AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070270606
152 pages
Gallimard (04/04/1969)
3.92/5   6 notes
Résumé :


Descriptions du produit

Biographie de l'auteur
Eugène Guillevic (1907-1997) a grandi en Bretagne, puis en Alsace, où il a fait ses études et découvert la poésie. Inspecteur au ministère des Finances, à Paris, il a vécu la guerre en tant que résistant. Sa poésie, d'abord orientée par son activité militante, a peu à peu trouvée sa vraie forme, marquée par l'influence de Cézanne qu'il admirait.

Auteur de quelque vin... >Voir plus
Que lire après VilleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Apres le pieton de Paris, de Fargue, Ville, de Guillevic.

Guillevic essaie de decrypter la ville, de saisir son corps et son ame, et malgre une certaine reticence il la celebre. Quelleville, qu'il ne nomme pas? La grande, la capitale, construite autour du fleuve qui la definit. Paris.

Guillevic n'est pas ne a Paris. J'ai eu la flemme de verifier dans le Wikipaedia mais a la lecture de cet opus cela m'est clair. Il a du grandir dans une petite ville de province aux relents campagnards. Des effluves, un parfum, qui lui manquent a Paris:
“Acacias, marronniers, platanes, Ce sont les arbres de la ville, Et quelquefois tilleuls et sorbiers des oiseaux. Mais pas de chênes”.
Et il s'en desole:
Ville, vois tes campagnes Qui t'offrent leur écoute, Qui vont être perdues Si tu les agglutines le long de ton squelette Étendu sur les terres. Car toi-même sans elles Qu'est-ce que tu seras ?”

La ville est demesuree par rapport aux hommes qui l'habitent:
“Un, plus un, plus un, Et encore un, d'autres encore, Et d'autres, plus. Un chaque fois qui s'additionne À tous ceux qui sont là, Autant de fois rien qu'un. Tous ceux qui vont, qui se rassemblent, Qui ne sont plus une addition, Mais autre chose”.
De cette demesure peut naitre la solitude:
“Un homme allait à pied dans une rue quelconque, La nuit, longeant des maisons, des boutiques, Des fenêtres, du mur, quelquefois du métal. Il y avait des lampadaires ; de loin en loin, Un peu d'êtres humains. C'est arrivé à mi-chemin Entre deux lampadaires. Il a crié ; « Mais j'existe pourtant. Je cherche où c'est. Essayez-moi. »”.
Mais cette solitude peut etre aussi porteuse d'espoir:
“Fourmis, fourmis – Pas si fourmis que ça, Ces gens qui vont, Qui courent, se faufilent, Qui se frôlent, s'entassent. Ou c'est que les fourmis Ne sont pas ce qu'on dit. Car dans les gens d'ici, Prétendument fourmis, Ça rêve bougrement”.
Et de toutes facons on peut vaincre la solitude:
“Combien d'hommes, de femmes, À former couple au même instant, Dans tes lumières, tes pénombres, Vont l'un vers l'autre en tâtonnant, Qui s'inventent, s'oublient, se retrouvent dans l'autre, Pris, enroulés Dans un tissu qui les dépasse Vers l'origine et les futurs, Prennent en charge ton noyau Avec ta pulpe, avec ta peau, Te portent haut, Te justifient”.

Avec le temps il s'habitue a la ville:
“La devanture des pâtisseries Répond à la douceur du ciel Quand il se reconnaît d'espace, À la douceur de ses nuances Qui témoigneraient que la ville N'exhale pas que des verdicts”.
Un peu surpris d'abord:
“Va ! Continue Ce chant de flûte, mais c'est qui ? Il va la ville, se frotte aux murs, de rue en rue, de place en place, Et par moment il se rencontre Comme de l'ombre avec de l'ombre Et va plus loin S'insinuer”.
Mais en fin de compte il se laisse charmer:
“Certains jours, Il y a sur la ville Des oriflammes de sourire Qui seraient là pour annoncer de plus beaux jours”.
Et c'est l'aveu respectueux:
“La ville est pourtant Ce qui compte le plus, Qui doit compter le plus Parce que rien N'est plus nous-même que ça. Quand elle change, c'est nous Qui la faisons changer. Elle est notre ouvrage, Quand même. Apprends-toi Dans la ville”.
Et c'est l'hommage:
“Tu es depuis longtemps, Tu es jour après jour Dans la mythologie. Et c'est aussi pourquoi Tu es vivable, ville, Pour des millions qui savent Vivre aujourd'hui cette légende Que tu seras”.

En fait c'est un recueil introspectif, ou Guillevic essaie de saisir le changement qui s'est opere en lui, passant de l'hote qui gardait ses distances, grogneur, a l'amoureux pudique mais quand meme encenseur de sa ville. Parce que oui, elle est devenue, malgre ses reticences, SA ville.

P.S. Je n'ai fait que citer. Que pouvais-je faire d'autre, face a un poete?
Commenter  J’apprécie          613
 
 
Méditation poétique sur la capitale Paris.

Ville lueur brodée d'adjectifs :
tourbillonnante, tentaculaire
vrombissante, bruyante
coagulante.

Ville-jour, ville-nuit
Ville taupinière, surtout le soir
Ville toujours en travaux.

Guillevic perçoit sur la ville comme
un battement.

Ville contenant s'intéressant au contenu.

Ville et sa question fondamentale :
Est-ce lourd une ville ?


Ainsi :

" Il y avait une lueur un peu rouge
Qui pénétrait par la fenêtre dans la chambre
Où l'on pouvait se passer d'elle.

C'était probablement la ville, cette lueur,
Et même le fleuve s'y trouvait,

Qui n'avait pas assez de place où il était
Et qui venait avec le reste
Nous relancer dans notre nuit.
p.9


" Pas autre chose encore, la ville,
Guère autre chose qu'une lueur
Où sont brodés des adjectifs :

Tourbillonnante, gigantesque, tentaculaire, —
Des adjectifs

Qui, comme d'habitude,
Ont l'air d'accueillir
Et qui vous diluent.
p.10


" Elle voudrait partir,
La ville, se quitter,

En montant dans le noir,
En se dilapidant parmi les mille vents,
Les eaux qu'elle salit, les cadavres des hommes.

Elle voudrait partir
En brouillard, en poussière,
En sanglots, en hoquets, en linge abandonné.
p.12


" La ville fait du bruit, des bruits,
Reconnaissables, reconnus, catalogués,

Pour en masquer de moins tranchés,
De moins criards, d'infinis,

Qui viennent en catimini
Et font en nous semblant de jouer au silence.
p.15


" Coagulée, la ville,
Coagulante aussi :
Coagulée, coagulante.

À tel point que le mot
Même d'hémoglobine
Me fait penser à toi.
p.20


" Je me suis assis dans un fauteuil
Au creux d'une chambre, au fond de la ville.

Là elle est tout autre que dans les gares,
Dans les rues, dans les magasins,
Dans l'entrée des commissariats.

Là il y a respect
Et comme la réception d'une eau rajeunie,

Filtrée par les années
Où la lumière a attendu
Quelque tendresse de la ville.
p.22


" Et nous n'entendons guère
Les tourbillons en chaîne
Qui meublent ces atomes
Dont nos corps sont formés.

Nous n'entendons pas plus
Les autres tourbillons
Qui remplissent les lieux
Où nous mettons nos corps.

Tout ce vrombissement
Fait un bruit de pétale
À peine. Et nous pouvons

Écouter nos silences
Escalader leurs bruits.
p.26


" Il faudrait, je cois,
Pouvoir circuler à travers la ville
Comme un globule rouge
À travers le corps,

Qui voit en passant,
Touche les tissus,

Parce qu'il est en train
De devenir ce qu'il regarde.
p.36


" Combien d'hommes, de femmes,
À former couple au même instant,
Dans tes lumières, tes pénombres,

Vont l'un vers l'autre en tâtonnant,
Qui s'inventent, s'oublient, se retrouvent dans l'autre,

Pris, enroulés
Dans un tissu qui les dépassent
Vers l'origine et les futurs,

Prennent en charge ton noyau
Avec ta pulpe, avec ta peau,

Te portent haut,
Te justifient.
p.37


" Elle sait, la ville,
Comment employer
Les grandes masses de temps,
À son avantage, à sa nouaison.

Les digérer, les expectorer
Selon le hasard des milliers de rues,

Les retenir en gris et rose,
En ponçage de pierres.

Ce qu'elle sait moins
C'est ce qu'on peut faire
Du temps en détail,

De la chapelure
D'heures, de journées,
Qui s'en va sans elle.
p.41


" Taupinière, la ville,
Surtout le soir.

Vers le soir aussi :
Tribu de bruyère en exaltation.

Au soleil couchant,
Bruyère au soleil.
p.43


" Toujours en travaux,
Tes rues, tes trottoirs.

Et je te creuse et je te comble,
Et je recreuse au même endroit,
Et je remue et je rebouche.

Comme si l'on venait
Gratouiller ton squelette
Avant qu'il ne s'ennuie.
p.61


" Je ne vois pas sur la ville
Ce tremblement

Qui est sur la mer,
Qui est sur les champs,
Où il devient le cri des mouettes,
L'ombellifère.

Je vois sur la ville
Comme un battement.
p.63


" Qu'est-ce qu'après tout
Je vais chercher ?

Tu es un lieu,
Tu n'es que ça.

Où vivre, où travailler,
Se raconter, aller ensemble.

Un croisement de rues, de machines, des gens,
Un contenant, comme une boîte.

Mais c'est un contenant
Qui s'intéresse au contenu.
p.101


" Capitale, tu es donc
La ville des bureaux.

On passe dans tes rues,
On voit dans tes bureaux,
On se demande ce que c'est,
À quoi ça sert.

Et quand on est dedans,
Qu'on y travaille, on sait
Qu'on est au centre, que la ville
N'est qu'un revêtement

Pour ces hors-lieux où tout arrive
Se faire enregistrer, s'inscrire
Dans la trame des actes,

Dans la rédaction
De l'histoire en cours.
p.104


" Est-ce que c'est lourd,
Une ville ?

Est-ce qu'elles ont toutes
Une égale densité ?

La capitale
Est peut-être plus lourde,

Ce qui donnerait une indication
Sur les causes de la lourdeur.
p.111
Commenter  J’apprécie          170

Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
 
 
« Pas en deçà,
Pas au-delà,
Ici non plus. »

Ce serait la devise
Aujourd'hui de la ville.

Qui pourrait devenir :
C'est ici même.

p.71
Commenter  J’apprécie          90
Il ne voulait plus, cet homme
Du silence.

Il avait trop de bruits
Dans les rues de son sang

Pour être seul, au creux d'un vide,
A les attendre et les entendre.

Il fallait qu'il y ait
Dialogue entre ses cris
Que son corps étouffait

Et les bruits de la ville.
(p. 146)
Commenter  J’apprécie          20
 
 
Quand il pleut sur la ville
On peut penser que tombent

Les éclats du miroir
Que la ville s'invente.

p.54
Commenter  J’apprécie          50
Un, plus un, plus un,…


Un, plus un, plus un,
Et encore un, d’autres encore,
Et d’autres, plus.

Un chaque fois qui s’additionne
À tous ceux qui sont là,
Autant de fois rien qu’un.

Tous ceux qui vont, qui se rassemblent,
Oui ne sont plus une addition,
Mais autre chose,

Ou la ville prend muscle,
Où son souffle prend voix,

Tâte son avenir.
Commenter  J’apprécie          10
Lisons les façades, Voyons les fenêtres / Les fins de mois, les comptes en banque, Les sous-vêtements, les enterrements, / Les mains, les regards, Les rentrées le soir./ Voyons la ville, S’auréoler d’usure. / Coagulée, la ville, Coagulante aussi : Coagulée, coagulante. / À tel point que le mot, Même d’hémoglobine, Me fait penser à toi.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Eugène Guillevic (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Eugène Guillevic
VICTOR POUCHET - LA GRANDE AVENTURE - 18 questions sur la vie et la poésie
« le fil c'est peut-être une histoire très simple : tragi-comédie en cinq actes et deux personnages. L'un régulièrement menace de partir. L'autre se contente d'écrire des poèmes, dans l'espoir absurde de l'en empêcher. » Dans le roman-poème La Grande aventure, Victor Pouchet déroule une histoire à la fois bouleversante et légère en vers : une rencontre, des micro-aventures qui prennent des proportions de l'univers, des angoisses cosmiques, chansons tristes et verres de vin. Cette conférence-performance est l'occasion de traverser le livre et l'aventure de son écriture à travers une série de questionnements poétiques (ou presque) qui concerneront entre autres choses l'hypnose, Georges Perros, les récits épiques, Eugène Guillevic, les imprimantes laser avec option wifi, le doute et les chips au vinaigre.
À lire – Victor Pouchet, La grande aventure, Grasset, 2021.
+ Lire la suite
autres livres classés : villesVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (17) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1220 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}