Tour à tour , je fulmine , suis euphorique de retrouver quelques pépites oubliées dans mon abondante bibliothèque que je réagence dans de nouveaux rayonnages , qui vont du sol au plafond... et je tombe sur une correspondance étonnante, lue il y a plus de 10 ans (je relis avec étonnement mes soulignements au crayon, habituels dont je n'ai pas le moindre souvenir. !!!
Pourtant l'histoire de cette correspondance amicale est des plus inédites et uniques. Je désire parler de la Correspondance d'André Gide et Jean Malaquais, entre 1935 et 1950. C'est une magnifique correspondance, âpre , authentique entre deux êtres si différents, qui n'appartiennent pas à la même classe sociale.
Cf " note de l'éditeur: ils n'auraient pas dû se rencontrer, ils se rencontrent. Une conjonction promise à faire quelques étincelles. Quarante ans les séparent, mais bien d'autres choses encore.
Malaquais- né Vladimir Malacki-, petit juif de Pologne parti de chez lui à dix-huit ans courir le monde , débarqué en France au début des années trente et y crevant la dalle au gré de cent boulots de galérien... mais allant se chauffer le soir en bibliothèque, apprenant tout Villon par cœur, et se piquant d'écrire en notre belle langue alors qu'il parle encore avec l'accent de sa quasi-Sibérie natale. (...)
Cette franchise bien râpeuse plaît à Gide, et une amitié commence là, turbulente parfois, qui durera jusqu'à la mort de l'aîné en 1951, sans défection d'un côté ni de l'autre. (p. 9)
Cela me donne une vive envie de relire les textes de André Gide, lu dans mon adolescence, en découvrant un visage inconnu de cet écrivain, que je trouvais à tort "bourgeois et frileux "!!!
Un bourgeois qui n'a pas eu besoin de travailler pour vivre, mais qui a aidé financièrement , moralement, pratiquement (corrections, conseils stylistiques) un grand nombre d'écrivains, en qui il croyait. Un homme narcissique, mais aussi généreux et exigeant, lorsqu'il pressentait du talent et de la sensibilité. De même, Gide s'est battu pour faire émigrer des Juifs en Amérique... dans cette période terrible...
Je dois préciser que l'écrivain, Jean Malaquais a des tripes et du style... Du moins ce que j'ai pu en "juger" à travers ces quelques lettres !!!
J'avoue humblement que je n'ai toujours pas lu son texte plus connu "Les Javanais"
Je trouve cette correspondance sensationnelle pour plusieurs raisons entrecroisées : on assiste à l'éclosion d'une amitié authentique où chacun des protagonistes garde sa personnalité et son franc-parler, où des vérités , pas toujours agréables, se disent, explosent... Parallèlement, on observe le vrai souci de Gide pour son ami, Malacki (Malaquais) , qu'i puisse puisse écrire, travailler son premier manuscrit ("Les Javanais"), avec moins de soucis financiers...
Au fil de ces lettres, on constate la progression très significative de l'écriture de Malaquais, la reconnaissance de son travail d'écrivain...par le milieu littéraire... les engagements humanitaires, amicaux de Gide...
Plus que "Les Javanais", cette correspondance m'a insufflé l'envie de lire son 2ème roman, "Planète sans visa"- Dans cette fresque, dont Marseille en 1941-1942 est le centre, des dizaines de personnages se battent face aux difficultés qu'engendre la guerre; parmi eux, Stephen Audry, dont le modèle est André Gide....
Une correspondance incroyable nourrie d'amitié, des engagements les plus forts (dont une longue période de guerre), un amour de la littérature et de l'écriture !! Pour tous les passionnés de "tout cela"... précipitez-vous... même en lecture d'été !!!
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Jean Malaquais à André Gide- Mexico , le 14 juillet 1943
(...) et , oui , nous sommes devenus amis, nous nous sommes peu à peu liés d'une vraie et belle amitié, laquelle, pour moi du moins, compte dans les plus belles expériences de ma vie. Catholiques et pratiquants, les de Mesnil m'ont pour la première fois éclairé sur ce que pourraient être des âmes chrétiennes dans un monde qui ne sonnerait pas faux. Ce qui a permis la naissance de notre amitié réciproque , c'est l'exceptionnelle qualité de cœur de ces deux êtres; ce qui l'a raffermie, c'est qu'aucun de nous ne se sentait tenu à des concessions d'ordre intellectuel ou moral. (p. 168)
Jean Malaquais à André Gide- 11 janvier 1937
(...) comprends-tu maintenant tout ce qu'est ton amitié pour moi ? Elle est ma fierté, mon orgueil. Je me sens meilleur sous son souffle, elle m'embellit intérieurement, elle me paie de toutes les haines ! elle est devenue un des attributs de ma vie, une conquête positive, impérissable de ma vie. Nul ne saura l'arracher de mon cœur ! Il fallait que je te dise cela... Je me devais de te dire tout ce dont je te suis redevable... Sache que chaque mot de toi, que chaque minute passée en ta présence, que de te savoir ami- me procure courage et joie, assez de courage et assez de joie pour toute mon existence
.
V. Malacki (p.50)
Jean Malaquais-
Mon salut fut Sainte-Geneviève, j'entends la bibliothèque du même nom, la seule ouverte jusqu'à dix heures du soir. Je m'y réfugiais tous les après-midi, me gorgeant de chaleur et de livres, de paix et de présence humaine. Si j'avais osé, je m'y serais laissé enfermer: je n'aurais pas détesté cela, être fantôme de bibliothèque. je lisais et scribouillais pour dix et, lorsque je levais les yeux de mon texte, c'était pour percevoir cent jeunes têtes pas tellement dissemblables de la mienne. Comme j'appréhendais alors l'heure de la fermeture, la nuit froide, la corvée aux halles ! (p. 25)
11 janvier 1937. Jean Malaquais à André Gide
(...) Telle est la psychologie du pauvre (pauvre, ici, au sens figuré), que plus on le comble, et plus il se sent miséreux. C'est cela, ou certainement quelque chose dans ce goût-là. (...)
Si je me sens (et c'est comme une obsession) indigne de ton amitié, ce n'est point par sentiment chrétien, ni par humilité: c'est que j'y attache un prix à aucun autre comparable: c'est qu'elle pèse sur moi qui donne un sens plus vaste, plus riche, au contenu de ma vie. (p.48)
Jean Malaquais à André Gide- paris, le 22 décembre 1935
(...) je suis un simple, un humble. Le peu que je sais, je l'ai appris moi-même, sans maître, sans école. Depuis toujours, le pain m'avait été amer, les jours passés dans les usines, les mines, les bureaux, les nuits à lire. Il y a quelques années, je suis tombé d'inanition en pleine rue et plusieurs mois je restai dans entre la vie et la mort. Le suicide me hantait de son haleine empoisonnée, m'obsédait comme un cauchemar. L'existence était sans espoir, sans possibilité de fuite.
Puis, vous, Barbusse, Malraux. Plus de jérémiades, plus de lamentations. Une vision de ce qui vient et de ce qui sera, une certitude en la "fraternité virile", la conscience de ce que le drame personnel s'absorbe dans le drame social. (p.32)
CHAPITRES :
0:00 - Titre
M :
0:06 - MÉCHANCETÉ - Henry Becque
0:16 - MÉDECINE - Jean de Villemessant
0:28 - MÉDISANCE - Gabriel Hanotaux
0:39 - MÉNAGE - Claude Roy
0:51 - MODESTIE - Laurent de la Beaumelle
1:01 - MONDE - Comte de Oxenstiern
1:11 - MOQUERIE - Léon Brunschvicg
1:21 - MORT - Alphonse Rabbe
1:31 - MOT - Michel Balfour
N :
1:42 - NAISSANCE ET MORT - Alexandre Dumas
1:55 - NÉANT - Villiers de L'Isle-Adam
O :
2:07 - OISIVETÉ - Noctuel
2:21 - OPINION DES FEMMES - Suzanne Necker
2:41 - OPTIMISME - André Siegfried
P :
2:52 - PARAÎTRE - André Gide
3:02 - PARLER - Maurice Donnay
3:14 - PARLER SANS BUT - Oscar Comettant
3:26 - PAROLE - Pierre Dac
3:38 - PASSION - Comte de Saint-Simon
3:49 - PÈRE - Francis de Croisset
4:00 - PERFECTION DE LA FEMME - Alfred Daniel-Brunet
4:12 - PESSIMISME - Ernest Legouvé
4:24 - PEUPLE - Gustave le Bon
4:35 - PHILOSOPHIE - Georges Delaforest
4:49 - PLEURER - Malcolm de Chazal
4:57 - POSE - Jean Commerson
R :
5:16 - RAISON - Albert Samain
5:28 - RÉCEPTION - Fernand Vandérem
5:45 - RÉFLÉCHIR - Julien Benda
5:56 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Henry Becque : https://libretheatre.fr/wp-content/uploads/2017/02/Becque_Atelier_Nadar_btv1b53123929d.jpg
Jean de Villemessant : https://www.abebooks.fr/photographies/Disdéri-Hippolyte-Villemessant-journaliste-patron-Figaro/30636144148/bd#&gid=1&pid=1
Gabriel Hanotaux : https://books.openedition.org/cths/1178
Claude Roy : https://www.gettyimages.ca/detail/news-photo/french-journalist-and-writer-claude-roy-in-1949-news-photo/121508521?language=fr
Laurent Angliviel de la Beaumelle : https://snl.no/Laurent_Angliviel_de_La_Beaumelle
Léon Brunschvicg : https://www.imec-archives.com/archives/collection/AU/FR_145875401_P117BRN
Alexandre Dumas : https://de.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Dumas_der_Ältere#/media/Datei:Nadar_-_Alexander_Dumas_père_(1802-1870)_-_Google_Art_Project_2.jpg
Villiers de L'Isle-Adam : https://lesmemorables.fr/wp-content/uploads/2020/01/2-Villiers-jeune.jpg
Noctuel : https://prixnathankatz.com/2018/12/08/2008-benjamin-subac-dit-noctuel/
Suzanne Necker : https://www.artcurial.com/en/lot-etienne-aubry-versailles-1745-1781-portrait-de-suzanne-necker-nee-curchod-1737-1794-huile-sur#popin-active
André Siegfried : https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/02/09/31001-20160209ARTFIG00272-andre-siegfried-figure-tutelaire-de-la-geographie-electorale-contemporaine.php
André Gide : https://www.ledevoir.com/lire/361780/gide-et-le-moi-ferment-du-monde
Maurice Donnay : https://www.agefotostock.com/age/en/details-photo/portrait-of-charles-maurice-donnay-1859-1945-french-playwright-drawing-by-louis-remy-sabattier-from-l-illustration-no-3382-december-21-1907/DAE-BA056553
Oscar Comettant : https://fr.wikipedia.org/wiki/Oscar_Comettant#/media/Fichier:Oscar_Comettant-1900.jpg
Pierre Dac : https://www.humanite.fr/politique/pierre-dac/presidentielle-1965-pierre-dac-une-candidature-moelle-732525
Saint-Simon : https://www.britannica.com/biography/Henri-de-Saint-Simon
Francis Wiener de
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