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EAN : 9782020812542
358 pages
Seuil (26/01/2006)
4.2/5   10 notes
Résumé :
Le fou est l'exclu par excellence. Gênant pour le bon fonctionnement social, perturbant pour notre vision de la norme, le fou fait peur. Exilé... Enfermé... Pourtant, il appartient à l'humanité et l'interroge. Humain, si humain... Regards sur l'histoire, regards d'aujourd'hui... Comment notre époque fait-elle face au problème de la maladie mentale ? Quelles sont les finalités de la psychiatrie ? Quelles sont ses missions ? Quelle est la vision que nous avons aujourd... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il y a trois siècles, personne n'était fou. Normal, la folie n'existait pas comme catégorie nosographique et le fou se confondait avec le miséreux, le délinquant ou le sénile, quand on ne le foutait pas dans une nef qu'on envoyait à l'autre bout du monde. Trop classe comme idée. C'est un peu l'anticipation de l'invention de la chasse d'eau.


Et puis, y a eu l'invention de la folie avec le développement de la clinique, Pinel et tous les Charcot du monde classique. C'est Michel Foucault qui a décrit tout ça mais on revient souvent sur sa généalogie pour gloser, encore et encore, c'est jamais inutile surtout que son idée était intéressante, surtout avant d'être reprise à toutes les sauces.


Aujourd'hui, tout le monde est fou. En effet, pour le DSM-IV (pas le dernier), le score maximum (100) dans l'échelle d'évaluation de la santé mentale décrit un sujet dont les caractéristiques sont : « Un niveau supérieur de fonctionnement dans une grande variété d'activités. N'est jamais débordé par les problèmes rencontrés. Est recherché par autrui en raison de ses nombreuses qualités. Absence de symptômes ». C'est quelqu'un qu'on n'aimerait jamais connaître.


On retrouve encore la critique foucaldienne de la société moderne, comme quoi qu'on serait plus que des outils de production pour le capitalisme et que finalement, ce modèle teubé de la santé mentale n'est bon que pour la productivité et le maintien de l'ordre social.


Tout cela s'étaye sur plus de 300 pages au style journalistique, Michel Foucault ne s'évoquant qu'à la manière d'une référence purement théorique et non stylistique. Dommage. Comme le déplorait Jean Furtos, il n'y a plus guère de Deleuze, de Foucault ou de Guattari de nos jours, de gars qui réinventent le langage en même temps qu'ils nous donnent à voir le monde sous un nouvel angle. C'est-à-dire qu'on ne leur donne plus trop la possibilité d'exister peut-être. Dans quelques années (déjà maintenant ?) ce livre sera démodé car fondé presque exclusivement sur des statistiques qui changent tout le temps. Ça servira peut-être de témoignage historique sur ce qu'a inventé la psychiatrie de nos jours pour tenir liées ses contradictions entre une lointaine volonté de guérir et un impératif non avoué de garder entre des chaînes ceux qui menacent l'ordre social.
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COUPECHOUX, Patrick. Un monde de fou : comment notre société maltraite ses malades mentaux. Editions du Seuil, 2006. 363 p.

Patrick Coupechoux est journaliste au Monde Diplomatique. Il est déjà l'auteur de plusieurs ouvrages dont un sur l'autisme paru en 2004. "Un monde de fou" est le résultat d'une année d'enquête dans le milieu de la psychiatrie française. L'auteur retrace les grandes lignes de l'histoire de la folie depuis le "grand renfermement" décrit par Foucault en passant par le sort réservé aux malades mentaux par les nazis et la volonté après la seconde guerre mondiale de proposer une psychiatrie au service de tous; les conditions de vie parfois sordides des malades sont dénoncées. Cependant cette idée généreuse doit faire face à une crise économique qui débute dans les années 70, dans les année 80 c'est près de 40 000 lits qui sont ainsi supprimés dans le secteur psychiatrique. A cela s'ajoute une précarité grandissante, l'hôpital public est confronté à une misère terrible : toxicomanie, alcoolisme, pauvreté et souffrance psychique sont en augmentation. Les acteurs du monde psychiatrique sont en nombres insuffisants et doivent travailler dans des conditions difficiles avec peu de moyen.
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Dans une première partie très instructive, Patrick Coupechoux synthétise et clarifie "l'histoire de la folie" depuis le XVIIe siècle à nos jours. Même si parfois ardue à cause de la richesse de ses informations et des références pointues, c'est malgré tout un passage nécessaire à la compréhension du reste de cet essai et, plus globalement, de la société dans laquelle nous vivons.

Les deux dernières parties sont plus axées sur le "terrain", la psychiatrie au quotidien et les différents milieux dans lesquels évoluent les malades mentaux. Elles sont donc plus facilement accessibles au profane bien que tout autant intéressantes si ce n'est plus. Y sont particulièrement traités les thèmes de la rue et de la prison, principaux "foyers" de la folie qui recueillent ceux qui sont exclus, bannis de la société en raison de leur maladie. Quand on sait que près de 14% des prisonniers en France présentent des troubles psychotiques dont 7% de schizophrènes...

Un constat accablant malgré l'action, mise en lumière dans ce livre, de quelques personnes et lieux de soin qui changent les choses. le travail de l'auteur est phénoménal par sa vision d'ensemble et son érudition, tour à tour critique et objectif sur des sujets polémiques (DSM, "santé mentale"...). On pourra cependant reprocher le fait de ne pas avoir profité de la parution poche pour actualiser certains propos ou statistiques. Un indispensable dans une bibliothèque pour qui s'intéresse aux sciences humaines et la maladie mentale !
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
p.18 : " Il y'a aujourd'hui urgence, urgence à regarder de nouveau le fou comme un autre soi-même, urgence à considérer qu'il ne nous interroge pas seulement sur sa propre condition, mais sur la nôtre. A le maltraiter comme nous le faisons aujourd'hui, c'est nous-même que nous maltraitons, sans le savoir et sans en mesurer la portée."

p.76 : " Dès que le malade mental se trouve réduit à ce statut d'être biologique, son identité, sa personnalité, son histoire individuelle, son psychisme sont niés, et la porte s'ouvre alors à la possibilité de son exclusion, puis de son élimination."

p.108 : Tosquelles : "Il faut d'abord se séparer de quelque part pour aller ailleurs."

p.135 : " " L'action primaire des psychotropes ne permettra de changerni une conviction religieuse ou politique, ni une éthique, ni un sentiment. L'amour ou la haine, les goûts ou les aversions, les acquis du passé ne seront pas modifiés. Ce qui fait un homme ou une femme avec son histoire personnelle, ses souvenirs, son effectivité et son intelligence restera strictement inchangé lors d'un traitement par psychotropes." Autrement dit, soigner un patient, c'est forcément faire autre chose qui lui donner seulement des médicaments."

p.137 : " Pour Cooper et Laing, les causes de la folie sont à rechercher exclusivement dans la société. "La psychiatrie avale ce que la société vomit." "

p.147 : François Tosquelles : "La qualité essentielle de l'homme, c'est d'être fou. Tout le problème est de savoir comment il soigne sa folie. Si vous n'étiez pas fou, comment voudriez-vous que quelqu'un soit amoureux de vous? Pas même vous? Et les fous que l'on met dans les asiles psychiatriques sont des types qui ratent leur folie."

p.192 : " Depuis quelques années, la maladie mentale s'est installée sous les ponts, les abribus et dans les couloirs du métro. Tout le monde le sait : qui n'a vu, un jour ou l'autre, un pauvre hère délirer dans la foule comme s'il était seul au monde? Qui n'a détourné le regard de cette femme, assise sur le trottoir, avec ses sacs en plastiques disposés autour d'elle, qui un jour disparait puis revient au même endroit, un peu plus propre peut-être, mais toujours perdue dans son discours sans fin? Tout le monde est au courant, mais personne n'ose véritablement en parler, personne n'ose même voir. Les pauvres sont transparents, les fous encore plus. Le mal s'est banalisé."

p.292 : "Le grand public, effaré, découvre tout à coup que les fous ne sont plus en lieux sûrs, mais "qu'ils sont parmi nous", dans la rue, dans le métro, où ils poussent les gens sous les rames, dans la cage d'escalier, au supermarché, partout. On ranime les vieux fantasmes - le fou inquiète et la folie fait peur -, la vieille équation "fou = dangereux" a de nouveau le vent en poupe, et comme d'habitude on s'en tient à cela."
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Nous appliquons la réglementation budgétaire.», précise Éric Graindorge. Or il se trouve que le budget est fixé en fonction des recettes. Autrement dit, ce sont les recettes qui déterminent les dépenses. Cette disposition est dans l'esprit de la réforme de l'« hôpital-entreprise », dite de « tarification à l'acte » ou T2A, qui consiste, comme son nom l'indique, à rémunérer l'établissement selon le nombre d'actes qu'il pratique, un acte étant, par exemple, une piqûre, une transfusion, une opération... Cela fait dire à une infirmière de l'hôpital général : « Lorsque je fais une piqûre à une personne âgée, je fais un acte ; lorsque je m'assois dix minutes sur son lit pour parler un peu avec elle, ce n'est plus un acte, je ne vais donc plus pouvoir m'asseoir quelques instants à ses côtés. » Cette T2A n'est pas encore appliquée à la psychiatrie, et pour cause : qu'est-ce qu'un « acte » en psychiatrie, mis à part la prise des médicaments ou l'électrochoc ? Mais les gestionnaires ne désespèrent pas de trouver la solution : on parle dorénavant de la VAP, la valorisation de l'activité en psychiatrie, qui aurait la même fonction.
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Pour financer les hôpitaux, on ne se base plus sur les besoins exprimés par ceux-ci […] mais sur les actes médicaux réalisés (un accouchement normal par voie basse ou une prise de sang, par exemple)… L’hôpital est donc remboursé à partir des actes qu’il a effectivement effectués. C’est la désormais fameuse tarification à l’activité, qui rend possible une concurrence directe entre établissements publics et établissements privés du fait de l’instauration d’indicateurs communs, les actes. Dans le public, les crédits vont donc logiquement vers les grands hôpitaux -seuls capables de faire face par le nombre d’actes qu’ils sont capables d’effectuer-, au détriment des petits et des moyens établissements, qui n’ont plus d’autre solution que de fermer.
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« Chaque individu est invité à devenir l’entrepreneur de sa propre vie ». Cette idéologie […] « met le monde sous pression. […] La société est devenue un vaste marché dans lequel chaque individu est engagé dans une lutte pour se faire une place et la conserver ». [GAULEJAC Vincent de, La société malade de la gestion, Seuil, 2005]
Si ce système a pu évoluer ainsi, c’est parce qu’il a su, depuis les années 70, récupérer les aspirations à une plus grande liberté individuelle et la volonté de rompre avec les aliénations de la vieille société, contestées avec force en 1968.
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L’histoire de la folie est toujours intimement liée à celle de la société dans son ensemble. Ce n’est probablement pas par hasard si la libération des fous enchaînés de Bicêtre par Philippe Pinel advient au siècle des Lumières et au moment de la Révolution française, si la naissance du secteur […] intervient dans le bouillonnement de la France d’après 1945.
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Videos de Patrick Coupechoux (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Patrick Coupechoux
Patrick Coupechoux : « la santé mentale ne soigne pas les psychotiques » .Dans « Un homme comme vous, Essai sur l'humanité de la folie », le journaliste Patrick Coupechoux démontre comment le concept de ?santé mentale? exclue les grands malades psychiatriques. Patrick Coupechoux poursuit là le travail entrepris lors de son premier ouvrage consacré à la psychiatre « Un monde de fou » (ed. Seuil). S'il s'était, en 2006, attaché à dresser un état des lieux et des impasses de la psychiatrie contemporaine, il explore, dans son dernier ouvrage les sources théoriques et cliniques, politiques et poétiques de cette psychiatrie du sujet qui visait à faire sortir les déments des vieux asiles.
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