J'aime bien quand les demeures ont de l'importance dans les romans, dans Gatsby, les
Bellefleur de
Joyce Carol Oates, les romans gothiques, comme gamine j'aimais rêver sur les châteaux des contes de fées... Est-ce parce qu'elles nous invitent à être les architectes de notre imaginaire, nous donnent l'espoir d'y bâtir des merveilles de refuges quand le réel se fait trop laid, trop inhospitalier? J'ai un peu cette impression, mais bon, en fait, ce n'est en général pas la joie, et encore moins la douceur, la sérénité, qu'elles procurent à leurs habitants.
La maison des Hollandais est impressionnante, luxueuse, extravagante, «trop grande pour qui que ce soit, un immense, un ridicule gaspillage», mais auquel on ne voudrait rien changer. Et du point de vue narratif, elle fait bien le job. Elle ne rend pas ses habitants heur
eux, non - les maisons heureuses n'ont peut-être pas d'histoire -, elle exerce une force d'attraction ou de répulsion qui met en branle des mécanismes bouleversant les destinées.
Le père du narrateur croyait offri
r un rêve à sa femme en la rendant propriétaire de cette fastueuse demeure qu'elle va détester et fuir, abandonnant sa famille pour aller aider les pauvres à l'autre bout du monde.
Sa seconde femme, Andrea, est au contraire fascinée, obsédée par la maison qu'elle considère comme une oeuvre d'art, elle met le grappin sur son propriétaire et en vraie marâtre va éjecter les enfants du bercail.
Maeve et Danny,
eux, restent comme aimantés par la maison, ne pouvant s'empêcher d'aller se garer devant de manière obsessionnelle, comme mus pa
r un désir masochiste de rouvrir sans cesse la blessure de l'exil.
J'ai aimé les personnages: la merveilleuse fratrie, qui en dernier recours constitue sans doute le vrai foyer, le home sweet home pour Danny et Maeve; l'horrible belle-mère; la mère qui est une Sainte - et ce n'est vraiment pas un cadeau pour ses enfants.
La narration, confiée à Danny, avec ses va-et-vient dans le temps, est vivante et efficace, la dimension psychologique plutôt fine.
Bref, une bonne lecture.