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Cornélius Heim (Traducteur)Marie Moscovici (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070327416
256 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.94/5   45 notes
Résumé :
Avec L'homme Moïse et la religion monothéiste, Freud signe en 1939 son dernier livre. Après Totem et Tabou(1913) et l'hypothèse du meurtre originel, il est aux prises une fois de plus avec une figure paternelle qui cette fois porte un nom, Moïse, et qui s'inscrit dans la lignée de ses propres origines juives. L'ouvrage se présente comme une enquête historique sur la véritable identité du père du judaïsme et sur l'éventualité de sa fin tragique, mis à mort par son pe... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Moïse et le monothéisme est le dernier texte écrit par Freud. Il dut le reprendre à trois reprises et ne présente pas une forme classiquement achevée. Freud mena une ultime lutte contre l'autocensure et le besoin de l'homme de se forger des certitudes à peine confortables dans un contexte historique qui, en 1938, n'était pas favorable à l'accueil d'une réflexion sur l'origine du judaïsme en particulier – mais du monothéisme, en général.


Continuant d'user du mythe du meurtre du père de Totem et tabou, Freud avance l'hypothèse que la naissance du monothéisme, soit l'exaltation d'une figure d'un Dieu tout-puissant, constitue l'après-coup du traumatisme du meurtre du père – le retour du refoulé. le mythe du meurtre du père sert à désigner le processus de résolution du complexe d'Oedipe : l'accès à la loi du signifiant, l'instauration de la tiercéité comme clé de voûte de tout lien duel. le père mort serait Moïse.


En s'appuyant notamment sur les travaux d'Eduard Meyer et de James Henry Breasted, Freud suggère que Moïse était un égyptien proche d'Ikhnaton, le premier pharaon proposant un culte monothéiste dans la religion d'Aton. Après le meurtre d'Ikhnaton, il aurait continué à diffuser la religion d'Aton bien qu'elle fût alors rejetée par les Egyptiens. A ce point, Freud remarque quelques incohérences dans les textes à propos de l'évolution de cette religion. le Yahvé qui se présente semble en effet s'éloigner significativement des conceptions éthiques de la religion monothéiste prônée par Ikhnaton et Moïse l'Egyptien. En s'appuyant toujours sur les travaux de ses prédécesseurs, Freud suggère que le nom de Moïse représenta deux hommes : le Moïse d'Egypte, qui finit par être assassiné par son peuple qui ne voulait plus endurer les exigences de la religion monothéiste, et Moïse le Midianite qui ne foula jamais le sol de l'Egypte et qui ignorait totalement Aton. « Afin de permettre la fusion de deux personnages, il fallut que la tradition et la légende transférassent à Midian le Moïse égyptien. »


Entre temps, le peuple juif avait abandonné la religion d'Aton enseignée par Moïse l'Egyptien et avait adopté le culte d'un autre dieu assez proche du Baal des peuples voisins. « Mais la religion de Moïse bien que disparue avait laissé des traces, une sorte de souvenir et demeurait, tradition sans doute obscurcie et déformée, tradition d'un grand passé qui continuait à agir dans l'ombre et qui, peu à peu, prit, sur les esprits, un empire de plus en plus grand, pour arriver finalement à transformer le dieu Jahvé en dieu de Moïse et pour rappeler à la vie une religion que ce dernier avait instaurée de longs siècles auparavant et qui avait ensuite été abandonnée. »


Le refoulé du meurtre du père se manifeste alors, générant un sentiment de culpabilité et un besoin de châtiment à l'origine des transports d'ascétisme et des exigences de la loi. « Les Juifs s'imposaient constamment de nouveaux renoncements instinctuels et parvenaient, par ce moyen, tout au moins en théorie et en doctrine, à atteindre des sommets éthiques inaccessibles aux autres peuples de l'antiquité. » le monothéisme plus tardif que fut le christianisme tenta de racheter le meurtre originel du père par le sacrifice ultime de la plus haute personne, le Christ, afin que les hommes s'estiment acquittés d'une dette pourtant structurellement impayable. Evidemment, le christianisme n'évite pas pour autant le sentiment de culpabilité, l'ascétisme, les exigences et les châtiments ne disparaissant point miraculeusement, et le souvenir du sacrifice étant sans cesse revivifié dans la messe.


Moïse et le monothéisme constitue un mythe freudien supplémentaire qui permet de donner vie et forme à des processus structurels autrement moins tragiques d'un point de vue mythologique puisqu'il s'agit surtout de la résolution du complexe d'Oedipe, soit du passage de la soumission à une autorité extérieure identifiée (la figure paternelle) à l'intégration de cette autorité sous la forme de la Loi, si bien que la figure paternelle n'est plus nécessaire à en être le support : ainsi le meurtre du père engendre-t-il la loi ; ainsi la Loi est-elle le souvenir du père mort. Dans « le besoin d'avouer », Theodor Reik reprendra ce principe pour décrire à un niveau plus individuel la résolution du complexe d'Oedipe en lien avec le sentiment de culpabilité inconscient, le besoin de punition et la compulsion d'aveu.


Avec cet essai, Freud christianise en quelque sorte le judaïsme, lui reconnaissant la possibilité d'avoir pu se passer du père à condition de savoir s'en servir.
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Quête historique de l'origine d'une religion? Quête intérieure d'un sens à la croyance? Ce livre ouvre des hypothèses incertaines et des analogies sans doute partielles, qui interpellent. Première affirmation : Moïse était égyptien, et il a imposé à des étrangers, les Juifs, une religion alors interdite en Egypte, celle d'Akhenaton, première manifestation du monothéisme. Bien sûr, l'historien est perplexe. Admettons. Qu'est-ce que ça change? Ensuite, les Juifs se révoltent et ils tuent Moïse. L'évènement, ainsi que la religion du chef assassiné, sont refoulés pendant un certain temps pour réapparaître, modifiés, sous l'identité de Yahvé, un autre dieu, cruel, qui devient le protecteur et le punisseur du peuple juif. Freud, pour expliquer tout cela, invoque bien sûr la psychanalyse, faisant sans cesse le va-et-vient discutable entre l'individu et la masse, et voit dans la vénération et la crainte d'un dieu unique le retour de celles du père primitif, pourtant assassiné, comme Moïse. Il voit aussi dans le Christianisme le sacrifice du fils assassin qui prend la place du père. Convainquant ? Impression de flottement, comme si tout cela pouvait en effet avoir quelque vraisemblance, mais comme si aussi tout cela errait dans le flou, théorie, à l'instar de la psychanalyse à la fois difficile à comprendre et sans autre base que les sables mouvants de l'inconscient, de l'histoire ancienne et des croyances religieuses.
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Moise et le monotheisme est le dernier ouvrage de Freud.son histoire et sa composition le particularise parmi les plus importants ouvrages de Freud.
Moise etail-il un pretre egyptien du culte d'Aton,que les juifs assassinerent lors de l'exode avant d'epouser sa conception de dieu unique.Freud deplore frequemment ne pouvoir formuler que des suppositions inverifiables mais il semble tres fortement convaincu par le bien-fonde de ses hypotheses.Outre les arguments historiques et linguistiques qu'il emprunte a d'autres,Freud etablit una analogie entre Moise tel que decrit dans les textes religieux et le pere fantasme par les enfants abandonnes
A lire attentivement
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L'oeuvre de Freud fait souvent mouche auprès des étudiants lorsqu'elle est abordée en cours de Philosophie, bien plus que les Anciens ou mêmes les Modernes. Loin de Socrate, Platon et Aristote qui peuvent donner l'impression de philosopher sur des idées abstraites, loin de Kant et Hegel qui demandent une certaine rigueur intellectuelle pour être abordés correctement, Freud fait figure d'ovni philosophique en se positionnant entre la philosophie, l'histoire, la théologie, la linguistique et à peu près l'ensemble des sciences humaines. Et la vérité c'est qu'avec Freud, on a l'impression de tout lire sauf de la philosophie. Avec un style délicieux, le médecin viennois nous emporte dans son résonnement intérieur pour le meilleur et pour le pire de la psychologie humaine.

S'il y a bien une chose que j'ai retenu de ce livre étrange, c'est que Freud a réellement développé un système de pensée qui permet d'envisager la totalité des phénomènes humains. Aucun domaine ne lui résiste, il a toujours quelque chose à dire et, pour peu qu'on le place dans un environnement a priori étranger à son domaine de prédilection, il parvient toujours à retomber sur ses pattes et retrouver son chemin jusqu'à la Psychanalyse qui sert ici à expliquer les origines floues de la figure de Moïse, personnage d'une importance capitale aussi bien dans la tradition juive que chrétienne.

Moïse a-t-il existé ? Était-il cet enfant recueilli par la famille de Pharaon ? Que signifie son nom ? A-t-il conduit les Hébreux hors d'Égypte et est-il devenu leur roi ? Leur a-t-il donné la Loi ? La réflexion de Freud est vaste et ne tiendrait pas ici. Mais je dois reconnaitre que la lecture de ces trois essais fut particulièrement palpitante et même divertissante. Certes le cheminement intellectuel de Freud repose parfois sur des fondations plus que fragiles, qu'il concède lui-même nous demandant juste de nous laisser guider, mais je suis admiratif dans sa faculté à présenter les faits sous un jour nouveau et à immanquablement créer le doute chez le lecteur. Qu'on juge ses hypothèses loufoques, Freud parvient toujours à nous pousser au fatal "Et s'il avait raison ?" et rien que pour cela ce livre est purement brillant. Que le fond du propos soit historiquement fondé ou pas, il faut reconnaitre à Freud un certain art de l'hypothèse plausible qui donne lieu a un exercice intellectuel remarquable. Certaines de ses intuitions sur l'origine du phénomène religieux, développée plus longuement dans Totem et Tabou, l'hypothèse des deux Moïse, l'éventualité d'un Moïse égyptien et non hébreu, etc. sont vraiment percutantes et tiennent, à mon sens, d'un certain génie intellectuel que l'on suit dans ses réflexions avec grand intérêt.
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C'est le dernier ouvrage de Sigmund Freud, paru l'année de sa mort. L'auteur y reprend d'abord une thèse défendue par un certain nombre d'historiens: Moïse aurait été un prince égyptien, adepte de la religion (monothéiste) d'Aton, et aurait converti les "travailleurs immigrés" qu'étaient alors les Hébreux en Egypte, avant de conduire leur Exode. Par ailleurs, Freud cherche à démontrer que Moïse - un tyran pour son peuple - aurait été finalement assassiné par les Hébreux: un crime assumé collectivement, qui aurait fortement contribué à la cohésion des Juifs dans l'immédiat et sur le long terme. On retrouve ici le type d'interprétation que Freud avait développé antérieurement dans "Totem et tabou".
Le projet de Freud, très porté sur la critique des religions à la fin de sa vie (voir aussi "L'avenir d'une illusion"), est ambitieux. Mais, pour ma part, je suis assez sceptique au sujet de la validité de l'analyse. La première thèse (historique) a été critiquée sérieusement par d'autres que moi, et la seconde thèse (psychanalytique) semble mal étayée. Je dirais donc que l'ouvrage est essentiellement spéculatif.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Jahvé était sans conteste un dieu des volcans. Les habitants de l'Égypte n'avaient aucune raison de l'adorer. Je ne suis certes pas le premier à être frappé de la similarité qui existe entre le nom de Jahvé et le radical de cet autre nom divin : Jupiter, Jovis. Le nom de Jochanan, qui dérive du Jahvé hébraïque et qui a à peu près la même signification que Godefroy (faveur de Dieu) et que son équivalent punique : Hannibal, est devenu sous les formes de Johann, John, Jean, Juan, l'un des prénoms favoris de la chrétienté européenne. Quand les Italiens en font Giovanni et appellent un jour de la semaine Giovedi, ils ne font que mettre en lumière une similarité peut-être insignifiante, mais peut-être aussi fort importante. De très vaste, mais très incertaines perspectives s'offrent ainsi à nous. Il semble qu'au cours de ces siècles obscurs, à peine devenus accessibles aux recherches historiques, les pays du bassin oriental de la Méditerranée furent le théâtre de fréquentes et violentes éruptions qui durent faire sur les populations de ces régions la plus vive impression. Evans admet même que la destruction définitive du palais de Minos à Cnossos fut causée par un tremblement de terre. En Crète, comme probablement partout dans le monde égéen, l'on adorait la grande divinité mère. Le fait qu'elle n'avait pas été capable de protéger sa maison contre les attaques d'une puissance plus forte dut contribuer à la faire détrôner par une divinité mâle et, en ce cas, le dieu des Volcans était tout indiqué pour la remplacer. Zeus n'est-il pas toujours « celui qui ébranle la terre »? Il est presque certain qu'en ces temps obscurs, la divinité femelle fut remplacée par des dieux mâles (peut-être originellement par ses fils.) Le destin de Pallas Athéné est particulièrement impressionnant, car cette déesse était certainement une forme locale de la déité mère. Le bouleversement religieux la réduisit à l'état de déité fille, elle fut privée de sa propre mère et frustrée pour toujours, du fait d'une virginité imposée, de tout espoir de maternité.
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Moïse n'a pas seulement donné aux Juifs une nouvelle religion : il a aussi, c'est certain, institué la pratique de la circoncision, ce qui est d'une importance capitale au point de vue du problème qui nous occupe. Pourtant ce fait a jusqu'ici été assez négligé. Il est vrai que le récit biblique le contredit souvent, d'abord en faisant remonter la circoncision à l'époque des patriarches et en la considérant comme un signe de l'alliance conclue entre Dieu et Abraham, ensuite en racontant, dans un passage particulièrement obscur, que Dieu, irrité de voir Moïse négliger cette coutume sacrée, résolut de le punir de mort et que l'épouse de Moïse, une Midianite, sauva son époux menacé de la colère divine, en pratiquant rapidement l'opération. Toutefois il ne s'agit là que de déformations qui ne doivent pas nous induire en erreur et dont nous connaîtrons plus tard les motifs. Il n'en reste pas moins vrai que si nous nous demandons d'où est venue aux Juifs la pratique de la circoncision, nous, ne pouvons répondre qu'en disant : « d'Égypte ». Hérodote, le père de l'Histoire », nous apprend que la circoncision était depuis longtemps pratiquée en Égypte et ses affirmations ont été confirmées par la découverte des momies et même par certains dessins sur les parois des tombeaux.
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Si notre hypothèse est juste, l'Exode aurait eu lieu entre 1358 et 1350, c'est-à-dire après la mort d'Ikhnaton et avant qu'Harembad eût rétabli l'autorité de l'État. Le but du voyage ne pouvait être que le pays de Canaan. C'est là qu'après l'écroulement de la suprématie égyptienne, des hordes de belliqueux Araméens avaient pénétré en conquérants et en pillards, indiquant ainsi dans quel lieu un peuple capable pourrait s'assurer la possession de nouvelles terres. Ces guerriers nous sont connus par les lettres découvertes en 1887 dans les archives de la cité en ruines d'Amarna. Ils y sont appelés Habiru et ce nom a ensuite été transféré, on ne sait comment, aux nouveaux envahisseurs juifs : les Hébreux, qui, venus plus tard, ne pouvaient être nommés dans les lettres d'Amarna. Au sud de la Palestine, à Canaan, vivaient aussi certaines tribus apparentées étroitement aux Juifs venus d'Égypte.
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Moïse, ne l'oublions pas, ne fut pas seulement le chef politique des Juifs établis en Égypte, mais aussi leur législateur, leur éducateur, l'homme qui leur imposa une nouvelle religion à laquelle il donna le nom qu'elle porte encore : la religion mosaïque. Mais un individu peut-il parvenir, à lui seul, à créer une religion ? Et si quelqu'un cherche à influer sur la religion d'autrui, n'est-il pas naturel qu'il tente de lui faire adopter sa propre religion ? Les Juifs d'Égypte pratiquaient certainement une forme quelconque de religion et si Moïse, qui leur en apporta une nouvelle, était Égyptien, tout porte à croire que cette dernière fut bien la religion égyptienne.
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Cette analogie [entre psychologie individuelle et sociale] se rencontre en psychopathologie à l’occasion de la genèse des névroses humaines autrement dit dans un domaine qui relève de la psychologie individuelle, tandis que les phénomènes religieux (comme phénomènes sociaux) doivent bien entendu être mis au compte de la psychologie des masses. Il apparaîtra que cette analogie n’est pas si surprenante qu’on pourrait le penser de prime abord, qu’elle correspond même plutôt à un postulat.
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>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Chefs et penseurs religieux. Religieux (220)
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