“Il pleuvait ce 24 octobre, jour de mes quinze ans, quand Baudricourt m'avait adoubé chevalier à la veille de la bataille. J'avais imaginé que nous allions comme dans un tournoi loyal affronter les chevaliers anglais du roi Henri V, qui prétendait au trône de
France et qui avait pour allié le duc de Bourgogne. Mias je n'avais vu qu'un massacre. Les archers anglais abattant les chevaux, alourdis par nos armures, englués dans la terre boueuse. Les égorgeurs anglais, pieds nus, la lance, le coutelas brandis, planter leur lame dans nos gorges (…) désireux de tuer, pour en finir avec la chevalerie française” (p. 24). Non, ce n'est pas
Jeanne d'Arc qui raconte, mais bien le chevalier Guillaume de Monthuy, un personnage créé par l'écrivain, qui retourne sur sa première rencontre avec celle qui quinze ans après “le massacre
D Azincourt” (p. 25) de novembre 1415 qu'il évoque ci-dessus deviendrait pour tout le monde “la Pucelle - soit la vierge - d'Orléans”.
Ce livre, consacré à la Sainte guerrière patronne de
France, dont une statue ne manque dans aucune église, est extrêmement intéressant parce qu'il raconte un tournant décisif de l'histoire de deux pays européens majeurs, la
France et l'Angleterre, et met en évidence, plus en général, la complexité de la politique, nationale et internationale, faite de calculs et re-calculs, stratégies et aléas. Comme je l'ai dit, c'est un compagnon d'armes de cette jeune fille analphabète issue d'une famille modeste de Domrémy, petit village de Lorraine, qui raconte son histoire, l'ayant suivie et admirée dans sa foudroyante aventure militaire et ayant lu les lettres qu'elle dictait ainsi que les actes des deux procès, celui pour hérésie et sorcellerie et celui de réhabilitation de vingt-cinq ans plus tard. Et ayant fait quelques recherches dans le Réseau, je me suis persuadée que les paroles de Jeanne citées par Gallo et à peine modernisées, sont puisées dans des documents historiques.
Bien que la foi religieuse plus ou moins nourrie de superstition de cette époque produisît prophéties et prophétesses, prétendues hérésies et autodafés, comme
Max Gallo nous raconte à travers le témoignage admiratif mais non agiographique du chevalier Guillaume de Monthuy, la vie extraordinaire de cette femme continue d'intriguer et de fasciner: elle a juste dix-sept ans et rien ne semble la prédestiner à brandir les armes pour “son roi”, à convaincre ce roi à croire en ses “voix célestes” et visions - ou pour le moins dans sa capacité de communiquer à des hommes d'armes et des citoyens sa foi dans la victoire-, à devenir finalement le symbole de la
France contre le roi d'Angleterre, qui, soutenu par l'ultrapuissant duc de Bourgogne, prétend au titre de roi de
France au nom du Traité de Troyes de 1420, signé par l'épouse de Charles VI le Fol suite à la défaite
D Azincourt dont le souvenir hante Guillaume de Montluy. Ces quelques années de gloire et de ferveur patriotique avant d'étre brûlée vive à Rouen place du Vieux-Marché, Jeanne les paiera très très cher, parce que, une fois les Anglais repoussés à Orléans, “la porte de la Lorraine” et donc du nord, Charles VII, consacré grâce à Jeanne dans la cathédrale de Reims comme tous ses prédesseurs et partant vrai roi, décide par prudence de ne pas continuer l'offensive contre les Anglais, qui occupent tous les territoires au nord de la Loire, y-compris Paris, directement ou par le biais de leurs alliés (dont la Sorbonne et donc le clergé), ni il ne demande de racheter Jeanne en payant une rançon. Il est vrai que plus tard il demandera d'ouvrir un nouveau procès pour la réhabiliter, mais ce sera pour que son pouvoir ne soit pas entaché pour avoir été assuré tout d'abord par ... une sorcière.
Alors qu'au XVe siècle Charles VII a peut-etre réellement partagé avec beaucoup de Français de son époque la foi dans la prophétie selon laquelle une “pucelle” sauverait le trône du roi de
France, les scientifiques d'aujourd'hui se sont interrogés sur la personnalité de cette jeune fille qui entend des “voix celestes” lui ordonnant de quitter la maison familiale (avec un subterfuge) pour entreprendre toutes ces actions qui l'amèneront face au “gentil Dauphin”, à devenir l'âme d'une armée de libération et enfin à soutenir les interrogatoires subtils des inquisiteurs. Sur cet aspect important de l'histoire de Jeanne d'Arc je trouve intéressant ce qui est expliqué dans https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2009-10-page-907.htm
Quant aux nombreux films basés sur Jeanne, je signale celui de
Robert Bresson de 1962 et celui de
Luc Besson de 1999.