Un poète, infiniment supérieur à l'ensemble des platitudes de la rentrée commerciale des pages imprimées...
Souveraineté de la pauvreté (1)
1
Hafiz, donne-moi la plume du ciel, donne-moi les mots des étoiles, donne-moi les rimes des astres, donne-moi le rythme des galaxies,
pour te dire,
toi,
Hafiz,
toi et tes beautés; ou prête-les moi, le temps suffisant en ce monde de l'illusoire,
prête- les à ma langue indolente,
à mes mots dérisoires...
2
Un contrat fut scellé dans le passé,
et mes larmes amères et tous mes pleurs -
débordant comme un déluge de
Noé
ne purent laver la table de mon coeur(2);
puis-je avec certitude dire que c'est Lui,
alors que je ne sais, rien, rien de moi?
Mais puis-je affirmer que ce n'est pas Lui
maintenant, quand son regard est à moi?
le coeur est une lyre à mille cordes,
qui vibrent en harmonie avec l'amour;
les amants malhabiles les désaccordent,
sans espoir d'aucun fugitif retour.
Apprends-moi à transformer deux en un,
en dansant avec lui qui est au loin.
3
en forme de Ghazal (3)
Oubli de tous les désirs de vérité, nos consciences étaient toutes fermées, à la non-humanité,
Nous avons franchi les frontières du néant, ses torrents emportent tous les fondements, vers la non-humanité,
Quand les fêtes secouent les poussières du deuil, le chagrin du temps nous couvre de son linceul, de non-humanité, Les paroles dites deviennent notre maison quand les mots de haine se dressent à l'horizon, de la non-humanité, Mermed, emploie-toi à tisser la lumière dans la trame balbutiante de tes vers, nés dans la non-humanité,
puisque les mots de Hafiz se sont perdus, dans les balles de ceux qui ne les ont pas lus, du fond de leur non-humanité.
4
Hafez, le vin, la quête, l'amour; Non-humanité, sans vin, ignorance, mort.
Les mêmes langages...
5
Et tu danses toujours ainsi qu'en ma mémoire,(4) quand tous les amants vont à la maison du vin, retrouver la Sulamite, si belle femme noire - heureux fils du temps sans souci des purotins.
Puis nous nageons toujours dans la danse des sons, visages encore marqués des cicatrices de ceux qui ont sans cesse cherché l'amour dans la prison de ces coupes où l'on voit et le monde et les cieux.
Artistes sur la scène offerte à l'univers, nous avons dessiné sur le vin nos portraits, pour que s'effacent nos vies et leurs mystères.
Désormais étrangers sur les chemins abandonnés de l'amour, nous avons connu toutes les errances, celles de la peur et de toutes les ignorances .
Hafez, né à Chiraz (Iran) au 14° siècle; il serait né vers 1310 et mort vers 1380; son nom, Hafez, signifie gardien et par extension désigne celui qui connait l'intégralité du Coran par coeur. Je lis Hafez en Français, le Divân,
Hâfez de Chiraz, notes et traduction de Charles-Henri de Fouchécour, 2006, Verdier poche, Paris. Je le lis également en Anglais, The Gift, Poems by Hafiz, the great Sufi Master, traduction de Daniel Landinsky, 1999, Penguin Compass.
1 'la souveraineté de la pauvreté' (ghazal 479, Tr.
Charles-Henri de Fouchécour)
2 la Table du Coeur: la mémoire dans la Bible (entre autres, Proverbes 7,3) et aussi dans les
sonnets de
Shakespeare (Sonnet 24)
3 le ghazal est un poème composé de distiques de deux vers. le second vers se termine par un mot ou groupe de mots, identique dans chaque distique. En général, le ghazal cite le nom de son auteur dans l'un des derniers vers.
4 avec mes remerciements à Arthur R. (Les Veilleurs)
© Mermed
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