Une bien délicate association de mots que l'expression polar historique. Car si chacun d'entre nous peut apprécier ce qui relève du polar, combien sont en revanche capables d'affirmer avec précision que ceci ou cela appartient sans conteste à
L Histoire ?
Et lorsqu'il s'agit d'Hitler et de la période qui précède de peu l'avènement du dictateur au pouvoir, comment distinguer clairement toutes les frontières brumeuses qui existent entre ce qui est politique et public et ce qui est de l'ordre de l'intime ?
Les historiens s'accordent pour admettre que 75 ans après sa mort, la personnalité de ce fou sanguinaire ( ce sont les mots qui me viennent sur l'instant... cherchez et vous serez étonné de constater que qualifier ce ".... "est éminemment complexe... ) reste a minima un sujet controversé... pour ne pas dire énigmatique, mystérieux et irrésolu à ce jour.
18 septembre 1931, les nazis sont aux portes du pouvoir.
Au 16 Prinzregentenplatz à Munich, une jeune femme est retrouvée morte.
Cette jeune femme de 23 ans a pour nom Angela Maria Raubal, dite Geli.
Geli Raubal est la nièce d'
Adolf Hitler et partage avec ce dernier l'appartement où son corps sans vie vient d'être retrouvé.
Deux policiers, Siegfried Sauer et Helmut Forster, dit Mutti, sont chargés d'enquêter.
Ils ne disposent que de huit heures pour mener leur enquête.
Ce qui apparaît comme un suicide suscite très vite de nombreuses questions et la piste criminelle est envisagée.
Je ne vous en dirai pas davantage au risque de tuer le réel intérêt que suscite ce polar.
Je lui ai trouvé deux qualités.
La première est que du point de vue dudit polar, nous avons affaire à une mécanique diablement efficace.
Les rebondissements sont nombreux, et même si l'on se doute... l'auteur sème parfois trop facilement des cailloux pas si petits que ça... qu'il ne faut jamais se fier à personne et que comme on dit "les apparences sont presque toujours trompeuses",
Fabiano Massimi a bien ficelé son histoire.
Deuxième qualité, et pas la moindre... le contexte historique et la présence de beaucoup de ceux qu'on allait appeler les dignitaires nazis : Hess, Goering, Röhm, Himmler, Heydrich... pour ne citer que les plus connus... mais il y en a beaucoup d'autres.
Massimi a fait un travail de recherches conséquent, sérieux, et a su s'entourer de spécialistes qui apportent à son oeuvre un label de respectabilité et de crédibilité.
Ce travail débouche, ô divine surprise ! sur ce qui constitue pour un lecteur comme moi, c'est-à-dire quelqu'un qui, sans être un spécialiste, a énormément lu sur cette période, une véritable source d'informations jusque-là ignorées et tout à fait passionnantes.
Certaines "révélations" ont constitué de telles surprises que j'ai énormément apprécié "la note de l'auteur" en fin d'ouvrage et la bibliographie sur laquelle il a pu s'appuyer pour écrire cette histoire aux limites de la vraisemblance... et pourtant !
Si vous vous laissez tenter par la lecture de ce bouquin, vous ne pourrez pas ne pas être frappé par le décalage, l'incommensurable béance clownesque, qui sépare ces dangereux et grotesques fantoches qui prirent les rênes du pays le plus intellectuellement et le plus artistiquement raffiné de l'Europe de cette première moitié du XXème siècle et le concept de rationalité.
L'Allemagne qu'Hitler et ses sbires allaient nazifier comptait le plus grand nombre de prix Nobel du continent... et était le pays dans lequel le plus d'enfants avaient accès à la musique... !!!
C'est à partir de cette alchimie entre histoire policière et Histoire tout court que l'on sait si la formule polar historique fait sens ou pas, et en ce qui me concerne, l'affirmative s'impose.
C'est donc un un très bon livre dont j'ai apprécié le fond et dont je n'ai pas détesté la forme.
Sur le fond, je vous ai fourni quelques explications, quelques justifications. Songez à ce passage où vous découvrirez Goehring se livrant à des acrobaties aériennes, gracieux, majestueux et léger dans le ciel comme un oiseau... et lourd, obèse, ridicule et pathétique dès qu'il pose sa carcasse massivement adipeuse et imbibée de drogue sur le plancher des vaches.
Imaginez ce que Massimi va (probablement) vous faire découvrir sur la personnalité perverse de "l'oncle Adolf", qui auprès des chaperonnettes se fait appeler " wolf", pornocrate, adepte de l'ondinisme... il paraît que les alliés étaient au courant de tous ces travers...
En revanche, un bémol que je ne peux pas passer sous silence concerne le style... beaucoup trop descriptif, il nuit par moments au rythme et donc à l'action, et par ailleurs, l'auteur se laisse parfois aller à quelques platitudes... que je me suis efforcé de vite oublier pour donner toute sa place à l'essentiel : l'enquête.
En conclusion, un ouvrage qui a le mérite de porter un nouvel éclairage sur le mystère non résolu de la mort de Geli Raubal... nièce et "grand et seul amour" d'
Adolf Hitler.