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Commissaire Maigret - Romans et ... tome 59 sur 103
EAN : 9782253142256
187 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.71/5   86 notes
Résumé :

Un billet anonyme, une perquisition, des dents humaines retrouvées dans un calorifère... Maigret n'hésite pas à incarcérer Steuvels, un relieur belge établi rue de Turenne. Mais qui a été tué ? Et pourquoi ? La presse s'empare de l'affaire. Liotard, le jeune avocat de Steuvels, soigne sa publicité. Et l'enquête piétine. Cependant, Madame Maigret, en se rendant chez son dentiste, square d'Anvers, a lié connaissance avec une jeune femme italienne, accompag... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Beaucoup de respect pour cette nouvelle aventure romanesque - publiée en 1950 - de Jules Maigret, ci-devant Commissaire et héros de 75 romans policiers et 28 nouvelles de Georges Simenon, publiés entre 1931 et 1972. Elle fut imaginée et écrite (au fur et à mesure) à Carmel by the Sea (Californie) en décembre 1949 et sans doute "exécutée" en une neuvaine de jours (1 chapitre par jour : il y en a justement neuf)...

C'est le très fameux "Mystère de l'Enveloppe Jaune" de l'écrivain liégeois ! Tel un prestidigitateur unique au monde, faire surgir si aisément sur une enveloppe de papier kraft une liste de noms de quidams, se souvenir (depuis le fin fond de son "bled" californien) de l'ambiance de tel quartier parisien, ressusciter chaque souvenir (un de ces fameux "petits faits vrais") qui peut se rattacher à un square, un porche, un petit commerce en bas de la rue, laisser les fils de l'intrigue se nouer entre ces êtres humains surgissant de l'ombre... et laisser Jules Maigret remonter la filière.

Là, c'est Madame Maigret qui a à s'occuper d'une rage de dent et doit patienter dans un square situé au bas du Cabinet de son cher et suroccupé Chirurgien-dentiste [... d'où la TRES moche & énorme molaire figurant sur la très hideuse page I de couverture de cette nouvelle édition du "Livre de Poche" : la feignasse de graphiste branchouille mérite vraiment notre coup de pied au derche, comme d'hab' - une cinquantaine de couvertures toutes plus crétinisantes et esthétiquement pauvres les unes que les autres ! On dirait une couvrante d'un bouquin de Lagardinier ou Nothomb, genre "Même les pires Gols vont bien comprendre de quoi qu'y s'agit ! "... Mais passons !].

Oui, Madame Maigret a une vie et fait des rencontres, elle aussi ! Elle se trouve à devoir garder le gamin d'une dame qui disparaît plusieurs heures et le rôti de Jules - mis à cuire à feu doux - non seulement se carbonise mais emplit l'appartement de la rue Richard-Lenoir d'une fumée apocalyptique... [Brrr, et ça me fait repenser que ces gros bourrins de frères Kouachi - les tristes robots de la mort à "kalachs" pour nos chers camarades de Charlie-Hebdo le 7 janvier 2015 - sont peut-être passés devant le domicile du couple Maigret : on change d'époque ! A quand le hashtag universel "StopCrétins.com" ?]. Donc, il faut très vite aérer l'appart'...

Mme Maigret pleure le repas de son époux passé par pertes et tracas. Jules Maigret, lui, s'assied et sourit. Mme Maigret - pour se racheter à ses propres yeux d'avoir négligé TOUS ses Devoirs de Ménagère - va devoir elle-même mener l'enquête, et prendre tous les risques, quitte à se faire taxer de "grosse mémère"...

Bref, c'est le début d'une passionnante enquête ponctuée de neuf petits cailloux blancs, c'est-à-dire des titres tous intrigants des 9 chapitres maigrétiens : 1. "La petite dame du square d'Anvers"/ 2. "Les soucis du Grand Turenne"/ 3. "L'hôtel meublé de la rue Lepic" / 4. "L'aventure de Fernande" / 5. "Une histoire de chapeau" / 6. "Le bateau-lavoir du Vert-Galant" [... Là, tombons à genoux devant pareil titre-merveille !!!] / 7. "Le dimanche de Maigret" / 8. "La famille aux jouets" / 9. "L'instantané de Dieppe".

Alors, si c'est pas beau, ce savoir-faire de l'Artisan liégeois, devenu Prince de la Littérature durable-et-increvable ???
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Je ne parlerai pas de l'intrigue en elle-même, mais de ce qui m'a plu : l'ambiance, l'évocation des personnages, la ténacité tranquille du policier qui ne lâche pas l'affaire, ses relations avec son équipe...

Et aussi, je l'ai écouté en une version AUDIO (avec Pierre Santini) légèrement allégée très agréable, interprétée par dix comédiens dont les voix sont expressives et bien choisies. Ceux-ci mettent en scène le texte de Simenon, apportant un plus par rapport à la lecture de cette enquête de Maigret. La mise en scène et les bribes de musique d'ambiance séparant les chapitres valent à cette version sa 5e étoile.
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Maigret, forcement je connaissais la série télévisée avec Bruno Cremer, mais je n'avais encore jamais lu Simenon. J'ai été ravie donc de retrouver Maigret et je suis conquise par la plume de l'auteur.

J'ai beaucoup aimé cette enquête pour le moins intrigante qui commence avec l'intervention de madame Maigret, elle est assise dans un parc quand une femme lui confie son fils pour quelques instants seulement elle s'absente pour plusieurs heures et Madame Maigret rate son rendez vous chez le dentiste:
"C'était une situation ridicule. Maigret se moquerait encore d'elle. Tout à l'heure, elle téléphonerait au dentiste pour s'excuser. Oserait-elle lui raconter ce qui s'était passé ? Elle avait chaud soudain, parce que sa nervosité lui mettait le sang à la peau.
- "Comment t'appelle-t-on ?" demanda-t-elle à l'enfant.
Mais il se contenta de la regarder de ses yeux sombres sans répondre.
- "Tu sais où tu habites ?"
Il ne l'écoutait pas. L'idée était déjà venue à Mme Maigret qu'il ne comprenait pas le français.
- "Pardon, monsieur. Pourriez-vous me dire l'heure, s'il vous plaît ?
- Midi moins vingt-deux, madame."
La maman ne revenait pas. A midi, quand les sirènes hurlèrent dans le quartier et que des maçons envahirent un bar voisin, elle n'était toujours pas là.
Le docteur Floresco sortit de l'immeuble et se mit au volant d'une petite auto noire sans qu'elle osât quitter le gamin pour aller s'excuser.
Ce qui la tracassait à présent, c'était sa poule qui était au feu. Maigret lui avait annoncé qu'il rentrerait plus que probablement déjeuner vers une heure.
Ferait-elle mieux d'avertir la police ? Pour cela encore, il fallait s'éloigner du square. Si elle emmenait l'enfant et que la mère revienne entretemps, celle-ci serait folle d'inquiétude. Dieu sait où elle courrait à son tour et où elles finiraient par se retrouver ! Elle ne pouvait pas non plus laisser un bambin de deux ans seul au milieu du square, à deux pas des autobus et des autos qui passaient sans répit.
- "Pardon, monsieur, voudriez-vous me dire l'heure qu'il est ?
- Midi et demi."
La poule commençait certainement à brûler. Maigret allait rentrer. Ce serait la première fois, en tant d'années de mariage, qu'il ne la trouverait pas à la maison."
Cette incident aurait pu rester un banal fait du quotidien mais quand on est la femme de Maigret, on en parle forcement a son mari. Ce dernier va donc faire le lien avec une des enquêtes sur laquelle il travaille. J'ai beaucoup aimé ce début de roman peut banal mais au final tellement original.

J'ai beaucoup aimé rencontrer le couple dans leur quotidien et surtout la certaine lenteur des évènements. Et puis c'est un véritable voyage a la fin des années 40 que nous offre l'auteur. On entendrait presque les téléphones sonnaient et les touches des machines a écrire résonnaient. J'ai quelques autres aventures de Maigret qui attendent dans ma PAL, et une chose et sur c'est qu'ils vont vite en sortir.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Au titre, on s'attend à une grande et longue amitié liant Mme Maigret et, par exemple, l'une de ses relations d'Alsace. Mais cette "amie" est beaucoup plus modeste et de connaissance bien récente. Il s'agit d'une jolie petite jeune femme en tailleur bleu très simple, portant toujours un chapeau blanc - pas n'importe quel chapeau, nous dirait Mme Maigret : il ne vient pas des Champs-Elysées mais il n'a pas non plus été conçu chez une modiste de troisième rang - et, chose plus étonnante, des souliers faits sur mesure. Mme Maigret a lié conversation avec elle alors qu'elle attendait, sur un banc du square d'Anvers, l'heure de son rendez-vous chez le dentiste. La jeune femme est toujours accompagnée d'un petit garçon de deux / trois ans sur lequel elle veille avec le dévouement d'une mère. Pourtant, un jour, répondant à l'appel d'un homme aperçu dans un taxi, la jeune femme abandonne le petit aux bons soins de Mme Maigret, en lui promettant de revenir au plus vite. Voilà la femme du commissaire très ennuyée : non que garder le bambin la dérange - nul n'ignore combien Mme Maigret adore les enfants - mais enfin, il y a son rendez-vous chez le dentiste à 11 h 15, soit dans un petit quart d'heure ...

C'est par cet incident, qui mêle l'absurde au ridicule, que débute un roman où l'auteur fait intervenir de plein fouet le hasard. Pourtant, quand Maigret, rentrant ce jour-là par miracle chez lui pour déjeuner, trouve le pot-au-feu calciné et l'appartement rempli de fumée (Eustra nous en a déjà parlé ici ) et après avoir écouté le récit affolé de son épouse (la jeune femme a fini par passer reprendre le petit, mais il était plus de midi et demi), il ne se doute pas que cette petite histoire, en apparence sans importance, est l'une des pièces centrales d'un puzzle beaucoup plus vaste sur lequel lui-même et son équipe peinent depuis déjà plusieurs jours, sous les attaques que mène, dans la presse, un certain Philippe Liotard, avocat de son état, bien décidé, semble-t-il, à en découdre personnellement avec Maigret afin, c'est clair comme de l'eau de roche, de sortir de l'anonymat du barreau.

L'affaire sur laquelle travaille Maigret est à la fois simple et complexe. Un courrier anonyme a prévenu la P. J. qu'un paisible relieur - l'un des plus cotés de Paris, d'ailleurs, même s'il vit très simplement dans une minuscule maison-atelier - aurait fait brûler dans son calorifère le cadavre d'un homme qu'il aurait bien sûr assassiné. Renseignements pris, on découvre bien deux molaires humaines dans ledit calorifère et, dans la garde-robe du relieur, Hans Steuvels - il est d'origine flamande - un complet bleu taché de sang. Bien sûr, Steuvels nie tout en bloc : il ignore tout des molaires et encore plus du complet qui, d'ailleurs, ne lui appartient pas. Sa femme, Fernande, une ancienne fille de joie, ayant été attirée à Concarneau par un télégramme-bidon lui annonçant les dernières heures de sa mère et y ayant passé une soirée et le début d'une journée, Steuvels fait même remarquer que, lorsqu'il travaillait dans son atelier et puisque Fernande était absente, n'importe qui avait pu s'introduire chez lui pour y déposer les objets compromettants.. Avec cela, le relieur demeure d'un calme de brave homme, d'honnête homme - d'homme qui n'a rien à se reprocher.. A cause des molaires, le procureur l'a fait tout de même arrêter mais à part cela ... les preuves sont pour le moins évanescentes. On ne sait d'ailleurs pas à qui appartiennent lesdites molaires, le mort n'ayant apparemment eu aucun rapport de son vivant avec les services anthropométriques.

Là-dessus, M° Liotard, surgi d'on ne sait trop où et surtout à point nommé, a demandé à assurer la défense de l'inculpé. Sa méthode : attaquer celles de Maigret et convaincre le public qu'elles sont obsolètes et ne servent à sauvegarder la célébrité du commissaire - célébrité imméritée, cela va de soi. Et ça marche. En tous cas au début. Jusqu'à ce que ...

Roman classique, sans beaucoup d'action, roman presque banal en ce qui concerne l'intrigue, "L'Amie de Mme Maigret" vaut surtout pour l'analyse des rapports entre, d'une part, Maigret et son épouse et, d'autre part, celle de la relation qui unit Frans Steuvels à Fernande. A notre avis, ce n'est pas un "grand" Maigret mais, sur un mode plus intime et en dépit des développements de l'enquête, il nous en apprend beaucoup sur le couple que le commissaire forme avec sa femme. A réserver aux inconditionnels et, si vous voulez découvrir l'univers de Maigret, ne commencez pas par ce livre-là : il ne vous expliquerait en rien le succès immense de la série. Cet "Amie de Mme Maigret" n'est qu'un maillon dans une chaîne, un petit maillon, pas faible, non (au contraire, croyez-moi, il tient bien et il est à sa place), nécessaire, mais modeste et qui se refuse à se mettre en avant, un peu comme Louise Maigret, d'ailleurs. Mais, comme celle-ci, il a vraiment son utilité, vous le verrez en le lisant.. ;o)


Nota Bene : n'oubliez pas de lire aussi sur notre forum la fiche consacrée à "L'Amie de Mme Maigret" par notre amie Eustrabirbéonne, ici, en page 3 de ce post.
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A Paris, de fin février à mi-mars 1949, rue de Turenne, place des Vosges, square d'Anvers … se télescopent deux enquêtes policières menées, l'une par Maigret (c'est attendu !) et l'autre par son épouse (c'est la surprise du chef !).

La seconde affaire apparait en fil rouge satellitaire dans le cours principal du récit. Mme Maigret est à la recherche de « la dame au chapeau blanc » (l'amie du titre) qui, square d‘Anvers, sur un banc public, lui a laissé son enfant de deux ans « pour un moment » et n'est revenue le récupérer (pour tout aussitôt disparaitre) qu'au bout de deux heures sans fournir d'explications. L'affaire semble anecdotique (le commissaire en sourit, se moque presque …). Simenon use d'un ton souriant, ludique et amusé, décrit une situation empreinte de l'espièglerie et de la malice de Mme Maigret. A minima pour rendre service à son mari, Mme la Commissaire mène une enquête privée tout en souplesse, évidences et célérité à la grande surprise de son époux. Ses investigations rejoindront, bien évidemment, celles conduites par son mari dans une autre affaire. Maigret, pour l'heure, à contrario, se trouve face à une enquête complexe, difficile car trop médiatisée ; il peine à utiliser ses méthodes habituelles et se voit contraint à en user d'autres, plus conventionnelles et méthodiques qui ne lui plaisent que peu. Nous voici en plein roman policier de procédure ... où en attendant son heure, Maigret et ses manies d'immersion font le gros dos. La situation usant du contraste inattendu mais vraisemblable entre les deux époux, progresse peu à peu de l'humour au drame.

L'autre enquête, celle principale menée par Maigret, est plus sombre et plus complexe, porte tout le poids dramatique de l'intrigue. Sur la foi d'une lettre anonyme la Police perquisitionne l'échoppe d'un relieur de la rue de Turenne et découvre deux dents humaines dans les cendres de son calorifère. L'homme, Steuvels, est arrêté. Liotard, un très jeune avocat arriviste entre en scène comme un bulldozer. L'homme de loi est hautain et ambitieux ; c'est un rentre-dedans opportuniste, désireux de se faire enfin un nom et de la publicité. Il convoque la presse pour des points presse mouvementés où le discrédit est porté sur Maigret et sa hiérarchie. L'avocat que rien ne semble rebuter, cherche à pousser l'institution policière à la faute. Les quotidiens ouvrent sur des unes féroces fustigeant une enquête qui piétine et ceux qui la mènent de leur incompétence. Maigret bousculé dans ses habitudes, poussé dans ses retranchements, perd ses marques et sa routine d'enquête, multiplie ses adjoints à ses côtés pour mener une banale chasse aux indices dont il n'a pas l'habitude. Autour de lui, tout lui semble aller plus vite qu'à l'ordinaire, trop vite même ; il envisage même de tout reprendre à zéro. Maigret, qui n'est souvent que patience, courre contre la montre. Ses méthodes attentistes classiques, sous le poids de l'urgence, sont inapplicables ... Il n'a qu'une hâte : que tout cela finisse.

Simenon, en toile de fond, fait appel à la pègre et imagine, tout naturellement, une bande de malfrats d'où aucun n'émerge vraiment ; ils apparaissent couleur muraille, comme noyés dans une clandestinité imposée, l'un chasse l'autre, qui est qui ?. L'intrigue est complexe, les péripéties et les personnages abondent, ces derniers apparaissent, se croisent, disparaissent, se planquent, réapparaissent, mentent, complotent, se disculpent, empruntent de fausses identités pour compliquer le tout. Les faits d'enquête, tout autant que les coups de théâtre associés se bousculent (Simenon, à mi-parcours, s'oblige en conséquence à un récapitulatif d'une dizaine de pages pour ne pas perdre son lecteur). « L'homme nu » y perd ses petits, l'étude des personnages se dilue sous le nombre. Simenon n'a plus de vrai sujet d'étude psychologique sous la plume mais plusieurs, et c'est trop pour cibler la complexité d'un seul et unique, celui qui raclé jusqu'à l'os rendra tout son jus. N'empêche, « L'amie de Mme Maigret » dessine à merveille une collection d'hommes et de femmes au point de rencontre de mondes antagonistes : effervescence policière au 36 Quai des Orfèvres (filatures, tracasseries administratives, méthodes scientifiques d'investigation …), fébrilité clandestine de truands aux abois, intimité blackboulée du couple Maigret, presse peu regardante de l'objectivité de ce qu'elle publie, hommes de loi véreux, hypocrisie sociale des palaces parisiens …

Adaptation télévisuelle française en 1977 par Marcel Cravenne avec Jean Richard dans le rôle principal. Adaptation radiophonique en 1950 …

Lien : https://laconvergenceparalle..
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Et voici le second visage de Mme Maigret, celui de la femme qui ose : Wink


Citation :
[...] ... Il entra, traversa la salle-à-manger où les couverts n'étaient pas mis et vit enfin Mme Maigret, en combinaison, occupée à retirer ses bas.

Cela lui ressemblait si peu qu'il ne trouva rien à dire et qu'elle éclata de rire en voyant ses gros yeux ronds.

- "Tu es fâché, Maigret."

Il y avait dans sa voix une bonne humeur presque agressive qu'il ne lui connaissait pas, et il voyait sur le lit sa meilleure robe, son chapeau des grands jours.

- "Il va falloir que tu te contentes d'un dîner froid. Figure-toi que j'ai été tellement occupée que je n'ai eu le temps de rien préparer. D'ailleurs, c'est si rare que tu rentres pour les repas, ces jours-ci !"

Et, assise dans la bergère, elle se massait les pieds avec un soupir de satisfaction.

- "Je crois que je n'ai jamais autant marché de ma vie !"

Il restait là, en pardessus, son chapeau mouillé sur la tête, à la regarder et à attendre, et elle le laissait languir exprès.

- "J'ai commencé par les grands magasins bien que je fusse à peu près certaine que c'était inutile. Mais on ne sait jamais ; et je ne voulais pas me reprocher par la suite ma négligence. Puis j'ai fait toute la rue La Fayette, je suis remontée par la rue Notre-Dame-De-Lorette, et je me suis promenée rue Blanche, rue de Clichy. Je suis redescendue vers l'Opéra, tout cela à pied, même quand il a commencé à pleuvoir. Il faut te dire qu'hier, sans t'en parler, j'avais déjà "fait" le quartier des Ternes et les Champs-Elysées.

"Par acquis de conscience aussi, car je me doutais que de ce côté-là c'était trop cher."

Il prononçait enfin la phrase qu'elle attendait, qu'elle essayait de provoquer depuis un bon moment.

- "Qu'est-ce que tu cherchais ?

- Le chapeau, tiens ! Tu n'avais pas compris ? Cela me tracassait, cette histoire-là. J'ai pensé que ce n'était pas un travail pour des hommes. Un tailleur, c'est un tailleur, surtout un tailleur bleu. Mais un chapeau, c'est différent, et j'avais bien regardé celui-là. Les chapeaux blancs sont à la mode depuis quelques semaines. Seulement un chapeau ne ressemble jamais tout à fait à un autre chapeau. Tu comprends ? Cela ne t'ennuie pas de manger froid ? J'ai apporté des charcuteries de la maison italienne, du jambon de Parme, des cèpes au vinaigre et un tas de petits hors-d'oeuvre préparés.

- Le chapeau ?

- Cela t'intéresse, Maigret ? En attendant, le tien est en train d'égoutter sur le tapis. Tu ferais mieux de l'enlever." ... [...]
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Le visage habituel de Mme Maigret, celui de la "bonne grosse mémère", comme le dit Simenon, occupée exclusivement de sa cuisine, de son tricot et de son ménage :

Citation :
[...] ... C'était une situation ridicule. Maigret se moquerait encore d'elle. Tout à l'heure, elle téléphonerait au dentiste pour s'excuser. Oserait-elle lui raconter ce qui s'était passé ?

Elle avait chaud soudain, parce que sa nervosité lui mettait le sang à la peau.

- "Comment t'appelle-t-on ?" demanda-t-elle à l'enfant.

Mais il se contenta de la regarder de ses yeux sombres sans répondre.

- "Tu sais où tu habites ?"

Il ne l'écoutait pas. L'idée était déjà venue à Mme Maigret qu'il ne comprenait pas le français.

- "Pardon, monsieur. Pourriez-vous me dire l'heure, s'il vous plaît ?

- Midi moins vingt-deux, madame."

La maman ne revenait pas. A midi, quand les sirènes hurlèrent dans le quartier et que des maçons envahirent un bar voisin, elle n'était toujours pas là.

Le docteur Floresco [= le dentiste] sortit de l'immeuble et se mit au volant d'une petite auto noire sans qu'elle osât quitter le gamin pour aller s'excuser.

Ce qui la tracassait à présent, c'était sa poule qui était au feu. Maigret lui avait annoncé qu'il rentrerait plus que probablement déjeuner vers une heure.

Ferait-elle mieux d'avertir la police ? Pour cela encore, il fallait s'éloigner du square. Si elle emmenait l'enfant et que la mère revienne entretemps, celle-ci serait folle d'inquiétude. Dieu sait où elle courrait à son tour et où elles finiraient par se retrouver ! Elle ne pouvait pas non plus laisser un bambin de deux ans seul au milieu du square, à deux pas des autobus et des autos qui passaient sans répit.

- "Pardon, monsieur, voudriez-vous me dire l'heure qu'il est ?

- Midi et demi."

La poule commençait certainement à brûler. Maigret allait rentrer. Ce serait la première fois, en tant d'années de mariage, qu'il ne la trouverait pas à la maison. .... [...]
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Maigret avait une façon à lui de monter les deux étages du Quai des Orfèvres, l'air encore assez indifférent au début, dans le bas de la cage d'escalier, là où la lumière du dehors arrivait presque pure, puis plus préoccupé à mesure qu'il pénétrait dans la grisaille di vieil immeuble, comme si les soucis du bureau l'imprégnaient à mesure qu'il s'en approchait.

[Georges SIMENON, "L'amie de Madame Maigret", 1950, Les Presses de la Cité, Paris - chapitre 2. "Les soucis du Grand Turenne"]
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— Comment avez-vous pu le loger, si vous n’aviez pas de chambre ?
Maigret connaissait la réponse, mais il voulait la lui faire dire. Dans ces hôtels-là, on réserve le plus souvent les chambres du premier étage pour les couples de rencontre, qui montent pour un moment ou pour une heure.
— Il y a toujours les chambres du « casuel », répondit-elle, employant le terme consacré.
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Il paraissait anxieux de partir et insistait pour savoir s’il n’aurait pas d’ennuis avec le faux passeport.
— Pour quel pays ?
— Les États-Unis. Ce sont les plus difficiles à imiter, à cause de certaines marques spéciales qui sont de convention entre les consuls et les services de l’immigration.
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Vidéo de Georges Simenon
"L'Homme de Londres", Georges Simenon, aux éditions le libre de poche
Mila Boursier, libraire à La Grande Ourse à Dieppe, nous parle du roman "L'homme de Londres" de Georges Simenon. Dans ce polar, l'auteur ne nous parle pas de Maigret, mais d'un homme qui prend une mauvaise décision un soir à Dieppe. de fil en aiguille, le lecteur parcourt les rues de la ville dans une haletante chasse à l'homme.
Un entretien mené à Dieppe, à la librairie La Grande Ourse.
Vidéo réalisée par Paris Normandie.
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