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EAN : 9782707317995
80 pages
Editions de Minuit (14/02/2003)
3.36/5   54 notes
Résumé :

Après avoir respiré des vapeurs nocives dans l’imprimerie où il travaille, Monsieur Carossa tombe malade. Par crainte d’un licenciement, il demande au médecin le silence. Et puis, un jour, il ne se lève pas. Comme un animal écrasé sur la route, il gît, à même le drap.
(Quatrième de couverture de l'édition minuit 2022)

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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Yves Ravey, champion de la pratique littérature minimaliste, aborde dans le Drap un sujet intime, la mort de son père. À ce titre, ce roman dépourvu de tout effet dramatique constitue une exception à l'intérieur de la production littéraire de l'auteur, bien que la mort sous une forme ou sous une autre soit la thématique centrale de ses livres. Car la mort ici en question est celle de son propre père, la seule qui importe en définitive pour lui , sujet autrement grave, qu'il semble vouloir désacraliser le traitant avec une grande légèreté.
Un ouvrage bref, qui à part le récit de la maladie , de l'agonie puis de la disparition d'un homme qui bravait la mort préférant en ignorer les symptômes, revient sur des souvenirs familiales anciennes, sur quelques rares confidences de la mère, des petits plaisirs du père, la pêche, le PMU, ses promenades avec sa 203…., et alors qu'il détendait un diplôme d'ingénieur, sur sa carrière professionnelle contestée d'ouvrier dans l'imprimerie dont il succombera aux gazes toxiques.

En faites tel père tel fils, Ravey aussi brave ce sujet personnel grave , avec la même désinvolture que le père bravant la mort. Il alterne d'un style aéré avec de très courts chapitres, les sketchs d'une vie au passé et celle au présent, et soudain quand arrive la mort, étrangement il est en train de peindre des volets métalliques…. Juste le temps de prendre une pause il continue pour terminer la quatrième persienne. Mais cette désinvolture cache en faite une douleur profonde qu'il exprime superbement à travers celle de sa mère dans un court chapitre «  Ma mère est morte en même temps que lui…elle a traversé la vie comme s'il était encore là. »

Dans ce livre autobiographique qu'il intitule Roman par pudeur , Ravey d'un récit tout simple, à travers des petits détails va à l'essentiel . Un romancier qui me parle beaucoup.
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"Le drap" est l'un des premiers écrits d'Yves Ravey. Il y décrit les derniers mois de son père, gravement malade suite à l'inhalation de vapeurs toxiques dans l'imprimerie ou il gagne péniblement sa vie.
Du pathos, évidemment ?
Non. Dans son style épuré, l'auteur délivre un rapport circonstancié, étape par étape, sur la maladie professionnelle qui finira par emporter son père.
Une succession de faits qui, plus que émotion suite à la mort du père, m'interroge sur les motivations d'Yves Ravey : s'agit-il de décrire l'émotion due à la mort d'un proche, ou de dénoncer les conditions de travail des années 70, qui faisaient passer la rentabilité avant la santé des ouvriers parfois atteints de "maladies professionnelles" non reconnues suite à l'utilisation de substances toxiques ?
Un peu des deux, sûrement.
Il n'en reste pas moins un petit opus au style si particulier : des faits, encore des faits, toujours des faits ; pas de dialogues en style direct ; pas de pathos ...
Ce n'est pas, à mon avis, le meilleur texte de l'auteur. le style et la méthode sont encore en construction. il y aura bien meilleur, par la suite.
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Dans ce court roman, Yves Ravey évoque la condition ouvrière des années 60 à 70 à travers la maladie professionnelle qui frappe le père du narrateur : combien d'hommes ont ainsi sacrifié leur santé et leur vie à leur sens viril du devoir ? rapporter un salaire, ne jamais se plaindre des conditions de travail, ne pas plier devant le mal, ne pas manquer à la parole donnée à l'employeur, ne pas se protéger des substances toxiques afin de montrer son invulnérabilité. Jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Ce livre m'a rappelé le livre d'Edouard Louis "Qui a tué mon père ?". Mais ici pas de réquisitoire, seulement un style descriptif, neutre, une écriture blanche et sans affect, en apparence.
Ce qui est mis en relief avec la même vigueur dans les deux oeuvres, c'est l'exploitation cynique par le capitalisme du sens de l'honneur et des responsabilités qu'entraîne le fait d'être un homme, un homme véritable dans la société patriarcale ouvrière : on attend de lui, et ça arrange bien tout le monde, qu'il serre les dents, ne pose pas de problème au patron et nourrisse sa famille. Fièrement, en silence. C'est son devoir, c'est sa raison d'être. En échange, il aura le droit de plastronner, c'est lui le chef de famille incontesté, on devra lui tolérer quelques mensonges. Déjà gravement atteint et incapable de travailler, le père du narrateur "demande (à son épouse) pourquoi elle cherche du travail, c'est à lui de nourrir la famille, pas à elle, c'est presqu'insultant."
Le personnage de la mère est sublime aussi de dignité. Elle ne gémit pas, ne pleure pas, parle à son mari mourant en repassant et en chantonnant. On la croirait insensible, alors qu'en fait "elle est partie avec lui. Elle est devenue une ombre. Sans parole, sans corps, quelque chose qui pense et qui erre."
Chez les petites gens, on fait face, toujours.
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N°944– Août 2015

LE DRAP – Yves Ravey – Les éditions de Minuit.

Dans ce livre, le narrateur, bizarrement baptisé Lindbergh, comme l'aviateur, évoque les derniers mois de son père, Roger Carrosa. C'est le genre d'homme qui n'a jamais été malade, qui a toujours travaillé et qui ne connaît pas l'arrêt-maladie. Il laisse cela aux parasites qui se font embaucher pour profiter du protecteur système de santé. Pour lui le travail c'est une valeur. Il l'a pratiqué toute sa vie, d'abord comme serrurier, comme son père, où l'atmosphère d'atelier était nocive, puis plus tard à l’imprimerie où il s'était fait recruter et où il a respiré des vapeurs de plomb. C'était dangereux mais l'habitude lui tenait lieu de protection. Il en fallait d'autre pour le terrasser. Il avait même peint l'intérieur d'une cuve au pistolet sans masque, pour rendre service sans doute. C'est aussi pour cela qu'il a accepté de prendre le chien du directeur du personnel parti en vacances. Il ne sait pas dire non, il est toujours disponible. Et puis les copains c'est sacré quand ils lui doivent quelque chose, il attend leur bon vouloir, parfois longtemps et ne réclame jamais. On peut appeler cela de la naïveté ou peut-être autrement mais pour lui c'est normal. Il prend le médecin de haut qui parle d'analyses, de médicaments, d'hospitalisation. Pensez, c'est la première fois de sa vie ! C'est le genre d'homme à n'être jamais malade.
A son épouse qui a toujours vécu dans son ombre, il reproche de chercher du travail, on ne sait jamais, si les choses tournaient mal. De tout temps, un homme a toujours « fait vivre son épouse » comme on disait, et ce n'est pas maintenant que cela va changer. La tradition, toujours, et une femme, c'est fait pour rester à la maison ! Elle voudrait bien que tout cela change, mais elle se soumet. Elle a toujours obéi à son mari, surtout quand ce dernier a accepté, à la demande de son père, de reprendre la serrurerie familiale. II pouvait aller travailler à l'usine, ils auraient vécu en ville et cela aurait été autre chose, une autre vie...Il a des plaisirs bien simples, la pêche dans le Doubs, l’harmonie municipale dans laquelle il joue du saxophone et le PMU qui ne distille pour lui qu'un espoir illusoire.
La camarde a été la plus forte, elle l'est toujours. Avec lui, elle y a mis les formes, a annoncé sa venue, cela a duré 6 mois puis ce fut le cérémonial de la mise en bière, de la toilette, de l'enterrement. Pour partir dans l'autre monde sa femme a tenu à ce qu'il soit bien vêtu, comme il ne l'a d’ailleurs jamais été, avec costume, chemise blanche et chaussures cirées, décoration de prisonnier de guerre et médaille de l'harmonie municipale. Là aussi, la tradition. Puis ce fut son tour à elle, peu de temps après parce qu'ayant toujours vécu avec lui, elle ne pouvait lui survivre longtemps ;

J'ai récemment croisé les romans d'Yves Ravet que je ne connaissais pas. La grande économie de mots, le minimalisme dans les descriptions et les évocations qui le caractérisent, la brièveté de ses romans, m'interpellent. Ce n'est pas que je n'aime pas, mais cela tranche sur ce que j'ai l’habitude de lire ; j'aime les écritures plus fluides mais il m’apparaît que cette manière d'écrire colle bien à ce dont il parle. Il n'est pas nécessaire d'employer de grands mots pour évoquer des situations quotidiennes. En effet, cette histoire est banale, mais, je ne m'explique pas pourquoi, elle m'a ému par sa simplicité, par son caractère humain, suranné peut-être ? Elle évoque des clichés d'un autre temps, des valeurs familiales qui, si elles sont contestées aujourd'hui, ont inspiré, à tort ou à raison, la vie de nos aïeuls. Le thème c'est évidemment le père, son absence, mais aussi la brièveté de la vie, son côté quotidien, dérisoire.

Hervé GAUTIER – Août 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Il a toujours travaillé. La maladie ? connaît pas ! et ce n'est pas d'avoir respiré quelques vapeurs toxiques qui va entamer sa santé. Il est hors de question qu'il aille à l'hôpital. Quelques soins et un peu de repos et il n'y paraîtra plus ! Voilà tout ...... mais ce n'est pas ainsi que ça fonctionne !

Une écriture sèche et minimaliste pour raconter la maladie et la mort.
Yves Ravey dresse un tableau bref et clinique de la fin humaine. "Il levait les yeux. Sa peau était lisse, bleutée et translucide, ses chevilles gonflées, plus épaisses que ses genoux, parcourues de veinules."
Difficile de faire plus sobre, et jusque dans la mort même....
"Mon père gisait sur le côté, à même le drap, comme un animal écrasé sur la route".

Voilà tout et en quelques dizaines de pages, tout est dit, d'une vie consacrée au travail, un travail qui use et tue !
Et à l'épouse d'entrer en scène. Il faut être digne dans la mort et, quand bien même on ne l'aurait jamais porté, il convient d'arborer le costume du dimanche, celui qu'on ne met qu'exceptionnellement, assorti bien entendu d'une chemise blanche et de chaussures neuves. C'est du moins ainsi qu'elle voit les choses, cette épouse, qui, après ce décès, "a traversé la vie comme s'il était encore là".
Triste et poignant.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Mon père ne travaille plus, depuis une semaine. Le matin, il reste assis à la cuisine, devant son bol de café. Il penche la tête, le coude sur la table, la main sur le front. Le médecin lui a signé un arrêt-maladie de quinze jours. Il a dit, vous devez consulter des spécialistes à l'hôpital, monsieur Carossa. C'est inutile, l'hôpital, a répondu mon père. Je n'ai jamais vu un docteur de ma vie, je n'ai jamais été malade.
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Il installe au rez-de-chaussée des plaques d'imprimerie avec des images en négatif, et des piles de livres, des encyclopédies mises au rebut, offertes par le directeur du personnel, une pleine remorque tirée par la camionnette du service de maintenance. Il entasse les livres et des pièces de rotatives sous les escaliers.
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C'est inutile , l'hôpital [...] Je n'ai jamais vu un docteur de ma vie, je n'ai jamais été malade.
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Mon père gisait,à même le drap, comme un animal écrasé sur la route.
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Je suis fatigué, soupire-t-il, et il part se coucher. Demain il voudrait retourner au travail.
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Le romancier et dramaturge Yves Ravey parle de la création des personnages #ecrire #écrire #écriture #ecriture #écrireunroman #litterature
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