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EAN : 9782253142997
188 pages
Le Livre de Poche (19/02/2003)
3.71/5   107 notes
Résumé :
Parti plein d’enthousiasme pour les colonies, Joseph Timar ressent, dès son arrivé au Gabon, un malaise indéfinissable qui n’est pas seulement dû à la moiteur accablante du climat. Il s’installe dans l’unique hôtel de la ville. Dès son arrivé, la patronne, Adèle, s’offre à lui.

4e de couverture
Avait-il une seule raison grave de s’inquiéter ? Non. Il ne s’était rien passé d’anormal. Aucune menace ne pesait sur lui. C’était ridicule de perdre s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Ecrit en 1933, après plusieurs mois passés en Afrique Equatoriale, le « Coup de lune » a pour cadre Libreville.
Simenon rompt avec la littérature coloniale ingénue : à Libreville il y a des insectes, des mouches tsé-tsé, des serpents et des léopards, des maladies tropicales, des « nègres » nus, l'alcoolisme des blancs « qui s'imposaient une vie âpre, parfois périlleuse, pour ce qu'en France on appelle avec emphase la mise en valeur des colonies. »

Un jeune homme, Joseph Timar, pistonné par son oncle, est nommé dans une concession de bois, dans la grande forêt. C'est un ingénu, il ne connait rien de la réalité à laquelle il doit faire face. A son arrivée à l'hôtel Central de la capitale du Gabon, le désenchantement fait suite aux drames. Il est, depuis le premier jour, « désemparé, vexé, triste, vidé, vanné, écoeuré ».
Un meurtre, qui s'ajoute à un autre.
Un mort de paludisme, fièvre dont vient de mourir le mari d'Adèle, la tenancière du Central.
Les avances de la veuve, nue sous une robe en soie noire.
Alors il boit, suivant en cela les coutumes.
Il boit, comme les autres colons, il est terrassé par le paludisme, fièvre alternant des sueurs intenses à un froid brûlant.
Timar a bien sûr cherché le dépaysement, « il l'avait cherché dans le pittoresque, dans le panache des cocotiers, la chanson des mots indigènes, le grouillement des corps noirs ». Or la réalité africaine lui fait toucher du doigt son incapacité à se sentir faisant partie, soit des officiels, qui le reçoivent pourtant bien avec verres de whisky, soit des coupeurs de bois ( le Gabon étant recouvert par une des grandes forêts primaires, où okoumés, ébène et acajou sont coupés , les billes de bois dérivent le long du fleuve jusqu'au port de Libreville, pour être chargés sur des bateaux, direction France. )Il ne se retrouve nulle part.

André Gide qui avait publié son « Voyage au Congo » en 1927 et considérait Simenon comme le plus grand écrivain de l'époque, lui écrira ensuite: « Je viens de relire le Coup de lune et je puis témoigner en connaissance de cause de la prodigieuse exactitude de toutes vos notations, je reconnais tout, paysages et gens ».
L'exactitude est telle que la tenancière de l'hôtel Central se reconnaît, fait un procès à Simenon pour diffamation, réclame la saisie des livres et le versement de   francs de dommages et intérêts.
Et perd le procès.
Simenon a écrit avec le coup de lune (ou coup de bambou), un grand roman sur les terres équatoriales, et en particulier, sur cette fièvre ravageuse qui vous abat et vous terrasse, « il avait eu froid comme jamais de sa vie il n'avait imaginé qu'on put avoir froid. Et pourtant, il était trempé des pieds à la tête, il claquait des dents, il criait ! », sur cette ambiance délétère de chaleur angoissante, sur la beauté absolue de la nature, sur les accords entre elle et les rameurs de pirogue. Paysages et gens sont brossés dans leur vérité, au plus près de la réalité gabonaise.
La fièvre aidant, puisque le palu vous met dans un état de semi-coma, Timar se sent partagé de façon aussi ambivalente envers l'Afrique et ses blancs alcolos, qu'envers la veuve / araignée en soie noire, dont finalement il comprend les manigances et les trahisons .
Presque, il va presque comprendre cette terre d'Afrique « qui jusqu'ici n'avait provoqué en lui qu'une exaltation malsaine. »
« L'Afrique, ça n'existe pas » conclut-il. Simenon, lui, aux slogans véhiculés par l'Exposition coloniale : « l'Afrique vous parle » avait répondu « L'Afrique, elle vous dit merde »


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Selon mes sources, car j'ignorais l'expression jusqu'à ce que je la découvrisse chez Simenon, le "coup de lune" serait comparable, sous les latitudes équatoriales, à ce que nous nommons ici "coup de blues", aggravé cependant par la tendance à la boisson qui caractérise le comportement des Blancs en Afrique et en Extrême-Orient ainsi que par les attaques éventuelles de maladies telles que la dengue, par exemple. Un "coup de lune" peut donc se révéler très grave pour ceux qui en sont atteint, d'autant que, paraît-il, il vous tombe dessus sans prévenir, avec une brutalité qui vous met hors service pour pas mal de temps - si ce n'est pour le reste de votre existence.

Ce "coup de lune" en tous cas n'a pas manqué sa cible en choisissant le héros du roman, Joseph Timar, jeune homme de bonne famille (néanmoins appauvrie) mais ayant conservé d'excellentes relations, comme cet oncle qui, bientôt, deviendra sénateur. C'est d'ailleurs celui-ci qui lui a procuré un poste au Gabon, alors colonie française, dans une société nommée la Sacova. Tout frétillant et des étoiles plein les yeux et la cervelle, notre jeune homme qui, en plus, n'est pas mal de sa personne, a fait directo ses bagages pour Libreville où il va se retrouver complètement à la masse bien avant, il faut le souligner, d'avoir subi l'assaut de la terrible Hécate.

S'il nous dresse un tableau saisissant de l'Afrique coloniale française, des moeurs des Noirs comme celles des Blancs (il faut distinguer en effet les Noirs des villes de ceux qui vivent en forêt et sont demeurés plus "nature"), tout cela sur fond de paysages faussement urbanisés (à Libreville) et tout bonnement inquiétants mais merveilleux pour la brousse, le but premier de Simenon est bien sûr d'aspirer son lecteur au plus profond de l'abîme tapi en Timar, qu'il ignorait jusque là mais que va faire s'ouvrir, de plus en plus béant, le drame qui se joue au coeur du bar-hôtel tenu par Eugène et Adèle Renaud, lesquels ont déjà quinze ans de Gabon derrière eux ...

... ainsi qu'un passé agité puisque, dans sa jeunesse et en métropole, Adèle a "travaillé" pour le bénéfice d'Eugène, qui était son souteneur avant de devenir son mari. le couple a déjà fait une première fortune dans les coupes de bois du Gabon, fortune qu'il a claquée de concert en quelques mois dès son retour en France. Philosophes et jouisseurs, ils ont ensuite repris le chemin de l'Afrique et se sont remis au travail. de son passé de prostituée, Adèle a conservé l'habitude de coucher avec les uns et les autres, mais surtout avec les notables du coin : procureur, commissaire de police, gouverneur. de temps à autre, elle s'offre, et c'est bien naturel, un petit plaisir. Et c'est ainsi qu'elle se permet une fantaisie avec Timar, le lendemain-même de son arrivée. (Reconnaissons cependant que le jeune homme lui force un peu la main, si vous voyez ce que je veux dire ... )

Adèle, sa chair encore jeune et plaisante, son impassibilité apparente, son air supérieurement blasé de femme qui en en a trop vu, tout cela va se muer, pour Timar, en une véritable obsession. Il aime Adèle sans parvenir à analyser ses sentiments, il ne peut détacher d'elle son regard lors de cette fête où Thomas, l'un des boys noirs, est assassiné par balle, il la soupçonne, il la soutient, il la console lors de la mort prématurée d'Eugène, enlevé par une hématurie galopante et puis, tout naturellement, il prend la place du mari dans le lit et dans le bar. le pire, c'est que, en même temps, il hait aussi Adèle et la méprise.

La population locale blanche s'amuse plus ou moins de la situation - on peut penser qu'il en est de même pour les Noirs que Simenon nous décrit pourvus d'un sens indéniable de l'humour - mais s'en inquiète aussi. Car c'est Adèle qui, parce qu'il la faisait chanter, a abattu Thomas. Cela, tout le monde le sait ou le soupçonne. Mais les autorités répugnent à accuser une femme avec qui elles ont pris régulièrement leur plaisir, la classe moyenne, comme celle des coupeurs de bois, estime énormément le caractère bien trempé d'Adèle - quant aux Noirs, ma foi, s'ils savent quelque chose - et tout se sait dans de si petites communautés - ils préfèrent détourner les yeux, à l'exception compréhensible de la famille du boy assassiné qui, elle, exige réparation.

Une affaire bien embarrassante ... Heureusement, Adèle, qui est loin d'être une sotte, liquide son bar-hôtel pour acheter une concession de bois précieux que l'oncle de Timar leur a permis d'obtenir sans trop de problèmes et ils prennent la route. C'est là que le jeune homme, devenu en quelques mois un parfait alcoolique comme la majeure partie des Blancs qui l'entourent, subit sa première "crise" de dengue - c'est là que le "coup de lune" s'abat sur lui ...

Que les âmes sensibles ne s'inquiètent pas trop pour Timar : celui-ci rentrera sain et sauf en France mais complètement démoli par une Afrique, des colons et des Noirs qu'il n'est pas parvenu à comprendre et qui ont, en conséquence, été dans l'impossibilité de l'intégrer. Si ni Adèle, ni ses amis et bien entendu pas un seul Noir, sauf le boy de service pour les bagages, ne l'ont accompagné sur le quai de Libreville où l'attendait un paquebot en route vers la métropole, le "coup de lune", lui, n'a pas eu de ces délicatesses : il a embarqué avec Joseph Timar, et se prélasse sur le pont-promenade en attendant de faire de même du côté de la Charente. Timar, assurément, qu'il épouse ou non sa cousine Blanche, de Cognac, et qu'il mène désormais - ou refuse de mener - la vie tranquille que l'on coule en province, Timar en a pour toute sa vie avec son "coup de lune." Ses ressorts sont brisés, il a laissé en Afrique une bonne partie de sa raison aux bénéfices d'un état paranoïaque qui le fait maintenant se parler tout seul, ou alors ricaner sinistrement, tandis que les passagers le considèrent avec, au choix, tristesse, affolement ou ironie mauvaise.

L'Afrique a "eu" Joseph Timar. Mais que les chantres de l'anti-colonialisme actuel ne triomphent pas trop vite Merci ;o) : quand j'écris l'Afrique, je veux dire que, à Libreville, ils s'y sont tous mis pour le faire trébucher, Blancs, Noirs, colons et colonisés, tout le monde était d'accord. Timar était trop différent : il n'était fait ni pour le pays, ni pour le continent, ni pour tous ces gens-là qui, eux, "savent", les uns parce qu'ils sont nés là-bas, les autres parce qu'ils ont fini par apprendre. Mauvais, très mauvais élève, Joseph Timar n'a rien voulu savoir et on l'a mis à la porte, avec ce "coup de lune" qui le rendait bien trop dangereux pour l'avenir de tous.

Mais, entre nous, un "coup de lune", ça vaut mieux qu'une balle de revolver, pas vrai ? ...

Un roman lucide, cynique, ironique, qui ne fait la part belle à personne. Simenon dénonce sans complaisance le comportement des Blancs mais, en parallèle, démontre qu'une conscience peut toujours s'acheter, même si elle vibre sous une peau noire. Ce n'est pas le colonialisme le responsable : c'est humain, voilà tout. Simenon ne donne pas de leçon - il a horreur de ça : il établit un constat. Désabusé, soit et qui ne plaira pas à tout le monde, mais d'un réalisme redoutable. ;o)
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J'ai trouvé ce petit livre sur une brocante, j'ai eu la main heureuse.
Je l'ai lu presque d'une traite sans piocher de renseignements sur son écriture par Georges Simenon. J'ai appris ensuite qu'il avait été écrit en 1933, ce qui explique un certain vocabulaire « colonial ».

Joseph Timar embarque de la Rochelle pour prendre un poste dans une société française de découpe de bois au Gabon. Très enthousiaste, il pense s'intégrer et devenir rapidement un colon français. Evidemment, rien ne se passera comme il l'aurait souhaité.

Georges Simenon nous décrit une ambiance lourde, humide, à la chaleur étouffante, dans laquelle notre héros va s'engluer dans une langueur moite au point de subir un coup de lune sévère (coup de blues).

Arrivant à Libreville, il prend ses quartiers à l'hôtel Central géré par un étrange couple, Adèle et Eugène. le charme d'Adèle opère et le voilà pris dans ses filets, ou plutôt ses moustiquaires, dans ce pays de soleil écrasant et brûlant.

Survient alors le meurtre d'un Noir, le boy d'Adèle.

A qui profite le crime ?

A Georges Simenon bien sûr, il va s'en servir pour nous dépeindre, avec ses phrases simples qui en disent long, le colonialisme français, les relations des colons entre eux et avec les communautés noires, la différenciation entre les Noirs de la ville, et les hommes noirs vivants dans les forêts équatoriales.
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Climax

Je n'ai pas fini de lire, rien à foutre
Je ne considère pas que c'est un chef d'oeuvre, rien à foutre non plus
Avis à tous les poivrots, les allumés, les endimanchés, en bref, nous tous qui
à un moment donné avons du mal à redescendre..
Nul besoin de revenir d'Afrique pour comprendre ce qu'il y a de profonde humanité dans la difficulté à quitter un état d'ivresse généralisé, de torpeur maladive pourtant entretenue avec soin afin que chacun puisse y succomber à nouveau comme le poison nécessaire d'idéaux plus alambiqués
(Je laisse sciemment de côté la question de la colonisation, de la misogynie.., elle suit tranquillement son cours de nos jours et à moins d'une sobriété absolue de notre part ne risque pas de devenir un jour inactuelle..)
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Pour Joseph Timar, jeune français s'installant au Gabon colonial, tout va commencer et finir par un paquebot venu de la Métropole et y retournant quelques mois plus tard, le même à l'arrivée qu'au retour. Il ira de l'espoir à la démence, d'un rêve de soleil éternel à un "coup de lune" redoutable (lire de "blues" et de folie) qui va secouer sa vie:

"L'étrave écartait doucement la soie grise de la mer"

Jeune natif de la Rochelle, il débarque à Libreville en jeune aventurier ivre d'exotisme de carte postale. Il a derrière lui, pour réussir, le poids financier d'importance de son parrain. Mais rien ne se passera comme prévu. Il va se heurter à l'Afrique et aimer Adèle.

Dans ce Gabon encore colonie française où se côtoient le blanc hautain et le noir soumis, il se heurte vite au mur de la canicule omniprésente, à la moiteur ingérable des jours et des nuits, aux crises de paludisme qu'il convient de prévenir à grands coups de quinine, de subir ou d'en mourir. Il y a aussi ce manque du pays natal qui taraude et invite sans cesse le passé dans le présent; ce microcosme blanc autarcique aux rêves effondrés, évaporés dans l'alcool fort devenu nécessité vitale.

L'Afrique va le ronger, le récurer jusqu'à l'os de ses illusions, de sa santé physique et mentale. Un "coup de Lune" va passer et l'emporter au delà de la raison. le monde sous l'Equateur offre beaucoup à l'homme blanc mais ne tient que rarement ses promesses. Simenon va décrire cette lente déchéance.

Et l'Amour, le Grand Amour, celui irrationnel et hors normes va aider Timar à plonger de l'autre côté du miroir, celui qui masque la folie qui attend patiemment sa proie.

L'encore jeune Adèle, au corps nu sous la soie de sa robe noire, tient le Central, un hôtel, en compagnie d'Eugène son compagnon, un ancien et usé coupeur de bois (ébène, acajou et autres précieuses essences exotiques). Tous deux: une ex-prostituée et un ex-maquereau en tandem. Adèle est à Libreville la chair facile et gratuite du colon blanc d'importance, elle se pose ainsi en nécessité locale et sait en tirer avantage. Mais Timar, c'est différent: c'est la jeunesse, un avenir avec lequel peut-être renouer, la promesse d'un grand amour recommencé.Elle ne tarde pas à échouer dans son lit.

Adèle va miser sur le mauvais cheval.

Eugène décède brutalement d'une complication fatale et rapide du paludisme. Adéle voit en Timar le maillon qui lui manque pour abandonner le Central, relancer une concession de bois en amont du fleuve. Un large profit sera à la clé, de quoi faire longtemps la nouba en Métropole.

Un jeune noir est retrouvé assassiné à deux pas de l'hôtel... un employé d'Adèle.

La suite appartient au roman...

Je suis un tantinet déçu par ce "coup de lune". Simenon m'a emmené en Afrique et c'est là qu'il m'a perdu. L'auteur y est si loin de ses territoires habituels. Sa patte, sa manière, sa maîtrise des phrases simples, bien que toujours présentes, ne sont pas en cause. Elles n'ont pas suffis à un décor et une ambiance suffisamment crédible. Il y a toujours eu en arrière-plan de mon imagination de lecteur ce climat continental que Simenon décrit si bien. La cohabitation des deux est difficile à différencier. J'ai de même peiné à m'intégrer à l'univers du héros, il n'est pas foncièrement détestable ou répréhensible dans ses réactions, il est à la dérive, perdu, sans amarre, au coeur d'un milieu qu'il n'assimile pas assez vite, ballotté par un amour qu'Adèle croit maîtriser à son avantage. le milieu colonial blanc n'est pas suffisamment discrédité, le problème n'est effleuré que par la bande. Simenon n'a t'il pas vraiment osé ?

Si j'ai eu l'impression d'être resté à quai du récit il n'en est pas de même de l'ultime chapitre qui raconte le voyage de retour de Timar: c'est un chef d'oeuvre de nuances, d'impressions, de non-dits. Simenon et son lecteur font corps avec le mal-être du héros. On y entrevoit la vie qui l'attend et qui ne soignera jamais les plaies que l'Afrique a laissé en lui. Superbe épilogue. Il vaut peut-être à lui seul le détour des 210 pages qui le précèdent.

On retrouve ici, avec ce "coup de lune" le thème récurent en littérature et cinéma de l'homme blanc devenu corps étranger sous une latitude qui le détruit mais dont il espère tout. J'y ai revu Montand et Vanel dans le "Salaire de la peur", Gérard Philippe et Michelle Morgan dans les "Orgueilleux".
Lien : https://laconvergenceparalle..
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Il n’y eut plus que les deux berges, la forêt qu’on frôlait parfois à un mètre. Elle était faite d’arbres pittoresques, de palétuviers dont les racines sortaient de terre et atteignaient la hauteur d’un homme, de fromagers blafards, au tronc triangulaire, qui ne portaient de feuilles qu’à l’extrême sommet. Partout des lianes, des roseaux et, partout aussi, surtout, le silence que le bourdonnement régulier du moteur découpait comme une charrue.
Enfin le soleil sombra derrière les arbres et il y eut un court crépuscule, avec un semblant de fraicheur, une lumière moins brutale rendant aux choses leur couleur. Un quart d’heure plus tard, la nuit était complète.
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[...] ... Il reconnut les rais d'ombre et de lumière, la table où l'on servait le whisky. Il était assis sur une chaise et le commissaire, debout, le regardait d'une façon particulière, qui étonna Timar au point qu'en se passant une main sur le front il balbutia :

- "Je vous demande pardon. Je ne sais pas bien ce qui m'est arrivé. Ils m'en voulaient."

Et il esquissa un sourire poli. Le commissaire ne souriait pas, continuait à l'observer avec une curiosité froide.

- "Vous voulez boire ?"

Il eût parlé de même à un nègre ou à un chien, et il ne lui servit que de l'eau, recommença à faire les cent pas dans la pièce.

Timar voulut se lever.

- "Restez !

- Qu'est-ce que nous attendons ?"

C'était encore un peu flou. Il n'en eût pas fallu beaucoup plus pour que cela fût tout à fait irréel.

- "Asseyez-vous !"

On ne se donnait pas la peine de répondre à sa question et à nouveau l'effleura l'idée d'un complot ourdi contre lui.

- "Entrez, docteur ! Vous allez bien ? Vous savez ce qui s'est passé ?"

Le commissaire désigna Timar d'un coup d'oeil. Le médecin parla à mi-voix :

- "Que va-t-on faire ?

- Il faudra bien l'arrêter. Après un tel scandale ..." ... [...]
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[...] ... - "Les Renaud, dont vous parliez tout à l'heure, qu'est-ce que c'est ?

- On ne vous l'a pas dit ? Il y a quinze ans qu'Eugène Renaud est interdit de séjour. Traite des blanches, surtout, mais, sans doute, quelques peccadilles par surcroît. Ils sont quelques uns dans le même cas à Libreville.

- Et sa femme ?

- C'est sa femme ! Tout ce qu'il y a de plus régulier. Elle était déjà avec lui à cette époque-là. Ils travaillaient surtout dans le quartier des Ternes. Videz votre verre !"

Timar le vida par trois fois, peut-être quatre. Le commissaire en fit autant et finit par être très bavard. Sans un coup de téléphone du procureur, qui l'appelait d'urgence, la conversation eût duré longtemps.

Quand Timar sortit, le soleil tombait d'aplomb, si lourd qu'après une centaine de mètres il eut peur. Sa nuque brûlait. Il ne digérait pas le whisky et il pensait à l'hématurie d'Eugène Renaud, à d'autres histoires qu'il venait d'entendre.

Il pensait surtout à Adèle qui, alors que lui-même avait sept ans, aidait déjà Renaud à racoler des filles pour l'Amérique du Sud. Elle l'avait suivie au Gabon, à une époque où il n'y avait sur la côte que des bicoques de planches ! Ils s'étaient enfoncés dans la forêt et, seuls blancs à des journées et des journées de pirogue, ils avaient entrepris de couper du bois et de lui faire descendre la rivière ! ... [...]
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C’est au cimetière que Timar fut envahi à l’improviste par une vague de dépaysement, submergé, imprégné par elle au point d’en rester tout pantelant comme s’il eut perçu le choc d’une lame de fond.
Alors, ce ne fut plus seulement l’angoisse de l’éloignement qui l’étreignit : ce fut celle de l’inutilité. Inutilité d’être ici ! Inutilité de lutter contre le soleil qui le pénétrait par tous les pores ! Inutilité de cette quinine qui lui soulevait le cœur et qu’il devait avaler chaque soir ! Inutilité de vivre et de mourir pour être enterré dans le faux cimetière…
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Les douze pagaies sortaient de l’eau avec ensemble, émiettaient dans le soleil des perles fluides, restaient un moment en suspens avant de s’abaisser tandis qu’une plainte montait de la poitrine des hommes, une plainte qui était une chanson triste, toujours la même, un rythme sourd et puissant qui allait orchestrer la journée.
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