prestigieuse, aux règles très strictes, au confort d'un autre siècle et aux officiers désoeuvrés, dont les carrières se sont arrêtées net suite à la décolonisation.
C'est l'histoire d'une prise de conscience. Confronté à cet univers, où chaque jour semble lui apporter la preuve que le corps de l'armée n'est plus en phase avec son époque, le narrateur ne peut que se rebeller et se détourner du métier des armes. Lui, fils et petit-fils d'officiers supérieurs, ne suivra pas leur chemin.

Cette évocation par épisodes, épousant les méandres de la mémoire, avec de nombreux retours dans le temps, avec de très vivants portraits de camarades et de profs, des questionnements à chaque page - c'est tout le contraire d'une plaidoirie. C'est un terrain mouvant où rien n'est acquis.
Sur certaines pages, l'auteur retrouve l'innocence de l'adolescent d'autrefois, « l'éternel bizut tombé des nues » ; la référence à L'Attrape-coeurs de Salinger est bien à sa place.
La configuration sociologique est également très réussie –tout un microcosme en vase clos, le bahut.

Extraits :
« En quelques mois, j'avais perdu l'usage du monde, le sens des choses de la vie. le bahut était une société à part, un univers en soi, qui s'emparait de vous, vous happait, et auprès duquel l'autre monde perdait toute raison d'être au point que vous ne vous y sentiez plus à votre place. »

« L'adjudant-chef du service des sports [ ] remâchait son amertume. [ ] Il vomissait la ‘grande Zorah', comme il appelait le général De Gaulle, si bien que le meilleurs des ñass – les pauvres types, les malchanceux, suivant le diminutif à la fois dérisoire et affectueux [ ] par lequel les élèves désignaient leur race élue, ou maudite – ne savaient plus sur quel pied danser. [ ] Il n'y avait pas plus antimilitariste qu'un ñass désillusionné. [ ] Si, par indolence ou par manque d'imagination, il suivait quand même le voie tracée depuis toujours, s'il était reçu à Saint-Cyr ou à Saint-Maixent, il nous revenait au 2S avec la boule à zéro pour fêter Austerlitz, de nouveau remonté à bloc, fou de baroud. »
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A la mort de sa mère, le narrateur, fils de général d'armée français, se voit envoyé dans un internat militaire pour y faire sa rhéto. Lui qui avait bourlingué en Angleterre, aux Etats-Unis, en Tunisie et ailleurs, se voit enfermé dans cet établissement du Mans avec d'autres fils de militaires, abrutis par la discipline et dénués de toute curiosité intellectuelle. Nous allons l'accompagner tout au long de cette année scolaire particulière, depuis le bizutage jusqu'à la remise des prix, en passant par les amitiés, les chahuts, les cours, les perm' en famille... Mais comme la mémoire est facétieuse, c'est toute une époque et même une vie qui nous est contée ici. On plonge dans la petite enfance rythmée par les changements d'affectation du père, on se promène dans la fin des années 60 aux côtés des anciens condisciples, et même bien plus tard, pour retrouver l'un ou l'autre membre de la bande du grand Crep's.

On s'interroge sur le côté autobiographique du récit. L'auteur est effectivement passé par ces écoles militaires à cette époque mais pourquoi donner le nom de Marcel au narrateur s'il s'agit de mémoires ? La réponse se trouve peut être dans l'épilogue où l'auteur nous précise que le temps a fait son office, que les souvenirs sont en partie recomposés et qu'il a refusé de consulter d'anciennes lettres ou journaux pour en vérifier l'exactitude. Quoi qu'il en soit, on y croit ! On sentirait presque le froid des gogues au fond de la cour, la rudesse des draps du dortoir, l'odeur d'humidité de la caserne. On est transporté dans la France de De Gaulle et on assiste aux changements de la société d'après-guerre dont ces internes sont tenus à l'écart. L'armée et la guerre s'en prennent plein les gencives, les politiques et les profs également.


On se rend compte que le décor et l'époque importent peu, les amitiés adolescentes ont toujours une saveur particulière, un petit goût de rébellion, d'excès et d'interdit, une certaine ambiguïté qui marque le coeur. Et c'est aussi cela qui fait le charme du livre de Compagnon.
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Un livre fin et réfléchi, un captivant retour sur soi et sur une époque passée, une tranche de sociologie de l'armée en pleine transformation de la fin de l'empire colonial.
Effet d'étrangeté (cependant) causé par la déclaration répétée d'appartenance au groupe des mauvais garçons, pour un homme dont l'image est celle d'un si brillant étudiant puis universitaire. Les ombres sont nombreuses, comme le précise le rédacteur de l'épilogue.
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critiques presse (3)
Telerama
05 décembre 2012
Cette Classe de rhéto est un beau récit de soi, qui tisse un moment de vie aussi lointain que proche.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
30 novembre 2012
Le tableau initiatique d'Antoine Compagnon est un témoignage sur un épisode clef de notre roman national : la fin du rêve impérial et la mue d'une armée de praticiens de la contre-guérilla en techniciens de la dissuasion.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Liberation
19 novembre 2012
Le récit qu’il publie à présent aurait pu, selon l’usage actuel, être étiqueté roman, tant la mémoire et l’imagination se font la courte échelle afin de reconstituer l’ordinaire d’un lycée militaire.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Au bahut, la plupart des élèves n’avaient de passion pour rien, ou bien s’ils avaient une admiration, ils la gardaient secrète pour qu’elle ne fût pas profanée par la collectivité. L’internat avait privé la plupart des élèves de tout enthousiasme. L’un ou l’autre s’intéressait bien au modélisme ou à la philatélie, mais les tocades de ce genre évoluaient en manies de vieux garçon auxquelles j’étais peu sensible et qui même me répugnaient, telles des variantes licites de l’onanisme. Comme tous les gamins de l’époque, j’y avais été poussé autour de dix ou douze ans, après le Meccano, mais je les avais vite délaissées. J ‘aurais eu honte de glisser des timbres sous du papier cellophane dans un album ou de décorer des maquettes d’avion avec des pinceaux minuscules. Or j’avais rencontré en Petitjean un rare ñass qui fût fanatique de quelque chose d’avouable, qui avait un amour chevillé au corps, et qui savait le communiquer, qui pouvait être intarissable à son sujet : Petitjean était fou de cinéma, tenait obsessionnellement la liste de tous les films qu’il avait vus, achetait des revues de cinéphilie, à la fois Les Cahiers du Cinéma et Positif, parce que sa générosité naturelle excluait qu’il prît parti et que, de toute façon, les nuances de l’opinion parisienne lui échappaient encore.
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Pris au dépourvu, nous nous tenions au garde-à-vous au pied des lits tandis que nos gardes-chiourme farfouillaient dans nos affaires, remuaient des couvertures imparfaitement pliées, confisquaient des livres non signés, repéraient des brodequins mal cirés ou des boutons détachés, jetaient par terre des provisions de bouche interdites, et distribuaient généreusement les privations de sortie, voire les arrêts de rigueur. Le dernier trimestre de la rhéto commençait mal. Presque tous les dimanches, nous prenions part à la "balade des crantés", les privés de sortie que l'on promenait dans l'après-midi, sous bonne escorte, sur les coteaux de Saint-Germain-du-Val, pour leur faire prendre l'air.
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Pendant des mois, des années, nous étions entre nous, séquestrés entre hommes. Il nous manquait la moitié du monde. Entrés dans l'armée à dix ans (..) nous étions des mutilés psychiques, des tarés affectifs, certains plus que d'autres, mais pas un seul n'en sortirait indemne. On avait acquis pour toujours une certaine dureté sentimentale, une certaine rigidité mentale, contre lesquelles il fallait lutter sans cesse et pied à pied pour qu'elles ne reprennent pas le dessus. Tous mettraient longtemps à se rétablir et beaucoup ne se rétabliraient pas.
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Nous étions serrés sur la banquette arrière, moi entre mes deux sœurs, à califourchon sur l'arbre de transmission, dans la vieille 203 lie-de-vin à lunette plate et à plaques anglaises avec laquelle nous étions revenus de Londres et dont les essuie-glaces, au lieu de se mouvoir parallèlement comme dans les voitures modernes, pivotaient l'un vers l'autre, se rapprochaient au point se se toucher au milieu du pare-brise, au sommet d'un triangle que, juste devant moi, leur balayage n'entamait pas, puis s'écartaient, se repoussaient comme sous l'effet d'une antipathie aussi puissante que leur attirance antérieure, répétant à l'infini un ballet ou un duel dont le battement avait pour moi quelque chose d'inexplicablement voluptueux et me semblait imiter le rythme même de la vie, faite d'attraits et de répulsions, d'élans vers l'autre et de replis sur soi, de générosités et d'égoïsmes, si bien que, hypnotisé par leur oscillation ambivalente, leur corps à corps d'amants ou d'adversaires, je me racontais - à l'époque, il pleuvait toujours, en tout cas dès que nous prenions la route - des histoires d'amour et de guerre pendant toute la durée de nos voyages vers Bruxelles ou Compiègne.
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Dans les romans, on lit des phrases comme "Le sol se déroba sous ses pieds", ou "Le soleil s'assombrit et la terre cessa de tourner". Elles ont l'air idiotes, on aurait même honte de les avoir pensées, jusqu'au jour où elles disent exactement ce que l'on éprouve et qu'elles s'imposent à vous comme la seule manière d'exprimer votre émotion. Je tombai littéralement dans un précipice. Des années après, en revivant l'épisode pour l'écrire, je ressens le même vertige. Je pourrais dresser la liste des bouleversements analogues, cinq ou six tout au plus durant mon existence jusqu'ici, des chocs impréparés qui laissèrent à tout jamais de telles cicatrices : coup de téléphone m'apprenant la mort d'un être aimé, lettre de rupture me donnant la certitude du néant, échec professionnel me rendant insensible au monde entier.
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