Un roman documentaire qui met en avant la vie et l'histoire de Français dont on parle peu et qu'en général on connaît mal, même si on les côtoie tous les jours.
Côté documentaire, on en apprend vraiment un "rayon" sur le Mali, pays de musiciens et de chanteurs, notamment grâce au dossier de la fin de l'ouvrage sur "L'immigration malienne en France". Adama, l'adolescent de ce roman porte d'ailleurs le même prénom qu'Adama Drame, le maître du djembé. Un pays multi-ethniques, peuplé de Touaregs, de Maures, et de Peuls (populations nomades qui débordent les frontières du Mali) mais aussi des Bambaras (majoritaires), de Malinkés, de Dogons et de Soninkés. Ces derniers constituent les principaux migrants maliens en France. On apprend pourquoi ceux sont eux qui arrivent dans l'Hexagone. le Mali, un pays culturellement riche et multi-linguistique.
Une chronologie récapitule les principales dates de l'histoire du pays, depuis la colonisation française en 1880 jusqu'à l'indépendance (1960), l'immigration en vers l'Hexagone, les lois "
Pasqua" (1993), la guerre civile actuelle menée par des terroristes islamistes sur une partie du Mali.
Côté fiction (qui sert de support au dossier documentaire de la fin de l'ouvrage), on a affaire à un ado curieux de ses origines depuis le jour où il a vu son ami Ibrahima embarqué par la police. Il cherche à comprendre pourquoi et se met à rêver de partir au Mali. le jour où son père annonce qu'il repart là-bas le temps d'inaugurer une école, Adama lui demande de l'emmener. Son père fait mine d'établir un deal : pour partir, Adama devra obtenir 12 de moyenne générale. Un ressort narratif qui met un peu de suspense dans le récit mais on se doute bien qu'Adama va partir. Et ce voyage va lui donner de l'épaisseur et une identité et lui permettre de grandir :
"J'ai grandi dans le ventre de ma mère, et son ventre c'est Kayes, et puis j'ai poussé dans la cité, la tour 7, c'est mon ventre à moi, et à l'instant où je parle toutes ces lumières et tous ces ventres se superposent sous mes yeux, faudrait que je la place dans mon devoir, tu vois.
Quelque chose comme : "Cet été, j'ai fait des milliers de kilomètres, j'ai suivi les menottes d'Ibrahima, j'ai traversé le jaune de la carte, je suis retourné dans le ventre de ma mère plein de charters tristes et de terre brûlante, j'ai touché mes premiers seins de fille. Et aussi, j'ai collé en surimpression le profil bleu gaz et nuit de ma mère, et la fenêtre criblée d'ampoules de notre cuisine, tour 7, et dans cette image, je me suis reconnu.""
Un texte magnifiquement écrit par
Valentine Goby, un docu-fiction très riche. le seul reproche que je peux faire c'est un chouia de manque de suspense dans l'histoire d'Adama pour tenir le lecteur récalcitrant en haleine. On sent bien que c'est l'aspect documentaire qui prime sur le reste.
En tout cas, très intéressant !