Publication à paraître le 26 août 2021… prêtée gentiment par mes camarades libraires, en avant-première... [Librairie Caractères / Issy-les –Moulineaux ].
Gros , gros coup de coeur… pour une première lecture de la rentrée littéraire prochaine !
Une lecture, qui m'a emmenée fort loin… ayant été , parallèlement, été faire des recherches sur le « anti-héros » de ce récit, prodigue en émotions…embelli par une plume aussi étonnante et poétique que « notre artiste »…marginal !
Un immense Merci pour le prêt anticipé de ces épreuves non corrigées m'offrant le grand plaisir d'une prose aussi fluide que ciselée ainsi que le destin d'un artiste-clochard ayant réellement vécu… à Bourges. du sombre incroyablement « flamboyant » !…
Je découvre pour la première fois cet écrivain. Sa plume est magnifique… Il redonne vie et place à cet homme à la personnalité des plus originales, dont la vie a été violemment marqué dès ses débuts : un père revenu de la grande guerre, « taiseux » , aigri et violent, l'enfer de sa mère avec lui, le père tué par cette mère adorée, qui se retrouvera en hôpital psychiatrique et la solitude de ce jeune garçon qui n'a pas envie de se mêler aux autres, survivant grâce à sa passion , le dessin, et à quelques personnes bienveillantes admirant son talent !
Le DESSIN est sa vie, sa respiration... mais pas seulement, il y a la POESIE, la mode (il se travestit et dessine ses vêtements), la photographie, etc. Des talents multiples !
Tellement intriguée …j'ai été prolonger ma lecture avec des prospections supplémentaires, et, à juste titre, cet artiste singulier a inspiré depuis quelques années plusieurs écrivains…Un seul regret : avoir manqué la rétrospective des dessins et oeuvres de Marcel Bascoulard, à la Halle Saint-Pierre, en 2015….
Pour compenser ce regret, j'ai réussi à dénicher à ma médiathèque, le catalogue de cette exposition, dans l'excellente collection de
Buchet-Chastel, « Les Cahiers dessinés »……
Une histoire narrée dans ce récit, ayant réellement eu lieu, m'a chavirée, tant je la trouve aussi belle que bouleversante, et singulière. Notre artiste est mis en prison [ pendant la seconde guerre ] car il est suspecté d'espionnage car on le surprend à prendre des photos de locomotives et ses allées et venues laissent les gendarmes bien interrogatifs !! …
Au moment où son gardien vient lui signifier sa libération, il le supplie pour le laisser encore un petit moment dans sa cellule pour achever un dessin mural qu'il avait entrepris : « L'officier pénitentiaire devait être fou pour m'ordonner de quitter la prison avant que j'aie terminé le sacré dessin ! Je protestai derechef qu'il me fallait encore un après-midi…j'ai gagné le combat ! En début de soirée, ma peinture au crayon était achevée. J'ai appelé le pauvre Bichon qui n'en revenait toujours pas. Il a pu constater que mon travail pictural était fini. Je lui ai dit : Voilà mon ami. le dessin est bon. Je veux bien sortir et retrouver la liberté que vous me proposez.
Si je passe à côté de la prison, je pense à mon travail. On m'a dit que les détenus ont pris soin du dessin. J'ai laissé une trace qui ne s'est pas effacée. Les pauvres prisonniers vivent peut-être un peu mieux grâce à ma peinture. Si seulement j'avais eu des crayons de couleur ce jour-là » (p. 88)
Une anecdote très représentative de toute la vie de cet homme différent: obsédé, habité par l'art, totalement désintéressé, loin de toute idée de réussite sociale ou d'action lucrative ! Un homme dans son monde de beauté, hors du monde ordinaire, comme si il était en permanence dans ses nuages, ses rêveries, comme en apesanteur ! Un être lunaire...habitant son grain de folie jusqu'au bout...
Il est saisissant d'observer à quel point
Nicolas Diat s'est glissé dans la peau de cet homme-artiste, si différent de tous ses congénères… grâce à deux qualités : une totale empathie et une plume élégante, poétique, ciselée comme les dessins de son « anti-héros »…Le récit se fait à la première personne; c'est notre artiste-clochard qui raconte, se raconte: l'art, son quotidien, son attachement au Berry de son enfance, ses paysages....son empathie pour tous les démunis, et personnes fragilisées par la vie, sans penser à son propre "dénuement", etc.
Un ouvrage fort, bouleversant, à l'image des dessins à l'encre de chine de Bascoulard ; cette encre qu'adorait travailler notre artiste, qui pour lui, doublait la profondeur, l'intensité, la poésie qu'il voulait donner à ses « croquis »…
"Pourquoi ai-je tant aimé l'encre de chine ? Ce noir intense, émerveillé, rendait toute la poésie que je voyais dans les paysages les plus simples. L'encre noire était le miroir de l'humilité mystique où je noyais mes dessins. Elle traçait les lignes du monde comme j'avais décidé de le voir une fois pour toutes. Sous son ombre, la vie prenait une épaisseur supplémentaire, une patine dense, mélancolique, figée. L'encre traversait les nuages et les brouillards de l'hiver. Elle pouvait rendre la pureté de la neige, des champs désespérés et des étangs interloqués. (p. 209)"
Mille Mercis à Nicolas Diat d'avoir remis en lumière cet artiste singulier, avec une aussi belle plume. Mais faut-il mourir aussi tragiquement pour qu'un artiste soit reconnu dans son originalité et ses dons !
Chapeau bas à Antoine Diat pour ce livre difficilement oubliable… qui me laissera durablement…une empreinte, des images…des mots rares ou décalés. Une vraie réussite à partir d'un destin si délicat à faire revivre aussi authentiquement… Eh bien si,
Nicolas Diat a réussi au-delà de toutes les espérances.
***Pour en savoir plus, Voir liens suivants :
https://www.leberry.fr/bourges-18000/loisirs/marcel-bascoulard-de-lombre-a-la-lumiere_13049491/
https://www.lanouvellerepublique.fr/france-monde/marcel-bascoulard-le-peintre-clochard
https://abcd-artbrut.net/collection/bascoulard-marcel/