Une fable foisonnante et légèrement barrée suit l'existence non
pas des âmes, mais des "carcasses" immort
elles.
Publié en 2009 chez
Leo Scheer / Laureli, et écrit directement en français, peu de temps avant son décès, cette fable du franco-américain - ô combien atypique -
Raymond Federman développe en 70 pages l'une de ces métaphores foisonnantes et légèrement barrées qu'il affectionnait...
C'est grâce à
Claro et à sa présentation de 10 livres à la librairie Charybde, en septembre 2011, que j'ai découvert ce curieux objet, dans lequel l'absurde cher à Federman, assez proche de celui de
Beckett (dont l'auteur fut un éminent spécialiste universitaire), abonde. Les "carcasses", restes immortels et permanents des existences humaines, sont gérées par les "Autorités" (dont on ne saura rien de plus) dans un système perfectionné d'attente et de recyclage entre leurs "transmutations" en êtres vivants (ou en objets !). L'annexe nous listant quelques carcasses célèbres mentionne ainsi, incidemment,
Madame Bovary ("en
Virginia Woolf lors de son unique transmutation"), Darwin ("en perche du Nil lors de sa 67e transmutation", le Soldat Inconnu ("en
Charles de Gaulle lors de sa 6e transmutation", et bien d'autres...
Entre leurs
passages terrestres, ces carcasses s'agitent, fomentent, bouillonnent, râlent, se résignent, et même... ont une importante et parfois débridée vie sexuelle à base de frottements au sein des piles où
elles gisent entassées, dans l'attente des décisions de transmutation, gérées par les "Autorités" selon des schémas peut-être semi-aléatoires, mais en tout cas échappant totalement au commun des immortels...
"Une rumeur circule dans la zone des carcasses - une nouvelle carcasse toute fraîche vient d'arriver d'une planète en révolution - et il semble que cette carcasse toute fraîche essaie de convaincre les autres de se débarrasser des autorités pour former un gouvernement démocratique autogéré - l'utopie devenue réalité d'une zone des carcasses dont
les carcasses seraient souveraines - mais les vieil
les carcasses qui patientent vainement depuis des lustres s'inquiètent de t
elles idées subversives qui pourraient provoquer un retard dans leur transmutation imminente - les mensonges qu'on peut dire à voix basse dans la zone des carcasses - les bruits que font courir ces vieilles cancanières - surtout depuis les changements bureaucratiques qui se sont produits concernant les décisions de transmutation -
les carcasses ont obtenu gain de cause - voir la fin du premier chapitre de cette histoire pour plus de détails sur cette première révolte - (...)"
Une incursion redoutable dans un absurde nappé d'humour noir et de jeu sur les registres de langage.