La Vérité sur l'affaire Savolta est un roman à la construction originale et déroutante sous forme de fragments. Sa lecture, il y a de cela quelques années, m'avait donné l'impression d'une sorte de puzzle mystérieux à résoudre qui demande un effort de concentration intellectuelle pour rassembler et remettre dans l'ordre tous les éléments de l'intrigue.
Ce premier roman d'
Eduardo Mendoza a été publié en 1975. Il m'a fait découvrir une période historique que je ne connaissais pas : celle des années 1917 à 1919 à Barcelone, une dizaine d'années avant l'arrivée de Franco au pouvoir.
Un journaliste écrit un article qui dénonce l'attitude de l'entreprise Savolta vis-à-vis de ses ouvriers. Nous sommes en 1917. L'article est le premier fragment de ce roman-puzzle. Vient ensuite l'interrogatoire de Javier Miranda devant le Tribunal en 1927, à propos de l'affaire Savolta.
Javier Miranda est le narrateur et on découvre le travail qu'il effectuait à l'époque pour l'avocat Cortabanyes et le Français Lepprince au service de l'entreprise Savolta. Ils étaient chargés de recruter des hommes pour mettre hors d'état de nuire les ouvriers qui organisaient des grèves. Ce sont ces faits que le journaliste Pajarito de Soto dénonce dans son article.
Au fil des fragments, la vie dans la maison des Savolta est évoquée. L'affaire Savolta n'est autre que le meurtre de cet homme qui semble diriger d'une main de fer l'entreprise.
Mais est-il l'unique responsable de ces méfaits ? Qu'en est-il des énigmatiques Lepprince et Cortabanyes ? le journaliste est, lui aussi, assassiné.
L'inspecteur Vasquez, qui avait enquêté à l'époque, avait eu bien du mal à rassembler des preuves. Dans ce contexte révolutionnaire, les anarchistes font figure de coupables idéaux. Mais quelle est la vérité qui se cache au-delà des apparences ?
Il émane de ce roman policier à la construction originale une impression permanente de mystère, comme si l'énigme n'était jamais entièrement résolue, même lorsque tout semble fini.
Ce roman est un bon souvenir de lecture. Si vous aimez les puzzles et vous poser des questions, tenter de démêler le vrai du faux, il a des chances de vous capter. Il n'est pas qu'un roman policier, sa construction en témoigne. Les lacunes dans la résolution de l'intrigue sont, je pense, une volonté de l'auteur de nous faire réfléchir et relire le texte. La même question voulue s'impose à nouveau : tous les coupables ont-ils bien été punis, ceux qui tirent vraiment les ficelles n'ont-ils pas réussi à échapper à la justice, pour continuer leurs actions en toute impunité ? Les pseudo-coupables n'étaient-ils pas que des pions entre leurs mains ? Qui tire vraiment les ficelles ?
Grandes questions sans réponses qui se posent à la lecture de ce roman qui fut, il y a une quinzaine d'années au programme de l'agrégation d'espagnol. Derrière cet apparent roman policier, il y a en effet de quoi se triturer les méninges !