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Jean Dagen (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080703934
295 pages
Flammarion (07/01/1993)
3.52/5   133 notes
Résumé :
" En achevant ces paroles, elle baissa les yeux, comme si elle eût été honteuse de m'en avoir tant dit. Malgré le tour sérieux que notre conversation avait pris sur sa fin, je me souvenais parfaitement du ridicule que Madame de Lursay avait jeté sur mes craintes. Je la pressai tendrement de me regarder ; je l'obtins. Nous nous fixâmes. Je lui trouvai dans les yeux cette impression de volupté que je lui avais vue le jour qu'elle m'apprenait par quelles progressions o... >Voir plus
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Après avoir découvert le père, j'ai eu envie de le comparer au fils. J'avais déjà lu Les égarements du coeur et de l'esprit il y a un très très longtemps, j'en avais gardé un souvenir un peu confus, d'un roman d'apprentissage au siècle du libertinage. Je pensais juste le parcourir, au final je l'ai lu en entier, ou presque (je suis passée très rapidement sur quelques passages).

Le terme « libertin » renvoi à deux concepts, la liberté de pensée qui dès le XVIe siècle commence à mettre en doute, en particulier la religion, jusqu'à dans certains cas l'athéisme, et un libertinage de moeurs, apparu dans un deuxième temps, en quelques sorte comme une conséquence du premier, et qui est aussi une remise en cause d'un certain ordre social. On associe beaucoup plus facilement le libertinage actuellement au libertinage de moeurs, mais il ne faut pas oublier l'origine du concept. Un roman libertin, même s'il contient des éléments érotiques voire pornographiques (et c'est loin d'être le cas pour tous) contient aussi des éléments philosophiques et/ou artistiques. le libertinage procède d'une conception matérialiste, d'une primauté accordée à la Nature, de la recherche d'une morale naturelle fondée sur l'épanouissement des instincts vitaux de l'homme, d'où découle une certaine conception de la sexualité.
En même temps, ce type de littérature est vraiment le produit d'une époque, et encore plus particulièrement d'une classe sociale, véhicule une conception aristocratique. Que ce soit dans les personnages, dans le langage employé, dans les stratégies de séduction.

Pour en revenir à Crébillon et à son roman, la première partie paraît en 1736, la deuxième et troisième en 1738, et le roman ne sera jamais achevé, même s'il est suffisamment prévisible pour qu'on se doute de la fin. Il s'agit d'un roman d'apprentissage, le personnage principal, Meilcour a 17 au début du livre, et va vivre, par le biais de son éducation sentimentale, sa formation en tant qu'homme.

« La première et la seconde partie roulent sur cette ignorance et sur ses premières amours. C'est, dans les suivantes un homme plein de fausses idées, et pétri de ridicules, et qui y est moins entraîné encore par lui-même, que par des intéressées à lui corrompre le coeur, et l'esprit. On le verra enfin, dans les dernières, rendu à lui-même, devoir toutes ses vertus à une femme estimable. »

Donc notre Meilcour, sot et imbu de lui-même, de surcroît terriblement timide, rencontre dans le monde Mme de Lursay, une femme bien plus âgée que lui.

« Telles étaient les dispositions de Mme de Lursay lorsqu'elle forma le dessein de m'attacher à elle. Depuis son veuvage et sa réforme, le public, qui pour n'être pas toujours bien instruit n'en parle pas moins, lui avait donné des amants que peut-être elle n'avait pas eus. Ma conquête flattait son orgueil et il lui parut raisonnable, puisque sa sagesse ne la sauvait de rien, de se dédommager par le plaisir de la mauvaise opinion qu'on avait d'elle. »

Et donc notre veuve entreprend de séduire notre jeune homme, tout en essayant de lui faire croire que c'est lui qui en a envie et qui est l'élément moteur dans toute cette histoire. Vu la stupidité du dit jeune homme, le moins que l'on puisse dire que ce n'est pas gagné, et cela donne lieu à quelques passages hilarants.
Par exemple, elle réussit à le garder le soir dans son boudoir, espérant qu'il se montre un peu entreprenant :

« Je ne me vis pas plutôt seul avec elle que je fus saisi de la plus horrible peur que j'aie eue de ma vie….elle s'aperçut aisément de mon embarras, et me dit, mais du ton le plus doux, de m'asseoir auprès d'elle sur un sopha où elle s'était mise. Elle y était à demi couchée, sa tête était appuyée sur des coussins, et elle s'amusait nonchalamment et d'un air distrait à faire des noeuds…..
Vous faites donc des noeuds, madame ? lui demandai-je d'une voix tremblante.
A cette intéressante et spirituelle question, Madame de Lursay me regarda avec étonnement. Quelque idée qu'elle se fût faite de ma timidité et du peu d'usage que j'avais du monde, il lui parut inconcevable que je ne trouvasse que cela à lui dire. »

Et entre temps, Meilcour rencontre une ravissante jeune fille de bonne famille, dont il tombe amoureux, et qui aussi n'est pas insensible à ses charmes. Mais niais comme il est, il pense qu'elle en aime un autre. Il subit également l'attraction d'un petit maître, séducteur, cynique, Versac.

Le livre s'achève, alors qu'il vient enfin de succomber à Mme de Lursay, mais sur laquelle, à cause d'une intervention de Versac, il ne se fait guère d'illusions.

C'est très bien écrit, parfois très drôle (surtout au dépend du pauvre Meilcour) et même si c'est un peu didactique (il y a de longues considérations, en particulier sur l'amour mais pas que) cela constitue une lecture très agréable, même si la fin nous est annoncée d'emblée, et que les personnages restent plus des types que des vrais personnes.
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Après les errances lubriques de Bukowski, je voulais revenir au libertinage et aux salons du XVIIIe, en me fiant à la réputation de ce roman et à la quatrième de couverture, sans me douter qu'en réalité, j'allais plus me retrouver du côté de Marivaux que de Sade... Mais peu importe, j'ai passé un excellent moment. Mes incursions dans le XVIIIe siècle français sont rares, mais toujours très appréciées, elles me replongent toujours dans les cours fabuleux de Fabrice Chassot, excellent XVIIIémiste de l'Université Toulouse-II, l'année où La Vie de Marianne était au programme de l'agrégation...

Ce roman, comme ceux de Marivaux, est une suite de rencontres mondaines où le paraître millimétrique, les interactions sociales et leur interprétation, décident de tout, avec en plus des débats sans fin sur les sentiments amoureux, le désir, la fidélité, la réputation et son extrême importance... Il se passe peu de choses véritablement, et l'on y tergiverse beaucoup, mais j'adore, justement grâce à cette plume du XVIIIe. L'intrigue est très simple : le jeune Meilcour, qui ne connaît pas vraiment le monde (la bonne société comme les plaisirs, sous-entendu), fantasme sur celui-ci, et jette d'abord son dévolu sur Madame de Lursay, plus âgée, amie de sa mère, qu'il connaît depuis l'enfance. Ce qui est passionnant, c'est que grâce aux infinies tergiversations des personnages, l'on se rend compte qu'il n'est pas réellement amoureux d'elle, mais veut juste se projeter dans une histoire d'amour, en vivre une, il s'agit plus d'attirance sexuelle pour Madame de Lursay... Alors que Meilcour essaie de séduire Madame de Lursay et de la persuader de vaincre pour elle-même sa réputation de femme seule qui en a fini avec les plaisirs, il croise une jeune femme dont il ne connaît d'abord pas l'identité, et dont il tombe éperdument amoureux. Il cherchera alors à se débarrasser de Madame de Lursay et de l'attirance qu'elle éprouve pour lui, mais les codes des salons mondains, qu'il ne cesse de mal interpréter et de mal exécuter, joueront contre lui, ainsi que l'évolution perpétuelle de son coeur. Les fameux égarements du coeur et de l'esprit sont ceux-là : Les aléas sentimentaux de Meilcour, en perpétuelle évolution, aussi dans sa propre façon de décoder ce qui se passe réellement dans son coeur, ainsi que les joutes oratoires perpétuelles des personnages, qui décident de la suite de leurs choix, de leurs actions... On notera la présence d'un personnage secondaire du nom de Versac comme mauvais génie et expert ès séduction qui, d'après les spécialistes, aurait influencé Laclos pour la création du Vicomte de Valmont dans Les Liaisons dangereuses.

Deux légers bémols : le style a au début souffert de la comparaison avec Marivaux (même si c'est évidemment très proche) et l'inachèvement supposé du roman, qui fait que l'on est un peu frustré. Ce qui est devenu le dénouement tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, et l'on pouvait imaginer encore plein de péripéties sentimentales pour Meilcour, dans sa découverte du monde, des plaisirs, de son coeur, et du ring des apparences et de la rhétorique de salon... Mais j'ai vraiment passé un superbe moment, loin de la frénésie débile et de l'hystérie vulgaire de notre époque...
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Quand on a eu comme moi, l'audace d'emprunter à Crébillon une partie du titre de son beau roman pour en couronner ses propres écrits, le moins que je puisse faire c'est de publier une chronique pour témoigner de mon admiration pour cet auteur phare du 18ème siècle qui a enchanté ses contemporains et continue à illustrer à travers les siècles, l'esprit français dans toute son élégance.
C'est bien une comédie sociale qu'il nous livre à travers les mésaventures du jeune Meilcour qui découvre les tourments du coeur et les incertitudes de l'amour à travers ses relations avec trois femmes.
Mme de Lursay, l'amie de sa mère, belle femme mûre et expérimentée qu'il admire et rêve de séduire alors que celle-ci lutte contre le tendre attachement qu'il lui inspire.
Mme de Sénanges, la voluptueuse coquine qui vit pour les plaisirs de l'amour et ne dédaignerait pas d'ajouter à son tableau de chasse ce joli jeune homme
Enfin la belle Hortense, mystérieuse et inaccessible qui enflamme les sens de notre héros par son indifférence.
C'est bien la maxime: suis-moi, je te fuis, fuis-moi, je te suis qui est ici illustrée avec un raffinement extraordinaire, porté par la merveilleuse langue du 18ème siècle qui berce son lecteur et le laisse imaginer qu'il lit, pelotonné dans une vaste bergère douillette aux moelleux coussins de satin.
Le monde révolutionnaire est encore loin et c'est la douceur de vivre d'une aristocratie oisive qui donne le ton au récit.
Toutefois, il ne faut pas être dupe des apparences et Versac, le mondain aguerri qui se pique de donner au jeune Meilcour de judicieux conseils pour se frayer un chemin dans le monde, traduit dans son discours le regard sans concession que porte Crebillon sur la socièté de son temps dans laquelle "le coeur et l'esprit sont forcés de s'y gâter, tout y est mode et affectation ".
Nous voici dans le royaume de l'imposture, de la dissimulation et du paraître, là où triomphe "l'esprit frivole et méchant, le discours entortillé".
Mais qui a dit que ce monde est tellement éloigné du nôtre et qu'il est impossible de s'y reconnaître et de s'y projeter ?
Regardez autour de vous. La nature humaine reste diablement identique et au détour d'un cocktail mondain , vous aurez certainement la surprise de croiser Versac qui aura troqué son jabot de dentelles et son habit de soie, pour un costume Hugo Boss. Ne manquez pas de le saluer de ma part ...
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Les Égarements du coeur et de l'esprit/Claude Prosper Jolyot de Crébillon dit Crébillon fils (1707-1777)
Quand le coeur partage enfin le désordre de l'esprit.
Crébillon fils est le fils de l'auteur tragique Prosper Jolyot de Crébillon (1674-1762) dit Crébillon père, élu membre de l'Académie Française en 1737.
Orphelin à l'âge de quatre ans, il fit de brillantes études au collège Louis le Grand.
Amateur de bonne chère et de femmes, fréquentant les esprits libres il sacrifie à la mode du persiflage qui sévit à l'époque.
Il fut emprisonné pour son activité politique, mais grâce à ses relations, il ne resta que huit jours dans les geôles de Vincennes. Plus tard il fut exilé hors de Paris en raison de la publication de « le Sopha » roman jugé immoral. Esprit frondeur, il devint cependant censeur royal à la suite de son père, charge qu'il exerça avec beaucoup de laxisme.
Les « Égarements », livre paru en 1736, son roman le plus connu, valut à Crébillon une réputation totalement usurpée d'écrivain licencieux et grivois. Longtemps demeuré au purgatoire des bibliothèques, si ce n'est à l'enfer, car accusé de vanter les marivaudages scabreux sinon graveleux d'une société que Crébillon fréquentait, ce n'est qu'en 1951 que fût réédité ce livre qui célèbre en fait l'amour tout simplement, l'amour fou. Comme dit la marquise de M*, « aimer follement, c'est aimer une fois pour toutes, avec le corps, le coeur et l'esprit rassemblés, c'est aimer à mourir. »
Chez Crébillon, les institutions sont jugées trop sérieuses : Dans un autre roman (L'Écumoire), ne disait-il pas : « Avant de se lier pour la vie, ne conviendrait-il pas que les futurs conjoints eussent l'expérience de la vie charnelle, et de préférence avec un autre partenaire ? » le ton est donné pour la suite…
Ce qui caractérise les écrits de Crébillon et qui a gêné les censeurs grognons comme disait René Étiemble, c'est qu'on n'y traite jamais que de l'amour, de l'amour sous toutes ses formes : l'amour fou et l'amour goût, l‘amour vénal et l'amour désintéressé, les débauches de la femme frigide et les exploits des amants inspirés.
Crébillon voulait peindre l'aristocratie de son époque.
Il écrit :
« Que laissait aux gens d'épée, quand par hasard elle régnait, la paix ? Rompus au siège des places fortes, que faire pour eux en temps de paix, qu'assiéger et forcer les belles qui se voulaient destinées aux fantaisies des guerriers ».
Crébillon refuse les préjugés bourgeois et préfère préciser les différentes nuances et surtout les moins banales, du désir et du sentiment. Sans aucune vulgarité il décrit la vie charnelle :
« On se plaît, on se prend. S'ennuie-t-on l'un avec l'autre, on se quitte avec tout aussi peu de cérémonie que l'on s'est pris. Revient-on à se plaire ? On se reprend avec autant de vivacité que si c'était la première fois qu'on s'engageait ensemble. On se quitte encore et jamais on ne se brouille… » C'était un siècle où l'on allait vite en besogne dans une certaine société.
Les Égarements sont les mémoires de M. de Meilcour, écrites dans un style parfait et d'une grande élégance, une langue précise pour évoquer des personnages assez sympathiques, beaux en général, intelligents et spirituels, aimant le dialogue courtois qu'ils manient avec habileté et finesse.
M. de Meilcour quoique ayant reçu une éducation modeste est un jeune homme de savoir-vivre, ne se mésestimant pas, et avide de tous les plaisirs ; il n'hésite pas à dire :
« J'étais naturellement porté à m'estimer ce que je valais ; et il est ordinaire, lorsque l'on pense ainsi, de s'estimer plus qu'on ne vaut…L'idée du plaisir fut, à mon entrée dans le monde, la seule qui m'occupa…J'avais des passions impétueuses, ou pour parler plus juste, j'avais l'imagination ardente et facile à se laisser frapper. »
Pour lui, seul le commerce des femmes peut dissiper l'ennui et, volage, il confie que les sentiments que l'une lui inspirait étaient détruits le moment d'après par ceux qu'une autre faisait naître.
La Marquise de Lursay sera sa première conquête, une femme belle, veuve d'une beauté majestueuse, grande et bien faite, sans coquetterie outrancière, nonchalante avec grâce pour séduire.
Mais Meilcour doit se méfier car pour la Marquise, le mérite de s'attacher un amant pour toujours ne vaut pas à ses yeux celui d'en enchaîner plusieurs, et elle songe moins à l'objet qui la possède qu'à celui qu'elle voudrait qui la possédât. Toujours en attente du plaisir sans en jouir jamais, car elle se donne un amant moins parce qu'elle le trouve aimable que pour prouver qu'elle l'est.
« Souvent elle ne connaît pas mieux celui qu'elle quitte que celui qui lui succède. »
Le jeune Meilcour ne connaît pas encore bien les usages et se fait quelque peu manipuler par l'habile Marquise que son ignorance charme au plus haut point.
Une belle inconnue vint à passer et devant la résistance coquette et la vertu rigide de la Marquise, notre jeune homme hésite et se désespère et ne croyant pas, après avoir beaucoup rêvé, l'amener jamais au but qu'il se proposait, il se fixa enfin à l'objet nouveau qui lui plaisait davantage.
M. de Meilcour ignore sans doute que l'amour dans un coeur vertueux se masque longtemps et impatient il retourne auprès de Mme de Lursay qui flattée devant son insistance pour qu'elle lui avoue qu'elle l'aime, lui répond :
« Quand je vous aurai dit que je vous aime, j'en serai malheureuse, et je vous en verrai moins amoureux. Je ne veux rien vous dire, devinez-moi si vous pouvez. »
En cette époque du XVIIIé siècle, faire la cour est tout un art avec ses règles, ses hypocrisies et ses jeux de dames. le jeune M. de Meilcour a encore beaucoup à apprendre, quelque fougueux et passionné qu'il soit. Mais peu à peu il apprend au contact de Versac son concurrent auprès des femmes fréquentant le salon de Mme de Lursay et avec cynisme n'hésite pas à dire :
« Nous étions seuls, elle était belle, et je la savais sensible. Elle ne m'inspirait plus ni passion ni respect : je ne la craignais plus, mais je ne l'en désirai que davantage… Pour ce que je souhaitais d'elle, il importait assez peu que je l'estimasse. »
Badinages, liaisons fugaces et raccommodements se succèdent comme pour faire passer le temps à cette noblesse désoeuvrée.
Mme de Lursay se confie un soir à M.de Meilcour et lui avoue cet amour qu'elle a toujours dissimulé. Elle lui donne quelques conseils très simples, elle aussi, pour l'avenir :
« Soyez constant, mais que ce ne soit que pour être toujours heureux. »
Lors de la dernière soirée, celle des aveux, Meilcour qui n'avait rien compris écrit :
« Je la louais sur ses charmes, plus je m'en occupais, moins elle osait se flatter de leur pouvoir sur moi…Dérobé aux plaisirs par les remords, arraché aux remords par les plaisirs, je ne pouvais pas être sûr de moi-même. »
C'est Mme de Lursay qui aura peut-être le dernier mot et qui semble en tout cas bien mener la danse de la séduction.
Un ouvrage délicieux de préciosité.
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Une oeuvre qui est au programme de ma deuxième année de licence et qui m'a inspiré des sentiments contrastés.

L'écriture du XVIIIème est un régal et justifie à elle seule la lecture de ce classique.

L'intrigue est (trop ?) simple. le très jeune M. de Meilcour, qui fait son entrée dans le monde, se retrouve partagé entre la marquise de Lursay, une amie de sa mère et amante expérimentée qui souhaite l'initier aux plaisirs de l'amour, et la jeune Hortense de Théville qui éveille chez lui le sentiment amoureux mais qui semble irrémédiablement indifférente au jeune homme. Quand il n'est pas occupé par ces deux femmes, Meilcour tente de copier celui qu'il considère comme un modèle, l'élégant, le cynique et le cruel Versac, qui fait et défait la réputation d'une femme en un battement de cils, et de se dépêtrer de l'intérêt marqué que lui portent deux vieilles... catins dont La Senanges.

Meilcour est d'une sottise consternante, il est vaniteux et se laisse manipuler d'un bout à l'autre du roman sans jamais rien comprendre réellement à ce qui se passe.

Le libertinage était extrêmement codifié, on ne séduisait pas grâce à une oeillade enflammée, non. Il suffit de lire et relire les dialogues, les échanges entre les protagonistes pour s'en convaincre.
Les mémoires de Meilcour sont souvent très drôles d'ailleurs. J'ai souri plus d'une fois, fort heureusement, car cela m'a évité de bailler continuellement.

Le problème c'est que je n'ai m'empêcher de songer aux Liaisons dangereuses presque tout au long de ma lecture. Valmont et la marquise de Merteuil sont d'une autre trempe. Nul ennui avec le roman de Choderlo de Laclos, et surtout parce qu'on y trouve une réelle tension dramatique, un suspense, des morts qui vous arrachent une larme ou deux, une fin presque morale, et une véritable histoire d'amour.

Ici, on cause, on s'observe, on cause encore, on se fuit, on se cherche, on cause toujours... Cela m'a ennuyée considérablement. Versac n'est pas Valmont, il est antipathique au possible, Mme de Lursay n'a rien de particulièrement intéressant et Meilcour est une catastrophe ambulante, le jeune sot que l'on a envie de gifler au bout de deux pages...

Sans la Fac, je n'aurai probablement jamais lu Les Egarements, soyons honnête...

A ceux et celles qui hésitent, je dirai : lisez plutôt les Liaisons dangereuses. Mais ce n'est que mon humble avis.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Ce qu'alors [XVIIIe siècle] les deux sexes nommaient Amour, était une sorte de commerce, où l'on s'engageait, souvent même sans goût, où la commodité était toujours préférée à la sympathie, l'intérêt au plaisir, et le vice au sentiment.
On disait trois fois à une femme, qu'elle était jolie ; car il n'en fallait pas plus : dès la première, assurément elle vous croyait, vous remerciait à la seconde, et assez communément vous en récompensait à la troisième.
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Je revins brusquement sur mes pas ; et, en coupant par différentes allées, je m'y trouvai presque dans l'instant qu'elle y arrivait : je lui fis place respectueusement, et cette politesse m'attira de sa part une révérence, qu'elle me fit sèchement, et les yeux baissés. Je me rappelai alors toutes les occasions que j'avais lues dans les romans de parler à sa maîtresse, et je fus surpris qu'il n'y en eût pas une dont je pusse faire usage. Je souhaitai mille fois qu'elle fît un faux pas, qu'elle se donnât même une entorse : je ne voyais plus que ce moyen pour engager la conversation ; mais il me manqua encore, et je la vis monter en carrosse, sans qu'il lui arrivât d'accident dont je pusse tirer avantage.
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Il parle un jargon qui éblouit: il a su joindre, au frivole du petit maître, le ton décisif du pédant, il ne se reconnait à rien, et juge de tout. Mais il porte un grand nom. A force de dire qu'il a de l'esprit, il a persuadé qu'il en avait; sa méchancenté le fait craindre et, parce que tout le monde l'abhorre, tout le monde le voit.
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En lui donnant la main pour la ramener à son carrosse, je crus sentir qu'elle me la serrait : sans savoir les conséquences que cette action entraînait avec Madame de Lursay, je le lui rendis : elle me remercia en redoublant d'une façon plus expressive : pour ne pas manquer à la politesse, je continuai sur le ton qu'elle avait pris : elle me quitta en soupirant, et très persuadée que nous commencions enfin à nous entendre, quoique au fond il n'y eût qu'elle qui se compris.
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En achevant ces paroles, elle baissa les yeux, comme si elle eût été honteuse de m'en avoir tant dit. Malgré le tour sérieux que notre conversation avait pris sur sa fin, je me souvenais parfaitement du ridicule que Madame de Lursay avait jeté sur mes craintes. Je la pressai tendrement de me regarder ; je l'obtins. Nous nous fixâmes. Je lui trouvai dans les yeux cette impression de volupté que je lui avais vue le jour qu'elle m'apprenait par quelles progressions on arrive aux plaisirs, et combien, l'amour les subdivise. Plus hardi, et cependant encore trop timide, j'essayais en tremblant jusque où pouvait aller son indulgence. Il semblait que mes transports augmentassent encore ses charmes, et lui donnassent des grâces plus touchantes. Ses regards, ses soupirs, son silence, tout m'apprit, quoique un peut tard, à quel point j'étais aimé. J'étais trop jeune pour ne pas croire aimer moi-même. L'ouvrage de mes sens me parut celui de mon cœur. Je m'abandonnai à toute l'ivresse de ce dangereux moment, et je me rendis enfin aussi coupable que je pouvais l'être.
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