AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782729115104
280 pages
Editions de La Différence (22/10/2004)
4.1/5   10 notes
Résumé :
Poèmes traduits du russe, présentés et annotés par Christiane Pighetti.

Sergueï Essenine (1895-1925) est sans doute le poète le plus populaire de Russie. Élevé dans les traditions de la vieille Russie des paysans de Riazan et des vieux croyants dissidents de l’orthodoxie, rebelle dans l’âme, fou de poésie, la rage de vivre au cœur, il met tout son espoir dans la révolution. Très vite, il déchante au spectacle des tueries et des ravages qu’elle provoqu... >Voir plus
Que lire après Journal d'un poèteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Essenine et moi, c'était peut-être ma première rencontre poétique, même si j'adorais la poésie russe en général et apprenais régulièrement des récitations comme tous les autres petits pionniers soviétiques. À l'âge d'adolescence, au temps des secrets, au temps des amours et des douleurs absurdes, quand on se croit avoir mille ans (est-ce aussi grâce à la charge émotionnelle reçue à travers le piano classique que j'étudiais ?), Essenine m'était tombé sous la main, et je ne sais pas si j'y avais attrapé la mélancolie ou si c'était mon vague à l'âme qui avait trouvé chez lui un écho fidèle. Aucune lecture n'est anodine.
Je me rappelle encore les strophes d'Essenine citées de la bouche des personnes aimées. Mon père chantait dans la cuisine, entre autres, ses romances… (Il chantait aussi une romance de Tutchev, poète russe, encore un inconnu au bataillon pour les Français. C'est beau quand certains poèmes couchés sur une musique anonyme, s'élèvent au niveau des chants populaires !) Un recueil d'Essenine, c'était le seul objet que j'avais pris avec moi en quittant mon pays pour la France. Avec Essenine, on éprouve une communauté de sentiments alors que, par exemple, Pouchkine reste distant par sa perfection intimidante.
Relire les poèmes d'Essenine aujourd'hui, c'est revisiter des passages secrets de mon passé. Revoir un Essenine habillé de nuage, un Essenine le lendemain du bonheur. Je fais seule le chemin à l'envers mais, même en français, Essenine a su ébranler ma sensibilité.
Comme il est beau ! Tout est beau en lui, jusqu'à son nom et son prénom. Essenine : bleu, rouge, or, des bouleaux et des meules et des baies d'églantier, des tristesses joyeuses et des joies tristes…
Quand on voit la difficulté des traducteurs face à un texte poétique on prend conscience que la poésie, intraduisible, c'est le trésor d'une langue !
Chapeau bas Christiane Pighetti ! Je n'en ferais pas autant. Je salue l'ingrat labeur des traducteurs d'oeuvres poétiques. Car leur travail demande de l'abnégation et, à la fin, il y aura toujours ceux qui critiquent. Pour moi, il s'agit d'oeuvres communes entre le poète et le traducteur, appréciables indépendamment de l'original !
Mais il n'y a pas que la tristesse que l'on puise chez Essenine. Il y a aussi une explosion de forces naissantes. Bonne découverte !
Commenter  J’apprécie          10113
Quelle belle découverte que celle de la poésie de Sergueï Essenine !

Cette découverte m'a d'autant plus touché qu'elle s'est faite au travers du Journal d'un poète, anthologie remarquablement présentée, préfacée et traduite par Christiane Pighetti, (connue aussi pour ses traductions de l'oeuvre poétique d'Ossip Mandelstam).
Les poèmes qui composent ce recueil ont été écrits entre 1910 (Essenine avait alors 15 ans) et décembre 1925, soit jusqu'à la mort du grand poète russe.

Ce que je retiens de cette lecture, c'est l'élan, l'enracinement autant que le détachement de l'écriture d'Essenine. Tout en elle se livre avec générosité, avec profondeur : les thèmes de ses poèmes sont nombreux, qui vont de son enfance, le souvenir de sa mère, l'évocation de la campagne, de la grande Russie, des sursauts politiques de l'époque, son attachement aux déshérités de la vie, ses voyages à l'étranger qui marqueront le début de ses ennuis de santé mentale,...
Le style, le rythme, les sonorités, l'intonation, les différents registres lexicaux, l'usage des métaphores, la multiplicité des formes, rendent compte chez Essenine d'une vraie maîtrise de l'écriture mais aussi d'une grande sensibilité.

«  […]

Au jardin de l'aube ne mène qu'une sente
et le vent d'octobre happera le petit bois.
Le poète vient en ce monde
comprendre, et ne rien prendre.

Il vient embrasser la vache,
prêter l'oreille du coeur au bris de l'épi.
Taille, taille, serpe des poèmes !
Arbrisseau du soleil, sème la fleur de merisier ! 

(septembre 1919) »

Du très jeune poète à l'homme brisé par la maladie et l'alcool, la vie, le destin de Sergueï Essenine est tout à la mesure de son écriture : pleine de heurts mais aussi de constance et de volubilité. Comme la vie de son auteur, c'est une poésie faite de contrastes, de ruptures, mais qui révèle toujours une sincérité naturelle, une application particulière chez lui à décrire la nostalgie, l'attachement aux êtres et à son pays, mais aussi une perception particulière de la solitude, d'un monde qui lentement s'en va, qui continuera son chemin sans lui.
La poésie de Sergueï Essenine est belle et saisissante comme un regret, qui demeure là, sans faire de bruit. Essentielle.

« […]

Que ce soient clochettes, échos lointains,
tout vient en moi tranquillement se loger.
Fais une pause, mon âme ! N'ai-je pas assez couru avec toi
ces voies tumultueuses qui nous étaient fixées.

Un jour nous comprendrons ce qui s'est passé,
ce que nous avons vu, ce qu'il est advenu au pays.
Alors nous pardonnerons l'offense au goût amer
de par notre faute, ou celle d'autrui.

J'accepte ce qui fut, et ce qui ne fut pas.
En ma trentième année, je n'ai qu'un regret :
avoir de ma jeunesse exigé trop peu.
À m'égarer dans les vapeurs de troquets.

(1925)

[...] »

.
Commenter  J’apprécie          303
Il est toujours intéressant, au travers d'un moment de lecture, de découvrir l'existence de l'oeuvre d'un auteur, inconnu jusqu'alors. Ce fut le cas pour Essenine (1895-1925), cité maintes fois dans les écrits de Jim Harrison, qui lui consacrera d'ailleurs un poignant recueil poétique en forme de correspondances, paru en 1999, sobrement intitulé "Lettres à Essenine".
Sergueï Essenine donc, célébré par beaucoup de ses compatriotes comme le plus grand poète russe, et pourtant quasi-inconnu chez nous. Essenine, dont la prose s'inspirera tout autant des croyances de la vieille orthodoxie que de l'espoir naissant de la Révolution d'Octobre, espoir hélas vite noyé dans l'incompréhension et la violence qu'elle provoque. Essenine enfin qui, désenchanté, jetant sur le monde un regard aussi froid que la glace, mettra fin à ses jours dans une chambre d'hôtel, laissant un ultime poème écrit avec son propre sang. Il avait trente ans.

Outre les poèmes, choisis avec soin par Christine Pighetti qui signe également une superbe présentation, et présentés en version bilingue, l'ouvrage est enrichi d'une série de photographies et de touchants témoignages d'amis et de membres de la famille du poète. Un document indispensable pour découvrir, à mes yeux, avec Ezra Pound, l'un des poètes parmi les plus importants du siècle passé.

Merci à Babelio et aux Editions de la Différence.
Commenter  J’apprécie          140
En premier lieu un grand merci aux Editions de la Différence et à Babelio pour ce recueil reçu dans le cadre des opérations Masses Critiques.

Cela m'aura permis de découvrir un poète russe, et un style bien différent de celui que je pratique habituellement.

Ma première impression à la réception du recueil fut liée à son poids. Que j'ai aimé sentir ce petit livret si lourd, en écho venait pour moi le poids des mots.
J'ai aimé la texture. J'ai aimé l'écriture en russe sur la page de gauche ( je n'entends rien au cyrillique mais que c'est exotique et ça donne un coté authentique) et la traduction sur la page droite (impossible d'estimer si la traduction est fidèle à la lettre du poème ou à son (es)sens(ce)).

Le recueil commence par une courte description de la brève vie de Sergueï Essenine et j'avoue ne pas avoir été déçue. Je l'ai trouvé très en avance sur la société de son époque en tout cas dans ses audaces et ses moeurs.

Les poèmes sont coupés en 3 parties : les courts, les longs et les dramatiques.

Côté écriture, je ne sais pas si c'est lié à la traduction mais les thèmes évoqués (enfin sa vie en vers, car il nous parle de sa vie dans chacun de ses vers et ne cherche pas à s'en détacher ni à cacher son souhait de nous parler de sa Russie, de sa vie) ne m'ont pas séduite.
J'ai trouvé les vers trop terre à terre justement, pas assez imagés, pas assez poétique à mon goût.

Quelques vers ou poèmes ont tout de même fait mouche car ils sortaient pour moi du lot.

La fin du recueil est composée de diverses photos liées à la vie de l'auteur et ce fut interessant de découvrir le visage de cet homme jeune qui semblait avoir réussi et qui mit fin à sa vie si abruptement si rapidement.

Même si je n'ai pas envie de lire plus avant Essenine, je ne regrette pas d'avoir tenté de pénétrer dans un univers si différent du mien.

A tous bonne lecture.
Commenter  J’apprécie          100
Je suis un fan de la culture russe, et fan des poèmes de Pouchkine.
J'avais lu un très beau poème d'Essenine qui m'avait donné envie ("Au revoir , mon ami"
Aussi, ai-je sauté sur l'occasion pour lire ce recueil de poèmes d'Essenine !
Un grand merci à babelio de m'en avoir donné l'occasion, mais finalement, c'est une petite déception.
Déception lié aux poèmes eux-mêmes, dans lesquels je n'ai pas pu puiser l'inspiration : je n'ai pas retrouvé le style que j'avais découvert au travers de "Au revoir, mon ami".
Déception dans leurs traductions, qui sont correctes au ligne à ligne, mais qui n'arrivent pas extraire la quintessence du poème dans sa globalité.
Enfin, déception sur le livre lui-même, qui manque de rythme, d'intérêt : ça débute par un récapitulatif de l'histoire d'Essenine, pour ensuite présenter différents poèmes, et c'est agrémenté par quelques photos du poète, sur la fin du livre.
Ca méritait une structure plus originale.....
Commenter  J’apprécie          11

Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
.

Je n'appelle, ni ne pleure, ni ne regrette rien,
tout passe comme brume de pommiers en fleurs. Attaqué de même par l'or de la ruine,
plus ne connaîtrai la jeunesse.

Plus ne battra comme avant désormais
ce cœur paralysé, transi ;
plus ne l'incitera à flâner pieds nus
la terre du bouleau et du calicot.

Esprit follet qui attisa mes lèvres
comme tu te fais rare, rare, désormais.
Flots d'émotion, pétulance du regard,
ô fraîcheur d'âme perdue.

De mes désirs même je deviens avare.
Ma vie ! Ou ne fut-ce qu'un songe ?
comme si par un bruissant matin de printemps j'eusse passé au galop sur un destrier rose.

Tous en ce monde, tout se décompose,
lentement s'écoule le cuivre de l'érable...
Béni sois-tu néanmoins dans les siècles
toi qui es venu éclore et mourir.

(1921)

.
Commenter  J’apprécie          253
Allons baise, baise-moi, mords
Jusqu'au sang, jusqu'au cri,
Le ruissellement d'un cœur ardent
Ne souffre pas de froideur.

La cruche répandue de joyeux drilles
Ce n'est pas pour nous,car
Comprends tu, petite amie ?
Sur terre nous n'avons qu'une vie !

Promène ton regard alentour,
Et vois dans la nuit moite
La lune comme un corbeau jaune
Qui tourne et plane la haut.

Allons, baise-moi ! Je le veux.
Pourriture déjà me joue un petit air
Celui qui plane dans les hauteurs
A flairé ma mort, c'est clair.

Ô forces déclinantes !
S'il nous faut mourir, mourons !
Mais que jusqu'à la fin
Je baise ces lèvres aimées.

Qu'ainsi dans nos rêves bleus,
Sans honte ni fard,
Au doux frisson des merisiers
Résonne toujours : "je suis à toi. "

Que toujours sur la coupe pleine,
Écume légère, danse la lumière ;
Ores chante et bois, petite amie :
Sur terre nous n'avons qu'une vie !

Sergueï Essenine. 1925
Commenter  J’apprécie          190
Je n'appelle, ni ne pleure, ni ne regrette rien,
Tout paSse comme brume de pommiers en fleurs.
Miné désormais par l'or de défloraison
Je ne connaîtrai plus la jeunesse.

Tu ne battras plus comme avant
Désormais, cœur transi,
Plus be t'incitera à flâner pieds nus
La terre du bouleau et du calicot.

Esprit follet qui attisa mes lèvres
Comme tu te fais rare, rare aujourd'hui.
Flots d'émotion, pétulance du regard,
Ô ma fraîcheur d'âme perdue.

De désirs meme je deviens avare.
Ma vie ! Ou be fut-ce qu'un songe ?
Comme si par un bruissant matin de printemps
J'eusse passé au galop sur un destrier rose.

Tous en ce monde, tous sont périssables,
Lentement s'écoule le cuivre de l'érable ..
Béni sois-tu néanmoins dzns les siècles
Toi qui es venu éclore et mourir.

1921
Commenter  J’apprécie          201
Violon tzigane, la tempête gémit.
fillette gentillette au sourire fielleux
Me laisserai-je intimider par ton regard bleu ?
Il me faut beaucoup, beaucoup m'est superflu.

Si loin, si dissemblables en somme :
Tu es jeune, moi j'ai tout vécu.
Aux jeunes le bonheur, à moi la mémoire seule :
Nuit de neige, étreinte fougueuse.

Câliné? Non. La tempête est mon violon.
Un sourire de toi lève la tempête en moi.
Commenter  J’apprécie          270
Heureux qui par un frais automne
Largue son âme comme pomme au vent
Et contemple le soc du soleil
Fendre l'eau bleue de la rivière.

Heureux qui extraie de sa chair
L'incandescent clou des poèmes,
Et revêt le blanc vêtement de fête
En attendant que l'hôte frappe.

Apprends, mon âme, apprends à garder
Au fond des yeux la fleur de merisier ;
Avares sont les sens à s'échauffer
Quand du flanc coule un filet d'eau.

Les étoiles carillonnent en silence
Telle la bougie à l'aube, telle la feuille blanche.
Nul n'entrera dans la chambre haute,
Je n'ouvrirai la porte à personne.

1918
Commenter  J’apprécie          130

Videos de Sergueï Essenine (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sergueï Essenine
Confession d’un voyou , Sergeï Essénine lecture de Denis Lavant
autres livres classés : littérature russeVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (49) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1227 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}