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Claude David (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070382811
249 pages
Gallimard (10/10/1990)
3.97/5   104 notes
Résumé :
L'intérêt que l'on porte aux jeûneurs professionnels a beaucoup baissé au cours des dernières décennies. Alors qu'il était avantageux autrefois d'organiser pour son propre compte des spectacles de cette nature, cela est devenu aujourd'hui tout à fait impossible. C'étaient d'autres temps. A cette époque, toute la ville s'occupait du jeûneur ; l'intérêt croissait de jour de jeûne en jour de jeûne ; chacun voulait voir le jeûneur au moins une fois par jour ; vers la fi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Pourquoi Kafka a publie ces petits recits, ces fragments, alors qu'iI enjoint son ami Max Brod d'en bruler d'autres, tous les autres, certains plus aboutis, plus notables? Pourquoi ceux-ci? Incomprehensible pour ma petite cervelle. Je ferai donc l'impasse sur ceux que je n'ai pas aime, ou pas compris, c'est mon droit, que la plus efficace des bureaucracies vilipendiees par Kafka ne pourra m'aliener.


C'est que la bureacratie “a l'autrichienne" s'est infiltree partout dans ces nouvelles. Une bureaucratie tenace et mesquine, immuable, inalterable justement parce que fermee, cachetee, que tous acceptent comme une loi de la nature bien qu'incomprise par ceux qui la subissent comme par ceux qui l'appliquent. Dans “Devant la loi", ni le gardien qui empeche le visiteur d'entrer ni ce dernier ne sauront jamais le pourquoi de cette interdiction. Dans “Un message imperial" le message doit partir bien qu'il soit clair qu'il ne pourra jamais arriver a son destinataire, qui attend patiemment, assis a sa fenetre, sans se revolter, parce qu'on doit attendre les messages emis en haut lieu, meme quand on ne saura jamais leur teneur. Les voies du Seigneur sont impenetrables mais ses directives restent inviolables. Meme dans la celebre et horripilante nouvelle “A la colonie penitentiaire" j'ai cru deceler une attaque a la bureaucratie. Il y est question d'une sentence de mort sans jugement et d'une mise a mort par un appareil qui n'est qu'un instrument de torture raffine. Un instrument qui ecrit le delit dans le corps du supplicie, qui grave des mots, avec des aiguilles programmees, dans sa chair jusqu'a le vider de tout son sang. J'y ai vu l'ultime usage de la machine a ecrire, cet instrument moderne qui propage a tout vent les ordres d'une bureaucratie inhumaine.


Toutes les nouvelles sont parsemees d'absurde. Ayant comme tout un chacun deja entendu parler de Kafka, je m'y attendais. Mais cet absurde sert aussi a denoncer une societe voyeuriste, qui se complait a des spectacles de cirque qui deviennent de plus en plus barbares, sadiques, comme dans “Un artiste de la faim" (nul besoin d'ajouter des explications a ce titre); qui admire, en foule suiveuse, quelque chose qui se targue d'etre de l'art mais qui n'en est au mieux que le leurre, au pire que l'imposture, comme dans “Josephine la cantatrice ou le peuple des souris".


J'ai percu aussi beaucoup d'ironie dans certains recits. Dans le premier de ce recueil, “Les aeroplanes a Brescia", Kafka fait semblant de railler les moeurs et le laisser aller des italiens, quant en fait c'est l'autosuffisance et la morgue germaniques qu'il brocarde.
Ironiques aussi des textes ou il m'a semble qu'il met en scene ses congeneres, les juifs, peut-etre parce qu'il les a publies dans la revue de Martin Buber, der Jude. Dans “Chacals et arabes", est-ce que les chacals sont les juifs qui viennent de plus en plus hanter le desert? Et dans “Communication a une academie", le singe qui s'humanise, n'est-ce pas le juif qui essaie de s'assimiler, par mimetisme, a la societe chretienne environnante?


Je vais clore ce billet avec le texte que j'ai le plus aime, “A cheval sur le seau a charbon", un texte poignant, que Sylvie Germain saluait en le citant dans “La pleurante des rues de Prague". Un pauvre here demande un peu de charbon, qu'on lui refuse, le condamnant surement ainsi a mourir de froid. “Tout le charbon est fini, le seau est vide; la pelle ne sert plus a rien; la piece est gonflee par le gel; devant la fenetre, des arbres raidis par le givre; le ciel, un bouclier d'argent, face a celui qui lui reclame de l'aide. Il me faut du charbon, je ne peux pourtant pas mourir de froid; derriere moi, le poele impitoyable, devant moi le ciel, qui ne l'est pas moins”. Son seau vide entre les jambes, comme dans un tableau de Chagall, il s'envole vers les nuages, vers les cieux. Kafka aura presque reussi a me soutirer une larme. Absurde, n'est-ce pas?
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Comment la faim se convertit-elle en énergie vitale, en pulsion de vie et/ou de mort et comment se met-elle au service de l'art, tel que l'entend Antonin Artaud ?
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Tout d'abord, une petite précision: "Un artiste de la faim" et "A la colonie pénitentiaire" sont deux récits séparés.

Car plutôt que des nouvelles, ces textes méritent le terme de récits. On a l'impression d'assister à des reportages, des interviews, sur des sujets très divers: un meeting aérien à Brescia, un père qui dresse le portrait de ses onze enfants, un médecin de campagne appelé au chevet d'un jeune garçon, ou encore un singe éduqué dans la société humaine.

Et pourtant, ces récits ont une certaine unité: outre leur style littéraire détaché, genre observations ethnographiques, leur point commun est de décrire l'absurdité du monde. Une absurdité que Kafka ne juge pas. Comme l'explique la préface intelligente de Claude David, on a beaucoup attribué d'interprétations - parfois tirées par les cheveux - aux textes de Kafka, alors qu'il suffit de les lire au premier degré: derrière cette apparence de désordre, d'incohérence, notre monde procède-t'il d'un sens caché?

Il est vrai qu'il est facile de projeter ses propres sentiments sur ces récits, de les interpréter à sa guise. de ce point de vue, ma préférence va incontestablement à la cantatrice Joséphine. Un "personnage" qui se croit une diva, et qui revendique les privilèges associés. Pas pu m'empêcher de songer à certaines "vedettes" des arts, des médias, des réseaux sociaux, ou de la politique.... Une lecture jouissive et qui en même temps donne à réfléchir sur le comportement des gens ordinaires. Rien que pour cette histoire, j'ai adoré ce petit bouquin!
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Il s'agit d'un livre compilant les textes publiés du vivant de l'auteur dans des revues ou des journaux, souvent très courts et quelques fois d'une taille plus conséquente.

Les plus appréciables sont ceux qui firent rétrospectivement beaucoup pour la notoriété de Kafka comme « A la colonie pénitentiaire » ou « Un artiste de la faim » en passant par « Joséphine la cantatrice ou le peuple des souris », le tout étant assez inégal.
En effet, il alterne le témoignage journalistique écrit seul ou avec Max Brod à des textes au sujet plus étrange (ou est-ce le traitement infligés à ceux-ci qui leur donne cet aspect).

A noter que la nouvelle titrée « Communication à une Académie » fait fortement penser à « La planète des singes », à la différence que ce n'est pas un homme capturé par les singes mais l'inverse.

C'est un livre qui vaut son acquisition juste pour les nouvelles déjà citées ainsi que pour « Devant la loi », la parabole qui est le seul fragment paru séparément de son célèbre roman posthume : « Le procès ».
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Un recueil de textes de longueur variable, hétéroclites, allant du fragment de voyage écrit à deux mains jusqu'à la petite nouvelle. Tous les récits n'ont pas suscité mon intérêt. J'ai apprécié particulièrement « À la colonie pénitentiaire », « Le médecin de campagne », « Chacals et Arabes » et « Un artiste de la faim » ; le premier de ces quatre vaut peut-être la lecture de ce recueil, notamment si on aime les univers kafkaïens.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
L’auberge vers laquelle on nous dirige nous parait a premiere vue la plus sale de toutes celles que nous avions vues jusqu’alors, mais nous trouvons bientot que ce n’est pas si grave. Une salete bien installee, dont on ne parle plus, une salete qui ne change plus, qui appartient aux lieux ou elle se trouve, qui rend la vie humaine en quelque sorte plus serieuse et plus terrestre, une salete d’ou notre hotelier emerge en toute hate, fier de lui, humble envers nous, nous prenant a tout moment par le coude et projetant sans cesse avec ses mains (chaque doigt est un compliment) de nouvelles ombres sur son visage, avec des flexions du buste que nous reconnaitrons tous plus tard sur le champ d’aviation, par exemple chez Gabriele D’Annunzio ; vraiment, dans de telles conditions, qui aurait encore quelque chose sur le cœur contre cette salete ?
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Le cavalier du seau

Consomme tout le charbon ; vider le seau ; inutile la pelle ; Le four respire le froid ; la pièce remplie de givre ; des arbres devant la fenêtre gelés par le gel ; le ciel, un bouclier d'argent contre ceux qui veulent de son aide. Il me faut du charbon ; Je ne peux pas mourir de froid ; derrière moi le poêle impitoyable, devant moi le ciel aussi, du coup je dois rouler brusquement entre les deux et demander de l'aide au marchand de charbon au milieu. Mais il est déjà devenu insensible à mes demandes habituelles ; Je dois lui prouver avec précision qu'il ne me reste plus une seule particule de charbon et qu'il est pour moi littéralement le soleil au firmament. Je dois venir comme le mendiant qui veut mourir sur le pas de sa porte, haletant de faim, et à qui le maître cuisinier décide de lui donner à manger la lie du dernier café ; De la même manière, le dealer, en colère, mais sous les rayons du commandement « Tu ne tueras pas ! jetez-en une pelletée dans le seau.

Cela doit décider de mon entrée ; C'est pour ça que je monte là-bas sur le seau. En tant que cavalier de seau, la main en haut du manche, la bride la plus simple, je descends péniblement les escaliers ; mais au-dessous mon seau s'élève, splendide, splendide ; Les chameaux, couchés à terre, ne se relèvent plus joliment, se secouant sous le bâton du chef. Ils traversent l'allée gelée au trot régulier ; Je suis souvent élevé à la hauteur du premier étage ; Je ne m'enfonce jamais devant la porte d'entrée. Et je flotte exceptionnellement haut devant la cave voûtée du marchand, où il est accroupi au fond de sa petite table et écrit ; Pour laisser échapper la chaleur excessive, il ouvrit la porte.

« Marchand de charbon ! Je crie d'une voix creuse et froide, enveloppée de nuages ​​de fumée dans mon haleine : « S'il te plaît, marchand de charbon, donne-moi un peu de charbon. Mon seau est déjà tellement vide que je peux monter dessus. Pourriez-vous s'il vous plaît. Dès que je peux, je paierai."

Le croupier porte la main à son oreille. "Est-ce que j'entends bien?" il a demandé par-dessus son épaule à sa femme qui tricotait sur le banc du poêle : « ai-je raison ? Une clientèle.

«Je n'entends rien», dit la femme en expirant et en inspirant calmement sur les aiguilles à tricoter, bien au chaud sur le dos.

«Oh oui», je m'écrie, «c'est moi; une vieille clientèle ; loyal; loyal; juste momentanément sans ressources.

« Femme, dit le marchand, c'est, c'est quelqu'un ; Je ne peux pas me tromper autant ; Ce doit être un vieux, très vieux client qui sait parler ainsi à mon cœur."

"Qu'est-ce qui ne va pas, mec?" dit la femme et, se reposant un instant, elle serra l'artisanat contre sa poitrine, "il n'y a personne, la rue est vide, tous nos clients sont pris en charge ; Nous pouvons fermer le magasin pendant des jours et nous reposer.

"Mais je suis assis ici sur le seau", je crie, des larmes engourdies de froid obscurcissant mes yeux, "s'il te plaît, lève les yeux ; Vous me découvrirez bientôt ; J'en demande une pelletée ; et si vous m'en donnez deux, vous me rendrez fou de joie. Tous les autres clients ont déjà été pris en charge. Oh, je l'entendais déjà claquer dans le seau ! »

« J'arrive », dit le marchand et il veut monter les escaliers de la cave avec les jambes courtes, mais la femme est déjà avec lui, lui tient le bras et lui dit : « Reste. Si tu n'abandonnes pas ton entêtement, je monterai. Souvenez-vous de votre toux sévère ce soir. Mais pour une entreprise, même imaginaire, on oublie sa femme et ses enfants et on sacrifie ses poumons. J'y vais."

« Alors dites-lui toutes les variétés que nous avons en stock ; Je vous appellerai les prix.

"Bien", dit la femme et elle remonte l'allée. Bien sûr, elle me voit tout de suite. « Mme Coal Merchant », j'appelle, « salutations dévouées ; juste une pelle de charbon ; ici même dans le seau ; Je la ramènerai moi-même à la maison ; une pelle du pire. Bien sûr, je les paie intégralement, mais pas tout de suite, pas tout de suite. Quel son de cloche que les deux mots « pas pareil » et comme ils se mélangent de manière confuse avec les carillons du soir que l'on entend depuis le clocher de l'église voisine !

"Alors qu'est-ce qu'il veut?" crie le croupier. « Rien », répond la femme, « ce n’est rien ; Je ne vois rien, je n'entends rien ; Seulement six heures sonnent et nous fermons. Le froid est un monstre ; Nous aurons probablement beaucoup de travail demain. »

Elle ne voit rien et n'entend rien ; mais elle desserre quand même le cordon du tablier et essaie de m'époustoufler avec le tablier. Malheureusement, cela réussit. Mon godet a tous les avantages d'un bon support ; Il n'a aucune résistance ; il fait trop clair ; le tablier d'une femme lui fait tomber les jambes du sol.

« Espèce de méchant », je réponds, tandis qu'elle se tourne vers le magasin et gifle sa main en l'air, à moitié méprisante et à moitié satisfaite, « espèce de méchant ! J'ai demandé une pelle de la pire espèce et vous ne me l'avez pas donnée. Et sur ce, je grimpe dans les régions des montagnes de glace et je me perds, pour ne plus jamais être revu.
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Un rêve

Josef K. rêvait :
C'était une belle journée et K. voulait se promener. Mais il avait à peine fait deux pas qu'il se retrouvait déjà au cimetière. Il y avait là des chemins très artificiels, peu pratiques et sinueux, mais il glissait sur un tel chemin comme sur une eau tumultueuse, dans une position inébranlable. Même de loin, il aperçut un tumulus fraîchement creusé, où il voulait s'arrêter. Ce tumulus le tentait presque et il pensait qu'il ne pourrait pas y arriver de toute urgence. Mais parfois, il voyait à peine le tumulus funéraire : il lui était caché par des drapeaux dont les tissus se tordaient et claquaient avec une grande force ; On ne pouvait pas voir les porte-étendards, mais il semblait y avoir beaucoup d'acclamations.

Alors qu'il regardait encore au loin, il aperçut soudain le même tumulus à côté de lui sur le chemin, presque derrière lui. Il sauta rapidement sur l'herbe. Alors que le chemin continuait de se précipiter sous son pied sauteur, il vacilla et tomba à genoux juste devant le tumulus. Deux hommes se tenaient derrière la tombe, tenant entre eux une pierre tombale en l'air ; Dès que K. apparut, ils enfoncèrent la pierre dans le sol et elle resta comme si elle était murée. Un troisième homme sortit aussitôt d'un buisson, que K. reconnut immédiatement comme un artiste. Il n'était vêtu que d'un pantalon et d'une chemise mal boutonnée ; sur la tête il avait un bonnet de velours ; Dans sa main, il tenait un crayon ordinaire, avec lequel il décrivait les figures dans les airs à mesure qu'il s'approchait.

Avec ce crayon, il commença maintenant par le haut de la pierre ; La pierre était très haute, il n'avait pas du tout besoin de se baisser, mais il devait se pencher en avant parce que le tumulus, sur lequel il ne voulait pas marcher, le séparait de la pierre. Il se dressa donc sur la pointe des pieds et s'appuya de la main gauche sur la surface de la pierre. Grâce à un maniement particulièrement astucieux, il réussit à produire des lettres d'or avec le crayon ordinaire ; il écrivit : « Ici repose… » Chaque lettre apparaissait pure et belle, profondément sculptée et d'un or parfait. Après avoir écrit ces deux mots, il se tourna vers K. ; K., très impatient de voir progresser l'inscription, ne prêta que peu d'attention à l'homme et se contenta de regarder la pierre. En fait, l'homme a recommencé à écrire, mais il n'y est pas parvenu, il y a eu un obstacle, il a baissé le crayon et s'est retourné vers K. Maintenant, K. regarda également l'artiste et remarqua qu'il était très embarrassé, mais il ne pouvait pas dire pourquoi. Toute sa vivacité d'antan avait disparu. Cela aussi embarrassa K. ; ils échangèrent des regards impuissants ; Il y avait un horrible malentendu que personne ne pouvait résoudre. Au mauvais moment, une petite cloche de la chapelle funéraire s'est mise à sonner, mais l'artiste a agité sa main levée et elle s'est arrêtée. Au bout d'un moment, elle recommença ; cette fois très doucement et, sans aucune incitation particulière, s'interrompant immédiatement ; c'était comme si elle voulait juste tester son son. K. a eu le cœur brisé par la situation de l'artiste, il s'est mis à pleurer et à sangloter longuement dans ses mains. L'artiste a attendu que K. se soit calmé pour ensuite, ne trouvant pas d'autre issue, décidé de continuer à écrire. Le premier petit trait qu'il a exécuté a été un soulagement pour K., mais l'artiste n'y est apparemment parvenu qu'avec une extrême réticence ; L'écriture n'était plus si belle, surtout il semblait manquer d'or, le trait était pâle et incertain, seule la lettre devenait très grande. C'était un J, c'était presque terminé quand l'artiste frappa avec colère un pied dans le tumulus pour que la terre qui l'entourait s'envole. Finalement K. le comprit ; Il ne restait plus le temps de le supplier ; De tous ses doigts, il creusait la terre, qui n'offrait presque aucune résistance ; tout semblait préparé ; Ce n’est qu’en apparence qu’une fine croûte de terre s’élevait ; Immédiatement derrière elle s'ouvrait un grand trou aux parois inclinées dans lequel K., retourné sur le dos par un léger courant, s'enfonçait. Mais alors qu'il était déjà absorbé dans les profondeurs impénétrables, la tête toujours droite, son nom flottait sur la pierre au-dessus avec de puissants ornements. Il se réveilla enchanté par ce spectacle.
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Le silence des sirènes

Preuve que même des moyens inadéquats, même enfantins, peuvent servir à nous sauver :

Pour se protéger des sirènes, Ulysse se fourra de la cire dans les oreilles et se fit forger jusqu'au mât. Bien sûr, tous les voyageurs auraient pu faire quelque chose de similaire depuis des temps immémoriaux, à l'exception de ceux qui étaient tentés par les sirènes de loin, mais il était connu dans le monde entier que cela ne pouvait pas aider. Le chant des sirènes pénétrait tout, et la passion des séduits eût brisé plus que les chaînes et le mât. Mais Ulysse n'y pensait pas, même s'il en avait peut-être entendu parler. Il fit entièrement confiance à la poignée de cire et au paquet de chaînes et, avec une joie innocente de son moyen, il se dirigea vers les sirènes.

Mais désormais, les sirènes disposent d’une arme encore plus terrible que le chant : leur silence. Cela ne s'est pas produit, mais il est peut-être concevable que quelqu'un se soit sauvé de son chant, et certainement pas de son silence. Rien sur terre ne peut résister au sentiment de les avoir vaincus par sa propre force, ce qui entraîne une arrogance écrasante.

Et en effet, quand Ulysse est venu, les puissants chanteurs n'ont pas chanté, soit parce qu'ils croyaient que seul le silence pouvait vaincre cet adversaire, soit parce que la vue de félicité sur le visage d'Ulysse, qui ne rappelait rien d'autre que de la cire et... » pensa Ketten, cela lui fit oublier de chanter.

Mais Ulysse, pour ainsi dire, n'entendait pas leur silence ; il pensait qu'ils chantaient et lui seul était protégé de l'entendre. Il aperçut d'abord la torsion de leur cou, la respiration profonde, les yeux pleins de larmes, la bouche entrouverte, mais il crut que c'était un de ces airs qui s'éteignaient sans être entendus autour de lui. Mais bientôt tout échappa à son regard lointain, les sirènes disparurent littéralement devant sa détermination, et juste au moment où il était le plus proche d'elles, il n'en savait plus rien.

Mais eux - plus beaux que jamais - s'étiraient et se retournaient, laissaient leurs cheveux effrayants s'ouvrir au vent et étendaient librement leurs griffes sur le rocher. Ils ne voulaient plus séduire, ils voulaient juste apercevoir le plus longtemps possible les grands yeux d'Ulysse.

Si les sirènes avaient été conscientes, elles auraient alors été détruites. Mais ils restèrent ainsi, seul Ulysse leur échappa.

À propos, il y a une annexe à ce sujet. Ulysse, dit-on, était si rusé et si renard que même la déesse du destin ne pouvait pénétrer son être le plus profond. Peut-être, bien que cela ne soit plus compréhensible pour le sens humain, a-t-il réellement remarqué que les sirènes étaient silencieuses et ne présentaient le processus apparent ci-dessus que comme un bouclier contre elles et contre les dieux.
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La nuit

Perdu dans la nuit. La façon dont on baisse parfois la tête pour réfléchir, complètement perdu dans la nuit. Les gens dorment partout. Un petit acte, une innocente illusion, qu'ils dorment dans des maisons, dans des lits solides, sous des toits solides, étendus ou accroupis sur des matelas, dans des draps, sous des couvertures, en réalité ils se sont réunis comme autrefois et comme ils plus tard, dans une zone désertique, un camp en plein air, un nombre incalculable de personnes, une armée, un peuple, sous un ciel froid sur une terre froide, jetés là où ils se tenaient, le front appuyé contre les bras, leurs des visages appuyés contre le sol, respirant calmement. Et vous vous réveillez, vous êtes l'un des gardes, vous trouvez le suivant en agitant le bois brûlant du tas de broussailles à côté de vous. Pourquoi tu grandis ? Il faut que quelqu’un surveille, disent-ils. Il faut que quelqu'un soit là.
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RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : « Lettre à Oscar Pollak », in Franz Kafka, Correspondance (1902-1924), traduit de l'allemand (Autriche) et préfacé par Marthe Robert, Paris, Gallimard, 1965, 608 p.
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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