Le secret de Socrate pour changer la vie

Socrate a autre chose à faire ; il doit rendre compte d'une expérience. Une expérience humaine ne se déduit pas, elle s'impose et se montre, et pour la montrer il faut en laisser apparaître les différents aspects. Pour cela, il faut d'abord apparaître les différents aspects. Pour cela, il faut d'abord faire exploser le raisonnement adverse, non pas un contre-raisonnement, mais en faisant appel à un détail manquant  "Je suis éclairé, mais une légère difficulté m'arrête encore".

La figure de Socrate qui vient d'être brièvement dessinée, est le fruit d'une enquête dont les résultats sont présentés par la suite. Elle est doublement intempestive, d'une part parce que Socrate n'y est plus un philosophe, d'autre part parce que la voie qu'il propose est inintelligible pour des gens raisonnables.

Tous ces refus ou rejets de ses contemporains dessinent en creux l'originalité ou l'excentricité de Socrate. On peut en reprendre les différents traits et monter leur cohérence. Le premier et le plus incontestable à partir duquel tous les lutres doivent être déduits, c'est une manière spécifique de dialogue. Si les discussions peuvent être sans fin concernant le Socrate historique, sur ce point la contestation est impossible.

En réduisant la mort à son utilité première, celle de le débarrasser de sa vieillesse, il est possible qu'il acquière une grandeur inattendue et nous indique une voie de sagesse très précieuse. De la mort, il ne faut pas un plat. Il n'en a pas peur, il ne se pose donc pas à son sujet des questions métaphysiques, il n'en fait pas non plus un moment extraordinaire, qui devrait nous éclairer sur notre vie ou le sens de la vie. Ma mort, pense-t-il, n'est pas un drame. Elle n'est pas tragique, elle est seulement bienvenue à ce moment et sous cette forme. La recouvrir de banalité est encore la meilleure manière de la respecter et de l'estimer. Vantard et profiteur devant la mort, c'est sa façon de rester désinvolte et de la maintenir à l'écart des constructions savantes qui en minimisent la banalité.

Socrate n'est donc pas quelqu'un qui sait et qui, lorsqu'il rencontre des interlocuteurs, fait semblant de ne pa savoir pour les inciter à la recherche. Il est réellement celui qui ne sait pas ou, plus précisément encore, celui qui se situe au niveau du non-savoir, qui entre dans l'embarras et dans l'engourdissement, parce que c'est là le lieu de l'invention et du renouvellement de la pensée.